Historiographe de France |
---|
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Activités |
A travaillé pour | |
---|---|
Membre de | Royal Society() Académie des inscriptions et belles-lettres(- Academia Electoralis Scientiarum et Elegantiorum Literarum Theodoro-Palatina(d) Académie des sciences de Russie ![]() |
Jean-Daniel Schoepflin[1], né le[2] àSulzburg (margraviat de Bade-Durlach) et mort le àStrasbourg, est unhistorien etbibliophile,badois par son père,alsacien par sa mère et strasbourgeois d'adoption, qui fut professeur d'histoire et d'éloquence latine à l'université de Strasbourg, conseiller ethistoriographe duroi Louis XV. Ses publications sur l'histoire de l'Alsace et des régions alentour, ainsi que son travail degénéalogiste princier lui firent acquérir une renommée européenne qui participa à l'« âge d'or » universitaire de Strasbourg auXVIIIe siècle. Auteur deL'Alsace illustrée, l'un des plus importants ouvrages de l'histoire alsacienne, il est l'un des fondateurs de laméthode historique moderne[3].
Jean Daniel Schoepflin est né le àSulzburg, petite ville dumargraviat de Bade-Durlach. Son père,bourgmestre, avait épousé en 1692 àColmar Anne-Catherine Bardolle, issue d'une familleréformée deSainte-Marie-aux-Mines, et dont le père était maire deRiquewihr[4]. Jean-Daniel a six frères et sœurs, Jean-Frédéric notamment, qui fut imprimeur àLuttenbach, près de Colmar, et imprima l'Alsatia illustrata en 1751 et 1761. Resté célibataire, Jean-Daniel menant une vie « calme et simple »[5], confia à sa sœur Sophie-Élisabeth le soin de sa maison. Elle lui survécut quelques années et hérita de ses biens[5].
En 1709, à l'âge de treize ans, le jeune Schoepflin commence ses études universitaires àBâle où son père s'était installé[4], puis, à partir de 1711, étudie également lathéologie à l'université luthérienne de Strasbourg[6], car son père avait obtenu un poste de receveur d'église à Riquewihr et souhaitait le voir devenirpasteur[4]. Mais Jean-Daniel se passionne pour l'histoire de l'Antiquité, ainsi que pour lalangue et lalittérature latines[4].
En 1720, à 26 ans seulement, il obtient la chaire d'histoire et derhétorique de l'université de Strasbourg et acquiert vite un grand renom. Plusieurs universités, celles deFrancfort-sur-l'Oder, d'Uppsala, deLeyde, ainsi que l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg lui proposent des postes, qu'il refuse car il tient à rester à Strasbourg[7]. Il noue ses premiers contacts avec lacour de Versailles à l'occasion du mariage deLouis XV avecMarie Leczinska, célébré à Strasbourg en 1725.
Il effectue un séjour de plusieurs mois en Italie, dont il explore les nombreux trésors archéologiques, en particulier àRome, ce qui lui permet de nouer des amitiés parmi de nombreux savants et hommes d’influence. À son retour, en 1728, il prend les fonctions dechanoine de Saint-Thomas et commence une importante collection de manuscrits et d'ouvrage historiques etphilologiques.
Il fait plusieurs séjours àLunéville où il est apprécié deStanislas Leczinski[5], beau-père de Louis XV.
Comme il excelle à reconstituer les généalogies confuses ou conjecturales, il obtient un grand succès auprès de l'empereur Charles VI auquel il est présenté àVienne en 1738. Ce monarque est en effet un grand amateur de tout ce qui a trait aux questions des généalogies princières et se montre particulièrement intéressé par les développements de Schoepflin qui permettent de remonter à l'origine de lamaison des Habsbourg bien au-delà deGérard d'Alsace, jusqu'aux tempsmérovingiens, avec leduc Étichon d'Alsace, même si cette parenté est aujourd'hui contestée[5].
À l'occasion des 300 ans de l'imprimerie, il publie, en 1740 et 1741, deux traités où il revendique pourGutenberg et Strasbourg (où celui-ci avait temporairement séjourné) l'invention des caractères mobiles[5].
Vers cette même époque, Schoepflin commence à constituer l'œuvre qui l'a fait passer à la postérité : par un remarquable travail de collecte d'informations, parcourant les bibliothèques et les archives, il publie, en 1751, après dix ans d'efforts, le premier volume deL'Alsace Illustrée et le présente au roi Louis XV. Obtenant la protection de celui-ci, Schoepflin, et avec lui l'université de Strasbourg, attirent alors beaucoup de fils de nobles maisons de toute l'Europe centrale et du Nord, qui venaient à Strasbourg faire, sous sa direction, leurs études dedroit public, ce qui contribue à donner à Strasbourg un renom d'hospitalité et de mouvement intellectuel.Goethe est ainsi l'un de ses élèves en 1770-1771. DansDichtung und Wahrheit le poète brosse le portrait littéraire de son maître[7].
En 1761 paraît le deuxième volume deL'Alsace Illustrée, puis en 1767L'Alsace diplomatique, un recueil de chartes ayant servi à l'œuvre précédente.
