Juliette Gréco est née en 1927 àMontpellier d'un père d'originecorse, le commissaire de lapolice des jeux sur laCôte d'Azur[2] Gérard Gréco, et d'une mère issue d'une famillebordelaise, Juliette Lafeychine (1899-1978)[3]. Ses parents s'étant séparés, elle est élevée, avec sa sœur aînée, Charlotte (1924-2021), àBordeaux, par leurs grands-parents maternels, qui meurent tous deux en1933. Leur mère les rejoint alors et les emmène toutes les deux àParis. Passionnée de danse, Juliette estpetit rat à l'Opéra Garnier, en1939.
La deuxième guerre mondiale ayant éclaté en 1940, la famille retourne dans le sud-ouest de la France, enDordogne. Les filles sont scolarisées chez les « Dames noires », l'Institut Royal d'éducation Sainte Jeanne d'Arc àMontauban[4]. C'est là que leur mère, opposée aumaréchal Pétain, se rallie augénéral De Gaulle et participe à une filière d'évasion vers l'Espagne etGibraltar viaBordeaux[5]. Elle est arrêtée en1943. Les deux sœurs s'enfuient par le premier train pour Paris mais sont suivies par un des agents de laGestapo dePérigueux[5].
Elles sont brutalement capturées cinq jours plus tard, devant le caféPampam,place de la Madeleine, et emmenées au siège de laGestapo, 80,avenue Foch. Charlotte esttorturée, et Juliette est violemment battue — mais après avoir réussi, en se rendant aux toilettes, à jeter les documents compromettants[5] que sa sœur, agent de liaison, transportait pour laRésistance[6]. Elles sont emprisonnées à lamaison d'arrêt de Fresnes.
En raison de son jeune âge, Juliette elle, est libérée. Après avoir récupéré ses affaires au siège de laGestapo française dans le16e arrondissement de Paris, elle se retrouve seule et sans ressources« sur l'avenue la plus belle du monde, l'avenue Foch », avec un ticket de métro en poche[7]. Elle se rend alors chez la seule personne de sa connaissance résidant dans la capitale,Hélène Duc, qui a été, avant la guerre, son professeur de français. Elle sait que cette amie de sa mère habite près de l'église Saint-Sulpice, 20,rue Servandoni[Note 2]. L'adolescente y est logée et prise en charge. Elle s'habille des vêtements des garçons de la maison, les seuls disponibles, et d'une paire de chaussures donnée par une amie d'Hélène Duc, l’actriceAlice Sapritch[5]. Elle invente là le « style Saint-Germain »[5].
En 1950, elle pose pour leStudio Harcourt, cheveux longs et frange.
Juliette noue des relations amicales avec de jeunes artistes (elle vit un temps avec le peintreBernard Quentin au 7,rue Servandoni) et intellectuels du quartier de Saint-Germain-des-Prés, dontAnne-Marie Cazalis etBoris Vian. Jean-Paul Sartre lui permet de s'installer à l'hôtel La Louisiane[9] où il réside. Elle occupe la chambre 10, la seule qui ait une baignoire avec de l'eau chaude.
En1949, disposant d'un riche répertoire (deJean-Paul Sartre à Boris Vian...), Juliette Gréco participe à la réouverture du cabaretLe Bœuf sur le toit. Elle rencontre cette année-là le trompettiste américainMiles Davis, dont elle tombe amoureuse[10]. Il hésite à l'épouser. Les unions entre Noirs et Blancs sont alors illégales dans de nombreuxÉtats américains). Finalement,lui ne voulant pas lui imposer une vie auxÉtats-Unis en tant qu'épouse d'unNoir américain, et elle ne voulant pas abandonner sa carrière en France, ils renoncent au mariage et Miles retourne àNew York à la fin mai[11].
En 1956
En1951, elle reçoit le prix de laSACEM pourJe hais les dimanches. En1952, elle part en tournée auBrésil et aux États-Unis dans la revueApril in Paris. En1954, elle chante à l'Olympia. En mai 1958, son amiBoris Vian devient son directeur artistique (labelFontana, filiale dePhilips) et demande àAndré Popp de composer pour elleMusique mécanique (auteur :Boris Vian),La Complainte du téléphone (auteur :François Billetdoux) etDe Pantin à Pékin (auteur :Pierre Delanoë).
