Dessin d'un kebab turc de 1850.Kebab d'aujourd'hui àIstanbul.Kebab et sonpain pita en Allemagne.Kebab en assiette aux Pays-Bas.
Le termekebab oukébab[1], emprunté à l'arabe :کَبَاب,kabāb[2], signifie « grillade », « viande grillée » et désigne différents plats à base de viande grillée dans de nombreux pays ayant généralement fait partie des mondesottoman etperse (dont l'Inde du Nord)[3],[4],[5],[6].
Dans son utilisation francophone, comme dans d'autres langues occidentales, le terme utilisé seul désigne spécifiquement lesandwich fourré de viande grillée à la broche oudöner kebab popularisé àBerlin, enAllemagne, dans les années 1970.
Parmétonymie, « kebab » désigne également letype de restaurant qui le sert. Parmi les équivalents les plus courants du termedöner kebab, le vocablechawarma (et ses variantes) est utilisé auMoyen-Orient. Ces termes désignent soit la viande et son mode de préparation, soit lesandwich correspondant. En Grèce, c’est legyros pita, élaboré principalement à base de viande deporc.
Une légende veut que des soldats de l'Empire ottoman au Moyen Âge utilisaient leurs épées pour faire rôtir la viande.
Le kebab était autrefois rôti horizontalement avant que le kebab vertical ne soit inventé pour la première fois dans lesannées 1830 par un certain Hamdi Usta originaire deKastamonu, mais celui-ci ne connut pas un aussi grand succès et les kebabs continuaient d'être généralement rôtis à l'horizontale[9],[10],[11].
La posture verticale ne fut définitivement adoptée qu'en 1867 dans la ville deBursa par un certain Iskender avec le soutien de son père, Mehmet Efendi (« Efendi » étant un titre signifiant littéralement « maître »), qui eut indépendamment l'idée de retourner la broche verticalement, il prit également soin de dépouiller la viande de ses nerfs et de découper la broche de chaque côté pour que chacun puisse manger la viande de parts égales[8],[12],[13]. C'est ainsi que fut inventé ledoner kebab, plus précisément la variété appelée l'iskender kebap, même si des doner sous forme de sandwich ne tarderont pas à être vendu dans le même siècle[8].
Le premier magasin avait été ouvert peu auparavant la même année à côté de la mosquée Kahyan, l'endroit original resta en activité pendant plus de cent ans jusqu'auxannées 1960 ; en raison des lois de l'époque, de la maçonnerie enbriques crues et de l'ancienne structure exposant le premier magasin d'İskender à des problèmes de licence et de classification, un nouveau restaurant toujours en activité a été ouvert environ 100 mètres plus loin[12].
Le kebab est popularisé àIstanbul en 1945 parBeyti Güler(en), dans le quartier deBakırköy, où il fonda le restaurant Beyti[14]. Ledöner kebab commence à être commercialisé à Istanbul sous forme de sandwich dans les années 1960[15].
Il faut attendre le début des années 1970 pour voir le sandwich introduit enAllemagne (àBerlin) principalement grâce à des hommes commeMehmet Aygün(de) etKadir Nurman. Cependant, le kebab a très probablement été introduit pour la première fois dans le pays par Nevzat Salim et son père, originaires deBursa, en 1969 (soit quelques années auparavant) dans la ville deReutlingen[16].
Ledöner kebab fut parallèlement importé àAthènes dans les années 1950 par des immigrés venant duMoyen-Orient et des Grecs deTurquie s'inspirant des traditions culinaires turques, une variété grecque distincte se développa rapidement, la viande étant remplacée par duporc et le kebab servi avec dutzatzíki[17].
Le nom utilisé était ντονέρ (basé sur le termedöner), et ce, jusqu'auxannées 1970 où il fut remplacé par le nomgyros (γύρος), signifiant « rond[18],[19] ».
Sources écrites
La plus ancienne mention écrite connue du kebab a été rapportée dansKyssa-i Yusuf (l'histoire de Joseph), textes d'origine turque datant de la seconde moitié duXIVe siècle (1377)[20],[21].
