Cinq foischampion du monde deFormule 1 (en1951,1954,1955,1956 et1957[1]), il a dominé la discipline reine dusport automobile dans lesannées 1950, étant jusqu'à ce jour le seul pilote à être sacré champion du monde dans 4 écuries différentes. Grâce à ses exploits et à son pourcentage unique de victoires par Grand Prix disputé (24 victoires sur 51 Grands Prix, pour un record absolu de 47,06 %), nombreux sont ceux qui le considèrent comme le plus grand pilote de l'histoire[2].
Juan Manuel Fangio naît dans une modeste famille d'immigrésitaliens originaires desAbruzzes, son père étaitouvriermaçon décorateur. Il est le cinquième enfant d’une fratrie de six. Pas très doué pour l'école, il se passionne pour lefootball mais aussi pour lamécanique puisqu'il fréquente un atelier de réparation mécanique automobile durant ses loisirs.
En 1922, à 11 ans, il devient, parallèlement à l'école,apprentimécanicien dans un atelier de Balcarce qui prépare notamment des voitures de courses. Quelques années plus tard, il abandonne l'école et est engagé par le concessionnaireFord puis par le concessionnaireStudebaker de sa ville natale. Mécanicien compétent, on lui confie également parfois le soin d'essayer les nouvelles voitures, ce qui lui permet à seulement 16 ans de s'initier aux joies de la conduite.
En 1929, à 18 ans, il effectue même des débuts en compétition, en qualité de copilote, aux côtés d'un riche client du garage pour lequel il travaille.
En 1936, alors qu'il est âgé de 25 ans, il dispute sa première course, au volant de laFord A d'un ami préparée dans l'atelier familial. Dans les mois suivants, il renouvelle l'expérience à plusieurs reprises, avec la Ford A puis avec uneBuick V8 et enfin avec une Ford V8 de 85 chevaux qu'il engage en 1938 dans leGran Premio deNecochea. Troisième de sa manche qualificative, puis septième de la finale, Fangio prend peu à peu conscience de ses qualités de pilote.
Fangio et son coupé Chevrolet à l'époque desTurismo Carretera (années 1940).
À partir de 1939, Fangio abandonne les épreuves sur circuit pour se lancer dans les courses routières (appelées en Argentine Tourisme de Route ouTurismo Carretera), alors extrêmement populaires en Argentine. Il s'agit d'épreuves de plusieurs centaines de kilomètres disputées sur des routes sinueuses et caillouteuses, aussi éprouvantes pour les machines que pour les organismes.
Grâce à une souscription lancée à Balcarce, Fangio s'offre uneChevrolet 6-cylindres qui lui permet rapidement de concurrencer les frères Galvez, alors les deux grands pilotes argentins de la spécialité. En 1940, il remporte sa première grande épreuve, leGran Premio del Norte, une longue course harassante de deux semaines et de 9 445 km entreLima auPérou etBuenos Aires enArgentinevia la traversée de lacordillère des Andes par des cols qui culminent à plus de 4 000 mètres. En fin d'année, il obtient son premier titre de champion d'Argentine deCarreteras, titre qu'il conserve en 1941.
En 1942, la guerre qui fait rage en Europe et qui s'étend au reste du monde commence à éprouver l'économie argentine. Pour cause de rationnement, les courses automobiles sont mises en sommeil et Fangio se consacre exclusivement à la bonne marche de son garage.
En 1946, au sortir de la guerre, les courses automobiles reprennent en Argentine. Cette reprise est facilitée par l'arrivée au pouvoir du GénéralJuan Perón, grand amateur de sport automobile, qui souhaite en faire un outil de prestige pour l'Argentine. Il lance ainsi l'idée d'organiser en Argentine une saison de courses sur circuit (unetemporada) lors de l'été austral (l'hiver en Europe) au cours de laquelle les meilleurs pilotes mondiaux, alors essentiellement les Italiens et les Français, viendraient se frotter aux gloires locales.
Fangio participe à la premièretemporada lors de l'été austral 1947 mais, faute d'un matériel compétitif (uneFord T à moteur Chevrolet), n'est guère en mesure de se mettre en valeur. Dans les mois qui suivent, de nombreux succès au volant d'une Volpi-Chevrolet préparée par ses soins lui permettent de convaincre l'Automobile Club d'Argentine de lui confier une voiture compétitive pour latemporada 1948. Il remporte ainsi lechampionnat argentin à quatre reprises entre 1947 et 1950.