Mel Ferrer, qu'elle a rencontré sur le tournage d’Elena et les Hommes deJean Renoir (1956) et est devenu un de ses« grands copains »[12], lui téléphone depuisMexico où va se tourner son prochain film, car il pense qu'elle conviendrait« à son producteur qui cherche une Française pour un "petit mais très intéressant rôle" dansLe soleil se lève aussi dirigé parHenry King »[12].
C'est ainsi qu'elle fait la connaissance deDarryl F. Zanuck, avec qui elle entame une relation amoureuse[Note 3]. Elle tourne dans quelques-unes de ses productions, notammentLes Racines du ciel (John Huston,1958) etDrame dans un miroir (Richard Fleischer,1960), films dans lesquels elle partage l'affiche avecOrson Welles. Mais sa relation avec Zanuck est houleuse car celui-ci,dixit Juliette Gréco,« possessif et passionné. […] a vécu avec moi une aventure exotique, mais finalement douloureuse, malheureusement »[13]. En même temps que s'achève sa relation avec Darryl Zanuck, c'est avec lefilm d'aventureLe Grand Risque (Richard Fleischer,1961) que s'achève sa carrière « hollywoodienne », sans qu'elle n’ait jamais mis les pieds dans les studios américains de la20th Century Fox[Note 4].
En 1962, elle fait partie des premiers actionnaires deMinute. À cette époque le journal, fondé parJean-François Devay, médaillé de la Résistance, « est alors plutôt tourné vers l’actualité « people ». [...] Et s’inscrit également dans la lignée des journaux satiriques » du moment. Il compte parmi ses premiers actionnaires des personnalités commeFrançoise Sagan,Eddie Barclay,Fernand Raynaud,Alain Griotteray ou encoreMarcel Dassault[15].
Elle enregistre enavril 1969 un titre deDidier Rimaud à la demande de son amiFrançois Rauber,Faudrait aller plus loin, chanson intégrée à l'albumDifficile amour de Bernard Geoffroy[Note 5].
En 1972, aux côtés du chanteurClaudio Villa en marge d'un concert donné au profit de l'Unicef à Turin.
Au début desannées 1970, Juliette Gréco effectue de nombreuses tournées à l'étranger (notamment enItalie, enAllemagne, auCanada et auJapon), alors qu'en France, son succès semble marquer le pas. En effet, en1972, elle quitte les productionsPhilips, chez qui elle enregistrait depuis plus de vingt ans, pour les productionsBarclay et, sous ce label, sort deux albums :Juliette Gréco chanteMaurice Fanon (1972) etJe vous attends (1974), opus essentiellement écrit parHenri Gougaud, exception faite deTa Jalousie deJean-Loup Dabadie et de la reprise deL'Enfance, chanson deJacques Brel (extraite de son film de1973,Le Far West). Parallèlement,Gérard Jouannest, son pianiste et accompagnateur depuis1968, qu'elle épouse vingt ans plus tard, devient son compositeur attitré.
Nouveau changement de maison de disque en1975. Elle quitte Barclay pour faire graver ses deux albums suivants chezRCA Victor :Vivre en1975, etGréco chante Jacques Brel, Henri Gougaud, Pierre Seghers en1977. Pour ces deux albums, elle reprend sa plume de parolière (exercice auquel elle s'est déjà essayée en1969) pour écrire successivement :Fleur d'orange,Le Mal du temps etL'Enfant (1975),Pays de déraison etL'amour trompe la mort (1977). Sa carrière de parolière s'achève avec ces cinq titres[Note 6].
Entre1982 et1983, elle semble faire un bilan de sa carrière, car consécutivement à la parution de ses mémoires (Jujube,Stock,), Juliette Gréco établit sous la direction artistique deGérard Meys son anthologie discographique telle qu'elle la conçoit à ce moment-là.François Rauber réalise les arrangements et dirige l'orchestre tandis que Gérard Jouannest est au piano. Cette anthologie est commercialisée en trois volumes séparés chez lesdisques Meys (voirdiscographie).
Toujours chez les disques Meys, Gréco enregistre un nouvel album,Gréco 83 où, encore une fois, de nouveaux auteurs venus d'horizons divers lui écrivent du sur-mesure, dontLes Années d'autrefois, du journaliste Richard Cannavo, qui devient un titre incontournable de ses tours de chant. Parmi les autres auteurs figurent ledessinateur humoristiqueGébé (Bleu sans cocaïne), l'auteur-compositeur-interprèteAllain Leprest (Le Pull-over, musique deJean Ferrat) et leparolierClaude Lemesle (Y a que les hommes pour s'épouser).