Voici ce que rapporta le voyageur bourguignonBertrandon de la Broquière, lors de son voyage, en 1431 :« Me firent les Turcs mengier cha[i]r rostie, ce soir, qui n'estoit point cuitte à moittié à beaucop, et la trenchions en rostissant en la broche[22],[3] ».
Dans son journal le, le maréchalprussienHelmuth von Moltke, qui était alors nommé depuis peu instructeur des troupes ottomanes sur l'invitation du ministre ottoman de la guerre, Hüsrev M. Pacha, écrit :« Nous avons pris notre repas turc de midi au kebapçı (kebabier). […] Puis on nous a servis sur une assiette en bois de petits morceaux de mouton frits à la broche et enveloppés dans de la pâte à pain, c'était un plat très savoureux[23]. »
Un guide collectif de voyage enOrient paru en 1909 décrit lechiche-kebab et ledöner kebab dans une de ses pages :
« Le rôti se compose ordinairement de mouton et de poulet. La viande de mouton est fréquemment préparée aussi en petits morceaux carrés, alternativement gras et maigre, enfilée sur des brochettes et grillée au petit feu ; cette grillade appelée Chiche Kébape, est servie assaisonnée de sel et de poivre, avec beaucoup de jus de viande, sur du pitta coupé en petits morceaux, sur lesquels on y ajoute du yaourt[24]. »
« Donner Kébape […] un mets très apprécié, composé de viande de mouton rôtie à la broche que l'on découpe en toutes petites tranches, au fur et à mesure qu'elle est bien cuite[24]. »
Préparation
EnEurope, le kebab est généralement un sandwich ou une galette composé de viande grillée à la broche et découpée en fines tranches, servi dans du pain avec des crudités, éventuellement des frites et une sauce.
Le type de grillade utilisé pour les sandwichs est appelé en turc« döner kebap » ou plus brièvement« döner », terme signifiant littéralement « grillade tournante[3] ».
La viande est découpée en tranches de quelques millimètres d’épaisseur et est empilée sur une broche verticale. Un système derésistance électrique ou de brûleurs augaz situé en arrière de la tour de viande permet de la faire cuire. Une fois cuite, la viande est découpée verticalement en fines tranches.
Divers types de viande peuvent être utilisés selon les coutumes de chaque pays : mouton, bœuf, veau, dinde, poulet, porc[3],[25],[26].
Ledöner kebab est servi dans un pain rond turc, un pain entier ou un demi-pain dans le cas du kebab « classique », mais l’est souvent aussi dans undürüm ou unpita, voire dans une baguette. Il est notamment garni desalade verte, de tomates et d'oignon, bien que d'autres crudités puissent s'y ajouter. Plusieurssauces peuvent l'accompagner. L'une des plus courantes est la sauce blanche ou une sorte de sauce au sésame (tahina) plus ou moins épicée. On trouve aussi lasauce samouraï, lasauce cocktail, lasauce mayonnaise, laharissa, letzatzíki, leketchup, lamoutarde, lasauce barbecue ou lasauce andalouse. Chaque sauce peut être relevée par l'ajout depul biber, du piment rouge en flocons.
En Europe, une recherche scientifique suspecte un lien possible entre du phosphore contenu dans les kebabs et desmaladies cardiovasculaires. Les députés européens de la commission de la santé veulent interdire l'utilisation des phosphates dans la viande de kebab, utilisés comme additifs alimentaires, pour la conservation de la viande[27]. BFMTV rappelle qu'une étude américaine, publiée en 2013, soulève le lien entre les régimes alimentaires riches en phosphore et l'augmentation de la mortalité aux États-Unis[28]. Le parlement européen a voté le 12 décembre 2017[29] un véto à l'utilisation des phosphates dans la viande de kebab, mais à une majorité trop courte de trois voix pour que le texte soit adopté. Ce veto était à l'initiative notamment de groupes écologiste (Les Verts) et socialiste (S&D) du parlement européen[30],[31].
