Profondément détesté par lesanarchistes et lagauche, il fut durement combattu pour sonconservatisme rigide (qui devint amer dans les dernières années du règne). Son implication indirecte dans lescandale de la Banca Romana[1], l'approbation des répressions des soulèvements populaires de 1898 et l'honneur accordé au généralFiorenzo Bava Beccaris pour l'étouffement sanglant des manifestations de mai de la même année àMilan, constituent des actions et conduites politiques qui lui ont coûté au moins trois attentats en 22 ans[2] jusqu'à celui deMonza, le 29 juillet 1900, de l'anarchisteGaetano Bresci, qui lui sera fatal.
Certains se souviennent positivement du monarque pour son attitude face à des catastrophes telles que l'épidémie decholéra àNaples en 1884, faisant personnellement de son mieux pour aider (c'est pourquoi il était surnommé « Re Buono » (« Bon Roi »), et pour la promulgation du dit Code Zanardelli, qui a apporté quelques innovations au code pénal, comme l'abolition de lapeine de mort.
Il reçut le surnom de « Re Mitraglia » des anarchistes[3]. Il fut également destinataire d'une desWahnbriefe (lettres pour la folie) deFriedrich Nietzsche. Lestyle humbertien, style artistique et architectural, tire son nom d'HumbertIer.
Ses parrains et marraines sont ses grands-parents paternels,Charles-Albert, roi de Sardaigne et son épouseMarie-Thérèse de Habsbourg-Toscane, prenant la place de leur gendre, à savoirRainier d'Autriche,vice-roi duLombardie-Vénétie etÉlisabeth de Savoie-Carignan, sœur de Charles-Albert. Humbert reçoit immédiatement le titre deprince de Piémont, qui est toujours attribué au premier-né de la maison régnante. Sa naissance est grandement célébrée par le peuplepiémontais, ainsi que par la famille royale, qui peut ainsi voir la descendance masculine assurée. Il passe toute son enfance, avec son frère cadetAmédée, auchâteau de Moncalieri où il reçoit une formation essentiellementmilitaire, ayant le général Giuseppe Rossi commetuteur et quelques autres militaires parmi ses professeurs ; cette discipline sévère forme son caractère, le transformant cependant à l'âge adulte en une personne sèche aux idées limitées, même si d'autres le considèrent comme « loyal, ouvert, gentil » et cordial[4]. Très attaché à sa mère, Humbert subit un profond traumatisme lorsqu'elle meurt prématurément, le 20 janvier 1855.
Son éducation est confiée, entre autres, àMassimo d'Azeglio etPascal-Stanislas Mancini[5]. En tant que prince héritier, Humbert se méfie de son père, qui ne lui donne aucune formation enpolitique ou en gouvernement constitutionnel ; il est élevé sansaffection niamour. Au lieu de cela, il apprend à être obéissant et loyal, doit se tenir au garde-à-vous chaque fois que son père entre dans la pièce, et lorsqu'il lui parle, il doit d'abord se mettre à genoux pour lui baiser la main. Le fait qu'Humbert doive baiser la main de son père avant de lui parler en public et en privé jusqu'à la mort de celui-ci, a beaucoup contribué à la tension entre les deux[6].
Devenu héritier du trône d'Italie après la naissance duroyaume d'Italie (1861-1946) le 17 mars 1861, Humbert devient major général en 1863 et lieutenant général en 1864 ; il ne manque pas de compléter sa formation par de nombreux voyages à l'étranger, comme lorsqu'en 1863 il accompagne àLisbonne sa sœurMaria Pia de Savoie, filleule du papePie IX, qui épouseLouisIer, roi de Portugal,, tandis que l'année suivante, il visite quelques cours européennes amies de l'Italie ; en 1865, il est en visite àLondres alors que des émeutes éclatent à Turin pour protester contre le transfert de la capitale àFlorence.
En 1866, il est également àParis, envoyé par son père pour une conversation privée avec l' empereurNapoléon III au sujet du conflit imminent qui va éclater avec l'Autriche. Toujours en 1866, il participe avec son frère Amédée à latroisième guerre d'indépendance italienne. Arrivé au front des opérations enVénétie, Humbert prend le commandement de la XVIe Division d'infanterie et participe avec vaillance à l' affrontement deVillafranca di Verona le 24 juin 1866, qui suit la défaite italienne lors de labataille de Custoza (1866)[5]. Il est l'un des commandants militaires italiens, parmi ceux qui sont entrés en action, dont l'unité n'est pas été forcée de battre en retraite par les Autrichiens, réussissant plutôt à repousser les attaques nombreuses et violentes desUhlans Impériaux et Royaux autrichiens et remportant, pour cela, lamédaille d'or de la valeur militaire.
En 1866, les tractations diplomatiques faisant suite à laguerre austro-prussienne accordent laVénétie à la France deNapoléon III, protecteur desÉtats pontificaux, qui la rétrocède immédiatement à son allié Italien. En 1870, la défaite de la France face auroyaume de Prusse provoque la chute duSecond Empire. Délié de ses engagements envers Napoléon III, le roi d'Italie annexe le reste des États pontificaux. Le papePie IX, s'estimant prisonnier du souverain Italien, se cloître dans lepalais du Vatican. Vainqueur, le roi d'Italie n'en est pas moins considéré par ses pairs comme un usurpateur et un sacrilège et son antique maison comme une dynastie parvenue. Le prince de Piémont atteint l'âge d'homme mais les cours d'Europe répugnent à donner une de leurs filles en mariage à l'héritier d'un trône honni.
Mariage à Turin le 22 avril 1868.Marguerite et Humbert lors de leur séjour napolitain.
