L'islam en Europe est la pratique de la religion islamique sur le continent européen. On peut faire remonter l'histoire de cette confession religieuse européenne à l'an 711, qui marque la conquêteomeyyade de lapéninsule Ibérique. Se maintenant près de huit siècles dansAl-Andalus, cette première présence d'une puissance politique islamique y laisse un héritage significatif, mais en 1614 les derniers civils musulmans sont expulsés du royaume d'Espagne.
AuxXIVe etXVe siècles, l'Empire ottoman s'étend dans le sud-est de l'Europe, favorisant la diffusion de l'islam dans ces régions. Puis, au fil des siècles, l'Empire ottoman perd progressivement la quasi-totalité de ses territoires européens, jusqu'à ce qu'il s'effondre en 1922. Cependant, certaines parties desBalkans (comme la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, le Kosovo, la Macédoine, la Bulgarie et le Monténégro) continuent d'avoir d'importantes populations musulmanes.
Depuis la fin duXXe siècle et le début duXXIe siècle, la majeure partie des musulmans vivant en Europe occidentale provient de l'immigration extra-européenne, notamment d'Afrique du Nord,Moyen-Orient, et deTurquie.
Les premiers contacts entre l'Europe et l'islam sont établis quasiment dès la naissance de la religion musulmane. Des correspondances entre leprophète de l'islam et l'empereur byzantinHéraclius invitant ce dernier à se convertir à l'islam sont attestées par une lettre qu'Héraclius a reçue. Bien que l'empereurbyzantin n'ait pas consenti à accepter l'islam, cet évènement marque le début d'une relation plus que millénaire où on verra les deux mondes, Occident et Orient, s'affronter, se haïr, mais aussi échanger, se découvrir et se respecter.
La première grande bataille verra s'affronter Théodore, frère de l'empereur Héraclius et les musulmans dont le principal généralKhalid ibn al-Walid à la bataille deYarmouk () où les troupes byzantines seront entièrement décimées ouvrant le passage vers le nord du Moyen-Orient aux armées musulmanes. Une à une les grandes villes de la région commeJérusalem ouDamas future capitale du califatomeyyade sont prises par les troupes des quatre premiers califes essentiellement, aidés par une population lasse des conditions de vie imposés par les Byzantins. Pendant ce temps, leur extension à l'Est vers l'Empire perse, ancien rival des byzantins, et à l'Ouest vers l'Afrique du Nord et la péninsule ibérique continue.
En 674 les Arabes sont devantConstantinople, défaits, ils tenteront vainement uneseconde fois en717. Les murs solides de la ville résistent, lefeu grégeois anéantit la flotte arabe, la menace est repoussée mais les empereurs byzantins doivent se rendre à l'évidence, en à peine un demi-siècle depuis la lettre à Héraclius, l'islam était aux portes de l'Europe. C'est le début d'une longue tension frontalière auProche-Orient, qui verra passer lescroisades, et qui se prolonge encore aujourd'hui à travers la division deChypre entre partie nord, d'influence turque et musulmane, et partie sud, d'influence grecque et chrétienne.
Quasiment à la même époque que lesecond siège de Constantinople à l'autre extrémité de l'Europe, la situation était plus favorable aux troupes musulmanes. Après avoir conquis l'Afrique du Nord, les troupes musulmanes renforcées par des soldats berbères nouvellement convertis, comme le généralTariq ibn Ziyad, répondent favorablement à l'appel deMoussa Ibn Noçaïr pour une incursion dans la péninsule ibérique.
Leroyaume wisigoth, affaibli par des querelles de pouvoir, doit affronter subitement l'arrivée d'un nouvel ennemi qui s'ajoute auxFrancs et auxBasques dans le nord. En deux mois, lors de labataille du Guadalete, l'Espagne wisigoths est menée à sa chute et en moins d'une décennie les arabes ont déjà traversés lesPyrénées,Al-Andalus est fondé dans la foulée de la conquête. Parallèlement c'est en 718 dans lesAsturies, un mouvement de résistance émerge. C'est le noyau de la futureReconquista. La péninsule Ibérique sera, à la suite de la chute desOmeyyades àDamas, le siège du nouveau califat qui, contrairement au Abbassides de Bagdad tournés vers l'Inde, laChine et l'Empire byzantin, tournera son regard essentiellement sur l'Europe et particulièrement sur la Méditerranée qui ne tarde pas à devenir un « lac musulman ». Les califes deCordoue se lanceront dans une série de constructions comme de châteaux forts comme lechâteau de Gormaz, de mosquées comme laGrande mosquée de Cordoue ou de palais.
AuXIe siècle, le califat de Cordoue s'effondre et laisse place à une vingtaine detaïfas. Bien que divisés, les taïfas vont revivifier des parties de la péninsule jusque-là ignorés du temps du califat. Un demi-siècle plus tard, lesAlmoravides réunifieront la péninsule et ralentiront la Reconquista avant d'être renversés par lesAlmohades en 1147. La reconquête chrétienne ne s'arrête pas pour autant, et en 1238 on ne dénombre plus qu'un seul État musulman, le royaume de Grenade, qui mourra lentement jusqu'en 1492, date qui marque la fin de la Reconquista en Espagne.
