IvanIII (enrusse :ИванIII Васильевич), ditIvan le Grand, né le et mort le, est grand-prince deVladimir et deMoscou de 1462 à 1505. Fils deVassili II, il épouseSophie Paléologue en 1472, qui lui apporte en dot le blason de l'Empire byzantin, l'Aigle à deux têtes. Il est le père deVassili III (1479-1533), d'André de Staritsa(en) (1490-1533) et de Youri (1480-1533). Son règne est important, car il marque une étape cruciale dans le développement territorial à partir de la principauté de Moscou du futur État russe. C'est sur les marches de lacathédrale de la Dormition qu'IvanIII déchira le traité qui soumettait Moscou au pouvoir de laHorde d'or et déclara ainsi l'indépendance de laMoscovie.
Au début du règne d'Ivan le Grand, en 1462, les anciennes principautés de laRus' de Kiev se répartissent en trois grands ensembles : à l'ouest, celles passées sous domination lituanienne ; au sud-est, celles qui paienttribut à laHorde d'or, dont laprincipauté de Moscou ; au nord, les principautés deNovgorod,Pskov etViatka, cherchant pour leur part à conserver leur indépendance. Par ailleurs, Ivan ne règne pas sans partage sur l'ensemble des principautés dépendant directement de la principauté de Moscou : ses quatre frères se partagent en effet les principautés patrimoniales deRiazan,Rostov,Iaroslavl etTver.
Le but premier d'Ivan le Grand, durant tout son règne, fut l'agrandissement du territoire de sa principauté au détriment des terres voisines et le renforcement de son autorité au détriment de celles des princes patrimoniaux.
Usant de la force, de la ruse et de liens matrimoniaux, Ivan parvient à annexer petit à petit les principautés russes voisines de la sienne. La dernière à être rattachée est Tver en 1485. Il élimine ses frères par la même occasion soit en les emprisonnant, soit en les faisant assassiner. Les populations des principautés acceptent ce changement de suzerain.
En 1471, Ivan le Grand s'attaque à la principauté indépendante deNovgorod. Il prend prétexte d'un traité d'union de celle-ci avec laLituanie pour lui déclarer la guerre. Par ce traité, Novgorod acceptait un gouverneur polono-lituanien et le respect des franchises promises par le roiCasimir IV de Pologne. L'armée novgorodienne est taillée en pièces sur les bords de la rivièreChelon. La ville doit renoncer à son projet avec la Lituanie et payer à Moscou une énorme contribution.
À Novgorod, il existe un parti partisan du rattachement à la principauté de Moscou. En1478, afin de contrecarrer la politique de larépublique de Novgorod , république indépendante et souveraine, qui tente de reformer une nouvelle fois une alliance avec la Lituanie, Ivan lance une nouvelle campagne, qu'il remporte sans combat, les armées de Novgorod s'étant désunies. Cette fois, il purge la ville des partisans de la Lituanie et profite de sa prise pour l'annexer définitivement[1]. Il fait déporter 72 000 personnes supposées lui être hostiles vers la frontière orientale.
Ivan le Grand déchirant la lettre du Khan, peinture d'Alexeï Kivchenko.
Contrairement à ses prédécesseurs, Ivan le Grand adopte une politique agressive vis-à-vis de ses voisins immédiats, la Horde d'or et la Lituanie.
La Horde d'or n'est plus le puissant empire qui faisait trembler ses voisins auXIVe siècle. Trois khanats se sont détachés de la Horde (Kazan,Astrakhan et laCrimée) et pratiquent une politique indépendante. Théoriquement, Ivan doit toujours payer tribut au grand khan mais, de fait, il n'en tient plus compte.
En 1480, le grandkhanAhmed décide de marcher sur Moscou. Ivan, qui a signé un traité d'aide mutuelle avecMengli Giray, khan de Crimée, l'attend de pied ferme. Les deux armées prennent position sur l'Ougra et s'observent pendant plusieurs jours. Finalement, Ahmed préfère se retirer sans combattre. La dépendance de la Moscovie envers la Horde d'Or prend alors officiellement fin. Celle-ci sera anéantie en 1502 lors d'une guerre contre lekhanat de Crimée. En 1487, Ivan lui-même s'était emparé dukhanat de Kazan et avait placé à sa tête l'un de ses protégés.
