Jan Havickszoon Steen (Leyde,1626 – inhumé à Leyde, le) est unpeintrenéerlandais (Provinces-Unies) dusiècle d’or. Représentant dubaroque, il figure parmi lespeintres de genre néerlandais les plus importants de son époque. Il a peint quelques centaines de tableaux, de qualités inégales, mais caractérisés, surtout, par la connaissance du cœur humain, l’humour, et une utilisation exubérante de la couleur. Il représente fréquemment des valeurs morales dans des scènes du quotidien, en recourant à des images la plupart du temps symboliques.
Jan Steen est né à Leyde où ses parents, Havick Steen, marchand de grains et brasseur, et Elisabeth Capiteyn, vivaient depuis plusieurs générations. Catholiques aisés, il se marièrent en 1625 devant les échevins et, selon toute vraisemblance, quelque temps après dans uneschuilkerk. Jan sera l’aîné de huit enfants.
En 1639, Jan Steen fréquente probablement l’école latine de Leyde[1], tout commeRembrandt (1606-1669), son illustre contemporain. Il part ensuite faire son apprentissage vraisemblablement àUtrecht, chezNicolaus Knüpfer (1603-1660), un peintre allemand de tableaux historiques et figuratifs, dont l’influence est visible dans les compositions et l’emploi des couleurs de Steen. Une autre de ses sources d’inspiration seraAdriaen van Ostade (1610-1685), peintre de la vie paysanne qui vécut à Haarlem ; on ignore cependant si Steen fut effectivement son élève. Parmi ses maîtres, on cite aussi le nom deDirck Hals.
En 1646, Jan Steen fréquente l’Université de Leyde[2] puis, deux ans plus tard, en, il s'inscrit à laguilde de Saint-Luc locale et collabore avecGabriel Metsu.
En 1649, àLa Haye, il entre au service du peintre paysagisteJan van Goyen (1596-1656), dont il épouse la fille, Margriet (Grietje), le de la même année. Le couple, qui aura au moins cinq enfants[3], vit alors chez Van Goyen sur laBierkade. La collaboration entre les deux peintres durera cinq ans.
En 1654, Steen devient membre de laschutterij[4] locale. La même année, tout en se rendant toujours régulièrement à Leyde, il part s’établir àDelft, où il tient la brasserieDe Slange (« Le Serpent »)[5], sans grand succès : la terribleexplosion de la poudrière, qui dévasta une grande partie de la ville, avait mis un frein à l’économie locale.
De 1656/1657 à 1660, il vit dans une petite maison à Warmond, non loin de Leyde, et cesse bien vite de s'occuper duSlange. En 1660, il s’installe àHaarlem, où il s'inscrit dans la guilde de Saint-Luc l'année suivante. C'est là qu'il connaîtra sa période la plus productive.
Vers 1661, il déménagea à Haarlem où son art devint de plus en plus monumental et d'une grande liberté de style. Ses sujets devinrent eux aussi plus ambitieux, ses scènes de désordre ayant un point de vue moralisateur. Il a aussi peint des sujets bibliques et mythologiques ainsi que des portraits[6].
En 1670, année de la mort de son père, et un an après celle de sa femme, Steen retourne vivre à Leyde où, jusqu’à son propre décès, il occupe une maison héritée de ses parents. Durant cette période, il est souvent accompagné parFrans van Mieris l'Ancien. En 1671, il est choisi une première fois pour diriger la guilde des artistes, une fonction qu’il devait à nouveau exercer trois ans plus tard. Il obtient l’autorisation d’exploiter une autre taverne,De Vrede (« La Paix ») et, vers 1673[7], il se remarie avec la veuve d’un libraire, Maria Van Egmont, avec laquelle il aura ses sixième et septième enfants.
Jan Steen meurt en, âgé de 54 ans. Son corps est inhumé dans un caveau de famille de laPieterskerk (« église Saint-Pierre ») à Leyde. Sa fille, Catherina, épousa le peintre de marinesJan Porcellis.
La vie quotidienne constitue le sujet de prédilection de Steen, qui a un stylebaroque. Un bon nombre de tableaux sont pleins d’animation, voire chaotiques et luxurieux, à tel point que ce genre de scènes a donné naissance à une expression couramment utilisée en néerlandais : « een huishouden van Jan Steen », c'est-à-dire « un ménage de (à la) Jan Steen »[8]. Ses peintures renferment des indices subtils et de nombreux symboles qui laissent entendre que Jan Steen ne veut pas tant inviter le spectateur à imiter ce qui est représenté que, au contraire, donner à celui-ci une leçon morale. Souvent, elles se réfèrent à de vieux proverbes ou à d’anciens textes littéraires néerlandais. La famille du peintre faisait souvent fonction de modèle.
En dehors des peintures de genre, Steen a exploré des sujets variés : il a peint des scènes historiques, mythologiques et religieuses (Samson parmi les Philistins,Amnon et Hagar,Les Noces de Cana,Esther, Assuérus et Haman), des portraits – dont quelques autoportraits, peu vaniteux –, desnatures mortes et des paysages. On vante ses représentations d’enfants, de même que sa maîtrise de la lumière et son souci du détail, notamment dans le rendu des matières textiles.
L’œuvre de Jan Steen put également jouir de l’estime de ses contemporains et, de ce fait, il gagna assez bien sa vie. À l’exception de deux de ses fils, Cornelis et Thadeus Steen[9], on ne lui connaît aucun élève, mais son travail constitua une source d’inspiration pour bien d'autres artistes.
