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Hellyette Bess | |
![]() Hellyette Bess dans sa librairie en 2017. | |
Surnom | La mamma, la vechietta |
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Naissance | (94 ans) 19e arrondissement de Paris |
Première incarcération | Maison d'arrêt de Versailles |
Allégeance | Action directe Mouvement autonome |
Type de militance | Action directe |
Cause défendue | Anarchisme |
Années de service | 1950 – |
Autres fonctions | Libraire |
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Hellyette Bess (parfois« Helyette »), née le dans le19e arrondissement de Paris, est une militanteanarchistefrançaise[1], membre de laFédération anarchiste et permanente auMonde libertaire, puis membre du groupe terroristeAction directe[2],[3],[4]. Elle est désormais proche desmouvements autonomes, etlibertaire[1],[5].
Hellyette Bess est issue d'unefamille juive de trois enfants. Ses parents, nés enAlgérie tout comme son frère et sa sœur, sont représentants en livres. Son père diffuse notammentLa Belle France. Enfant, elle est pensionnaire aulycée Victor Duruy[1]. Elle lit beaucoup, des livres et des journaux, et est marquée notamment par les poèmes d'Aragon[6].
En1939, elle commence à faire duscoutisme, dans une sectionisraélite de laFédération Française des Eclaireuses[6]. Juif et résistant, son père est arrêté en décembre1941, et envoyé en déportation, dont il ne reviendra pas. Le reste de la famille quitte immédiatement Paris pourGrenoble[4]. Son frère et sa sœur y sont résistants, tandis que pour ne pas se déclarer juive, elle devient« éclaireuse laïque », dans unesection neutre de laFédération française des éclaireuses[1],[6]. Le père d'une amie éclaireuse, lui-mêmecommuniste, lui fait découvrirBakounine et l'anarchisme[4].
À la fin de la guerre, la famille rentre à Paris. Elle devientcheftaine pour deslouveteaux, puis, une fois adulte, fait partie pendant vingt ans du Mouvement indépendant desauberges de jeunesse[1], un mouvement d'inspiration libertaire fondé en 1951[7] et indépendant de laFédération unie des auberges de jeunesse. Elle rencontre pendant cette période de nombreuxanarchistes etlibertaires, notammentMay Piqueray,Aristide Lapeyre,André Prudhommeaux ouCharles-Auguste Bontemps[1].
En 1950, elle s'engage à laFédération anarchiste, puis au moment de la scission vers laFédération communiste libertaire, préfère créer avec René Darras (?-1978) les Jeunes libertaires, un« groupe vivant dans l'esprit communautaire, où le travail, l'engagement, l'argent étaient communs » avec plusieurs implantations en France[1],[4]. Ce groupe est notamment à l'origine de l'utilisation duA cerclé comme symbole anarchiste[8]. À cette période, Hellyette Bess tisse des liens avec des groupes anarchistes d'autres pays, et participe à des actions de solidarité avec desanti-franquistes et desréfractaires à laguerre d'Algérie ou à laguerre du Vietnam[4].
A cette même période, elle interrompt une grossesse grâce àAristide Lapeyre, qui lui apprend à pratiquer à son tour desavortements[1]. Alors que cela est toujours un crime autitre de la loi de 1920, elle en pratique pendant vingt ans, jusqu'à la création duMouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception[9]. DansLe Monde libertaire, périodique auquel elle contribue[1], elle écrit plusieurs articles sur l'avortement, qu'elle qualifie d'« illégalisme au féminin » et d'« objection de conscience de la femme »[9].
En 1967, elle crée, avec les Jeunes libertaires, le Groupe libertaire d’action spontanée (GLAS) qui devient membre de laFédération anarchiste[1]. Secrétaire puis préparatrice en pharmacie, elle quitte son emploi au moment deMai 68, et devient responsable de lalibrairiePublico de la Fédération anarchiste[6]. En 1971, elle quitte l'organisation et participe à l'éphémère Coordination anarchiste, une« tentative pour fédérer toutes les sensibilités du mouvement libertaire et les révolutionnaires anti-autoritaires »[1].