En raison du bouleversement que les Savoie ont causé à un certain nombre d'autres maisons royales (toutes les maisons italiennes et celles qui leur sont étroitement liées, comme lamaison de Bourbon (Espagne) et lamaison capétienne de Bourbon) de France, seule une minorité de familles royales dans les années 1860 sont disposés à établir des relations avec la famille royale italienne nouvellement fondée. Il s'avère difficile de trouver une épouse royale pour l'un ou l'autre des fils du roi Victor Emmanuel II (son fils cadet Amédée épouse finalement un sujet piémontais, la princesseMaria Vittoria dal Pozzo). Leur conflit avec lapapauté n'aide pas ces questions. Peu d'épouses royales catholiques éligibles sont facilement disponibles pour le jeune Humbert[réf. nécessaire].
Dans ces années, Humbert a eu une relation sentimentale avec la duchesse Eugenie Attandolo Bolognini Litta, dont le lien est ensuite été renforcé par la naissance de son fils Alfonso[7] (décédé en bas âge) et qui durera toute sa vie. Cependant, Humbert sait qu'il doit se soumettre à un mariage de convenance, voulu par son père pour des raisons d'État. En effet, immédiatement après la fin de la troisième guerre d'indépendance, qui a conduit à l'unification de la Vénétie au royaume d'Italie, Victor-Emmanuel II songe à faire la paix avec lamaison de Habsbourg par un mariage politique, après l'alliance temporaire avec laPrusse deOtto von Bismarck.
Au départ, Humbert doit épouser l'archiduchesseMathilde de Teschen, descendante d'une lointaine marge de la maison impériale autrichienne, mais elle décède tragiquement, brûlée par le feu de sa robe (elle tentait de cacher une cigarette à son père), à l'âge de 18 ans. Cette possibilité écartée, le Premier ministre de l'époque,Louis-Frédéric Ménabréa, propose pour épouse la cousine germaine d'Humbert âgée de 17 ans,Marguerite, princesse de Savoie, fille deFerdinand de Savoie,duc de Gênes, frère du roi, et d'Élisabeth de Saxe. À contrecœur au début, le roi d'Italie finalement accepte.
Humbert et Marguerite se marient àTurin le 22 avril 1868 ; c'est le « mariage du siècle » de l'époque, et pour cette occasion le roi crée le corps descuirassiers royaux, qui doivent servir d'escorte à la procession royale, et l'ordre de la Couronne d'Italie, pour tous ceux qui se sont distingués au service de la nation. La destination de la lune de miel est quelques villes italiennes, pour mieux faire connaître les futurs monarques italiens à la population puis, après un séjour à la Villa Royale de Monza, les jeunes mariés partent en voyage officiel àMunich etBruxelles, où ils sont chaleureusement accueillis.
De retour en Italie, le couple royal s'installe à Naples où, la princesse étant enceinte, il est décidé de donner naissance à l'héritier du trône. Le choix de la ville napolitaine n'est pas fortuit, mais bien conçu à des fins de propagande, pour mieux faire remarquer lamaison de Savoie aux populations méridionales, encore en partie nostalgiques de lamaison de Bourbon-Siciles. L'heureux événement a lieu le 11 novembre 1869 : le nouveau-né, nomméVictor-Emmanuel, comme son grand-père, est nommé prince de Naples[5].
Le mariage entre Humbert et Marguerite, même avec l'arrivée de leur fils, ne s'est pas renforcé : la princesse aurait retrouvé son mari dans son appartement conversant avec sa maîtresse, la duchesse Litta. Il semble que Marguerite ait menacé de retourner auprès de sa mère, mais, convaincue par son beau-père et faisant appel à sa volonté, elle décide de rester à côté d'Humbert, bien qu'elle déclare ne plus le considérer comme son mari, mais que comme son souverain. Marguerite devait être au courant depuis un certain temps de la relation qui remonte à avant le mariage.
La famille royale.
Alors qu'Humbert devait être décrit par un historien moderne comme « un homme incolore et physiquement peu impressionnant, d'une intelligence limitée », l'apparence de Marguerite, ses intérêts culturels et sa forte personnalité devaient renforcer la popularité de la monarchie[8]. Humbert conserve de nombreuses maîtresses à ses côtés, et sa maîtresse préférée, Eugenie, l'épouse du duc Litta Visconti-Arese, vit avec lui à sa cour en tant qu'épouse de fait, alors qu'il force la reine Marguerite à l'accepter comme dame de compagnie[9].
Lorsque les deux se sont rencontrés pour la première fois, la duchesse avait 25 ans et Humbert en avait 18[10]. L'échec du mariage, connu uniquement dans les cercles restreints de la cour, est masqué par un semblant de bonheur utilisé également à des fins politiques. Après la prise dePorta Pia le 20 septembre 1870, et la visite précipitée de Victor-Emmanuel à Rome en décembre après la crue duTibre, ce sont Humbert et Marguerite qui ainsi représentent la famille royale dans la future capitale de l'Italie.
Marguerite a principalement le mérite d'avoir jeté les bases d'une réconciliation entre les deux factions de l'aristocratie romaine : la « noire » qui, par dévotion est fidèle au pape Pie IX et refuse tout contact avec les « usurpateurs » de Savoie, et la « blanche », d'idées plus libérales, qui prône plutôt l'union de la ville avec l'Italie. Le «paravent» des noces heureuses durera longtemps et atteindra son paroxysme le 22 avril 1893, lorsque les noces d'argent sont célébrées avec faste. Le matin des célébrations à Rome, 101 coups de canon sont tirés. A cette occasion, un timbre spécial est prévu qui n'est cependant pas émis.
En 1870, le frère d'Humbert, Amédée, duc d'Aoste, est proclamé roi d'Espagne par lesCortes. Confronté à une situation anarchique, le jeune souverain abdique et retourne en Italie dès 1873 permettant le rétablissement de la dynastie légitime.