En 1347, l'Empire ottoman conquiertGallipoli, son premier territoire européen, puis s'étend à travers lesBalkans. En 1389, la victoire décisive à labataille du champ des Merles enSerbie, dans l'actuelKosovo, marque la fin de l'existence des royaumes serbes. La Serbie est définitivement annexée par les Ottomans après la chute deSmederevo, en 1459. En 1453, commandées par le sultanMehmed II, les armées ottomanesprennent Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'empire sur la partie à majorité chrétienne de laMéditerranée orientale.
L’Empire ottoman est organisé selon le système desmillets, mise en œuvre par le pouvoir ottoman d'un contrôle des populations qui y vivaient au moyen d'une religion organisée dont il nommait les dignitaires. La langue pouvait jouer un rôle, mais c'est d'abord la religion qui définissait lemillet. Tous les adeptes de l'islamsunnite relevant dusultan ottoman, « Calife commandeur des croyants », formaient un seul millet, qu'ils fussentTurcs,Kurdes,Lazes,Géorgiens ouArabes. Concernant l'Égliseorthodoxe, tous ses croyants sujets du Sultan formaient le millet desRum ; concernant l'Églisecatholique, l'Empire ottoman en toléra la hiérarchie enHongrie après sa conquête (1526), tout en favorisant la diffusion duprotestantisme, adversaire de laPapauté et de l'Autriche catholique.
Les conversions forcées étaient plutôt rares : on connaît le cas desGéorgiens de la région deKars, de certains villages révoltés en Serbie, Bulgarie et Grèce (enfermés dans leur église, les villageois avaient le choix entre la conversion ou la mort) et de certaines tribusalbanaisescatholiques duMonténégro. Mais l'immense majorité des conversions, de laBosnie au fin fond de l'Anatolie en passant par lesPomaques, s'est faite chez les chrétiens pauvres pour ne plus payer leKharâj (double imposition sur les non-musulmans) et ne plus subir laπαιδομάζωμα / pédomazoma (enlèvement des enfants) pour les Yeni-çeri (janissaires). Devenusavdétis (convertis), ils n'en étaient, pour la plupart, que plus fidèles sujets de laSublime Porte, afin de bénéficier de la confiance due auxma'mīnīm (croyants). C'est pourquoi les Turcs actuels sont, en majorité, detype caucasien, alors que lespeuples turcs d'Asie centrale ont unphénotype asiatique. Et c'est pourquoi auXIXe siècle, la majorité des membres des milletsRum etArménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les gens aisés pouvaient aisément payer leharaç.
Une approximation calculée par leZentralinstitut Islam-Archiv-Deutschland donne pour chiffre en 2007 environ 53 millions de musulmans en Europe (en incluant les parties européennes de la Turquie et de la Russie) dont environ 25 millions enRussie, 5,7 millions dans la partie européenne de laTurquie, 16 millions dans l'Union européenne, 5,5 millions enFrance, 3,5 millions enAllemagne, 1,5 million enGrande-Bretagne, 1 million auxPays-Bas et enItalie soit un peu plus de 7 % de la population européenne totale de 730 millions[2]. La grande majorité des musulmans en Europe occidentale sont des immigrants, ou descendants d'immigrants, arrivés dans les années 1960 et 1970.Les musulmans habitant les Balkans sont des populations européennes qui furent converties durant la présence ottomane[3] et il existe une importante communauté musulmane en Russie.
Selon lePew Research Center, il y avait 25,8 millions de musulmans en Europe (Union européenne et Royaume-Uni) en 2016, soit 4,9 % de la population totale. En fonction du niveau d'immigration, il est estimé qu'il y aura en Europe en 2050 entre 35,8 et 75,6 millions de musulmans, soit entre 7,4 % et 14 % de la population totale[4],[5].
On compte cinq pays à majorité musulmane en Europe : l'Albanie, l'Azerbaïdjan, laBosnie-Herzégovine, leKosovo et laTurquie.