En parvenant à rivaliser avec les meilleurs, Fangio ne tarde pas à justifier les espoirs placés en lui tout en gagnant la sympathie et le respect de pilotes de renom tels queAchille Varzi,Luigi Villoresi etJean-Pierre Wimille.
Après avoir su attirer certains des meilleurs pilotes mondiaux en Argentine, l'Automobile Club d'Argentine toujours fortement encouragé par Peron enclenche la deuxième phase de son programme de développement du sport automobile argentin, en envoyant certains de ses plus talentueux pilotes, dont Fangio, en Europe, pour qu'ils se familiarisent avec l'environnement des courses du vieux continent.
À l'occasion de ce voyage, Fangio effectue, de manière totalement improvisée, ses débuts enFormule 1 lors duGrand Prix de l'ACF disputé le, sur le circuit de Reims. Il est appelé parAmédée Gordini pour remplacer au pied levé le pilote françaisMaurice Trintignant, victime d'un grave accident quelques jours plus tôt lors d'une course en lever du rideau duGrand Prix de Suisse àBremgarten. Malgré une résistance héroïque, Fangio est impuissant face aux redoutables Alfetta et abandonne à la suite de la casse du moteur de sa Gordini.
En 1949, l'Automobile Club d'Argentine passe à la vitesse supérieure en constituant une véritable équipe d'Argentine, à laquelle est bien évidemment incorporé Fangio, pour courir en Europe ;Benedicto Campos faisant alors partie du lot. Au volant de laMaserati 4CLT de l'ACA, Fangio remporte la dernière course de latemporada 1949, avant de repartir pour l'Europe y disputer sa première véritable saison internationale.
En fin d'année, Fangio retourne en Argentine en héros national mais, surtout, a la satisfaction d'avoir obtenu un volant de pilote officiel au sein de l'écurieAlfa Romeo pour la saison 1950, le premier championnat du monde de Formule 1.
Rapidement, le championnat se réduit, comme prévu, à un duel entre Farina et Fangio. Victime d'une casse mécanique lors de la manche inaugurale àSilverstone, Fangio remporte son premier Grand Prix du championnat du monde, au volant de sonAlfa Romeo 158, réalisant par la même occasion unhat trick (pole position,meilleur tour en course et victoire), lors duGrand Prix de Monaco, le. Il s'impose également enBelgique et auGrand Prix de l'ACF mais plusieurs abandons lui coûtent le titre ; il termine vice-champion à trois points de Farina.
En1951, Fangio, toujours chez Alfa Romeo qui engage laTipo 159, semble parti pour prendre sa revanche comme l'atteste sa victoire au premier Grand Prix de la saison enSuisse, au terme d'une démonstration de pilotage sous la pluie. Mais après une deuxième victoire acquise enFrance sur lecircuit de Reims (partagée avec son coéquipierFagioli qui lui avait cédé sa voiture), Fangio subit la domination de laScuderia Ferrari, emmenée par son compatrioteJosé Froilán González mais surtout parAlberto Ascari. Un abandon enItalie combiné à une victoire d'Ascari semble le condamner à un nouvel échec au championnat. Le28 octobre, pour la dernière manche de la saison, sur lecircuit de Pedralbes, tracé non permanent dans la ville deBarcelone, Ferrari se fourvoie dans ses choix depneumatiques et offre la victoire et le titre mondial à Fangio. Après sa victoire, lors duGrand Prix d'Espagne, Juan Manuel Fangio remporte leChampionnat du monde de Formule 1 — le premier de ses cinq titres dechampion du monde — au volant de sonAlfa Romeo.
