Par extension, unisotope est une classe d'atomes caractérisée par son nombre de protonsZ et son nombre de neutronsN[2], sans distinction concernant lespin ou l'état énergétique.
lesisotones, nucléides ayant le même nombre de neutrons mais un nombre de protons différent (Z ≠ Z' maisN = N') ;
lesisobares, nucléides ayant des nombres de protons différents, des nombres de neutrons différents, mais des nombres de masse identiques (Z ≠ Z',N ≠ N', maisZ + N = A = A' = Z' + N') ;
lesisomères, nucléides ayant le même nombre de protonsZ et le même nombre de neutronsN (donc aussi le même nombre de masseA), mais pas le même spin ni le même niveau énergétique.
sonnombre de masseA (égal au nombre denucléons de l'atome), placé en haut et à gauche du symbole chimique ;
sonnuméro atomiqueZ (égal au nombre deprotons), placé en bas et à gauche du symbole chimique.
Lecarbone 12 et lecarbone 14, deux isotopes de l'élémentcarbone, sont ainsi notés12 6C et14 6C. Le numéro atomique est souvent omis, car redondant avec le symbole chimique[a] :12C et14C, par exemple.
Lesisotopes naturels de l'hydrogène sont l'hydrogène 1 (1H), l'hydrogène 2 (2H) et l'hydrogène 3 (3H), mais on les désigne plus fréquemment par les noms deprotium,deutérium ettritium. L'IUPAC admet aussi — sans toutefois le recommander — l'usage des symboles D et T pour le deutérium et le tritium, le symbole H représentant alors le protium et non plus l'élément hydrogène[b].
Cet usage particulier est dû à l'effet isotopique particulièrement marqué pour l'hydrogène, qui se traduit par une modification substantielle des propriétés physiques et chimiques de l'hydrogène et de ses composés quand on y remplace le protium par le deutérium ou le tritium[c].
Les propriétés des atomes étant essentiellement régies par leurscortèges électroniques, les isotopes d'un même élément chimique ont essentiellement les mêmes propriétés physiques et chimiques, qualitativement et quantitativement[d]. La différence de masse entre isotopes, parce qu'elle affecte l'énergie cinétique des atomes et desmolécules, entraîne cependant de légères différences de propriétés, appeléeseffets isotopiques. Ces effets sont d'autant plus importants que la différence relative de masse est grande ; ils sont donc maximaux pour l'hydrogène (la masse de2H est le double de celle de1H) et minimaux pour les éléments les plus lourds (la masse de235U, par exemple, n'est supérieure à celle de234U que de 0,4 %).
Le noyau d'un atome est constitué d'une part de protons qui se repoussent sous l'action de l'interaction électromagnétique (les charges électriques de même nature se repoussent) mais qui s'attirent sous l'action de l'interaction forte. Dans un noyau, la stabilité est donc assurée par l'interaction forte, et par les neutrons qui, éloignant les protons les uns des autres, diminuent l'intensité de la répulsion électromagnétique entre les protons, d'où les propriétés suivantes :
Pour ces centaines d'isotopes naturels, les nombres respectifs de protons et de neutrons semblent respecter certaines règles :
le nombre de neutrons est à peu près égal à celui des protons pour les éléments légers ; à partir du21Sc, le nombre de neutrons devient supérieur au nombre de protons, l'excédent dépassant 50 % pour les éléments les plus lourds ;
certains noyaux particulièrement stables contiennent des protons ou des neutrons (ou les deux) en nombre égal à un des « nombres magiques » suivants :2, 8, 20, 28, 50, 82, 126.Selon les théories actuelles, ces valeurs correspondraient à des noyaux possédant des couches complètes de neutrons ou de protons ;
les éléments de nombre Z impair possèdent moins d'isotopes stables que les éléments de nombre Z pair.
Il existe des milliers de noyaux instables, de durée de vie très courte (jusqu'à 10−23 seconde), qui ne peuvent être produits qu'en laboratoire. On les qualifie denoyaux exotiques, notamment en raison de leurs propriétés spécifiques (grandes déformations, halos de neutron, etc.).
Les demi-vies sont indiquées par la couleur de la cellule de chaque isotope ; les isotopes ayant deux modes de désintégration qui diffèrent par leur demi-vie ont des couleurs de fond et de bordure différentes.
La mesure d'une composition ou d'un rapport isotopique peut se fairein situ (directement sur le matériau) ouex situ (sur un échantillon prélevé et préparé pour l'analyse). Les mesuresin situ ont l'avantage de permettre une cartographie des rapports isotopiques, mais les mesuresex situ sont généralement plus précises.
Une large majorité des analyses isotopiques sont faitesex situ dans unspectromètre de masse : une partie des atomes d'un échantillon sontionisés, les ions sont accélérés par unchamp électrique indépendamment de leur masse puis les ions de masses différentes sont séparés par unchamp magnétique et recueillis séparément, on mesure alors les nombres d'ions recueillis ayant les masses auxquelles on s'intéresse et on en calcule les rapports ou les proportions.