En octobre de la même année, un nouvelOlympia précède une tournée.
Après une absence discographique de quatre ans, elle enregistre, en1998, pour les disques Meys un album écrit parJean-Claude Carrière. Son récital authéâtre de l'Odéon à Paris en est enregistré.
En 2006, elle part pourNew York enregistrer un album avec des musiciens dejazz qui paraît en France sous le titreLe Temps d'une chanson. Elle le chante sur la scène duthéâtre du Châtelet à Paris seulement accompagnée d'un piano et d'un accordéon.
Le, lesVictoires de la musique la couronnent d'une « Victoire d'honneur » pour toute sa carrière. Pour la première fois, le, elle donne un concert à lasalle Pleyel accompagnée d'une formation réduite.
En, elle enregistre en duo la chansonRoméo et Juliette avecAbd Al Malik (albumDante). Fin 2008, début 2009, elle prépare un nouvel album réalisé à partir de textes d'Olivia Ruiz et d'Abd Al Malik.Je me souviens de tout marque également sa rencontre — enfin — avecBrigitte Fontaine.
Le, elle donne le récital de clôture du festival deValence sur la scène duparc Jouvet, accompagnée par son pianisteGérard Jouannest et un accordéoniste. Des centaines de spectateurs l'applaudissent et lui offrent une longue ovation debout.
Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination pour l'éducation à la non-violence et à la paix.
En février2012, elle est pour trois soirs sur la scène duthéâtre du Châtelet de Paris. Le, à l'occasion de son85e anniversaire, elle est la vedette de la soirée surArte qui diffuseJuliette Gréco, l'insoumise, le film documentaire d'Yves Riou et Philippe Pouchain (projeté au « Rendez-vous with French Cinéma » à New-York) suivi de son concert de2004 à l'Olympia ; pour les téléspectateurs allemands, les chansons de son concert ont été sous-titrées par des textes allemands dus à la plume de Didier Caesar (Dieter Kaiser, Stuttgart). Le, Juliette Gréco reçoit des mains du maireBertrand Delanoë la Grande médaille de vermeil de laVille de Paris. Bertrand Delanoë déclare :« Il était temps que sa ville lui dise merci. Juliette Gréco, c'est la Parisienne. La Parisienne d’aujourd’hui et la Parisienne qui incarne le temps de Paris qui ne passe jamais ». La chanteuse, qui a souvent représenté la France et Paris à l'étranger, répond :« Je ne suis pas née à Paris, j'ai vu le jour à Montpellier. Mais j'ai été mise au monde ici[20],[21]. ». EnAllemagne, le, elle monte de nouveau sur la scène duTheaterhaus Stuttgart(de) pour un concert donné à guichets fermés, accompagnée par son pianiste et mariGérard Jouannest, devant un public ravi qui, pour la remercier, se lève pour l'applaudir. Dans sa loge elle accueille le traducteur et interprète de chansons françaises Dieter Kaiser, chanteur lui-même de chansons et auteur-compositeur allemand sous le nom de scène Didier Caesar. Le, elle est faite « citoyenne d’honneur de la Ville de Montpellier » et inaugure la plaque apposée sur la façade de la maison située au 2, rue Doria (quartier des Arceaux) où elle est née le au matin. Elle y a vécu jusqu’à l’âge de trois ans avant d’aller habiter chez sa grand-mère maternelle domiciliée dans le Bordelais[22].
Le, Juliette Gréco, victime d'un malaise après quarante-cinq minutes, n'a pas pu finir son concert sur la scène de l'espace Montgolfier àDavézieux, près d'Annonay (sourceLe Dauphiné/Ardèche). Le sort, chez Deutsche Grammophon/Universal Music, l'albumJuliette Gréco chante Brel, réunissant douze chansons deJacques Brel arrangées par le pianisteBruno Fontaine et par le mari de la chanteuse, Gérard Jouannest[23]. Deux récitals de la chanteuse sont annoncés pour les 16 et à l'Olympia[23].