Fangio trouve refuge chezMaserati ; sa première course avec la nouvelleA6GCM est prévue le à Monza, au Grand Prix de l'Autodrome, une épreuve hors-championnat. La veille, Fangio était engagé au volant d'une Formule 1BRM V16 dans une épreuve de Formule Libre en Ulster et il prévoyait de rallier Monza en avion mais en raison de problèmes météorologiques, l'avion ne put aller plus loin que Paris et le pilote argentin dut effectuer le trajet Paris-Monza en voiture. Ce n'est que d'extrême justesse après une nuit blanche passée sur la route, qu'il se présente au départ de la course, sans avoir participé aux essais. Dès le deuxième tour, dans le virage de Lesmo[5], il commet une erreur de pilotage et sa Maserati part dans une effroyable cabriole. Relevé avec de graves blessures aux vertèbres cervicales, Fangio échappe à la paralysie mais doit observer une longue convalescence et passe plusieurs mois plâtré.
Il retrouve la compétition en1953. Une impressionnante série de deuxièmes places lui permet de faire, un temps, illusion au championnat mais il est systématiquement dominé par les Ferrari, notamment celle d'Alberto Ascari qui remporte le titre. Fangio doit attendre l'ultime manche de la saison, àMonza, pour renouer avec la victoire, au terme d'un dernier tour à suspense, évitant de justesse le leaderAlberto Ascari en perdition à la sortie du dernier virage avant l'arrivée[6].
À l'issue de la saison 1953, Juan Manuel Fangio est contacté par Mercedes-Benz, qui envisage de profiter du changement de règlement technique (retour à la F1,2,5 litres maxi, carburant libre) pour effectuer son retour en Grand Prix après 15 années d'absence. Fangio connaît bien Mercedes et son directeur de courseAlfred Neubauer pour avoir couru pour eux en Argentine lors de latemporada 1951 quand la firme à l'étoile revenait tout juste à la compétition. Les succès récents des Mercedes aux24 Heures du Mans et à laCarrera Panamericana achèvent de le convaincre du formidable potentiel de la marque allemande.
LaMercedes-Benz W196 ne pouvant être prête avant leGrand Prix de France, Mercedes accepte que Fangio commence la saison dans une autre équipe pour ne pas hypothéquer ses chances au championnat. Au volant de laMaserati 250F, Fangio remporte les deux premières manches du championnat, enArgentine puis enBelgique. AuGrand Prix de France, troisième manche de la saison (abstraction faite des500 miles d'Indianapolis disputés sous la formule internationale), Fangio découvre la Mercedes W196 qui se distingue par uneaérodynamique très soignée ; à l'inverse des autres F1, la W196 a les roues carénées. Alors que les adversaires de Fangio espéraient que Mercedes souffre d'un temps d'adaptation, l'Argentin obtient la pole position et s'impose dès sa première apparition. ÀSilverstone, dans des conditions qui conviennent mal aux caractéristiques de sa voiture, Fangio termine laborieusement quatrième mais, auNürburgring, sur la W196 en version non carénée, il reprend sa marche triomphale. Son succès est toutefois assombri par la mort lors des essais de son jeune compatriote et protégéOnofre Marimón. Deux nouvelles victoires enSuisse puis enItalie assurent à Fangio un deuxième titre mondial.
Malgré une concurrence qui aiguise ses armes, notamment Alberto Ascari au volant de la prometteuseLancia D50, Fangio entame lasaison 1955 en position de grand favori. Il commence d'ailleurs l'année par ce qui reste comme l'une de ses plus fameuses victoires, enArgentine. Sous un soleil de plomb, les pilotes sont physiquement incapables d'effectuer seuls les 375 kilomètres du Grand Prix et, rapidement au gré des abandons, plusieurs pilotes se relayent au volant d'une même voiture, comme le règlement l'autorise ; Fangio, fort d'une condition physique irréprochable et de son expérience des redoutablescarreteras argentines, rallie victorieusement l'arrivée en solitaire.
Après un abandon sur casse moteur àMonaco, Fangio effectue une parenthèse dans sa saison de Formule 1 en participant aux24 Heures du Mans, au volant de laMercedes-Benz 300 SLR. L'équipage qu'il forme avec le jeune prodige britanniqueStirling Moss (également son équipier en F1) fait figure de grand favori. Fangio est à la lutte avec laJaguar deMike Hawthorn lorsque le drame se joue, quelques heures après le départ. Surpris par une manœuvre brutale de Hawthorn pour rentrer aux stands,Lance Macklin effectue un écart que ne peut éviter le FrançaisPierre Levegh dont la Mercedes décolle avant de se désintégrer sur le talus séparant la piste des tribunes, projetant des débris mortels dans la foule.Plus de 80 personnes sont tuées. Fangio, qui roulait juste derrière Levegh, échappe de justesse au drame. Quelques heures plus tard, alors que l'équipage Fangio-Moss est en tête de la course, la direction de Mercedes décide de retirer ses voitures et Fangio de ne plus participer de sa vie aux 24 Heures du Mans.