La Joyeuse Famille est une illustration du proverbe néerlandais « Ce que chantent les vieux, les jeunes le fredonnent », à la fois de manière littérale (toute la famille joue de la musique) et de manière symbolique (le petit garçon du premier plan se faisant servir du vin de la même manière que son père)[10].
La Toilette représente une prostituée allant se coucher : un « bas rouge » ainsi qu'une « pisseuse » ayant tous les deux cette signification dans le jargon duXVIIe siècle. Elle tient dans ses mains unejarretière dont la marque est encore visible sur ses jambes. Le pot de chambre et les jambes nues de la femme avaient été recouverts à une époque suivante, puis la version originale a été restaurée auXXe siècle[11].
Le maire de Delft et sa fille de Jan Steen - Huile sur toile, 82,5x68,5cm - 1655.
Portrait d'Adolf et Catharina Croeser, aussi connue commeLe maire de Delft et sa fille, est une huile sur toile qui représente un bourgeois, sans doute lebourgmestre de Delft, confortablement assis sur un banc, sur le perron de sa maison, au centre du tableau. L'entrée de la demeure est surélevée et entourée d'une balustrade, configuration typique auxPays-Bas. Au sol, on distingue trois revêtements: du carrelage qui marque l'appartenance de l'espace à la propriété, un sol en briques jaunies qui constitue la voie piétonne où se trouve une mendiante avec son enfant et, à droite, une rue pavée pour les cavaliers et les charrettes. La scène se déroule sur la rive ouest du vieux canal de la ville de Delft appelé Oude Delft, endroit où se situent les quartiers les plus cossus. À l'arrière-plan, on aperçoit le clocher de laOude Kerk, vieille église de Delft dont l'horloge indique une heure avancée de l'après-midi.
À cette époque, âge d'or de la bourgeoisie hollandaise, le sort des indigents est régi par les lois locales. Les mendiants doivent être notés sur un registre pour avoir le droit de demander l'aumône. L'homme nanti tient dans sa main gauche un morceau de papier correspondant sans doute à cette autorisation. Il semble prendre le temps de réfléchir et ne se précipite pas pour faire un don, attitude qu'il est de bon ton d'adopter en tant que citoyen de la ville. Si les vagabonds sont considérés comme des étrangers et ne sont pas les bienvenus, les pauvres de la ville, au contraire, bénéficient d'un traitement de faveur et sont aidés.
La position du bourgeois, bras gauche accoudé au garde-fou, main droite posée sur la cuisse et genoux largement écartés, lui confère un air respectable empreint de sollicitude. Sa fille descend les marches avec élégance en soulevant sa robe conformément aux règles de bonne conduite en vigueur, un éventail à la main. En peignant ces gestes, ces postures dans le détail, Jan Steen s'illustre une nouvelle fois dans l'art de décrire la vie quotidienne.
Derrière la mendiante se dresse un pont de pierres en arc sur lequel on discerne les armoiries de la ville de Delft. Le peintre souligne ainsi le progrès et la prospérité de l'époque, le pont étant autrefois en bois.
Enfin, on remarque un bouquet de fleurs coloré posé sur le rebord de la fenêtre, à gauche du tableau, qui ressemble à une nature morte, genre très populaire aux Pays-Bas auXVIIIe siècle. La fleur blanche au centre du bouquet est une tulipe, fleur très répandue en Hollande. La disposition non centrale de cet élément contraste avec son évidente visibilité et sa netteté. Cela reflète le plaisir qu'avaient les peintres à cette période d'observer et de restituer les détails de la vie de tous les jours avec minutie[12].
Un même petit chien joue assez régulièrement un rôle dans ses tableaux (Ainsi chantaient...,Ainsi gagné...,Auberge,Enfants apprenant à un chat à danser,L'Épiphanie...). Il s’agit en fait d’une ancienne race canine néerlandaise : lekooikerhondje. On peut supposer que le chien représenté, vu la fréquence avec laquelle il apparaît, appartenait à Steen, ou que, du moins, le peintre possédait un tel chien.
↑Son nom figure dans les registres d'inscription de l'université - S. Bruno (2008).
↑Enfants connus : Thadeus, baptisé dans l’église catholique de l’ancienneMolstraat à La Haye le 6 février 1651, Eva, baptisée dans la même église le 12 décembre 1653, puis Cornelis, Catherine et John dont on ignore les dates de naissance.
↑LaSchutterij était une sorte de milice composée de volontaires qui exista aux Pays-Bas au Moyen Âge et jusqu'au début de l'époque moderne ; elle avait pour rôle de protéger les villes.
↑S. Bruno (2008). – Il aurait également tenu une autre brasserie,De Roscam (« L’Étrille »), selon les articles du wikipédia en allemand et en anglais, qui ne citent pas leur source.
↑Rose-Marie et Rainer Hagen,Les dessous des chefs- d'oeuvre, Taschen Bibliotheca Universalis,, 785 p.(ISBN978-3-8365-5925-6)
↑En 1907, leCatalogue raisonné dirigé parCornelis Hofstede de Groot répertoriait 889 œuvres attribuées alors à Steen, quand en 1833, le catalogue du marchand d'artJohn Smith ne recensait que 208 tableaux et 112 autres œuvres.