En 1876, lorsque le ministre britannique des Affaires étrangères,Lord Salisbury, se rend à Rome, il rapporte à Londres que le roi Victor Emmanuel II et le prince héritier Humbert sont « en guerre l'un contre l'autre »[11]. En prenant la couronne, Humbert renverra tous les amis de son père de la cour, vendra la collection de chevaux de course de son père (qui comptait 1 000 chevaux) et réduira les extravagances pour rembourser les dettes que Victor Emmanuel II avait contractées. L'historien britanniqueDenis Mack Smith a commenté que c'était signe de la grande richesse de la maison de Savoie qu'Humbert ait pu payer les dettes de son père sans avoir à demander l'aide du Parlement. Comme son père, Humbert est un homme peu instruit, sans intérêts intellectuels ou artistiques, ne lisant jamais de livres et préférant dicter plutôt que d'écrire des lettres car il trouve l'écriture trop éprouvante mentalement. Après l'avoir rencontré, la reineVictoria décrit Humbert comme ayant « la manière brutale et bourrue de parler » de son père, mais sans son « discours et ses manières rudes »[6]. En revanche, la reine Marguerite a largement lu tous les classiques de la littérature européenne, tient un salon d'intellectuels et, malgré le fait que le français soit sa langue maternelle, elle est souvent louée pour son bel italien dans ses lettres et dans ses discours[9].
Serment d'HumbertIer au palais Montecitorio.HumbertIer en 1878.
À la mort de son père, le 9 janvier 1878, Humbert lui succède sous le nom d'HumbertIer d'Italie sur le trône d'Italie, marquant par là l'unification de toute l'Italie sous son nom, et d'Humbert IV de Savoie sur le trône savoyard, son père ayant établi, malgré l'unité nationale, la continuation de la tradition nominale sur le trône de Savoie. Le même jour, il publie une proclamation à la nation déclarant : « Votre premier roi est mort ; le successeur vous prouvera que les institutions ne meurent pas ! ». Le 17 janvier 1878, jour des funérailles de son père, il accepte la pétition de la municipalité de Rome et organise l'inhumation du corps auPanthéon (Rome), plutôt que dans lemausolée royal de labasilique de Superga[5], ce qui en fait symboliquement le mausolée de la famille royale. Il abrite encore aujourd'hui les restes des deux premiers souverains d'Italie.
Rome est un lieu symbolique, car sa capture a représenté l'achèvement de l'unité nationale tant désirée. Le 19 janvier, le serment solennel sur leStatut albertin a lieu aupalais Montecitorio en présence de sénateurs et de députés. Le deuxième souverain d'Italie doit affronter de nombreux problèmes : l'hostilité duVatican, qui, après la mort du pape Pie IX le 7 février de la même année et l'élection au trône deLéon XIII, continue de désavouer le royaume d'Italie ; la tentative de bloquer à la fois les fermentsirrédentistes etrépublicains qui traversent le pays et les intentions anti-unitaires de certains cercles politiques occultes, nationaux et étrangers ; la nécessité absolue de créer un large front de réformes sociales dont pourraient profiter les classes les moins aisées ; la relance de l'économie nationale, déjà trop longtemps stagnante, et surtout le problème très urgent de mettre fin à l'isolement international de l'Italie et d'accroître son prestige en politique étrangère.
Le problème le plus épineux auquel son gouvernement doit faire face est la crise desBalkans, née de la récente guerre entre l'Empire russe et l'Empire ottoman, pour laquelle le chancelier allemand Bismarck a convoqué lecongrès de Berlin. L'Italie, dans la crainte de prendre des engagements trop lourds, n'obtient rien.
Il quitte Rome le 6 juillet 1878, le 10 juillet il est àLa Spezia, du 11 au 30 juillet il séjourne à Turin, le 30 il est àMilan, puis àBrescia et le 16 septembre il se rend à Monza, où il inaugure le premier monument dédié à son père. Le 4 novembre, les membres de la famille royale arrivent àBologne : le 7, ils rencontrent le poèteGiosuè Carducci, aux idées républicaines, qui, enchanté par la grâce et la beauté de la reine, écrit pour elle des pages de grande admiration et lui dédie la célèbreode à la reine d'Italie.
Trois jours plus tard, Humbert et Marguerite sont àFlorence, le 9 novembre àPise etLivourne, le 12 novembre ils se rendent àAncône, le lendemain àChieti, puis àBari. Le 16 novembre, à la gare deFoggia, un certain Alberigo Altieri tente de se précipiter vers le souverain. Il est arrêté à temps, à tel point que presque personne ne l'a remarqué et que la presse n'en parle pas. Cependant, une enquête policière permet de découvrir que le jeune homme n'a pas agi seul, mais dans le cadre d'un « complot pour l'assassinat du souverain Auguste » qui avait « pour but de faire exécuter la tentative dans les différentes villes qu'il a visitées. »[12]
Arrivé à Naples le 17 novembre 1878, le roi subit une tentative d'assassinat qui fait beaucoup plus sensation : il se trouve, avec sa femme, son fils et Cairoli, dans une voiture découverte qui se fraye un chemin dans la foule, quand il est soudainement attaqué au couteau par l'anarchisteGiovanni Passannante. Dans sa tentative de meurtre du monarque, Passannante crie : « ViveOrsini, vive la république universelle »[13]. Le roi parvient à se défendre et un officier des Corazzieri de la suite se jette contre l'assaillant, le blessant à la tête d'un coup de sabre (le roi subit une légère coupure au bras), tandis que Cairoli, tentant de bloquer l'agresseur, est blessé à une cuisse. La tentative d'assassinat génère de nombreuses marches de protestation, à la fois contre et en faveur de l'agresseur, et des affrontements surviennent entre la police et les anarchistes. À la suite de la tentative de régicide, le chef de la police de l'époque, Luigi Berti, est contraint de démissionner un mois plus tard.
