Le Vieux Émosson est un ancienalpage deSuisse noyé depuis 1955 par les eaux dulac du Vieux Émosson créé par lebarrage du même nom. Letoponyme désigne depuis les rivages du lac[1] où se trouve notamment unsite paléontologique constitué d'empreintes de pas et derides de courant.
« Émosson » désigne l'alpage situé à l'est, plus bas dans la vallée, à environ 1 800 mètres d'altitude ; le terme proviendrait d'une agglutination de « des mossons », c'est-à-dire « desgénisses ». « Vieux » viendrait dulatinviduus, « veuf », en raison de l'isolement du site. Cetteétymologie aurait également donné le nom à laVeudale, petit sommet voisin de l'alpage. « Vieux » et « Veudale » seraient ainsi issus de la même origine, peut-être*Vidulus et*Vidala, le « (petit) veuf » et la « veuve ». Ces deux noms seraient à rattacher à la racinepan-celtiquevidu-, « arbre », « bois », mais ce cirque est singulièrement dépourvu de toutevégétation sylvestre.
Le Vieux Émosson est situé dans le sud-ouest de laSuisse et ducanton du Valais, sur lacommune deFinhaut[1]. Il se trouve dans lemassif du Giffre, dans uncirque naturel à plus de 2 200 mètres d'altitude dominé au nord par l'Œil de Bœuf (2 652 mètres) et lapointe de la Finive (2 838 mètres), à l'ouest par lapointe des Cavales (2 778 mètres), latête du Grenairon (2 734 mètres) et leCheval Blanc (2 830 mètres) et au sud par lapointe à Corbeau (2 686 mètres), lapointe de la Terrasse (2 732 mètres), l'aiguille du Charmoz (2 654 mètres) et leGrand Perron (2 673 mètres)[1]. Ces sommets sont situés sur lacrête où passe lafrontière avec la France[1]. Le cirque s'ouvre à l'est sur le site d'Émosson avec lequel il communique par la gorge du Vieux, drainée par leNant de la Drance, et la gorge de la Veudale, séparées par le petit sommet de laVeudale (2 492 mètres)[1]. Tout au sud, au pied de la pointe de la Terrasse (dont le sommet en lui-même se trouve en France), se loge lelac Vert dans une petite cuvette à 2 610 mètres d'altitude[1].
Le Vieux Émosson est situé dans le domaine structural de l’Helvétique. La moitié orientale de l'alpage[1] est située sur les socles cristallinspaléozoïques du massif desaiguilles Rouges tandis que la moitié occidentale est creusée dans les couvertures sédimentairesmésozoïques de la nappe de Morcles constituant notamment lesdents du Midi. La limite entre les deux domaines passe sous les falaises de l'Œil de Bœuf au nord, se dirige vers le sud à l'ouest du barrage et rejoint le col de Corbeau en passant par le sommet de la Veudale[1].
Le socle paléozoïque est ici composé degneiss œillés issus du métamorphisme d'un granite (orthogneiss) et contenant localement des passées demicaschistes voire d'amphibolites. En surface, les gneiss sont généralement altérés (de 2 à 10 m de profondeur voire plus) et arborent une coloration rouge, violacée ou verte. Le dernier mètre présente une allurearkosique et contient des nodules dedolomie ferrugineuse. La surface est irrégulière est présente parfois des restes depaléosol où se sont concentrés des oxydes de fer et dejaspe rouge à blanc.
Les grès quartzitiques constituant la formation du Vieux Émosson forme la majeure partie duTrias du massif des aiguilles Rouges[2],[3]. Ils reposent de manière discordante sur le soclepaléozoïque. Les grès décrivent des dépôts fluviatiles évoluant vers des séries marines vers le sommet. Bien qu’azoïque (i.e. dépourvue defossiles), la formation du Vieux Emosson a pu être daté au Trias précoce à moyen grâce à la présence d’empreintes au sud du lac du Vieux Emosson.
Les pistes d'empreintes se concentrent sur le versant suisse du col de la Terrasse à l'extrémité sud-est du cirque (46° 02′ 56″ N, 6° 53′ 04″ E[4]). La dalle inclinée de 40° a été découverte par Georges Bronner le grâce à la fonte partielle dunévé recouvrant en permanence le vallon après une période de sécheresse et de canicule[5]. Il s'agit d'un des plus grands gisements européens à affleurement naturel avec près de 800 empreintes réparties sur 350 m2. Contrairement à une idée générale, ces empreintes n’appartiennent pas à desdinosaures mais à despseudosuchiens auxquels appartiennent notamment lescrocodiles. Le site est protégé par arrêté duConseil d’État duCanton du Valais en date du[6], puis reconnu par l’Académie suisse des sciences naturelles commegéotope d’importance nationale en 1996[4],[7]. Les empreintes sont généralement accessibles entre la mi-juillet et la fin octobre mais l'érosion météorique devrait les faire disparaitre d'ici à 2020-2030. Des moulages ont été effectués et sont conservés auMuséum d'histoire naturelle de Genève.
Deux groupes d'empreintes sont initialement décrits : un groupe d'empreinte pentadactyle de typechirotherium (en) de 20 cm de longueur et attribué à l'ichnogenreIsochirotherium[note 1] ; et un groupe plus fréquent d'empreintes tridactyles affiliées aux premiersdinosaures du Trias[5],[8]. Ces empreintes permettaient aux auteurs de proposer un âgeTrias moyen àtardif. Une première révision[9] précisa les déterminations des chirotheriums (genresBrachychirolherium etIsochirotherium) et attribua les empreintes tridactyles à des dinosauresornithischiens dont la plupart étaient décrites comme de nouvelles ichnoespèces des genresParatrisauropus,Deuterosuaropodus etPachysaurichium. Ces déterminations permettaient aux auteurs de préciser l'âgeLadinien àCarnien. Néanmoins ces interprétations ont par la suite été remis en cause et toutes les empreintes sont maintenant attribuées à des chirotheriums[10],[11], des reptiles mesurant entre deux et quatre mètres de haut et pesant moins de 500 kg.
En 2020, après une décennie de déneigement important liée à des étés chauds, desempreintes de pas fossilisées de typeIsochirotherium herculis sont retrouvées sur des dalles de grès des sites paléontologiques de la Veudale près d’Emosson et d’Emaney, à 2400 m d'altitude. Elles indiquent la présence d’une ancienne voie longue de 6,4 km, quasi rectiligne, empruntée par ces animaux bipèdes il y a 240 millions d’années (Trias), avant la formation des Alpes. À l'époque où elles ont été laissées, la zone se trouvait au niveau de la mer. Les chercheurs soulignent que l’élément le plus remarquable de cette longue voie est d’être quasi rectiligne, ce qui révèle que cesarchosaures (« proto-dinosaures ») entreprenaient des déplacements au long cours quasi en ligne droite, rappelant le cheminement d’animaux actuels en activité de migration, comme les zèbres ou certaines antilopes des savanes africaines[12],[13],[14].
L'alpage est noyé par lelac du Vieux Émosson à la suite de la mise en eau dubarrage du même nom en 1955. De 2008 à 2022, la construction de la centrale hydroélectrique deNant de Drance comprend la surélévation du barrage de vingt mètres, ce qui entraîne d'autant la hausse de la côte du lac et donc une étendue ennoyée plus grande[15].