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Khawaja Nazimuddin خواجہ ناظِمُ الدّین | |
Khawaja Nazimuddin en 1948. | |
Fonctions | |
---|---|
Premier ministre du Pakistan | |
– (1 an et 6 mois) | |
Monarque | George VI Élisabeth II |
Gouverneur | Malik Ghulam Muhammad |
Prédécesseur | Liaquat Ali Khan |
Successeur | Muhammad Ali Bogra |
Gouverneur général du Pakistan | |
– (3 ans, 1 mois et 3 jours) | |
Monarque | George VI |
Premier ministre | Liaquat Ali Khan |
Prédécesseur | Muhammad Ali Jinnah |
Successeur | Malik Ghulam Muhammad |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Dacca (Raj britannique) |
Date de décès | (à 70 ans) |
Lieu de décès | Dacca (Pakistan oriental) |
Nature du décès | Assassinat |
Nationalité | Pakistanaise |
Parti politique | Ligue musulmane |
Conjoint | Shahbano Ashraf |
Diplômé de | Université de Cambridge Université musulmane d'Aligarh |
Profession | Barrister |
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Premiers ministres du Pakistan | |
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Khawaja Nazimuddin ouKhawaja Nazim-ud-Din (enbengali :খাজা নাজিমুদ্দীন ; enourdou :خواجہ ناظم الدین), né le àDacca (aujourd’hui capitale duBangladesh) et mort le dans la même ville, est unhomme d'Étatpakistanais. Il a étégouverneur général de1948 à1951 puis deuxièmePremier ministre du pays, du au.
Originaire d'une famille musulmane etourdouphone duBengale, il s'engage auprès de laLigue musulmane dans les années 1920 en soutien àMuhammad Ali Jinnah, dont il sera un fidèle proche. Sous leRaj britannique, il est maire deDacca de 1922 à 1929 avant de rejoindre le gouvernement local en tant que ministre de l'Éducation puis de l'Intérieur. Il est ensuite Premier ministre du Bengale entre 1943 et 1945 et doit faire face à unegrande famine.
Soutenant lacréation du Pakistan, il devientministre en chef duBengale oriental quand le pays est créé en 1947 avant de remplacer le père de la nation Ali Jinnah en tant que gouverneur général en 1948. Il est ensuite le second chef de gouvernement de l'histoire du pays, jusqu'à son limogeage parMalik Ghulam Muhammad. Il ne parvient pas à imposer sa politique et est marginalisé, avant de rejoindre l'opposition au régime militaire deMuhammad Ayub Khan peu avant sa mort.
Khawaja Nazimuddin est né le àDacca, ville à l'époque située dans leBengale intégré auRaj britannique et aujourd’hui capitale duBangladesh. Il est issu d'une famille aristocratique de la ville, lesNawab de Dacca[1]. Il est né de Khwaja Nizamuddin, son père, et Nawabzadi Bilkis Banu, sa mère[2]. Son grand-père Khwaja Ahsanullah était un écrivainourdou qui contribua à créer une faculté de technologie à Dacca[3]. Il est également de la famille deKhwaja Salimullah, l'un des cofondateurs de laLigue musulmane en 1906. Khawaja est âgé de onze ans quand celle-ci est fondée à Dacca, dans l'une des résidences de la famille[4].
Après des études secondaires à laDunstable Grammar School àBedfordshire enAngleterre, Khawaja Nazimuddin commence ses études supérieures à l'université musulmane d'Aligarh avant de rejoindre le collègeTrinity Hall de l'université de Cambridge auRoyaume-Uni[5],[6].
Khawaja Nazimuddin commence sa carrière politique au sein de laLigue musulmane, fondée en 1906 alors que plusieurs des membres de sa famille l'ont déjà rejointe. La formation, qui entend représenter les intérêts des musulmans dusous-continent indien, est alors particulièrement bien représentée parmi les musulmans duBengale, qui constituent les principaux précurseurs dumouvement pour le Pakistan. Après avoir terminé ses études et rejoint l'Inde, Nazimuddin est élu au conseil municipal deDacca. Il devient ensuite maire de la ville à l'occasion de sa première campagne électorale et occupe ce poste de 1922 à 1929. À cette occasion, il participe à l’implantation de l'école primaire obligatoire dans la ville et intègre le conseil exécutif de l'université de Dacca[7],[1],[8].
Il est élu en 1923 député de l'Assemblée législative du Bengale sous leRaj britannique depuis la circonscription musulmane deBarisal. Il est réélu en 1926 et 1929 et est ministre local de l'Éducation de 1929 à 1934[9]. À ce titre, il introduit en 1930 une loi pour favoriser l'éducation dans les zones rurales. Il est toutefois critiqué par des meneurs hindous qui l'accusent de communautarisme. Entre 1934 et 1937, il intègre le conseil exécutif duvice-roi des Indes, où il met en place des réformes rurales et agricoles, notamment dans le but d'améliorer la condition des paysans du Bengale[1].