Début 2015, elle annonce une ultime tournée qui débutera fin :« J'ai 88 ans, et je n'ai pas envie de monter sur scène en boitant. C'est une question de courtoisie, de dignité. [...] Je veux partir debout. Je ne voudrais pas faire pitié. J'ai horreur de ça », déclare-t-elle durant une interview avecLe Parisien. Le, elle commence sa tournée d’adieu intitulée « Merci » qui dure un an[24]. À la première date de sa tournée, le auPrintemps de Bourges, elle est obligée d’écourter son récital, victime d’un coup de chaleur. Elle est de nouveau victime d'un coup de chaleur à la première date de sa tournée auCanada àTadoussac le et ne peut terminer son tour de chant. En, sortL'Essentielle, une anthologie de ses chansons en 13 CD ainsi qu'une compilation intituléeMerci ! incluant la chanson inéditeMerci, écrite parChristophe Miossec et composée par Gérard Jouannest.
Sa tournée d'adieux « Merci », comprenant plusieurs dizaines de dates, a lieu en avant-première le à Athènes (Grèce), mais commence officiellement le auPrintemps de Bourges. Juliette Gréco chante ensuite àTel Aviv au début, puis au Canada àTadoussac, Montréal,Sherbrooke etToronto en, en Italie à Milan etSpolète puis en Belgique à Anvers en, à la Fête de l'Humanité, au festival de la voix au Pays de Dieulefit ainsi qu'à Amsterdam en, en Allemagne (Berlin, Francfort, Hambourg, Stuttgart) puis une partie de la France (Tours, Limoges,Lons-le-Saunier et Caen) en octobre et. En, elle fait quelques grandes salles parisiennes (Châtelet,théâtre des Champs-Élysées et La Cigale). Le, elle donne un concert exceptionnel dans lemusée du Louvre devant la sculpture de laVictoire de Samothrace puis un autre le, jour de ses89 ans, authéâtre de la Ville de Paris qu'elle avait inauguré en 1968. De la fin février à la mi-, elle continue sa tournée en province française, elle chante àAbbeville,Châtel-Guyon, Nîmes,Sérignan,Saint-Estève. Le, elle est victime d'unAVC dans un hôtel du centre-ville de Lyon où elle faisait étape en vue d'un concert àSausheim prévu le lendemain. Quelque temps après cet AVC, son entourage indique qu'elle a « bien récupéré » et « retrouvé toutes ses facultés physiques et intellectuelles ». Pourtant, début avril, son producteur annonce qu'elle entame une convalescence et qu'elle devra reporter à l'automne 2016 la plupart des concerts prévus au printemps : Sausheim,Maisons-Alfort,Chenôve, Langres, auCasino de Paris ainsi qu'àCardiff, auBarbican Centre deLondres et auBunkamura Hall deTokyo. Au fil des mois, elle annule graduellement l'intégralité des dates restantes de sa tournée. Son dernier concert restera donc celui du au Théâtre de l'Étang àSaint-Estève, dans lesPyrénées-Orientales.
Dans le magazineTélérama du, elle se confie sur sa vie depuis son accident cérébral et son retrait de la scène, révélant notamment au public la mort de sa fille Laurence à l'âge de62 ans en 2016[25].
Tout au long de ses près de soixante-dix ans de carrière, depuis sa première tournée au Brésil en 1950 jusqu'à la fin de sa carrière en 2016, Juliette Gréco s'est produite sur les scènes des plus grands opéras ou théâtre d'Europe (Espagne, Portugal, Italie, Belgique, Suisse, Pays-Bas, Grande-Bretagne...). Après laSeconde Guerre mondiale, elle est d’ailleurs la première chanteuse française à se produire en Allemagne (notamment à la Philharmonie de Berlin où elle retourne régulièrement, de la seconde moitié des années 1960 jusqu’aux années 2000). Dès les années 1950, Juliette Gréco s’installe définitivement parmi les rares artistes français capables de remplir des salles dans le monde entier, tout en s'entourant généralement de musiciens français et en leur donnant des opportunités de carrières internationales (ex. :Joss Baselli[28],Léo Petit,Richard Galliano, Gérard GesinaJean-Marc Lajudie[29]). À titre d'exemple, on compte plus d'une trentaine de tournées au Japon depuis 1961, de multiples concerts aux États-Unis, en Amérique du Sud, au Canada, en Israël… Au Chili, l’un de ses récitals fait date : conviée à chanter devant un parterre de militaires, la chanteuse interprète ce soir-là un programme constitué en majeure partie de chansons antimilitaristes :« Je suis sortie de scène dans un silence de mort ; le plus beau bide de ma carrière »[réf. nécessaire].
