Né à Fumel (Lot-et-Garonne) au sein d'une famille d'enseignants, Jean Nouvel passe sa jeunesse àSarlat. Souhaitant étudier les beaux-arts contre l'avis de ses parents qui voulaient en faire un ingénieur ou un professeur, Jean Nouvel choisit d'étudier l'architecture pour les convaincre de s'inscrire à l'École des beaux-arts de Bordeaux en 1964[1]. Il y est admis et en 1966, il finit premier au concours d’entrée de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, dont il sort diplômé en1972[2].
Influencé parPaul Virilio etClaude Parent, dont il est l'assistant entre 1967 et 1970[3], il fonde en 1970 sa première agence avecFrançois Seigneur[2]. Architecte de la Biennale de Paris à partir de 1971 grâce à l'appui du critiqueGeorges Boudaille, il fonde la Biennale d'architecture dans ce cadre en 1978.
Militant pour un renouveau de l'architecture en France, il cofonde le mouvement « », en opposition à l'héritage de laCharte d'Athènes, et participe à la création du Syndicat de l'architecture, en rupture avec l'Ordre des architectes. En 1975, il est l'un des principaux organisateurs du contre-concours international pour l'aménagement desHalles de Paris, et prend la tête de l'Association pour la mutation de l'île Seguin (Amis) en 2001 pour s'opposer à la destruction des usines Renault[4].
Il fait ses premières armes dans lePérigord, réalisant une école maternelle àTrélissac et une villa àChampcevinel[5]. Après sa première réalisation marquante, la maison Dick àSaint-André-les-Vergers en 1976 se voit attribuer le label national « architecture contemporaine remarquable » en 2015. Par la suite, il signe le centre médico-chirurgical du Val-Notre-Dame àBezons (1976) et lecollège Anne-Frank àAntony (1978)[2]. Il est choisi en 1981 avec Architecture-Studio pour la réalisation du premier des grands travauxmitterrandiens, l'Institut du monde arabe, dont la façade àmoucharabiehs, terminée en 1987, le fait connaître au grand public la même année. Dans les années 2010, la presse pointera les frais de maintenance du bâtiment créé par Jean Nouvel etArchitecture-Studio, ceux-ci s'élevant à trois millions d'euros par an[6].Jack Lang, ministre de la culture, lui demandera en 1984 d'aiderCarlos Ott, l'architecte de l'Opéra Bastille, mais cette collaboration fait long feu[7].
Il réalise aussi l'immeuble de logements sociauxNemausus deNîmes, l'Opéra de Lyon qu'il coiffe d'une grande verrière en 1993 qui réduit le nombre de places, et laFondation Cartier à Paris, immeuble tout en transparence en 1994.
Ses réalisations font la part belle au métal et au verre, jouant sur la transparence et les effets de lumière. Il travaille régulièrement pour le réaménagement des monuments anciens, comme pour l'Opéra de Lyon ou l'église de Sarlat. Pour autant, il revendique une absence de « style Nouvel », concevant chaque projet comme nouveau, toujours en dialogue avec le contexte du bâtiment[9]. Sa carrière est récompensée par lePrix Pritzker le,Thomas Pritzker soulignant « sa recherche courageuse d'idées nouvelles et sa remise en cause des normes acceptées afin de repousser les limites de son champ d'activité»[11], et lui reconnaissant « la persistance, l'imagination, l'exubérance et, par-dessus tout, une insatiable envie d'expérimentation »[3].
Successivement associé àFrançois Seigneur et Gilbert Lézénès en 1972, à Gilbert Lézènés et Pierre Soria en 1981, à Emmanuel Blamont,Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart en 1984, et à Emmanuel Cattani en 1989, il fonde son propre atelier en 1994. À la tête d'une équipe de150 collaborateurs[4], il dispose d'agences à Paris, en Espagne, en Suisse et en Italie pour la réalisation de ses divers projets : leLouvre Abou Dabi, la Philharmonie de Paris (en complément de laCité de la musique), la tour 53W53 àManhattan (où un appartement au36e étage se vend plus de six millions de dollars[12]) et le nouveau musée national du Qatar.
Outre l'architecture, il s'intéresse également à lascénographie, en particulier par la rencontre deJacques Le Marquet en 1976, participant notamment aux expositions « Les Années 50 » au Centre Pompidou en 1988, « Le Futur du travail » et « La Mobilité » à l'Expo 2000 (Hanovre, RFA)[2]. Il met en scène des spectacles de danse et se charge de lamuséographie du quai Branly[4]. À la tête de Jean Nouvel Design, il réalise aussi de nombreuses créations.