Le poèteGiovanni Pascoli, lors d'une réunion de socialistes à Bologne, commence la lecture publique d'un poème, donné par une personne présente à la réunion, louant Passannante. Remarquant le contenu, il jette le papier et prononce des mots d'indignation[14]. Pascoli est ensuite arrêté pour avoir protesté contre la condamnation de certains anarchistes qui avaient manifesté en faveur de l'agresseur[15]. Le prétendu assassin est condamné à mort même si la loi n'autorise la peine de mort que si le roi est tué. Le roi commue la peine à destravaux forcés à perpétuité[5]. Les mauvaises conditions de détention de Passannante suscitent la polémique de certains hommes politiques[16]. Passanante meurt trois décennies plus tard dans un établissement psychiatrique[17].
Après l'attentat, le roi, reconnaissant, décerne au Premier ministre la médaille d'or de la vaillance militaire, mais le Parlement, tout en admirant son courage et son dévouement, reproche au gouvernement la mauvaise gestion de la politique intérieure, notamment en ce qui concerne la sécurité du roi et l'État ; une question parlementaire est alors présentée qui se termine le 11 décembre de la même année par la démission du gouvernement, qui est à nouveau confié à Depretis.
Depretis est cependant battu à la Chambre des députés le 3 juillet 1879 et doit à nouveau démissionner : le gouvernement passe à nouveau à Cairoli, qui, n'ayant pas la majorité parlementaire nécessaire, doit impliquer une partie de la gauche modérée dirigée par Depretis qui a été nommé ministre de l'Intérieur. L'un des problèmes les plus urgents auquel le gouvernement doit faire face est l'abolition de lataxe foncière, qui a permis l'atteinte d'un budget équilibré en 1876, mais a provoqué l'hostilité de la population à la suite de l'augmentation du prix des produits de première nécessité ou des céréales.
Humbert lui-même, le 26 mai 1880, à l'ouverture de laXIVe législature du royaume d'Italie, prononce un discours dans lequel il espère que le Parlement donnera suite à l'abolition de l'impôt sur le sol, aucours forcé et à la réforme électorale. Ainsi, après une discussion parlementaire serrée, la Chambre vote le 30 juin 1880 la réduction progressive de la taxe foncière (qui sera définitivement abolie quatre ans plus tard), tandis que le 23 février 1881 le cours forcé, en vigueur depuis 1866, est aboli.
A la même époque, la famille royale visite officiellement laSicile et laCalabre ; lorsqu'il atteintReggio de Calabre, le souverain se laisse aller dans un bain de foule, disant aux forces de sécurité, soucieuses de sa sécurité : « Faites place, je suis au milieu de mon peuple ! ».
Estampe célébrant la Triple Alliance (1882) avec des portraits des souverains d'Italie (Humbert I), d'Allemagne (Guillaume II) et d'Autriche (François-Joseph).Photo prise à l'occasion de la visite à Rome en 1888 du nouvel empereur allemand Guillaume II. On reconnaît Humbert I debout au centre et l'empereur assis sur la chaise entre deux personnages ; celui de droite est l'héritier du trône d'Italie Victor-Emmanuel.L'empereur d'Autriche François-Joseph (assis deuxième à gauche) et le roi d'Italie Umberto I (assis deuxième à droite) à l'Opéra d'État de Vienne en 1881.
En termes de visibilité et de poids international, HumbertIer est un ardent partisan de laTriplice ou Triple Alliance, surtout après l'occupation française de laTunisie en 1881 et l'Alliance des trois empereurs qui a suivi entre l'Autriche, l'Allemagne et la Russie. À cette époque, par d'ailleurs, le gouvernement d'Agostino Depretis apprend que le pape Léon XIII interroge les ministres des Affaires étrangères sur leur éventuelle intervention pour restaurer lesÉtats pontificaux.
Le soutien de l'Autriche, la nation catholique la plus prestigieuse, serait d'une grande utilité à l'Italie afin de renverser une action européenne en faveur de la papauté[18]. Pour l'Italie, la conclusion d'une alliance avec deux puissances conservatrices vaudrait à la fois d'assurer la monarchie savoyarde face aux mouvements républicains d'inspiration française, et de l'assurer de l'intervention de puissances étrangères qui veulent rétablir le pouvoir temporel du pape[19].
À l'appui d'initiatives diplomatiques, entre le 21 et le 31 octobre 1881, Humbert et son épouse rendent visite à l'empereurFrançois-Joseph et à l'impératriceElisabeth à Vienne. Les monarques italiens font une excellente impression sur la cour viennoise, en particulier Marguerite, qui, à juste titre, pour sa grâce et son élégance, est comparée à l'impératrice Sissi. Humbert lui-même, rigide, sévère et austère, fait si bonne impression que son cousin et ancien adversaire, François-Joseph, lui accorde la nomination commecolonel honoraire du 28ème Régiment d'Infanterie. Le geste ne manque pas de susciter la polémique en Italie au sein de l'opinion publique étant donné que le régiment autrichien, dont le roi a été fait colonel, est le même qui a participé à labataille de Novare (1849) et à l'occupation deBrescia, contribuant activement à la répression impitoyable qui a causé la mort de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants de Brescia. Beaucoup en Italie, considèrent avec hostilité une alliance avec leurs anciens ennemis autrichiens, qui occupent toujours des zones revendiquées par l'Italie. Humbert admire lemilitarisme prusso-allemand et lors de ses visites en Allemagne, son activité préférée est de passer en revue l'armée prussienne.Guillaume II (empereur allemand) lui dit lors d'une visite qu'il devrait renforcer laRegio Esercito au point qu'il pourrait abolir le parlement et gouverner l'Italie comme un dictateur[20].