Autres appellations
En fonction du lieu géographique et de l'historique de leur installation, les mots désignant le même type de sandwich varient[3].
Enrégion parisienne, le kebab est souvent appelé familièrement « sandwich grec », voire « grec[32] ». Cette appellation erronée— et pratiquement inconnue dans les autres régions deFrance —[réf. nécessaire] trouve son origine dans l'apparition, dans les années 1980, de vendeursgrecs degyros (spécialité grecque très proche du kebab mais à base de pain pita), dans le5e arrondissement de Paris (Quartier latin,rue de la Huchette,rue Mouffetard), qui furent les premiers à commercialiser ce type de sandwichs à destination de la population à la fois étudiante et touristique propre à cet arrondissement[3].
Par la suite, lorsque les kebabs germano-turcs proprement dits firent leur apparition dans toute larégion parisienne dans les années 1990, majoritairement tenus par desMaghrébins, le terme « grec » subsista dans le langage courant, y compris parmi les restaurateurs eux-mêmes, qui n'hésitent pas à mentionner « grec » sur leurs menus[33].
Le motarabe pour cette préparation estchaouarmaشَاوَرْمَا provenant duturcçevirme, « mouvement tournant[3] ». Il n'est pas rare de trouver aussishawarma,shwarma,shawerma oushoarma (à ne pas confondre avecshorma,qorma etkorma, des recettes pakistanaises à la volaille).
Au Mexique, ce mode de cuisson est appeléal pastor[3],[34], littéralement « du berger », c'est-à-dire « à la pastorale », et provient de Mexicains d'origine libanaise. La cuisson est adaptée à la viande locale, c'est-à-dire à la viande deporc.
En Grèce, on parle degyros pita (« pain »), dekebap (mot turc) ou degyros (« tournant »).
On parle également desufllaqe enAlbanie, dedonair dans certaines régions duCanada ainsi que deshaurma ou dedanar enRussie[3].
Enfin, en Turquie on parle dekebap (« rôti »), dedöner (« tournant ») ou dedöner kebap (« rôti tournant »).
Aspects sociologiques
Les restaurants proposant des kebabs à emporter sont devenus communs dans beaucoup de régions européennes. Ils se sont principalement répandus à partir des années 1990, d’abord dans les grandes villes à forte composante immigrée et puis petit à petit ailleurs. EnFrance, enSuisse, auRoyaume-Uni, enBelgique ou encore auxPays-Bas, une importante part des restaurants rapides sont désormais des kebabs[réf. souhaitée]. Depuis la fin des années 2000, on note une forte augmentation de ce type de restauration en Asie[35], notamment au Japon[36].
Ils font partie intégrante de lacuisine de rue et de la culture nocturne : il est courant chez les jeunes d’aller manger un kebab au cours d’une soirée en ville pour des raisons de coût et d'ouverture tardive[37].
EnFrance, le kebab a également longtemps fait partie de la culture debanlieue dans les années 1990 et 2000. Ce sandwich bon marché et préparé à base de viandehalal rencontra en effet une grande popularité auprès des jeunes issus des quartiers populaires, souvent d'origine étrangère (notammentmaghrébine,turque etsubsaharienne) et de confession musulmane. Ainsi, de nombreuxrappeurs français ont fait référence au sandwich (souvent en utilisant le terme « grec ») dans leurs morceaux, commeBooba (« Je représente la banlieue comme un grec-frites »,Le Duc de Boulogne, 2006 etSalade tomates oignons),La Fouine (« On restait au square à se partager à vingt un grec-frites »,Mes Repères, 2009),Mafia K'1 Fry (« Pour ceux qui ont pas lâché le break ou le grec »,Pour ceux, 2003),Sinik (« La mode à l'époque c'était le grec et le riz parfumé »,Rue des Bergères, 2007) ou encoreRohff (« Lève ton YZ et ton grec, nigga »,94 Mentale, 2007). Le commerce du kebab est ainsi un enjeu politique, l'extrême droite le considérant comme un symbole de la présence des musulmans en France[38].
