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LeLiber floridus (Livre fleuri enlatin) est unouvrage encyclopédiquemédiéval, manuscrit et enluminé. Il a été composé parLambert de Saint-Omer (en latin :Lambertus de Sancto Audomaro),chanoine de lacathédrale Notre-Dame de Saint-Omer dans lePas-de-Calais, Nord de la France.
Le manuscrit de1120, rédigé de la main même de Lambert, a été transféré très tôt à l'abbaye Saint-Bavon de Gand, sans doute vers1136 et est maintenant conservé à la bibliothèque de l'université de Gand[1]. L'importance de ce livre se mesure notamment au fait qu'il s'en est fait des copies jusqu'à quatre siècles plus tard (voir ci-dessous).
On sait peu de chose sur Lambert, sinon qu'il était fils d'Onulphe et qu'il est mort en1120. Son manuscrit contient plusieurs références au lieu où il vivait. Ainsi, la première image est celle de saintAudomar trônant sous l'inscription « Gloriosus Pontifex Audomarus » (« Glorieux évêque Audomar ») et, à la page suivante, une illustration représentant Lambert sous la forme d'un moine en train d'écrire, assis dans une stalle à l'intérieur d'un château qu'une inscription désigne comme celui de Saint-Omer (p. 29 du PDF).
Lescriptorium de Saint-Omer existait depuis 986, à l'abbaye bénédictine deSaint-Bertin, et il s'y était développé un savoir-faire et une tradition stylistique en matière d'illustration dont on trouve l'influence dans nombre d'illustrations de cet ouvrage[2].
Le manuscrit, dont le texte est écrit en « minuscule caroline tardive »[3], contient de nombreuses corrections et ajouts en marge, avec des passages parfois découpés ou collés sur des feuillets séparés, ce qui permet de conclure qu'il s'agit très certainement d'une copie de travail[4]. Contrairement au caractère brouillon du texte, toutes les illustrations sont parfaitement achevées, prêtes à être reproduites. Par leur beauté, leur force et leur originalité, elles contribuent beaucoup à donner à cet ouvrage son caractère original et unique.
Toute une partie de la fin dumanuscrit autographe est manquante, mais elle a été très précisément préservée dans les copies qui en ont été effectuées[5].
Il s'agit certes d'un ouvrage de littérature encyclopédique, car il vise à rassembler tout le savoir disponible au début duXIIe siècle. Comme c'est la norme à cette époque, Lambert ne se soucie pas de synthétiser des domaines du savoir, mais se contente de recopier des livres ou des extraits qu'il a trouvés intéressants et qu'il juge utile de mettre à la disposition du clergé, alors principal détenteur du savoir. À la différence d'Isidore de Séville, il ne prend aucune distance critique vis-à-vis de ses sources et ne recherche pas la concision[6]. « Lambert voit l’encyclopédie comme une prairie céleste où les fleurs de la littérature s’épanouissent ensemble pour séduire les lecteurs par leur douceur[7]. »
L'encyclopédie compte 161 chapitres. L'histoire du monde et les récits historiques occupent une place de choix. Lambert reprend des sections d'ouvrages antérieurs sur l'histoire des Juifs, l'histoire romaine, la vie d'Alexandre le Grand, laChronique des rois d'Angleterre, laChronique des Francs, la chronique des tremblements de terre, la généalogie des rois de France, l'histoire ducomté de Flandre, l'histoire de lapremière croisade, etc. On y trouve aussi unechronique universelle allant jusqu'en 1119 et diverses planches illustrant lessix âges de l'humanité[8].
Il est aussi question dusystème solaire, de la Terre, des constellations, des fleuves, des villes, des pierres nobles, des plantes et des arbres, de l'arche de Noé, des lettres grecques, desnombres cardinaux et ordinaux, des signes duzodiaque, etc. Toutefois, les arts du langage —grammaire,dialectique etrhétorique— sont pratiquement absents. Rien non plus sur les réalités du monde antique : pas un mot sur le théâtre, les tavernes, les chariots ou lesoufflage du verre[9].
Ayant un goût marqué pour lemerveilleux, Lambert traite aussi des animaux sauvages et des animaux fabuleux:cynocéphale,sirène,onocentaure,satyres,dragons, etc. Il s'intéresse aussi beaucoup aux méthodes dedivination, auxprésages miraculeux et aux relations entremicrocosme etmacrocosme, toutes questions qui étaient prudemment ignorées parIsidore de Séville, encore trop près dupaganisme pour toucher à des sujets aussi dangereux[10]. Par cela, tout comme par son intérêt pour l'histoire générale et locale, Lambert est typiquement de son époque[10].
Au fil du texte, Lambert accumule les listes : saints du calendrier, noms des papes, des rois, des peuples, des poètes, des fondateurs de ville, des catégories d'anges, des arbres, des animaux, des degrés de consanguinité, etc. Tous les critiques ont souligné l'absence d'organisation cohérente, comme si l'auteur avait ajouté à son manuscrit en fonction de ses lectures et intérêts du moment, sans plan préalable.