Devant l'insistance de l'Allemagne, le ministre autrichien des Affaires étrangèresGusztáv Kálnoky cède à l'idée d'un accord avec l'Italie et le 20 mai 1882, le premier traité de la Triple Alliance est signé. Humbert est également favorable à la politique d'expansion coloniale[5] en Érythrée. L'Italie s'étend également en Somalie dans les années 1880[21]. Le gouvernement italien a déjà acheté, le 10 mars 1882 la baie d'Assab à l'armateurRaffaele Rubattino, qui l'avait lui-même achetée au sultan local comme escale pour ses navires. L'occupation ultérieure de la ville portuaire deMassaoua est convenue avec le gouvernement anglais, qui a lieu le 5 février 1885, en vue d'une profonde pénétration auSoudan, convenue avec les Britanniques, engagés dans laguerre des mahdistes.
Londres rejette l'offre d'aide italienne qui n'est plus nécessaire, et l'Italie se retrouve ainsi « enchaînée à un rocher dans lamer Rouge », sans perspectives expansionnistes concrètes. Les Italiens tentent alors de compenser leur maigre butin colonial en occupant l'arrière-pays de Massaoua, en direction d'Asmara, mais cette fois l'obstacle est représenté par les guerriers éthiopiens duNégusYohannes IV qui, le 27 janvier 1887, tendent une embuscade à une colonne italienne de 500 hommes commandée par le colonel De Cristoforis près de Dogali, l'anéantissant complètement (bataille de Dogali).
Seuls quelques-uns s'échappent et sont reçus avec tous les honneurs aupalais du Quirinal par Humbert et son épouse Marguerite, un honneur qui n'eurent pas les vétérans du Risorgimento. Malgré cela, la nouvelle du massacre de Dogali a l'effet d'une averse glaciale sur Rome, où elle éteint l'ardeur colonialiste et attise l'opinion publique pour exiger la fin de l'aventure africaine. De Robilant démissionne ; Depretis, qui a été mis en minorité et qui n'approuve pas l'entreprise enAbyssinie, a la tâche de former le gouvernement du roi, grâce aussi au soutien de Francesco Crispi etGiuseppe Zanardelli, à la tête de la soi-disant Pentarchie, la formation politique de gauche la plus forte. En août de la même année, le Premier ministre décède et Crispi prend sa place, qui, contrairement à son prédécesseur, est un fervent partisan de la politique africaine. Il le démontre en envoyant un contingent de 20 000 hommes en Érythrée sous le commandement du généralAntonio Baldissera et en demandant à l'ambassadeur d'Italie àAddis-Abeba, le comte Pietro Antonelli, de tout mettre en œuvre pour que l'Italie puisse profiter des luttes internes qui déchirent l'Éthiopie.
En témoignent également deux lettres envoyées à Humbert, respectivement par le négus Yohannes IV et par son ennemi juré, le roi deChoaMenelik : dans la première, l'empereur éthiopien recherche un accord avec le roi italien contre Menelik qui, à son tour, accuse Giovanni de l'avoir soulevé contre les Italiens. Les choses empirent lorsque, le 10 mars 1889, Yohannes IV meurt au combat contre lesderviches duSoudan ; Menelik prend aussitôt sa place d'empereur, sous le nom de Menelik II, ignorant les droits deras Mangascià, fils naturel du défunt négus. Pour mieux asseoir son pouvoir, Menelik décide de négocier avec l'Italie, acceptant de signer, le 2 mai 1889, leTraité de Wouchalé : dans celui-ci, les territoires occupés en Érythrée sont reconnus à l'Italie et - en raison d'un malentendu sur la traduction de l'article 17 du même traité (qui prévoyait, dans le texte italien, pour le négus l'obligation d'être représenté par Rome afin de traiter avec les autres puissances européennes, alors que dans l'éthiopien ce n'était qu'optionnel) - leprotectorat sur l'Éthiopie en échange de quatre millions delires.
Victoire de Menelik II sur les Italiens à la bataille d'Adoua.
L'accord est alors signé avec l'envoi dans la capitale italienne d'une délégation éthiopienne conduite par RasMekonnen Welde Mikaél, le cousin de l'empereur, qui a pour mission de porter le traité et de convenir de l'emprunt. Les membres de la délégation sont d'abord reçus au Quirinal par les souverains, puis ils sont envoyés dans les principales villes italiennes pour visiter des arsenaux, des casernes, des industries militaires, afin de les impressionner et de montrer la puissance militaire du pays. La mission reprend le 2 décembre de la même année, rapportant le prêt et divers cadeaux, dont un tableau représentant l'Ascension deJésus-Christ au ciel, avec le roi, la reine et Crispi en prière, tandis que, de leur côté, les Éthiopiens ont ramené un éléphant en cadeau. En 1890, certains sultanats deSomalie acceptent également le protectorat italien, tandis que la même année la colonie érythréenne est officiellement fondée. Mais le malentendu diplomatique (connu sous le nom de « canular d'Uccialli ») ne tardera pas à préparer le terrain pour lapremière guerre italo-éthiopienne. Tout commence en décembre 1893, lorsque Menelik n'utilise pas le gouvernement de Rome pour négocier certaines affaires commerciales avec laFrance, dénonçant le traité signé quelques années plus tôt, et se termine le 1er mars 1896 avec laBataille d'Adoua, catastrophique pour les armées italiennes. En Italie, les répercussions sont très graves : Crispi est contraint de démissionner et disparaît de la scène politique ; à sa place,Antonio di Rudinì doit signer leTraité d'Addis-Abeba le 26 octobre 1896, qui prévoit l'annulation du traité de Wouchalé et la pleine souveraineté de l'Éthiopie, tout en permettant aux Italiens de conserver tous les territoires précédemment conquis. Cette défaite provoque la fin temporaire de l'aventure coloniale italienne, qui s'arrêta jusqu'en 1911, avec la conquête de laLibye.
