Cet article concerne l'isomérie en chimie organique. Pour l'isomérie en physique nucléaire, voirIsomérie nucléaire.
Enchimie organique, on parle d'isomérie lorsque deuxmolécules possèdent la mêmeformule brute mais ont desformules développées oustéréochimiques différentes[1]. Ces molécules, appeléesisomères, peuvent avoir des propriétés physiques, chimiques et biologiques différentes.
Le termeisomérie vient dugrecἴσος /ísos, « égal en nombre », etμέρος /méros, « partie ».
On distingue différents types d'isomérie, notamment l'isomérie de constitution (isomérie plane) et l'isomérie de configuration (stéréoisomérie).
L'isomérie a été remarquée la première fois en1827, quandFriedrich Woehler a préparé l'acide isocyanique (H-N=C=O) et a noté que, bien que sa composition élémentaire soit la même que celle de l'acide fulminique (H-CNO, préparé parJustus von Liebig l'année précédente), les propriétés chimiques de ces substances sont radicalement différentes. Cette découverte était en contraste avec les théories de l'époque dans le cadre desquelles l'on pensait que les propriétés d'une substance étaient entièrement déterminées par sa formule brute.
Le terme« isomère » (ou plus exactement« corps isomériques ») a été proposé par le chimiste suédoisJöns Jacob Berzelius en1830[2].
On parle d'isomérie de constitution (ou encore d'isomérie plane ou d'isomérie de structure) lorsque les molécules ont la mêmeformule brute mais des formulesdéveloppées etsemi-développées différentes[3]. Elles diffèrent donc dans l'enchaînement des atomes.
L'isomérie de chaîne (ou de squelette) désigne les isomères qui diffèrent par leurchaîne carbonée.
Exemple : C4H10
butane 2-méthylpropane (isobutane) CH3-CH2-CH2-CH3 CH3-CH-CH3 | CH3
L'isomérie de position de fonction qualifie les isomères dont un groupe fonctionnel est placé sur des carbones différents de la chaîne carbonée, ce qui veut dire que c'est la fonction qui se déplace à l'intérieur du squelette.Exemple : C3H8O.
propan-1-ol propan-2-ol CH2-CH2-CH3 CH3-CH-CH3 | | OH OH
Certaines réactions chimiques permettent de passer d'un isomère de position à l'autre, elles sont appeléesréaction de réarrangement. Par exemple, les dérivés de l'anthraquinone sont connus pour leur transformation réversible photoinduite en para-ana-quinoïde. Ce phénomène implique la migration d'unatome ou groupe d'atome lors du passage de laformetrans à la formeana[4].
L'isomérie de nature de fonction caractérise les isomères dont lesgroupes fonctionnels sont différents, donc de propriétés physiques et chimiques différentes. On appelle ces isomères, des isomères de « fonction ».
Exemple : C2H6O
éthanol méthoxyméthane CH3-CH2-OH CH3-O-CH3
L'isomérie d'insaturation caractérise les isomères dont lesinsaturations sont différentes.
Exemple : C3H6
propène cyclopropane
CH2=CH-CH3 H2C——CH2 \ / CH2
La stéréoisomérie désigne les isomères de disposition dans l'espace, c'est-à-dire les molécules de constitution identique (elles ont la mêmeformule semi-développée) mais dont l'organisation spatiale des atomes est différente. Lareprésentation de Cram, notamment, permet de différencier des stéréoisomères (ou stéréomères).
On distingue les stéréoisomères de conformation, qui ne diffèrent que par des rotations autour des liaisons simples et les stéréoisomères de configuration, séparés en deux grands groupes : les énantiomères et les diastéréoisomères.
Ces isomères ont une même formule développée. Ils ne se différencient que par rotation autour d'une liaison simple (liaison sigma), sans la rompre. Par exemple lebutane (C4H10) a trois conformères.
Ces isomères ont une même formule développée. On parle d'atropoisomérie lorsque la barrière d'activation autour d'une liaison simple (liaison sigma) est suffisante pour qu'on puisse caractériser chacun des deuxatropoisomères qui sonténantiomères l'un de l'autre. Couramment utilisée encatalyse asymétrique, cette forme d'isomérie est classiquement observée sur desbiphényles substitués enortho.
Aussi appelésisomères optiques, lesénantiomères sont deux molécules qui sont l'image l'une de l'autre par un miroir et ne sont pas superposables : elles présentent en effet unechiralité (dextrogyre oulévogyre). Elles sont donc symétriques l'une par rapport à l'autre, le plan de symétrie étant le miroir. L'exemple le plus concret de chiralité est celui d'une main droite non superposable sur une main gauche.