En 1937, il est largement battu parAbul Kasem Fazlul Huq lors des élections locales, alors que celui-ci deviendra Premier ministre duBengale[10]. Toutefois, il retrouve rapidement son poste lors d'une élection partielle dans une circonscription libérée parHuseyn Shaheed Suhrawardy[11]. Il devient la même année ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Fazlul Huq mais démissionne le, avec les autres membres de laLigue musulmane, critiquant le Premier ministre qui est entré en conflit avec le chef de la LigueMuhammad Ali Jinnah. Les meneurs musulmans critiquaient particulièrement le fait que les revendications de la Ligue n'étaient pas prises en compte par le pouvoir britannique en échange des efforts de guerre concédés par la région[7],[12].
Alors qu'il prend la tête de l'opposition au Bengale, la coalition autour de Fazlul Huq éclate en 1943 et Khawaja Nazimuddin devient Premier ministre du Bengale le[13]. Il conserve son poste jusqu'à la dissolution de l'Assemblée le[7]. Durant son mandat, il doit surtout faire face à lafamine du Bengale de 1943-1944. Dans ce désastre qui fait au moins deux millions de morts, il est accusé de corruption et d'incompétence avec son influent ministre de l'Approvisionnement,Suhrawardy. La responsabilité des autorités britanniques est toutefois largement établie, l'approvisionnement de l'armée indienne britannique étant leur priorité dans le contexte de laSeconde Guerre mondiale[14],[15],[16].
Devenu un membre important de laLigue musulmane, il milite en faveur d'une nation pour les musulmans dusous-continent indien et entretient de bonnes relations avec Jinnah[17]. Membre du conseil exécutif de la ligue depuis 1937[9], il en devient le président pour le Bengale oriental et remporte une majorité absolue lors des élections locales en 1946. À l'approche de lapartition des Indes, Suhrawardy tente de le convaincre de militer pour unBengale unifié et indépendant tant duPakistan que de l'Inde. D'abord séduit par cette éventualité, Nazimuddin se rallie finalement au Pakistan alors qu'il avait soutenu le qu'une partition du Bengale serait fatale à son peuple[18],[19]. La période est par ailleurs marquée par la rivalité entre les deux hommes forts deDacca etCalcutta qui se partagent les plus hautes responsabilités au sein de la ligue du Bengale[20]. Après la création du Pakistan le, il retrouve son poste local en devenantministre en chef duBengale oriental, correspondant à la partie musulmane de cette région[7].
Khawaja Nazimuddin devientministre en chef duBengale oriental à la création du Pakistan, devenant le plus important Bengali du nouveau régime. Il prend ainsi l’ascendant sur Suhrawardy dont la défense répétée d'un Bengale indépendant lui a valu des accusations de trahison et l'éloigne temporairement de la vie politique de la nouvelle nation[21]. Après la mort deMuhammad Ali Jinnah le, Nazimuddin abandonne ses fonctions locales pour remplacer le père de la nation dans son poste degouverneur général du Pakistan le[22].
Nazimuddin est le deuxième à occuper ce poste et le premierBengali. Lors de ses fonctions, il négocie avec des meneurs bengalis qui militent pour faire reconnaître leur langue comme officielle au côté de l'ourdou. Il s'oppose toutefois plus tard à cette mesure. Contrairement à son prédécesseur, il ne contredit pas l'autorité duPremier ministreLiaquat Ali Khan et celui-ci poursuit la politique engagée par Jinnah. Durant cette période dudominion du Pakistan, entre 1947 et 1956, il sera ainsi le seul gouverneur général à laisser le gouvernement conduire sa propre politique, alors que ses successeurs estimeront le gouvernement responsable devant eux[23].
Le, lePremier ministreLiaquat Ali Khan est assassiné et Khawaja Nazimuddin le remplace, devenant le deuxième à occuper ce poste.Malik Ghulam Muhammad prend ensuite son poste degouverneur général. Lors de son mandat, les divisions s'accentuent au sein de laLigue musulmane, notamment entrePendjabis au Pakistan occidental etBengalis au Pakistan oriental. Nazimuddin prend alors le contrepied de sa région natale en plaidant pour que l'ourdou reste la seule langue officielle, dans un discours àDacca le. Cette mesure provoque la colère duBengale oriental qui parle très majoritairementbengali, alors que Nazimuddin est issu de l'une des rares familles de la région parlant ourdou. Cette position renforce lemouvement pour la Langue qui revendique la reconnaissance du bengali. Le, une manifestation du mouvement est violemment réprimée par la police au Bengale oriental[24],[25]. Le ministre en chef de la provinceNurul Amin est contrarié par la position du Premier ministre et y voit le résultat de la pression des politiciens de l'ouest[26].