Malgré la défaite d'Adoua, Humbert nourrit toujours des ambitions impérialistes envers l'Éthiopie, déclarant : « Je suis ce qu'ils appellent un belliciste et mon souhait personnel serait de riposter contreMenelik II et de venger notre défaite »[23]. En 1897, le premier ministreAntonio di Rudinì tente de vendre l'Érythrée à laBelgique au motif que l'Érythrée est trop chère pour s'y accrocher, mais sa proposition est rejetée par le roi qui insiste pour que l'Érythrée reste italienne. Rudinì tente de réduire les dépenses militaires, citant une étude montrant que depuis 1861, elles constituent plus de la moitié du budget chaque année, mais il est de nouveau bloqué par le roi[24]. Au début de 1899, le ministre des Affaires étrangères, l'amiralFelice Napoleone Canevaro, envoie une escadre navale enChine avec un ultimatum exigeant que le gouvernement chinois remette une ville côtière à gouverner comme concession italienne de la même manière que les Britanniques avaient prisHong Kong, les AllemandsQingdao, les RussesPort-Arthur et les FrançaisKouang-Tchéou-Wan. Le Premier ministreLuigi Pelloux et le reste du cabinet déclarent que l'amiral Canevaro a agi sans les en informer, et il est largement admis que le roi est celui qui a donné à Canevaro l'ordre de s'emparer d'une ville en Chine. Après le refus du gouvernement chinois, Canevaro menace de faire la guerre, mais est contraint de reculer et se contente de rompre les relations diplomatiques avec la Chine[25].
L'attitude d'Humbert envers leSaint-Siège est intransigeante. Dans un télégramme de 1886, il déclare Rome « intouchable » et affirme la permanence de la possession italienne de la « Ville éternelle »[5]. Conséquemment aux relations difficiles de l'Italie avec la papauté et préférant éviter un camouflet de la part des dynasties catholiques, le roi marie son fils à la princesseHélène de Monténégro, fille d'un roi populaire, ambitieux et orthodoxe.
Les relations compliquées avec la France, qui veut s'imposer en Tunisie, incitent l'Italie à faire partie de laTriplice en 1882.
Arturo Calosci, portrait du roi dans ses dernières années.
Durant son règne, le souverain apporte sa solidarité aux populations frappées par les catastrophes naturelles, intervenant par des aides matérielles. Déjà en 1872, alors qu'il est encore prince, il se rendit enCampanie rencontrer les victimes de l'éruption duVésuve. Dès son accession au trône, en 1879, il assiste les Siciliens touchés par l'Etna et en 1882, il se rend enVénétie, touchée par des pluies torrentielles. En 1884, il arrive à Naples, victime du choléra, et à cette occasion il prononce la célèbre phrase, gravée sur la stèle en souvenir du triste événement :« APordenone si fa festa, a Napoli si muore. Vado a Napoli » (« A Pordenone on fête, à Naples on meurt. Je vais à Naples ») .
1888 voit un geste politiquement important et personnellement courageux : Humbert visite laRomagne (Italie), une terre considérée comme hostile à la monarchie et très dangereuse, en raison de la prédominance des républicains, des socialistes et des anarchistes. En préparation, des manœuvres militaires spéciales sont effectuées à des fins de dissuasion. La visite se déroule sans incident même àForlì, la patrie d'Aurelio Saffi, un homme de référence pour les Républicains. L'ancien Premier ministreAlessandro Fortis vient également pour souhaiter la bienvenue au roi.
En politique intérieure , Humbert soutient le travail du gouvernement de Francesco Crispi dans son projet de renforcement interne de l'État. C'est sous son règne que se définit le rôle duPrésident du Conseil des ministres d'Italie (1890) : en effet le roi ne préside pas le conseil des ministres, mais se limite à recevoir le président après les réunions du cabinet et, après avoir entendu son rapport, à signer les dispositions du gouvernement, assumant au fil du temps également des responsabilités qui, même partagées par lui personnellement, sont collectives et parlementaires.
Une critique majeure des politiques menées par les premiers ministres nommés par le roi est la puissance continue ducrime organisé dans leMezzogiorno (sud de l'Italie) avec lamafia dominant laSicile et laCamorra dominant la Campanie[26] La mafia et la Camorra fonctionnent toutes deux comme des « États parallèles » dont l'existence et le pouvoir sont tolérés par les gouvernements successifs à Rome car elles se sont livrées à des fraudes électorales et à une intimidation des électeurs si efficaces que ce sont les patrons de la mafia et de la Camorra qui décident qui a gagné les élections. Comme il est impossible de gagner les élections dans leMezzogiorno sans le soutien du crime organisé, les politiciens concluent des accords avec les patrons de la Camorra et de la Mafia pour échanger la tolérance de leurs activités criminelles contre des votes[27]. LeMezzogiorno est alors la région la plus arriérée d'Italie avec des niveaux élevés de pauvreté, d'émigration et un taux d'analphabétisme estimé à 70 %. Les députés duMezzogiorno ont toujours voté contre plus d'écoles pour leMezzogiorno, perpétuant ainsi le retard et la pauvreté du sud ; tant la mafia que la Camorra s'opposent à toute sorte de réforme sociale qui pourrait menacer leur pouvoir[28]. Le roi préfère de lourdes dépenses militaires plutôt que de s'engager dans des réformes sociales et chaque année, l'État italien dépense 10 fois plus d'argent pour l'armée que pour l'éducation[29].HumbertIer, partisan agressif du militarisme, dit un jour qu'accepter des coupes dans le budget militaire serait « un scandale abject et nous pourrions aussi bien abandonner la politique complètement ». Au moins une partie de la raison pour laquelle le roi est si opposé à la réduction du budget militaire est dû au fait qu'il a personnellement promis à l'empereur Guillaume II que l'Italie enverrait 5corps d'armée en Allemagne en cas de guerre avec la France, une promesse que le roi n'a pas vue digne de partager avec ses premiers ministres[30].