Les différents énantiomères sont nommés avec lesrègles Cahn-Ingold-Prelog (UICPA) qui précisent laconfiguration absolue descentres stéréogènes, en utilisant les descripteurs R et S.
Exemples d'énantiomères ayant une efficacité clinique en médecine :
Lesdiastéréoisomères (que l'on écrit aussidiastéréo-isomères) sont les stéréoisomères de configuration qui ne sont pas énantiomères.
Cas intéressant, un isomèreméso est unstéréoisomère possédant un nombre pair d'atomes de carbone asymétriques et un plan de symétrie interne (son image dans un miroir lui est superposable), il est achiral.
Lorsque, sur chacun des deux côtés d'unedouble liaison, on trouve deux groupes différents, on distingue deux configurations :Z etE. En effet, la libre rotation autour de la double liaison n'est pas possible, du fait de la présence d'uneliaison π : il en résulte une molécule plane ayant deux configurations possibles.
En utilisant l'ordre de priorité d'après laconvention CIP (Cahn, Ingold, Prelog) on définit les deux isoméries ainsi :
Historiquement, ce type d'isomérie ne correspond pas exactement à l'isomérie cis-trans où la priorité dessubstituants est définie par leurencombrement stérique. Un exemple typique de cette correspondance erronée est celui du cis-2-chlorobut-2-ène qui est aussi le (E)-2-chlorobut-2-ène[6].
Exemple : l'acide 3-aminobut-2-ènoïque, ci-contre.Les priorités sont COOH > H et NH2 > CH3. On a donc dans le premier cas les groupes prioritaires du même côté du plan : c'est donc la représentation de l'acide (Z)-3-aminobut-2-ènoïque. À l'inverse, dans la seconde représentation, les groupes prioritaires sont opposés : la molécule représentée est donc l'acide (E)-3-aminobut-2-ènoïque.
De manière générale, les configurationsZ sont plus rares car les groupements prioritaires (souvent les plus volumineux) sont déstabilisés par leurencombrement stérique. Mais certaines configurations peuvent être stabilisées, notamment parchélation. Il est également possible de transformer unisomère E enisomère Z (ou vice versa) via unephotoisomérisation[7].
N.B. : Dans le cas d'une diastéréoisomérie due à la présence d'une double liaison, on utilise moins les termescis ettrans qui qualifient plutôt des positions relatives de groupements sans tenir compte de leur priorité. Par exemple, sur l'illustration de la configurationE, on dira que leH est entrans duCH3, et que leH est encis duNH2.
Autre diastéréoisomérie géométrique, beaucoup plus rare, qui apparaît quand l'inversion d'atome comme l'azote est suffisamment bloqué pour caractériser les invertomères.
Très présente dans les systèmespolycycliques possédant des substituants, ce type de diastéréoisomérie apparaît quand un substituant peut adopter deux positions relatives au branchement polycyclique, au plus près ou au plus loin - voir, par exemple, letropanol.
Deux épimères ne diffèrent entre eux que par la configuration absolue d'un seulcarbone asymétrique, comme entre le D-mannose et le D-glucose ou encore entre le D-glucose et le D-galactose.
C’est un cas particulier d’épimèrie pour le carbone 1 des oses. Il permet de décrire notamment la convention α et β. Si la fonction hydroxyle du carbone 1 est en dessous du plan (représentation de Haworth), l’ose est dit α (alpha) alors que si l’hydroxyle ducarbone 1 est au-dessus du plan, l’ose est dit β (bêta).
Exemple : α-glucose : sur l'image, le carbone 1 est à droite et la fonction hydroxyle n'est ni en haut ni en bas (il faudrait choisir pour avoir du α ou β).
Cette nomenclature est très importante pour décrire les liaisons chimiques contractées dans les disaccharides et les polysaccharides.
Exemple : lesaccharose (α-D-glucopyrannosyl(1→2)β-D-fructofurannoside) est un dissacharide formé d'α-glucose et d'β-fructose liés en α1-2.
Il y a diastéréoisométrie entre deux molécules isomères possédant un même enchaînement de liaison, qui comportent deux ou plusieurs centres de chiralité (des atomes portant quatre substituants différents) et qui ne sont pas des énantiomères[8]. Exemple : les formes(R)-(S) et(R)-(R) de l'acide tartrique sont des diastéréoisomères et possèdent des propriétés physiques différentes.
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