À partir des années 2010, le sandwich se démocratise largement à toutes les classes sociales et devient l'un des sandwiches les plus consommés par les Français, notamment chez les jeunes et les étudiants. Un certain nombre de restaurants kebabs « haut de gamme » voient également le jour (processus degentrification[3]), proposant des sandwiches sensiblement plus chers que les kebabs « classiques » et préparés à base d'ingrédients de qualité, parfois issus de l'agriculture biologique. Ces kebabs, souvent situés dans les quartiers branchés des grandes villes, sont à destination d'une clientèle plutôt urbaine et plus aisée[réf. souhaitée]. En banlieue et parmi les adolescents, le kebab devient moins populaire et se retrouve fortement concurrencé par letacos français[39].
Les magasins de kebab dépassent enAllemagne en 2007 lesMcDonald's etBurger King pris séparément[40]. Selon certaines études, on mange en Allemagne quatre fois plus de kebabs que dehamburgers[41]. EnFrance, les kebabs constituent 14 % dessandwiches vendus, soit la moitié des sandwiches hors« sandwich baguette[42] », soit, selon les sources, 280[41] ou 300 millions de sandwiches vendus chaque année[42]. La France compte plus de dix mille points de vente de kebabs[41]. Le kebab s'est également développé auxÉtats-Unis, où il est considéré comme une spécialité allemande[41].
Ces restaurants constituent une forme à succès d’entrepreneuriat ethnique. Chez les populations arabes et turques implantées en Europe, cet entrepreneuriat s’est développé notamment en réponse à la chute dramatique au cours des années 1980 des emplois industriels pour lesquels elles avaient préalablement migré[41].
De plus en plus, le kebab cherche à gagner ses lettres de noblesse et de grands chefs essaient d'en proposer une version « de qualité » avec des produits bien choisis ou d'origine biologique (pain maison, viande de boucher, sauce maison, etc.)[45]. Comme déjà constaté à New York, certains observateurs font la prédiction que le kebab va de plus en plus monter en gamme, à l'instar du hamburger il y a quelques années[46].
Adana kebap : à base de viande hachée de mouton avec piment, collée autour d'une brochette plate épaisse ;
Alanya kebap : morceaux de mouton, de pain et de tomates avec une sauce piquante ;
İskender kebap : viande cuite sur une broche verticale, servie avec pain, sauce tomate, yaourt, riz ;
Chiche-kebab (şiş kebap, duturcşiş :broche) : à base de viande de mouton sur une brochette. AuxÉtats-Unis, l'appellationkebab désigne généralement cette variété ;
Dürüm kebap ou libanais : le pain est remplacé par une galette roulée sur elle-même.
Non-conformité aux règles d'hygiène
En 2007, une étude de laDirection générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en France a mis au jourde nombreux cas[évasif] de négligence sur l'hygiène en restauration rapide, jugée « non conforme », notamment dans 61,5 % des restaurants orientaux qui vendent des kebabs[48],[49]. À titre de comparaison, cette même étude, qui portait sur 1 133 points de vente de sandwichs, a jugé non conformes seulement 34,5 % des sandwicheries traditionnelles et 46,9 % des boulangeries[49].
↑Antonia-Leda Matalas et Mary Yannakoulia,Greek Street Food Vending: An Old Habit Turned New in A. P. Simopoulos et R. V. Bhat (éds.),Street Foods, 2000lire en ligne.
↑Aglaia Kremezi et Anissa Helou,What's in the Name of a Dish? The Words Mean What the People of the Mediterranean Want Them to Mean, in R. Hosking (éd.),Food and Language: Proceedings of the Oxford Symposium on Food and Cooking 2009lire en ligne
↑a etbGuide horaire général international illustré pour le voyageur en Orient : Description de Constantinople et des plus importantes villes de la Turquie, de l’Égypte et de la Grèce avec leurs principaux monuments, Cervati et Cie,,p. 188.
↑« Le kebab est-il un plaisir avouable ? »,Sciences et Avenir,(lire en ligne, consulté le).