La solution préférée du souverain aux problèmes de l'Italie est de conquérir l'Éthiopie, indépendamment de l'opposition publique écrasante. Il soutient le Premier ministre ultra-impérialisteFrancesco Crispi qui parle en mai 1895 de « l'impossibilité absolue de continuer à gouverner par le Parlement »[31]. En décembre 1893, Humbert nomme Crispi premier ministre malgré sa « réputation brisée » en raison de son implication dans lescandale de la Banca Romana ainsi que dans de nombreux autres scandales que le roi lui-même qualifie de « sordides »[21]. En 1893, il est impliqué dans le scandale, accusé d'avoir contracté des dettes élevées dont le premier ministre de l'époque Giovanni Giolitti lui aurait garanti la couverture par fidélité à la monarchie et pour le soutien qu'il avait reçu de la maison de Savoie les années précédentes[1].
Son activité politique est également marquée par une attitude autoritaire, peut-être en raison de la graveGrande Dépression (1873-1896), où soulèvements et émeutes, comme celles desFasci dei Lavoratori en Sicile et l'insurrection de laLunigiana (1894) le conduisent à signer des dispositions comme l'état de siège. À la suite de ces événements graves et d'autres, le gouvernement Crispi, leParti socialiste italien, lesCamere del Lavoro et les Ligues ouvrières sont dissous.
Le roi assume ses devoirs de souverain constitutionnel alors que la gauche italienne occupe le pouvoir, avecAgostino Depretis et Francesco Crispi[32].
Le 22 avril 1897, le souverain subit une seconde attaque dePietro Acciarito. L'anarchiste s'est mêlé à la foule qui accueille l'arrivée Humbert I à l'hippodrome de Capannelle à Rome et se précipite vers sa voiture armé d'un couteau. Le roi remarque rapidement l'attaquant et réussit à l'esquiver, demeurant indemne. Acciarito est arrêté et condamné à la réclusion à perpétuité. Comme pour Passannante, sa peine est très sévère et a eu de graves conséquences sur sa santé mentale.
Comme la précédente tentative de régicide, une conspiration anti-monarchiste est admise, bien qu'Acciarito ait tout nié, déclarant qu'il a agi seul[34] et plusieurs socialistes, anarchistes et républicains sont arrêtés, soupçonnés d'avoir été de connivence avec l'extrémiste. Parmi ceux-ci, un autre anarchiste nommé Romeo Frezzi, un ami d'Acciarito, est emprisonné parce qu'il est en possession d'une photo de l'agresseur[35].
Frezzi meurt le troisième jour de son interrogatoire. Certaines allégations sont faites à propos de sa mort (suicide ouanévrisme), mais l'autopsie confirme que le décès est dû aux tortures commises par les policiers, dans une tentative d'extorquer des aveux de connivence avec Acciarito[36]. Ce fait déclenche des soulèvements populaires contre la monarchie.
Pendant les guerres coloniales en Afrique, de grandes manifestations contre la forte hausse du prix du blé à la suite de lataxe foncière (1868-1884) ont lieu en Italie et le 7 mai 1898, la ville deMilan est placée sous contrôle militaire par le généralFiorenzo Bava Beccaris qui ordonne des tirs de fusil et d'artillerie pour disperser les participants lors des protestations populaires (ditesprotestations de l'estomac ) aboutissant à un massacre. 82 personnes sont tuées selon les autorités, plus de cinq cents blessés selon les estimations de la police de l'époque, bien que certains historiens pensent que ces estimations sont approximatives[37] ; des sources de l'opposition affirment que le bilan est de 400 morts et 2 000 blessés[38]. Le roi envoie un télégramme pour féliciter Bava Beccaris pour le rétablissement de l'ordre et le décore plus tard de la médaille de grand officier de l'ordre militaire de Savoie « pour services rendus aux institutions et à la civilisation »[39] scandalisant grandement une grande partie de l'opinion publique[32], l'opposition anarchiste-socialiste et républicaine italienne.
Le 29 juillet 1900, le roi est invité à Monza lors de la cérémonie de clôture du concours de gymnastique organisé par le club sportifForti e Liberi[42] ; il n'est pas obligé d'y assister, mais est convaincu par le fait que les équipes deTrente et deTrieste seront présentes, dont les athlètes, se serrant la main, déclarent : « Je suis heureux d'être parmi les Italiens » (une phrase qui n'est pas passé inaperçue et qui a déclenché un tonnerre d'applaudissements). Bien qu'il porte habituellement unecotte de mailles de protection sous sa chemise, en raison de la chaleur extrême et contrairement aux conseils des agents de sécurité, ce jour fatidique, Humbert ne la porte pas. Parmi la foule se trouve égalementGaetano Bresci, un anarchiste dePrato qui a émigré auxÉtats-Unis, équipé d'un revolver à cinq coups dans sa poche. Gaetano Bresci veut ainsi venger la sanglante répression menée contre les ouvriers à Milan en 1898[43].
Le souverain parle pendant environ une heure et est d'excellente humeur : « Parmi ces jeunes gens intelligents, je me sens rajeuni »[44]. Il décide de partir vers 22 h 30 et se dirige vers lacalèche, tandis que la foule applaudit et que la fanfare entonne laMarcia Reale.
Profitant de la confusion, Bresci bondit en avant avec le revolver à la main et tire quelques coups en succession rapide. Le nombre n'a jamais été déterminé avec précision, mais la plupart des témoins ont déclaré avoir entendu l'écho d'au moins trois coups[45]. Humbert est atteint à l'épaule, au poumon et au cœur. Il a à peine le temps de murmurer : « Allez, je crois que je suis blessé »[46], avant de tomber sur les genoux du général Ponzio Vaglia, qui est assis en face de lui dans la voiture.