Amputée de plusieurs manches à la suite du drame des 24 Heures, la saison de Formule 1 se poursuit néanmoins, toujours dominée par Mercedes, sans réelle opposition après le retrait de laScuderia Lancia en proie à de grandes difficultés financières et meurtrie par l'accident mortel d'Alberto Ascari peu après le Grand Prix de Monaco et compte tenu de la petite forme des Ferrari et Maserati. Fangio s'impose àZandvoort, termine second àAintree derrière Moss sans véritablement lui contester la victoire puis l'emporte àMonza, s'adjugeant du même coup son troisième titre mondial.
La Lancia D50 de la saison 1955, qui deviendra Lancia-Ferrari en 1956.
À l'issue de la saison 1955, Mercedes annonce son retrait du sport automobile, une décision qui doit beaucoup au drame des 24 Heures du Mans mais aussi au sentiment pour la firme à l'étoile de n'avoir plus rien à prouver en sport automobile après deux saisons de domination sans partage enFormule 1. À44 ans, Fangio estime qu'il est peut-être également temps pour lui de tirer sa révérence au sommet et envisage sérieusement d'arrêter laFormule 1.
Mais c'est compter sans le renversement en du généralPerón. Même si Fangio a toujours su éviter de se faire instrumentaliser par la propagande péroniste, il est de notoriété publique qu'il est un des protégés du président déchu et de ce fait, il craint que ses biens en Argentine ne lui soient confisqués par les nouveaux dirigeants. Ce sentiment l'incite à poursuivre sa carrière au plus haut niveau afin de se mettre à l'abri du besoin. Il négocie un juteux contrat avec Ferrari qui sort d'une saison 1955 ratée mais qui a récupéré lesLancia D50 au potentiel prometteur.
Victorieux duGrand Prix d'Argentine (victoire partagée avecLuigi Musso puisque Fangio a été victime d'ennuis d'alimentation sur sa propre voiture), Fangio termine deuxième duGrand Prix de Monaco en partageant les points avecPeter Collins qui lui a cédé sa voiture à contrecœur après que l'Argentin eut endommagé la sienne contre les trottoirs de la Principauté, conséquence d'un pilotage approximatif inhabituel chez le triple champion du monde. Les malheurs de Fangio se poursuivent àSpa où sa transmission le trahit alors qu'il est en tête puis àReims, où il est retardé par une fuite d'huile et doit se contenter de la quatrième place. Les ennuis mécaniques à répétition rencontrés par Fangio empoisonnent progressivement ses rapports avecEnzo Ferrari qu'il accuse ouvertement de favoriser au championnat le jeune Peter Collins. De son côté, Ferrari pointe du doigt les insuffisances de Fangio (notamment sa course ratée de Monaco) et réfute les accusations implicites de sabotage en rappelant que depuis le début de saison, l'Argentin a bénéficié à deux reprises des consignes de course.
La sulfureuse ambiance s'apaise à partir duGrand Prix de Grande-Bretagne que Fangio remporte avec brio, avant d'enchaîner par un nouveau succès auNürburgring. Propulsé largement en tête du championnat du monde avant d'aborder l'ultime manche en Italie, Fangio ne compte plus que deux adversaires : son coéquipier Collins et le FrançaisJean Behra. L'abandon de Fangio sur bris de direction est une véritable aubaine pour Collins, qui n'est toutefois pas en position d'être titré. Le Britannique renonce même volontairement à ses maigres chances d'être titré en s'arrêtant aux stands pour partager sa voiture avec Fangio qui remporte ainsi son quatrième titre mondial.
Malgré ce nouveau titre, les tensions entre Fangio et la direction de Ferrari ont atteint un point de non retour et les deux parties se séparent en fin d'année.