Dans les spectromètres de masse à source solide, l'échantillon est généralement un dépôt solide obtenu par dissolution acide d'un morceau du matériau étudié, séparation chimique dé l'élément chimique étudié, dépôt liquide sur un filament et séchage.
Outre la source des ions, les spectromètre diffèrent par leurtension accélératrice, la puissance de leurélectroaimant et le processus de mesure des nombres d'ions. Les spectromètres de masse de dernière génération sont des appareils de très haute technologie, permettant la mesure des rapports isotopiques avec une précision de l'ordre du millionième.
Les analyses isotopiquesin situ sont réalisées à l'aide d'unesonde ionique. Un fragment de l'objet étudié est bombardé par un faisceau d'ions (d'un mêmeélément chimique qu'on n'analysera pas) et émet un faisceau d'ions « secondaires » représentatif de la composition chimique et isotopique de la surface de l'objet. Ces ions sont ensuite analysés « en vol » par spectrométrie de masse.
Une méthode complètement différente des précédentes est la mesure de vibrations atomiques dans unmicroscope électronique, décrite en 2022. Il devient possible d'identifier les isotopes chimiques à une échelle sub-nanométrique. Ceci devrait permettre, à cette résolution, de construire et suivre des domaines isotopiques[4].
Les applications des analyses isotopiques mettent à profit la variabilité de lacomposition isotopique de nombreuxéléments chimiques, due aux différences de caractéristiques nucléaires et de propriétés physicochimiques des isotopes d'un même élément :
les caractéristiques nucléaires des différents isotopes peuvent être très différentes :
la proportion des différents isotopes peut ne pas être la même dans deuxsubstances en équilibre. Cet effet est surtout sensible pour les éléments les plus légers (H,He,Li,Be,B,C,N,O),
Un exemple très connu de couple d'isotopes est constitué par lecarbone : le carbone est présent en grande majorité sous son isotope demasse atomique 12 (le « carbone 12 ») ; d'autre part, on peut trouver en faible quantité l'isotope de masse atomique 14 (lecarbone 14), qui est chimiquement strictement équivalent aucarbone 12, mais qui est radioactif. En effet, les neutrons supplémentaires du noyau rendent l'atome instable. Il se désintègre en donnant del'azote 14 et en émettant unrayonnement bêta.
Lerapport18O/16O (par exemple dans les apatites des fossiles devertébrés) permet, dans une certaine mesure, de reconstituer certains paléoclimats[5] ;
Dans le domaine de l'évaluation environnementale, l'analyse isotopique d'un organisme, dusol ou desédiments permet de différencier la partie naturelle de la part anthropique d'une contamination par certains métaux, dont le plomb[7]. Sur la base de signatures isotopiques particulières, on peut distinguer le plomb de céramiques, du plomb issu de la combustion du charbon et de l'essence[7]. On peut ainsi tracer l'origine d'une pollution actuelle ou passée (déposée dans les sédiments). On a ainsi pu montrer que dans la Baie de San Simón (partie intérieure de laRía de Vigo située au nord-ouest de l'Espagne), selon les époques, l'homme a été responsable de 25 à 98 % des apports de plomb trouvé dans les échantillons de lazone intertidale, et de 9 à 84 % dans les échantillonssubtidaux. Les variations temporelles observées dans les carottes de sédiments ont pu être reliées, d'abord aux retombées defumées de combustion decharbon (60 à 70 % du plomb de la baie) avant la création d'une usine decéramique dans la région (dans les années 1970), qui est alors devenue la principale source de plomb (de 95 à 100 % des apports), avant qu'une nouvelle source soit dominante : l'essence plombée[7]. L'histoire des immiscions de plomb dans l'environnement de cette baie a pu être ainsi déterminée pour tout leXXe siècle, et même pour leXIXe siècle pour la zone subtidale[7].
L'analyse isotopique est utilisée dans les études duréseau trophique. En effet, les consommateurs présentent une signature isotopique directement reliée à celle de leurs aliments (elle en diffère peu, et suivant une loi connue). En analysant les rapports isotopiques d'un consommateur et de ses aliments potentiels, il est possible de reconstituer le régime probable du consommateur[8].
La lutte contre lesfraudes utilise la précision de ces analyses pour élucider des responsabilités criminelles (détermination de la marque d'une cartouche de chasse ou origine d'une balle à partir d'un échantillon de plomb) ou defraudes alimentaires[9] (par exemple l'analyse desrapports isotopiques stables (13C/12C et15N/14N) d'échantillons de viande d'agneau (mesurée par spectrométrie de masse isotopique) permet de confirmer ou infirmer une origine géographique, ou même de savoir si l'animal a uniquement tété le lait de sa mère, ou reçu des supplémentations solides (maïs, soja…) ou été nourri d'herbe naturelle[9]… Ces analyses permettent aussi de différencier certains types d'agneau, mais aussi de vin, de jus de fruits, de miel[9] ou de produits laitiers et fromages (dont AOC par exemple[10]). Un simple échantillon haché solide suffit et permet d'acquérir l'information pour un grand nombre de métabolites (acides aminés, acides gras, sucres, etc.)[11].