Ci-dessous la liste des dix pays d'Europe ayant la plus forte proportion de musulmans :
Pays | Pew Research Center(2010)[6] | Autres estimations | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre | % | Nature | Année | Nombre | % | ||
Union européenne | ![]() | 4 119 000 | 5,0 % | recensement[7] | 2011 | 1,9 % | |
![]() | 475 000 | 5,7 % | |||||
![]() | 1 002 000 | 13,4 % | recensement[8] | 2011 | 577 139 | 7,8 % | |
![]() | 638 000 | 6,0 % | étude démographique[9] | 2016 | 781 887 | 7 % | |
![]() | 56 000 | 1,3 % | recensement[10] | 2011 | 62 977 | 1,5 % | |
![]() | 200 000 | 22,7 % | |||||
![]() | 226 000 | 4,1 % | |||||
![]() | 1 021 000 | 2,3 % | |||||
![]() | 2 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 42 000 | 0,8 % | |||||
![]() | 4 704 000 | 7,5 % | étude démographique[11] | 2008 | 2 100 000[n 1] | 3,35 % | |
![]() | 527 000 | 4,7 % | |||||
![]() | 25 000 | 0,3 % | recensement[12] | 2011 | 5 579 | <0,1 % | |
![]() | 43 000 | 0,9 % | recensement[13] | 2011 | 49 200 | 1,1 % | |
![]() | 1 583 000 | 2,6 % | |||||
![]() | 2 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 3 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 11 000 | 2,3 % | |||||
![]() | 1 000 | 0,3 % | |||||
![]() | 914 000 | 5,5 % | étude démographique[14] | 4 % | |||
![]() | 20 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 65 000 | 0,6 % | |||||
![]() | 4 000 | <0,1 % | recensement[15] | 2011 | 3 358 | <0,1 % | |
![]() | 73 000 | 0,3 % | recensement[16] | 2011 | 64 337 | 0,3 % | |
![]() | 4 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 49 000 | 2,4 % | |||||
![]() | 451 000 | 4,9 % | |||||
Hors UE | ![]() | 2 601 000 | 82,1 % | recensement[17] | 2011 | 56,70 % | |
![]() | <1 000 | 1,1 % | |||||
![]() | 1 000 | 0,1 % | |||||
![]() | 8 795 000 | 98,4 % | |||||
![]() | 19 000 | 0,2 % | |||||
![]() | 1 564 000 | 41,6 % | |||||
![]() | 442 000 | 10,5 % | |||||
![]() | <1 000 | 0,2 % | statistiques officielles[18] | 2016 | 865 | 0,3 % | |
![]() | 2 104 000 | 91,7 % | |||||
![]() | 2 000 | 4,8 % | |||||
![]() | 713 000 | 34,9 % | |||||
![]() | 15 000 | 0,4 % | |||||
![]() | <1 000 | 0,5 % | |||||
![]() | 116 000 | 18,5 % | |||||
![]() | 114 000 | 3,0 % | |||||
![]() | 2 869 000 | 4,6 % | recensement[19] | 2011 | 2 706 066 | 4,5 % | |
![]() | 16 379 000 | 11,7 % | |||||
![]() | <1 000 | <0,1 % | |||||
![]() | 280 000 | 3,7 % | |||||
![]() | 433 000 | 5,7 % | |||||
![]() | 74 660 000 | 98,6 % | |||||
![]() | 393 000 | 0,9 % | |||||
![]() | <1 000 | <0,1 % |
EnFrance, selon une étude de l'INED et de l'Insee publiée en, il y aurait entre 70 000 et 110 000 convertis[20],[21],[22],[23],[24], et 4 000 personnes se convertiraient à l'islam par an[25].
Djelloul Seddiki, directeur de l'Institut de théologie El Ghazali de laGrande mosquée de Paris, avance le chiffre d'un million de convertis en France en 2013[26].
AuRoyaume-Uni, le nombre de convertis à l'islam est passé d'environ 60 000 en 2001 à plus de 100 000 en 2011. Environ 5 200 hommes et femmes ont adopté l'islam en 2011, dont 1 400 à Londres. Près des deux tiers étaient des femmes, plus de 80 pour cent étaient blancs et l'âge moyen de conversion est de 27 ans[27].
Dans son livreUne révolution sous nos yeux - Comment l'islam va transformer la France et l'Europe, qu'Esprit critique pour son absence d'enquête sur le terrain[28] mais queThe Guardian salue pour son regard neuf sur la question en tant qu'analyste non-européen[29],Christopher Caldwell estime que malgré la grande diversité des identités musulmanes en Europe, « les conditions sont mûres » pour la fusion de ces diverses identités en une « identité unifiée » ; tout comme l'identité hispanique, qui n'était à l'origine auxÉtats-Unis qu'une catégorie de recensement, est devenue une réalité. Cette identité musulmane, bien que touchant l'Europe, n'en sera pas pour autant pro-européenne[30].
Olivier Roy estime que le fait d'être musulman n'est qu'un élément parmi d'autres de l'identité des immigrants de la première génération. Leur identification avec l'aire d'origine est beaucoup plus forte : ils sont tout d'abordAlgériens,Marocains,Tunisiens d'autres s'identifient par leur culture ou leur langue :Arabes,Berbères (Kabyles,Chleuhs,Rifains), etc. Selon lui, ce n'est pas aussi vrai avec la seconde génération, qui bien souvent ne parle même pas la langue des parents. Cette observation, pourtant, n'est généralement pas valable dans le cas de certaines minorités comme lesTurcs, qui peuvent largement maintenir leurs liens culturels avec leur pays d'origine grâce au développement international des médias de leur pays. Toujours selon Olivier Roy, on assiste progressivement, sous les effets de la mondialisation et de la déculturation, au découplage entre religion et culture traditionnelle, comme cela s'est fait dans le christianisme. Ainsi, l'islam qui prend racine en France et en Europe ne serait pas un islam « civilisationnel » mais se voudrait « pure religion ». Selon lui, cette déculturation du religieux est la condition nécessaire à l'émergence d'unislam européen (en), même si le contenu théologique ne change pas plus que celui du catholicisme au cours des siècles[31].
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Al-Andalus, l’Espagne musulmane duVIIIe siècle auXVe siècle |