À 19 ans, elle rencontre le champion automobileJean-Pierre Wimille[30], qui devient son premier amour, bien qu'il ait le double de son âge et soit marié. Leur relation prend fin tragiquement avec la mort accidentelle du champion pendant une course en.
Au printemps 1949, à 22 ans, elle rencontre le trompettiste de jazz américainMiles Davis alors qu'elle se produit sur la scène du cabaretLe Bœuf sur le toit. Miles Davis, alors âgé de 23 ans, est de passage à Paris. Michèle Vian, l'épouse deBoris Vian, les présente l'un à l'autre. Leur coup de foudre est réciproque. La ségrégation raciale sévissant outre-Atlantique à cette époque les empêche d'envisager un avenir commun sur le sol américain.Miles Davis rentre seul aux États-Unis[31]. Juliette Gréco confiera plus tard entendre la liberté dans sa musique, si précieuse dans le contexte de l'après-guerre. Ils se reverront par la suite aux États-Unis et en France, peu de temps avant la mort du musicien[32].
En 1953, elle se marie avec le comédienPhilippe Lemaire[3] (1927-2004). Ils ont une fille, Laurence-Marie Lemaire, scripte de cinéma, morte d'un cancer du vivant de sa mère (1954-2016)[33],[34]. Ils se séparent en 1956. Juliette consacre deux chansons à sa fille en 1970, l'année de ses16 ans[35].
En 1957, elle rencontre le producteur américainDarryl F. Zanuck qui la courtise activement[Note 9]. Il a finalement une idylle avec elle et voudrait en faire une vedette hollywoodienne. Elle tourne sur ses conseils dans plusieurs films, mais l’histoire d’amour entre « la muse de l’existentialisme » et le prestigieux producteur américain prend fin l'année suivante« Tout s’est déglingué, je suis un animal totalement sauvage. Il ne faut pas chercher à m’enfermer même dans une cage dorée[36]. »
Au studios de cinéma Cinetone d'Amsterdam, en 1962
Juliette Gréco s'applique à interpréter et révéler de nouveaux auteurs et compositeurs, démarche artistique qui semble l'enthousiasmer davantage que d'écrire elle-même ses chansons, déclarant « Je suis là pour servir, je suis interprète. »
« Dans tout ce que je chante et dans ma vie, je suis là quelque part. […] Les mots, c'est très grave, pour moi. […] Je ne peux pas mettre dans ma bouche des mots qui ne me plaisent pas. […] Je suis là pour servir. Il y a une belle phrase dans la Bible, qui dit : « Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. » Et moi, mes Seigneurs, ce sont les écrivains et les musiciens. Je suis là pour servir, je suis interprète[41]. […] La chanson est un art particulier, extrêmement difficile (quand c'est bien), contrairement à ce qu'on peut croire. Il faut écrire une pièce de théâtre ou un roman en 2 minutes ½ / 3 minutes et c'est un exercice extraordinaire. C'est grave, une chanson. Ça va dans les oreilles de tout le monde, ça se promène dans la rue, ça traverse la mer, c'est important une chanson, ça accompagne votre vie… […] Les poètes, les musiciens, ils ont besoin d'interprètes. Ils ne sont pas toujours les meilleurs interprètes de leurs œuvres, ce n'est pas vrai[Note 10]. Quelquefois, nous, interprètes, nous trouvons des choses qu'ils n'ont pas entendues, d'eux-mêmes… »
1965 :Belphégor ou le Fantôme du Louvre, feuilleton télévisé deClaude Barma : Laurence/Stéphanie — À la suite du succès de ce feuilleton, dans lequel elle ne chante pas, Gréco enregistre postérieurement la chansonBelphégor (le compositeurPhilippe-Gérard s'inspire de la musique composée parAntoine Duhamel pour le feuilleton).