Dans la partie occidentale, Nazimuddin fait face à la montée d'un mouvement fondamentaliste qui demande que lesahmadis soient déclarés « non-musulmans », mais le Premier ministre refuse et résiste aux pressions. Il doit alors faire face à des violences et à la multiplication des agressions contre cette minorité, ainsi qu'à une révolte menée par le parti islamisteJamaat-e-Islami. Nazimuddin choisit la répression en emprisonnant et assignant à résidence des meneurs du mouvement, y comprisSayyid Abul Ala Maududi[27] et décrète même la loi martiale àLahore. Pour le journal pakistanaisDawn, ce mouvement de protestation aurait été favorisé par le gouvernement duPendjab afin d'affaiblir l'autorité de Nazimuddin[28].
En tant que Premier ministre, Nazimuddin peine à s'imposer face aux figures pendjabies du pays et ne peut empêcher son Bengale natal de s'éloigner progressivement de la jeune nation. Il tente également de progresser vers l'adoption de la premièreConstitution du pays, sans succès[24]. À ce titre, Nazimuddin présente en à l'Assemblée constituante un projet visant à garantir une meilleure égalité entre les deux parties du pays, avec une stricte parité dans leur représentation auParlement. Il doit cependant renoncer face aux pressions de la partie occidentale[29], retirant son projet le[23].
Entrant en conflit avec les militaires sur la réduction du budget militaire, Nazimuddin est limogé le par le gouverneur généralMalik Ghulam Muhammad, qui prétexte l'incapacité du gouvernement à régler les problèmes économiques[30],[23],[24], ainsi que la détérioration sécuritaire à la suite des révoltes islamistes[28]. Il conteste la légalité de son limogeage et tente de contacter la reineÉlisabeth II, mais les militaires encerclent déjà sa résidence et les lignes téléphoniques sont coupées. La justice admet la légalité de la décision et Nazimuddin se retire de la vie politique, alors qu'il jouissait encore de forts soutiens à l'Assemblée constituante[31],[32]. Sa mise à l'écart du pouvoir s'est faite sous la pression des hommes politiques de l'ouest du pays qui contestaient sa politique pro-Bengale. Les effets sont rapides : dès 1954, laLigue musulmane est marginalisée auPakistan oriental au profit de l'opposition pro-bengalis[23].
Après le coup d’État du général de l'arméeMuhammad Ayub Khan enoctobre 1958, Nazimuddin fait un retour en politique en 1962 en dirigeant le « Conseil de la ligue musulmane », une scission qui s'oppose au nouveau pouvoir militaire et parvient à rallier de nombreux vétérans de l'ancienne ligue. Il participe ainsi à créer une opposition au pouvoir, alternative à laLigue Awami car davantage favorable à l'intégrité du Pakistan que cette dernière[33],[34].
Nazimuddin ne parvient cependant pas à poursuivre longtemps son opposition. Il meurt le d'une crise cardiaque, à l'âge de70 ans[35]. Il est enterré àDacca, auPakistan oriental qui mènera sept années plus tard uneguerre de libération pour devenir leBangladesh[24],[36]. Il repose au sein du « mausolée des trois dirigeants », auprès deAbul Kasem Fazlul Huq, mort en 1962, etHuseyn Shaheed Suhrawardy, mort en 1963. Il est considéré à l'instar de ses deux collègues comme un précurseur de la lutte pour l'indépendance du Bangladesh, et honoré à ce titre[37].
En effet, sa mise à l'écart du pouvoir est vue au Bangladesh comme la fin de l'espoir démocratique et le début de la mainmise des militaires et donc de l'affaiblissement du Bengale au profit de l'ouest du Pakistan[32],[38]. Pour le chercheur françaisChristophe Jaffrelot, son éviction du pouvoir est un tournant dans l'histoire du pays : lesMuhadjirs et lesBengalis qui dominaient laLigue musulmane à la création du Pakistan sont alors mis en difficulté par la montée de l'élite pendjabie, proche de l'armée et moins favorable à la démocratie[23]. Par ailleurs, il est parfois vu comme un homme politique de peu d'envergure et sans héritage particulier. Son opposition aubengali comme langue officielle reste un marqueur négatif auBangladesh[39]. Pour le général putschisteMuhammad Ayub Khan, l'homme « était à l'agonie lorsqu'il devait prendre une décision » selon ses mémoires[40] et le général le considérait comme un « imbécile »[41]. Pour levice-roi des IndesArchibald Wavell, Nazimuddin était un homme honnête mais incompétent[16].
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