La fin du règne d'IvanIII fut marquée par les relations tendues avec laLituanie. La guerre russo-lituanienne de 1500-1503 s'acheva par la victoire des Russes. Ils reçurent alors le cours de la hauteOka, les régions de laDesna avec ses affluents, une partie du cours de la basseSoj, le cours du hautDniepr, les villes deTchernigov et deBriansk, en tout25 villes et70 cantons. En 1510, laRépublique de Pskov, fondée en 1348, rejoignit à son tour l'État moscovite. En 1514, après la guerre avec la Lituanie, la Russie s'empara deSmolensk. En 1521 s'achève le rassemblement de la terre russe par l'incorporation de laPrincipauté de Riazan, qui avait depuis longtemps perdu son autonomie. Cela aboutit à la formation de la Moscovie.
En 1492, l'union polono-lituanienne est temporairement rompue lorsque meurtCasimir IV Jagellon. Le trône lituanien est occupé par son filsAlexandre, celui dePologne par son autre filsJean-Albert. Cette même année, Ivan attaque la Lituanie, prenant prétexte les persécutions de prêtres orthodoxes. Par un traité signé en 1494, elle doit céder à Moscou les territoires situés sur le cours supérieur de l'Oka. De plus, le grand-duc doit reconnaître à Ivan le titre desouverain de toute la Russie. Celui-ci lui accorde la main de sa filleElena.
Bientôt, Elena se plaint qu'on veuille la forcer à renier sa foi orthodoxe. C'est de nouveau la guerre. En 1500, les armées moscovites, aidées des troupes tatares de Crimée et de Kazan, entrent en Lituanie, battent les troupes du grand-duc et s'enfoncent jusqu'en Pologne. En 1503, un traité de paix est signé. Ivan garde toutes ses conquêtes occidentales : les régions deSmolensk,Polotsk et une partie de la régionTchernigov-Seversk[2].
Le, Ivan le Grand épouseZoé Paléologue (qui prend le prénom de Sophie), nièce du dernier empereur byzantin,Constantin XI, tué lors de la prise deConstantinople par les Turcs en 1453. Sophie est la fille deThomas Paléologue,despote de Morée dans lePéloponnèse. À la mort de son père, elle s'est retrouvée sous la tutelle du papeSixte IV. Celui-ci espère par ce mariage favoriser l'entrée de la Russie dans le giron catholique. Lenonce, le cardinal Antoine Bonumbre, lui sert d'escorte pendant le voyage et accompagne d'ailleurs la princesse, mais lemétropolite Philippe force le grand-princeIvanIII à lui refuser l'entrée dans Moscou. Il laisse cependant y pénétrer les artistes italiens qu'elle emmène. L'un d'eux,Aristotile Fioravanti, fut l'architecte de lacathédrale de la Dormition auKremlin.
Le mariage d'Ivan et de Sophie est vu en Russie comme un symbole. Par sa présence, la nouvelle reine légitime Moscou dans sa prétention à être la « Troisième Rome ». Elle apporte en guise de dot àIvanIII le blason de l'Empire byzantin, l'Aigle à deux têtes, introduit au palais le cérémonial byzantin qui faisait du grand-prince de Moscou le successeur et l'héritier légitime des empereurs de Constantinople.
Parallèlement,IvanIII se construit à Moscou un pouvoir absolu sans précédent calqué sur celui des empereurs romains et byzantins; un pouvoir que les rois de France et d'Angleterre ne possèdent même pas à cette époque. La publication en1497 du célèbre CodeSoudiebnik (Justicier)[3], premier code de lois russe compilé par le scribe Vladimir Goussev, démontre clairement ce pouvoir que le souverain russe est en train de concentrer entre ses mains[4]. De plus, les Italiens et les Grecs arrivés avec Sophie l'influencent dans la création d'un État centralisé et d'un gouvernement que l'on qualifiera bientôt d'autocratique.
La querelle la plus connue à l’intérieur de l'Église orthodoxe russe oppose les « possédants »(cтяжатели ,stiajateli) dont le porte-parole futJoseph de Volok[5],Higoumène du monastère deVolokolamsk, près de Moscou, aux « non-possédants »(нестажатели, nestiajateli) dont le principal représentant était le moineNil de la Sora, fondateur d'unskite sur la rivière Sora dans la région deBeloozero. Les premiers prônaient la nécessité d'une Église puissante et riche en parfaite « symbiose » avec le souverain, et les seconds condamnaient la propriété ecclésiastique, notamment celle des grands monastères et séparaient l'Église de l'État. Le concile de 1503 tranche en faveur des premiers, maisNil de la Sora[6], tout comme son adversaire,Joseph de Volok, sont l'un comme l'autre canonisés.
Cette sacralisation de la famille régnante des princes de Moscou trouve encore un autre terrain d'expression littéraire dans l'hagiographie. Ce genre, particulièrement révélateur des aspirations du peuple russe en ces temps troublés, nous confirme combien les normes chrétiennes de comportement restent l'idéal permanent du peuple russe.