Joseph Kosma :« Vous avez changé le visage de la chanson parce que votre choix est toujours la poésie. La chanson n'est pas toujours poétique et puis vous avez vraiment fait quelque chose de très important. Simplement, vous existez, cela suffit. »
Serge Gainsbourg (après avoir interprétéLa Javanaise) :« CetteJavanaise, qui fut si incomprise parce que j'y parle javanais, je l'ai écrite pour Juliette Gréco et je lui ai donnée [sic] aussitôt son retour desAmériques [sic] [parution en mai 1963]. Je pense être un auteur privilégié puisqu'elle m'a chanté et je pense qu'il n'y a pas un auteur digne de ce nom ou au moins ayant un tant soit peu de tenue littéraire qui n'ait souhaité écrire pour elle. »
Auprès dePierre Louki, Gréco se désole que le talent de celui-ci ne soit pas reconnu à sa juste valeur :
Gréco :« Moi, ce qui me fait très, très plaisir, c'est que tu as un très large éventail. C'est-à-dire que tu peux aussi bien écrire des chansons comme ça [Les Vrais copains, qu'il vient d’interpréter] ou commeIl y a vingt ans, ou commeLes Sardines, ou commeLa Môme aux boutons… »
Pierre Louki :« Ça faisait cinq, six ans (ou peut-être même sept ou huit ans) que j'écoutais les chansons de Juliette Gréco et je me disais, enfin, jamais elle ne me chantera… Et puis un vendredi ou un jeudi soir, enfin en tous les cas la veille, j'ai reçu un coup de fil me disant, viens à tel studio à telle heure, on t'enregistreL'Arbre mort. Je n'étais pas du tout au courant et alors j'ai dit, qui est-ce qui m'enregistreL'Arbre mort ? On m'a dit : Juliette Gréco. Et ça, je dois dire que je n'en revenais pas du tout et puis maintenant, je suis bougrement content… » (Gréco chanteSur l'Arbre mort, paroles dePierre Louki et musique deColette Mansard,1963).
Juliette Gréco est mentionnée dans lesparoles de lachansonLe Temps des étudiants, interprétée parLes Compagnons de la chanson — présente sur leur albumÀ Bobino, sorti en1966 — etécrite par l'un d'entre eux,Jean Broussolle (qui reprend la musique, composée par l'américain Arthur Kent, deThe Bird of bleeker street, du répertoire dugroupe musicalfolk-dixie :The Village Stompers(en)) :« […] Gréco, ses longs cheveux dans le dos / Faisait les beaux jours desDeux Magots / Et auFlore, quand elle était là / On retenait son fauteuil tout comme à l'Olympia […] ». Dans l'albumL'Eau deJeanne Cherhal, le titre sous forme de bonusGreco, est rebaptiséAstoria sur l'albumCharade[51], et fait référence au palaceWaldorf-Astoria où la chanteuse a invité Miles Davis en 1957 et où elle vit là sa première expérience du racisme outre-Atlantique, le maître d'hôtel rechignant à s'occuper d'eux[11].
Sonnez (objet de plusieursrhinoplasties), est évoqué dans les paroles de la chansonEt mon père, écrite, composée et interprétée parNicolas Peyrac et sortie en1975 :« […] Et Juliette avait encore son nez. /Aragon n'était pas un minet. / Sartre était déjà bien engagé. / AuCafé de Flore, y avait déjà des folles / Et mon père venait de débarquer. […] ».
Juliette Gréco est le titre d'une créationslamée d'Abd al Malik (en collaboration avecLaurent Garnier et Bilal Al Aswad, frère ainé d'Abd al Malik), treizième et dernière œuvre de l'albumScarifications sorti en2015.
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Jean-Paul Sartre[Note 15] :« Gréco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns. On fait des pièces pour certains acteurs, pourquoi ne ferait-on pas des poèmes pour une voix ? Elle donne des regrets aux prosateurs, des remords. Le travailleur de la plume qui trace sur le papier des signes ternes et noirs finit par oublier que les mots ont une beauté sensuelle. La voix de Gréco le leur rappelle. Douce lumière chaude, elle les frôle en allumant leurs feux. C'est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j'ai écrit des chansons. Il est vrai qu'elle ne les chante pas[Note 16], mais il suffit, pour avoir droit à ma gratitude et à celle de tous, qu'elle chante les chansons des autres. »
Pierre Mac Orlan[Note 17] :« Si vous entendez une voix qui est l'appel de l'ombre, c'est Gréco. Si les yeux clos, vous entendez la chanson de votre adolescence…c'est Gréco. C'est Juliette Gréco qui mène la chanson chez qui la lui réclame. »