Le rayonnement de son enseignement à l'université luthérienne a beaucoup contribué à attirer des étudiants étrangers, nobles le plus souvent. Les cours étaient donnés en latin, mais les étudiants pouvaient demander des cours privés en français ou en allemand, les professeurs étant tous trilingues. AinsiGoethe, étudiant à Strasbourg en 1770-1771, repart sans avoir appris le français – son but à l'origine. Schoepflin fonde une école historique de tout premier plan etDiderot, dans sonEncyclopédie, cite à plusieurs reprises ses travaux comme ouvrages de référence. Mais Voltaire ne l'apprécie guère, et réciproquement. Schoepflin forme plusieurs disciples historiens, dontChristophe-Guillaume Koch,Jérémie Jacques Oberlin – le frère ducélèbre pasteur – et leColmarienChristian Pfeffel[7]. Très ouvert aux catholiques dans le domaine historique, il noue des contacts avec les trois premiersprinces-évêques deRohan et forme l'historien catholiquePhilippe Grandidier (1752-1787).
Ses nombreux séjours à Paris lui ont permis d'intensifier ses contacts avec la cour royale de Versailles. Ainsi, il obtient en 1740 le titre envié d'« historiographe du roi », ce qui le soumet à la censure royale – aucun livre ne pouvant alors être publié en France sans avoir la permission de la censure, qui était très officielle.Voltaire etBeaumarchais s'en plaignent. En particulier Schoepflin devait être prudent sur l'appartenance de l'Alsace à l'Empire avant son « rattachement » (terme officiel) à la France parLouis XIV. Dans le tome II de sonAlsatia illustrata (Alsatia francica, germanica et gallica), il parle très peu de lacathédrale de Strasbourg et de son chapitre, car l'architecture « gothique » de cette construction, considérée comme germanique, déplaisait et ne devait donc pas être présentée comme une œuvre d'art. Dans le tome I, qui porte sur la période celtique et romaine, il a pu s'exprimer librement, mais son traducteur, Louis Ravenez[8], l'a fortement contesté en 1848 pour la période romaine.
Grâce à ses relations versaillaises, Schoepflin réussit en 1751 à faire échouer la tentative du prêteur royalFrançois-Joseph de Klinglin de remettre en question le caractère luthérien de l'université de Strasbourg en y faisant nommer des professeurs catholiques, et en 1752, il contribue à l'arrestation de Klinglin, coupable de graves malversations financières[4].
Schoepflin participe à plusieurs reprises à des négociations diplomatiques[4], en particulier entre l'évêque de Strasbourg et la Cour impériale (1738), entre la ville de Bâle et lemargrave de Bade-Durlach (1756), ainsi qu'entre la France et ce même prince (1762).
En 1752, il fonde l'Institutum historico-politicum (Europäische Staatsschule), connu sous le nom d'« École diplomatique de Strasbourg »[4],[9] et destiné à former les élites européennes. Cette fondation est soutenue à Versailles par le ministreChoiseul[7]. Le chancelierMetternich y fut étudiant. Jusqu'à laRévolution, cette institution constitue un centre unique en France de formation à ladiplomatie. À la fin de sa vie, la plupart des princes germaniques en place ont été ses anciens étudiants. Schoepflin a rédigé uneAlsatia diplomatica publiée en deux volumes àMannheim en 1772 et 1775[10].
Grand amateur de livres, Schoepflin constitue une bibliothèque privée qui réunissait environ 10 000 volumes, principalement à caractère historique[7] et crée également un musée archéologique. En 1765 il fait don de ces collections à la ville de Strasbourg, mais celles-ci sont détruites lors de la guerre de 1870[7].
Schoepflin meurt le àStrasbourg, sans avoir pu exécuter sonAlsace sacrée et sonAlsace littéraire.
L'église Saint-Thomas de Strasbourg abrite sonmonument funéraire[11]. Au centre d'un ensemble architectural en grès, une grande urne sépulcrale en marbre blanc repose sur un piédestal orné du portrait de Schoepflin, entre deux colonnescorinthiennes cannelées surmontées d'un fronton circulaire. Le médaillon est l'œuvre du sculpteurJean-Baptiste Pertois (1733-1812)[12].
L'œuvre principale de Schoepflin est incontestablementl'Alsace Illustrée en deux volumes, associé àl'Alsace diplomatique, tous deux écrites en latin. Par son exhaustivité et la rigueur de ses démonstrations, elle constitue la plus importante compilation de données sur l'histoire alsacienne et reste aujourd'hui une référence, même si des découvertes postérieures ont permis d'en contester ou compléter certaines parties :
Une traduction en 5 volumes del'Alsatia Illustrata a été réalisée par Ravenez au milieu duXIXe siècle :
Autres œuvres :
Schoepflin a aussi contribué auDictionnaire des Gaules, édité parJean-Joseph Expilly.
Professeur strasbourgeois le plus connu de son temps[13], il est élu membre de laRoyal Society deLondres (1728), de l'Académie des inscriptions et belles-lettres (1729), de l'Académie de Cortone (1737), de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg (1741), de l'Académie de Besançon (1757) et de l'Académie de Göttingen (1764)[7].
À Strasbourg, lequai Schoepflin[14] et l'Espace Schoepflin[15] (un centre médico-social, un gymnase, une école maternelle, une école élémentaire, une cantine scolaire et un parking souterrain) témoignent de sa notoriété.
Sur les autres projets Wikimedia :
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.