En1957, Fangio retourne chez ses amis de l'écurieMaserati où il retrouve la 250F. Annoncé sur le déclin après sa campagne 1956, Fangio se charge de remettre les choses en place en dominant les débats tout au long de l'année. Il s'impose enArgentine, àMonaco et àRouen malgré des pneus usés jusqu'à la corde qui l'obligent, au grand plaisir des spectateurs, à une démonstration de pilotage en glissade dans la vertigineuse descente duNouveau-Monde - Fangio dira alors que sa monoplace était plus efficace ainsi qu'avec des pneus neufs[7].
Contraint à l'abandon enAngleterre, il reprend sa marche triomphale en réalisant, le, sur le toboggan duNürburgring, ce qui reste encore de nos jours comme l'un des plus beaux exploits de l'histoire de laFormule 1. Retardé de près de 45 secondes à la mi-course à la suite d'un mauvais ravitaillement, il entreprend une remontée d'anthologie sur les pilotesFerrariMike Hawthorn etPeter Collins. Au prix d'une prise de risque de tous les instants et battant huit fois de suite son propre record du tour, il revient sur les échappés et les dépasse dans le vingt-et-unième et avant-dernier tour de course. Au soir de ceGrand Prix d'Allemagne à l'issue duquel il obtient sa vingt-quatrième et dernière victoire en championnat du monde de sa carrière, Juan Manuel Fangio remporte, alors qu'il reste encore deux courses à disputer, son cinquième titre (dont quatre consécutifs) deChampion du monde de Formule 1. Deux deuxièmes places àPescara et àMonza complètent une saison triomphale.
Museo del automovilismo Juan Manuel Fangio àBalcarce (Plaza Libertad).
En1958 Fangio, âgé de47 ans, décide de ne pas défendre son titre et de se retirer progressivement du haut niveau :« J'ai réalisé toutes mes ambitions. La couronne mondiale était mon plus grand rêve. Après mes deux premiers titres, il me semblait logique d'essayer d'en décrocher un troisième. Le cinquième me persuada qu'il était temps de passer la main ». Il est également encouragé dans sa décision par le semi-retrait de Maserati, en proie à de grandes difficultés financières.
Il se contente de participer à deux épreuves du championnat du monde, leGrand Prix d'Argentine en début de saison sur une Maserati engagée sous les couleurs de l'Automobile Club d'Argentine où il termine quatrième puis leGrand Prix de France àReims, où sa carrière internationale avait débuté dix ans plus tôt. Retardé par des ennuis d'embrayage, il doit à nouveau se contenter d'une quatrième place. Par respect envers le plus grand pilote de son temps, le vainqueur du jour Mike Hawthorn refuse de lui infliger un tour de retard en fin de course. Interrogé sur son attitude par les journalistes, Hawthorn répond simplement :« On ne prend pas un tour à cet homme-là. »
Marqué par l'accident mortel de son ancien coéquipierLuigi Musso, le déroulement de la course conforte Fangio dans son choix de mettre un terme à sa carrière.
Entre le Grand Prix d'Argentine et le Grand Prix de France, Fangio avait disputé des épreuves dans diverses catégories. Citons notamment sa participation avortée aux500 Miles d'Indianapolis (malgré un potentiel qui étonne les pilotes américains[8], il renonce à participer aux qualifications, jugeant sa Dayton Steel Spl. insuffisamment préparée[9]) ou encore sa participation rocambolesque auGrand Prix de La Havane à Cuba (disputé en catégorieSport). Pris en otage le dimanche 23 février 1958 par des rebelles duMouvement du 26 Juillet, la guérilla menée parFidel Castro qui entendaient attirer l'attention des médias sur leur combat contre la dictature deFulgencio Batista[10], il est libéré sans heurt le lendemain[11]. Faisant référence au carambolage mortel ayant marqué l'épreuve le lundi avec sept tués et une trentaine de blessés[12], Fangio dira plus tard :« Cet événement m'a peut-être sauvé la vie ».
De retour en Argentine, il se consacre à sa famille et à ses affaires en tant que directeur de Mercedes Benz Argentina[13],[14]. Par la suite, Juan Manuel Fangio bénéficie de relations privilégiées avec lajunte militaire[14].