Immédiatement après, lescarabiniers, commandés par le maréchal Locatelli, réussissent à sauver Bresci du lynchage de la foule, le mettant en état d'arrestation. La voiture avec le souverain mort arrive à lavilla royale de Monza ; la reine, prévenue, se précipite vers l'entrée en criant : « Faites quelque chose, sauvez le roi ! »[47], mais il n'y a plus rien à faire ; Humbert est déjà décédé.
Voiture funéraire qui transporta le corps du roi de Monza à Rome.
Lerégicide suscite en Italie une vague de déploration[48] et de peur, au point d'amener les milieux anarchistes et socialistes eux-mêmes à s'en éloigner ;Filippo Turati, par exemple, refuse de défendre le régicide devant les tribunaux. Beaucoup de ceux qui l'ont critiqué dans la vie, dont le libéral Papafava, ont des mots de condoléances pour le défunt (« Nous l'aimions plus que nous ne le pensions ») et le républicain Bovio déclare que l'indignation suscitée par l'attentat a rallongé la vie de la monarchie de plusieurs décennies. Le poèteGiovanni Pascoli écritl'Hymne au roi Umberto, dédié au roi défunt.
Le 9 août, les funérailles religieuses sont célébrées à Rome : malgré la chaleur, la foule suit le cercueil. Cependant, il règne un tel climat de psychose qu'une mule en fuite d'un représentant du corps Alpini suffit à déclencher un mouvement général au cri « Les anarchistes ! ». La terreur est telle que le groupe de princes est aussi concerné :NicolasIer, roi de Monténégro, saute devant son gendre Vittorio pour servir de bouclier contre une éventuelle attaque[50].
Une fois le calme revenu, le corps du roi défunt est inhumé au Panthéon à côté de celui de son père[5]. Il est le dernier Savoie à y être enterré car son fils et successeurVictor-Emmanuel III décède en exil et est enterré enÉgypte jusqu'à ce que sa dépouille soit transférée àVicoforte près deMondovi en 2017. Le 13 août devient un jour de deuil national.
Nombreuses sont les voix qui s'élèvent - contre ou en faveur - du geste de Bresci, aussitôt réduites au silence par l'introduction du nouveau délit d'« apologie du régicide », pour lequel deux religieux sont arrêtés : Don Arturo Capone,curé deSalerne, et Fra 'Giuseppe Volponi, unfranciscain de Rome[51]. Ce dernier est condamné à 8 mois de prison et à mille lires d'amende (28 août).
Bresci est jugé le 29 août et condamné le même jour à la réclusion à perpétuité, la peine de mort n'étant en vigueur que pour certains crimes militaires, punis par le code pénal militaire de la guerre[52]. Il se suicide le 22 mai 1901 dans des circonstances très douteuses (pendu dans sa cellule) ; il a dit avoir été victime d'un passage à tabac par les gardiens[53].
Le site de l'attaque, à Monza, est marqué par une chapelle à la mémoire du roi tué, construite en 1910, d'après un projet de l'architecteGiuseppe Sacconi, par la volonté du fils du roi, Victor-Emmanuel III.
↑a etbSergio Romano,La storia sul comodino: personaggi, viaggi, memorie, Greco & Greco Editori, Milano, p. 87.
↑Benedetto Croce,Storia D'Italia dal 1871 al 1915, Bibliopolis, Napoli, 2004.
↑Napoleone Colajanni,L'Italia nel 1898, Galzerano, 1998, p. 7
↑Carlo Casalegno,La regina Margherita, Einaudi, Torino, 1956, pag. 27 ; Giovanni Artieri,Cronaca del Regno d'Italia, vol. I, Mondadori, Milano, 1977, pag. 145 et suivantes ; Edmondo De Amicis,Cuore, La Sorgente, Milano, 1974,p. 197 ss.
↑Lettre du prefet dei Foggia au ministre de l'Intérieur Giuseppe Zanardelli, 23 novembre 1878, aux Archives de la Società Nazionale di Mutuo Soccorso Ferrovieri Milano.
↑Giuseppe Galzerano,Giovanni Passannante, Galzerano Editore, Casalvelino Scalo, 2004, p. 396.
↑Maria Pascoli, "Lungo la vita di Giovanni Pascoli", Mondadori, Milano, 1961, cap. IV
↑Giuseppe Galzerano,Giovanni Passannante, Galzerano Editore, Casalvelino Scalo, 2004, p. 270.
↑Paolo Pinto,Il Savoia che non voleva essere re, Piemme, Milano, 2002, p.108.
↑Salvatore Merlino, «L'Italia così com'è», 1891 in "Al caffè", by Errico Malatesta, 1922
↑May,La monarchia asburgica. Bologna, 1991, p. 392.
↑Taylor,L'Europa delle grandi potenze, Bari, 1961, p. 397.
↑Gianni Oliva,I Savoia: novecento anni di una dinastia, Mondadori, Milano, 1998, p.434.
↑Ugoberto Alfassio Grimaldi,Il re buono, Feltrinelli, Milano, 1970,p. 447.
↑Inge Botteri,Rielaborare il lutto, costruire la memoria. Il regicidio di Umberto I a scuola e sui giornali, Brescia: [poi] Roma: Centro di Ricerca F. Odorici; Bulzoni, Cheiron: materiali e strumenti di aggiornamento storiografico. A.18, 2001.
↑George Fetherling,The Book of Assassins: A Biographical Dictionary From Ancient Times To The Present,(ISBN0785821813,lire en ligne),18.
↑Giuseppe Galzerano,Gaetano Bresci: la vita, l'attentato, il processo e la morte del regicida anarchico, Galzerano editore, Casalvelino Scalo, 1988,p. 40.
Otton Ier (951-973) Désormais le titre de roi d’Italie se confond avec celui de roi des Romains que prend le souverain du Saint-Empire avant son couronnement comme empereur.