Depuis les années 90, l’archéologie a connu de nombreuses avancées en termes de techniques d’analyse, ce qui a non seulement permis de dater des échantillons, mais aussi d’obtenir des informations sur l’alimentation des populations animales et humaines[12]. Il est donc possible de savoir quel régime alimentaire a été suivi par un individu à une époque et à une localisation donnée et ce à différents moments de sa vie selon le tissu squelettique étudié[13]. En effet, la composition chimique des ossements dépend en partie des aliments consommés durant la vie et plus généralement de l’environnement de vie[12]. Avec ces informations, il est possible de faire un lien entre l’alimentation et la place de l’individu en s’appuyant sur d’autres ressources archéologiques[14].
L’analyse isotopique est l’une des méthodes les plus utilisées enarchéologie à ce jour. Elle est utilisée entre autres à Grenoble aumusée archéologique Saint-Laurent. Ce lieu n'est pas un simple musée puisque des recherches en archéologie sont encore en cours. En complément de cette méthode utilisant des isotopes, on peut s’appuyer sur l’usure dentaire et la présence de caries[13].
En archéologie, l’analyse isotopique consiste à déterminer après extraction du collagène d’ossements et de dents fossilisées différentsrapports isotopiques :13C/14C,13C/15N,15N/14N,87Sr/86Sr ,Sr/Ca,18O/16O. Elle est également utilisée pour étudier des tissus humains tels que les cheveux et la peau, remarquablement conservés dans des milieux humides, désertiques ou gelés[15]. L’analyse du rapport13C/14C, plus connue sous le nom ladatation par carbone 14, et l’analyse du rapport87Sr/86Sr donne accès à l’âge des échantillons. L’analyse des rapports13C/15N,15N/14N,Sr/Ca permettent quant à eux d’en apprendre plus sur le régime alimentaire associé aux échantillons retrouvés. Plus particulièrement, le rapport13C/15N permet de distinguer les régimes alimentaires des carnivores aux herbivores et met en lumière la consommation de certaines plantes telles que les plantes marines, de climat tempéré ou tropical[15].
Pour la recherche (étude des propriétés d'un isotope particulier ou préparation detraceurs isotopiques), pour les applications médicales et pour l'industrie nucléaire civile (réacteurs) ou militaire (bombes A), on a besoin, à partir d'unesubstance ayant une certainecomposition isotopique pour un certainélément (généralement sa composition naturelle), de l'enrichir en l'un de ses isotopes, voire de séparer le plus complètement possible un ou plusieurs isotopes.
Quand les quantités à produire sont relativement faibles (du gramme au kilogramme), la séparation des isotopes d'une substance peut se faire parspectrométrie de masse, en utilisant des spectromètres de masse fondés sur le même principe que ceux utilisés pour la mesure descompositions isotopiques, mais adaptés à la récolte des isotopes séparés par le champ magnétique de l'aimant du spectromètre, à une échelle semi-industrielle.
↑L'effet isotopique est très notable aussi, quoique déjà moins, pour l'hélium, lelithium et lebéryllium, mais ceséléments n'ont pas la même importance dans la nature et dans les applications.
↑On sait depuis 2003 que lebismuth 209 est radioactif, mais sademi-vie est tellement grande (19 × 1018 années donc plus d'un milliard de fois l'âge de l'univers !) que pour toute considération pratique on peut le considérer comme stable.
↑Živilė Žigaité,Le rapport18O/16O dans les apatites des vertébrés du Paléozoïque : possibilités et limites des reconstitutions paléoclimatiques ; Palaeoclimate and Stable Isotope Geochemistry
↑S. C. Maisant, A. F. Villa, J. Poupon, J. Langrand et R. Garnier, « L’analyse isotopique du plomb: un outil utile en santé au travail quand les sources d’exposition au plomb sont multiples »,Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement,vol. 77,no 3,,p. 485(résumé).
↑N Hette-Tronquart, J Belliard,Caractérisation des réseaux trophiques en cours d’eau, 2016 ([1])
↑ab etcE. Piasentier, R. Valusso, F. Camin, G. Versini,Stable isotope ratio analysis for authentication of lamb meat ; Meat Science, Volume 64, Issue 3, July 2003, Pages 239–247 ([Résumé])
↑M.A Brescia, M Monfreda, A Buccolieri, C Carrino,Characterisation of the geographical origin of buffalo milk and mozzarella cheese by means of analytical and spectroscopic determinations ; Food Chemistry Volume 89, Issue 1, January 2005, Pages 139–147 (résumé)
↑D. Sacco, M.A. Brescia, A. Buccolieri, A. Caputi Jambrenghi,Geographical origin and breed discrimination of Apulian lamb meat samples by means of analytical and spectroscopic determinations ; Meat Science Volume 71, Issue 3, November 2005, Pages 542–548 (Résumé)