Le, dans le cadre d’un partenariat entre la ville d’Alger et la région Île-de-France, Jean Nouvel est désigné pour élaborer un plan de sauvegarde et de revitalisation du quartierLa Casbah, un quartier classé aupatrimoine mondial de l’humanité. La nomination d'un architecte français crée une polémique et une pétition demande à Jean Nouvel d'abandonner le projet[13],[14].
Jean Nouvel, dans une tribune du journalLe Monde dénonce en 2017 un « Ubu-urbanisme » irresponsable et des règles absurdes qui entraînent le « saccage visuel » de l'espace urbain, particulièrement dans les quartiers sociaux et les zones urbaines dites « sensibles », ce qui entraîne des conséquences dramatiques pour les résidents :« temps de transport déraisonnable, pollution souvent mortelle, ségrégation sociale, fonctionnelle et spatiale, taille des appartements de plus en plus réduite… » Selon lui, c'est par la création demaisons pour tous au cœur des quartiers, la « sanctuarisation » des terres agricoles périphériques toujours menacées par l'expansion urbaine et la mise en valeur de l'architecture dans ses fonctions d'intégration sociétale que les banlieues pourront être sauvées[15].
Interrogé sur ses contrats passés avec des régimes autoritaires duMoyen-Orient, il se défend en expliquant son éthique :« L'architecture est pour moi un acte culturel, dont l'objet est de rendre possible et plus facile la vie des personnes dans un lieu ». Il ajoute« je travaille à l'échelle du siècle ou des siècles, pour les peuples, pas pour une personne ponctuellement au pouvoir »[16].
Interrogé en novembre2017 par le journaliste suisseSerge Enderlin pour laRadio télévision suisse sur les conditions de travail et l'exploitation des ouvriers du chantier duLouvre Abou Dabi, l'architecte balaye toute responsabilité : « je crois qu'il y a une focalisation particulière sur des sujets, qui sont peut-être aigus, mais il vous appartient, à vous, de les relever »[17].
Lors d'un entretien avec Tom Benoit diffusé en décembre 2022 sur TV5Monde, Jean Nouvel déclare : « Nous assistons à la mort de l'architecture ». Il déplore que le champ normatif devenant de plus en plus strict rende impossible l'exercice de l'architecture et que, d'autre part, parmi la nouvelle génération, trop peu d'architectes s'investissent pour sauver leur métier.[1]
Pour Jean Nouvel, l'architecture d'un bâtiment doit s'insérer dans son environnement :
« L’architecture, c’est la recherche de la meilleure solution à un problème particulier. C’est aussi la pétrification d’un moment de culture. La ville témoigne de ce qui a intéressé nos ancêtres. Elle est musée, par la force des choses. L’inquiétant, c’est que, depuis presque un siècle, à l’échelle planétaire, on bâtit des immeubles dessinés a priori dans des bureaux d’études, puis parachutés, sans relation avec la géographie, le climat, l’histoire de la ville. [...] On a une répétition de bâtiments interchangeables, une succession d’objets autistes, sans cohérence, sans travail sur les transitions entre eux. Un clonage planétaire qui me désespère[18]. »
LaPhilharmonie de Paris connaît quant à elle une flambée des coûts liée à une sous-évaluation du budget passant de 136 millions en 2006 à 286 millions d'euros en 2012, en raison notamment d'un certain nombre de malfaçons[20].
2012 : Prix duBest Tall Building Worldwide and Middle East & Africa décerné par le Council on Tall Buildings and Urban Habitat (CTBUH) pour latour de bureaux de Doha (Qatar)[26].
↑JeanNouvel, « Jean Nouvel : « Pour sauver les banlieues, il faut contenir l’expansion urbaine » »,Le Monde.fr,(ISSN1950-6244,lire en ligne, consulté le)
Daniel Buren-Jean Nouvel, de Gilles Coudert (1994, 112 min, a.p.r.e.s production). Conférence-entretien entre l’artisteDaniel Buren et Jean Nouvel organisée par le Centre de création contemporaine de Tours et l'université François-Rabelais.
Jean Nouvel, l'esthétique du miracle, de Beat Kuert (1998, 55 min).