Les illustrations contribuent pour beaucoup à l'intérêt de ce manuscrit. Doté d'un remarquable talent artistique, Lambert a recours à une illustration dès qu'il aperçoit la possibilité de traduire visuellement une information et il arrange alors les éléments textuels dans les blancs laissés par l'image[11]. Ainsi, la liste des peuples du monde est donnée à l'intérieur d'une carte de la Terre en forme de cercle et divisée en trois parties, correspondant aux continents connus à l'époque –Asie, Europe, Afrique (p. 42) – et pointant vers l'est conformément au symbolisme de larose des vents alors en vigueur. La page suivante présente un autre cercle, divisé en six parties, correspondant aux six âges de l'humanité : avant et après ledéluge, lesAssyriens, lesJuifs, les rois grecs et romains avantJésus-Christ, lesempereurs romains etmérovingiens. De nombreuses illustrations exigent que le lecteur s'investisse dans une manipulation physique, et fasse pivoter le livre pour pouvoir lire le texte inscrit dans une roue, tout en incitant à rechercher une adéquation entre le texte et l'image, qui est souventallégorique. On trouve ce même impératif de manipulation physique dans l'image du lion, d'une force remarquable, placé à l'italienne, à l'ouverture du chapitre sur lebestiaire copiée d'Isidore de Séville[11].
Une étude détaillée de l'ensemble des illustrations permet de conclure que Lambert aurait copié certaines de ses images à partir de sources multiples, ce qui expliquerait les grandes différences de style. C'est le cas notamment des figures des constellations (folios 88 à 91), probablement copiées d'un manuscrit duIXe siècle ou duXe siècle[12]. Toutefois, bien des images sont manifestement des créations originales, comme celles des arbres des vertus et des vices (folios 231 et 232), celle du seigneur avec l'agneau et lesquatre éléments (folio 88) ou encore celle du folio 253 (p. 526)[12].
Surtout, même s'il reprend des illustrations anciennes, Lambert leur donne une valeur symbolique apte à illustrer des valeurs morales : là oùRaban Maur tentait sans grand succès d'allégoriserIsidore de Séville, les artistes duXIIe siècle réussissent à créer les premières véritables illustrations chrétiennes d'un savoir encyclopédique[13]. Ainsi, Lambert représente chacune des huitBéatitudes par un arbre (cèdre du Liban,cyprès,palmier,rosier,olivier,platane,térébinthe,vigne), se montrant en ce domaine beaucoup plus systématique que ses prédécesseurs[13](images ci-joint). En proposant ces équivalences symboliques, Lambert invite le lecteur à trouver une adéquation entre deux ordres de réalité très éloignés l'un de l'autre. L'exigence de manipulation mentale qu'impose l'allégorie fait pendant aux exigences de manipulation physique.
Lambert innove aussi en traduisant visuellement des sujets qui n'avaient jamais été traités auparavant. C'est le cas des treize illustrations de scènes de l'Apocalypse tout comme de celle de l'Antéchrist assis sur le monstreLéviathan : de telles images étaient absentes des encyclopédies antérieures, qui semblent étrangement païennes en comparaison de celle-ci. L'eschatologie et la peur des fins dernières étaient effectivement devenus un élément essentiel dans la doctrine chrétienne de l'époque[13]. En cela, Lambert était un pionnier, et il inspirera le remarquableHortus deliciarum de l'abbesse alsacienneHerrade de Landsberg[13].
En tant que chanoine de la cathédrale de Saint-Omer, Lambert avait à sa disposition une bibliothèque très bien fournie, la région de Saint-Omer faisant alors partie ducomté de Flandre, dont l'économie était florissante.
Pratiquant « une compilation cumulative », il entasse des extraits qui souvent se répètent[14], se contentant parfois de recopier un extrait de quelques lignes. Il aurait ainsi puisé dans quelque 192 œuvres :Isidore de Séville,Martianus Capella,Flavius Josèphe,Orose,Bède le Vénérable,Grégoire de Tours,Raban Maur,Urbain II,Augustin d'Hippone,Damase Ier,Hildebert,Jérôme, Haimon d'Halberstadt,Amalaire etFréculf de Lisieux. Il recopie même des auteurs contemporains telsAnselme de Cantorbéry, mort en1109,Odon de Cambrai, mort en1113,Petrus Pictor etGilbert Crispin, mort en1114. Les sources ne sont mentionnées que dans un cinquième des cas[14].
Cette copie réalisée vers 1260 par unscribe professionnel est beaucoup plus soignée que l'autographe original, mais elle présente aussi de nombreuses divergences avec celui-ci en ce qui concerne l'organisation du manuscrit. Les 161 chapitres ont été redistribués et, par voie de conséquence, la numérotation de ceux-ci a disparu, ce qui rend la comparaison entre les deux manuscrits assez difficile.
Les illustrations du manuscrit autographe ont généralement été copiées avec un grand respect des originaux, mais elles ont été jugées comme « artistiquement supérieures ». Ces « copies créatives » sont particulièrement remarquables dans les manuscrits de Paris et de Wolfenbüttel qui sont « les créations les plus impressionnantes de laminiature de la fin duroman et du début dugothique[15] ». Dans un souci de pertinence, certaines cartes ont été mises à jour, telle la carte du monde (galerie ci-dessous), qui aurait été composée vers1150. Les illustrations à saveur locale, comme celles d'Audomar et de Lambert, ont été omises[16].
L'original est àGand, Ms. 92 Rijksuniversiteit. Il a été numérisé parGoogle Books dans un fichier PDF de 605 pages (Lien). Neuf copies de ce manuscrit nous sont parvenues, dont sept sont illustrées. Ce sont les suivantes :