Il reste jusqu'à sa mort un observateur avisé de l'évolution de laFormule 1, nouant notamment des contacts privilégiés avec le pilote brésilienAyrton Senna. Jusqu'au début desannées 1990 et malgré unpontage cardiaque en 1982, il participe régulièrement, en Argentine mais aussi en Europe, à des manifestations de voitures historiques.
Il meurt le àBuenos Aires, à 84 ans, à la suite d'unecrise cardiaque associée à unepneumonie. L'Argentine décrète trois jours de deuil national et son cercueil est exposé dans leSalon Blanc de la Chambre du gouvernement pour un dernier hommage populaire, en présence notamment du président de la républiqueCarlos Menem et du président de laFIFAJoão Havelange. Juan Manuel Fangio est enterré au cimetière deBalcarce, dans le caveau familial, aux côtés de ses parents et de ses deux frères. Le triple champion du mondeJackie Stewart vint assister à l'enterrement.
Le, le corps de Juan Manuel Fangio est exhumé dans le but de tester sonADN. La procédure, ordonnée par un juge de Mar del Plata, fait suite à une action en justice, lancée en 2013 par Oscar « Cacho Fangio » Espinoza (pilote en Turismo Carretera, enFormule 2 et enFormule 3) qui veut prouver que Fangio était son père. Les échantillons génétiques vont également aider à déterminer si Fangio était le père de Ruben Vazquez qui avait lancé une action en justice similaire en 2005.
Fangio, bien qu'il ait entretenu une longue relation avec Andrea Berruet, la mère d'Espinoza, n'a jamais reconnu d'enfant. Vazquez affirme que sa mère, Catalina Basili, lui a confessé, en 2005, qu'il était le fils de Fangio avec qui elle aurait eu une relation dans les années 1940[15].
En, la cour de justice chargée du dossier confirme qu'Espinoza est bien le fils de Fangio[16]. En, il est également confirmé que Rubén Vázquez est aussi le fils de Fangio[17].
Malgré son palmarès et son talent, Fangio a couru pendant toute sa carrière sans avoir lepermis de conduire. Il ne l'a obtenu qu'en1961, plusieurs années après sa retraite[18],[19],[20].
Le nom Fangio a fait son retour sur les circuits dans lesannées 1980 et1990. Le neveu du quintuple champion du monde, appeléJuan Manuel FangioII, s'est notamment mis en évidence enAmérique du Nord, en devenant l'un des meilleurs pilotes du championnat d'EnduranceIMSA et en remportant lui aussi les12 Heures de Sebring.
Fangio était le parrain du fils du pilote allemandWerner Engel[21], Matthias.
EnFrance,Suisse romande et enBelgique francophone, l'expression « se prendre pour Fangio » ou « faire le Fangio » signifie soit conduire (trop) vite, soit « rouler de manière sportive »[22]. Elle est par exemple reprise en page 34 deL'Affaire Tournesol, pour qualifier l'agent secretsyldave Stany.
« Je le vis pour la première fois au printemps 1949 sur l'autodrome de Modène. Il y avait d'autres pilotes mais je finis par garder les yeux sur lui. Il avait un style insolite : il était le seul à sortir des virages sans raser les bottes de paille à l'extérieur. Je me disais : cet Argentin est vraiment fort, il sort comme un bolide et reste au beau milieu de la piste!! Quant à l'homme, je ne parvins jamais à le cerner vraiment. Manuel Fangio est resté pour moi un personnage indéchiffrable… »
Juan Manuel Fangio rencontre lacomédiennefrançaiseMarthe Mercadier en1972. Avec elle, il vit une année de passion amoureuse. Les deux amants aiment tous les deux quand ça va vite ainsi que l'adrénaline, même si au quotidien le pilote est plutôt sage, comme en témoigne le drôle de récit de la comédienne au micro deFrance Info : « Je n'ai jamais ri autant, il était très sincère. Et il roulait à 90 km/h sur l'autoroute ! Il ne voulait pas accélérer. Il disait que les autres conducteurs étaient fous »[27].
Pilotes argentins en championnat du monde de Formule 1
Les pilotes n'ayant pas participé à au moins une épreuve ne sont pas mentionnés ; les années indiquent une participation à au moins une épreuve de la saison.