Louis Nucéra[Note 18] :« Juliette Gréco est davantage qu'un nom. C'est son prestige. Un mythe. Dans le cœur des foules d'Orient et d'Occident, elle est la plus grande depuis la disparition de Piaf. Elle a la beauté millénaire des chats et aussi leurs superbes silences peuplés de magie. »
Alice Sapritch[Note 19] :« Je l'ai connue àSaint-Germain-des-Prés quand elle avait 16 ans. Elle y chantonnait déjà. On l'appelait Toutoute. C'était une période de vaches maigres et les chaussures manquaient comme le reste. Je lui en ai offert une paire en semelles de crêpe, c'était rare à l'époque. Elle en parle encore aujourd'hui avec beaucoup d'émotion. Je pourrais lui en vouloir un peu parce qu'elle n'a rien fait pour m'aider à rentrer au cinéma lorsqu'elle vivait avecZanuck. C'est une oublieuse personne, mais je ne lui en veux pas de ses manques. Je l'aime bien et j'apprécie la manière dont elle a fait son chemin. »
Jean-Pierre Melville (à propos de son filmQuand tu liras cette lettre)[54] :« Gréco, c'était le côté pas sage du film. Juliette n'a jamais été du cinéma. Même à l'époque où elle vivait avecDarryl Zanuck, elle n'a jamais fait partie de ce monde. […] J'aimais beaucoup Juliette, une fille intelligente, vraiment très belle. Quand on se souvient de la petite boulotte de 47-48… Pendant le tournage elle était tellement mince que je l'appelais la limande… »
Jacques Mercier, lors d'une émission de laRTB[Note 20] :« Le Portrait chinois que lui consacra André Lemoine nous révéla une chatte plutôt qu'une tigresse. « Chez le Chat Juliette Gréco » nous raconta André « le calme n'est qu’apparence, il cache une grande timidité. Réserve serait probablement un mot mieux adapté. La passion marque tout ce qu'elle entreprend, l'excès aussi, mais son charme et sa merveilleuse tolérance font qu'on lui pardonne volontiers ce travers. Elle s'intéresse en profondeur au monde qui entoure son univers personnel, aime vagabonder, faire des voyages, vivre pleinement les choses de la vie. Ce Chat apprécie, comme bien des chats, les réunions amicales, se prête aux réunions mondaines, histoire de briller, mais aussi d'observer les autres. Amie précieuse et dévouée, Juliette Gréco se montre à l'occasion une critique féroce. À noter qu'elle est plus intuitive que psychologue. Son jugement spontané apparaît sans défaut, alors que ses raisonnements sont souvent obscurcis par sa subjectivité ». Elle donna à André une note maximum. »
Benjamin Biolay, à propos de leur collaboration[Note 21],[Note 22] :« Gréco, faudrait être con pour refuser. C'était quand même la fille qui se tapaitMiles Davis, qui était dans les camps[Note 23]. Elle incarne une France que j'aime, une idéologie forte. »
Bernard Lavilliers[41] :« On ne croise pas tous les jours des gens de ce niveau, qui ont cette espèce de sensibilité, d'intelligence et une sorte de classe tout en pouvant n'être jamais vulgaires, mais extrêmement drôles. Et même employer des mots que seuls les hommes emploient parce qu'elle doit faire ça depuis son adolescence. »
Anna Mouglalis[Note 24],[Note 25] :« Gréco se fout des conventions avec une grâce inouïe. C'est une femme qui a eu un répertoire d'homme. Elle a cristallisé énormément de fantasmes sans jamais devenir un objet du désir. »
↑bien qu'ils n'aient jamais vécu « en couple ». Juliette Gréco écrit à ce sujet :« Lorsque Darryl Zanuck était en France, il vivait à l'hôtel Plaza Athénée. […] Je crois que je fait partie, sans doute, des « choses » qu'il n'a jamais possédées. […] Je ne demandais jamais rien. J'habitais chez moi. J'ai toujours payé mon gaz, mon électricité. […] Il n'a jamais rien payé pour moi. Il m'a fait des cadeaux, mais ne m'a jamais donné un franc ! » Page 201 de ses mémoiresJe suis faite comme ça.
↑Tous ses films de cette période ont été tournés dans des studios mexicains et européens. Source :Jujube etJe suis faite comme ça, mémoires de Juliette Gréco.
↑En tournée au Japon en1986, Juliette Gréco interprète spécialement pour son public japonais la chansonLe Chant de la flamme, adaptation française, dont elle est l'auteur, d'un poème de l'écrivain francophileMakoto Ōoka. Mais, lors de son récital, alors qu'elle annonce rituellement les noms des auteurs et compositeurs, elle omet de se citer en tant qu'adaptatrice. Source : volume 19 de son intégraleL'Éternel Féminin.
↑L'année suivante, l'album connaît une nouvelle édition, augmenté d'une chanson,Le Temps des cerises — qu'elle a déjà gravé dansJuliette Gréco : Jolie Môme/Accordéon, volume 2 de son anthologie de1983 — que désormais, elle présente dans tous ses récitals comme« une chanson d'amour donc une chanson révolutionnaire, et une chanson révolutionnaire donc une chanson d'amour ».
↑La compilationIbrahim Maalouf : 10 ans de live paraît le.
↑Juliette Gréco note à la page 196 de ses mémoiresJe suis faite comme ça publiées par leséditions Flammarion en2012 :« Zanuck est un formidable conteur de souvenirs de tournages et d'anecdotes, pleines d'humour, sur les stars hollywoodiennes. Il est captivant. [...] J'apprécie sa compagnie, nos échanges, sa culture cinématographique. Il parle très bien le français. »
↑Léo Ferré, invité d'une émission TV duGrand Échiquier deJacques Chancel où Juliette Gréco interprétaJolie Môme, déclara qu'il n'avait jamais su comment chanter cette composition.
↑Interprétée parYves Montand dans le film deCarné et créée auparavant parCora Vaucaire, Juliette Gréco contribua à faire de cette chanson un succès et un classique mondial.
↑Après avoir longtemps hésité, Juliette Gréco l'interprète pour la première fois sur scène àTokyo lors de l'hommage rendu à Jacques Brel pour l'anniversaire de sa disparition en1988. Elle explique :« Ce n'était pas une chanson que j'aimais, pour son côté larmoyant. Comme je ne suis pas larmoyante du tout, j'en ai fait une chanson d'une extrême violence, une chanson plutôt vainqueur que vaincu. » – Note extraite de son intégraleL'Éternel Féminin.
↑Ce sont les titres exacts des deux chansons écrites par Jean Renoir et composées par Joseph Kosma pour le film, enregistrées à laSacem, voirMiarka à la Sacem etMéfiez-vous de Paris à la Sacem. « Ô nuit mon amie je t'attends / Ô nuit donne-moi un amant / Ô nuit mêle-toi à ma chevelure / etc. » sont les premières phrases de la chansonMiarka :« lente supplique d'une femme blessée par l'amour s'adressant à la nuit », notes deBertrand Dicale pour cette chanson dans le volume 2 de l'intégraleL'Éternel Féminin de Juliette Gréco (Mercury Records/Universal Music, 2003).
↑À l’exception de la reprise par Gréco deLa Rue des Blancs-Manteaux (1950), chanson écrite par Sartre pour sa pièce de théâtreHuis clos. Pour Gréco, Sartre a écrit deux textes de chansons qui seront définitivement perdus :Ne faites pas suer le marin etLa Perle de Passy (note de Gréco dans ses mémoires,Jujube).
↑Benjamin Biolay fait une confusion, car elle n'a pas été déportée dans les camps, mais incarcérée à laprison de Fresnes. Source :Jujube, autobiographie de Juliette Gréco, pages 64 à 69,Éditions Stock,1982.
Cet entretien entre la journaliste et Juliette Gréco est précédé d'un paragraphe sur les circonstances de l'entretien et d'un paragraphe de présentation de l'album de reprises de Brel. Dans le même numéro duMonde, un encart publicitaire consacré au nouvel album, et publié en page 12, annonce deux récitals de la chanteuse les 16 et 17 mai 2014 à l'Olympia.
↑« Juliette Gréco fait ses adieux : « Il faut savoir s’arrêter, par politesse, par courtoisie, par raison » »,Télérama,(lire en ligne)
↑Interview Jean-Marc Lajudie du 24 septembre 2020, à la suite du décès de Juliette Gréco - liste d'instrumentistes ayant accompagnés durant plus de 15 années en tournée Gréco
↑Jean-Marc Lajudie,Carnet de notes d'un batteur, Editions Mines de Rien,, 160 p.(ISBN9782952037686), p66 à 68
↑Dans ton lit de cristal, paroles deJean-Pierre Kernoa et musique de Gérard Jouannest (enregistrée en 1970 et éditée en 1971) etMa fille bonjour, paroles deJean-Loup Dabadie et musique deJacques Datin (enregistrée en 1970 et éditée en 2003 dans levolume 11 de son intégraleL'Éternel Féminin).
Juliette Gréco invitée de l'émissionLe Rendez-vous (durée environ 58 min) de Laurent Goumarre, diffusion le à 19 heures surFrance Culture,écoute en ligne