En 1973, elle fonde avec son compagnon René Darras la librairie anarchisteLe Jargon libre. Fil rouge de sa vie, ce lieu est initialement implanté au6 rue de la Reine-Blanche àParis, et devient un lieu de rencontre de la gauche libertaire et, plus tard, des sympathisants d'Action directe[5].
En 1974, elle y rencontreJean-Marc Rouillan, avec qui elle noue une amitié durable[10]. Par son intermédiaire, elle se rapproche desGroupes d'action révolutionnaires internationalistes. Elle participe au soutien aux emprisonnés de ce collectif, notammentFloréal Cuadrado, Raymond Delgado et Jean-Marc Rouillan[1].
Le,Action directe réalise sa première action violente, avec le mitraillage de la façade duConseil national du patronat français. Le 11 août 1979, Hellyette Bess est interpellée pour escroquerie par chèques, et est incarcérée pendant trois mois[11]. Le 28 août 1979, un groupe comprenantFloréal Cuadrado et Raymond Delgado braque la perception deCondé-sur-l'Escaut, et emporte 16 millions de francs[12]. Hellyette Bess s'implique là-aussi dans le soutien aux inculpés, et d'après Gilles Ménage[13], aurait pris en charge la gestion du butin pour le financement ultérieur d'Action directe.
Hellyette Bess rejoint plus clairement Action directe aux alentours de 1981[1]. Alors queJean-Marc Rouillan etNathalie Ménigon sont emprisonnés depuis septembre 1980 et que le groupe a annoncé en décembre 1980 la suspension de ses actions le temps de l'élection présidentielle, elle crée et anime le Comité unitaire pour la libération des prisonniers politiques (CULPP). Les actions du CULPP, combinées auxgrèves de la faim des prisonniers, contribuent à la libération de nombreux militants d'Action directe en septembre 1981[14].
Entre 1981 et 1984, le groupe revendique de nombreux attentats ciblés, contre des magasins de luxe ou des sociétés américaines et israéliennes à la suite de l'invasion au Liban des troupes israéliennes, et commet plusieursattaques à main armée. Durant cette période, l'action d'Hellyette Bess au sein du groupe aurait été celle d'agent de liaison et d'appui logistique. Elle loue des chambres, transporte de l'argent, récupère oufabrique des faux-papiers, fait le lien avec les journalistes[4],[15]. Elle« serait considérée comme un« élément modérateur » dans la mouvance d'Action directe »[16], et opposée à la fusion avec laFraction armée rouge allemande[17]. Elle n'aurait pas participé directement aux actions violentes[18].
Elle est surnommée« la mamma » ou« la vechietta » (la vieille), parce qu'à plus de 50 ans, elle est sensiblement plus âgée que le reste du groupe[6],[15]. D'après Fanny Bugnon, son traitement médiatique est fréquemment réalisé sous l'angle de la« figure quasi-maternelle dévouée » , dans une narration présentant les relations au sein d'Action comme celles d'une« famille déviante »[19].
En août 1982, elle est inculpée pourrecel de trois fausses cartes d'identité[3], et après trois mois dedétention provisoire, est finalement condamnée à 500 francs d'amende pour détention de faux documents administratifs. De nouveau interpellée enseptembre 1983 en possession de 10 000dollars, destinée d'après elle à une« caisse d'entraide aux prisonniers politiques », elle est inculpée pour détention irrégulière de titres, infraction à la réglementation sur leschanges et recel qualifié[15].
Libérée en octobre 1983, elle fait l'objet d'une surveillance rapprochée et de filatures par laBrigade de recherches et d'intervention. Passée dans la clandestinité début 1984, elle est repérée àStrasbourg et suivie jusqu'auPontet, à côté d'Avignon, où elle est arrêtée en compagnie deRégis Schleicher, le 15 mars 1984. Elle est placée endétention provisoire à la prison pour femmes deFleury-Mérogis, et inculpée pourassociation de malfaiteurs, faux et usage de faux documents administratifs, recel de vol et de faux documents administratifs[15]. Elle est donc incarcérée pendant la période où Action Directe évolue vers l'attentat aveugle, et pratique l'assassinat politique.
Incarcée, Hellyette Bess est soumise, comme la plupart des membres d'Action directe, à desconditions de détention très dures. Elle passe de longues périodes à l'isolement,et subit des« punitions par le son »[réf. nécessaire][20]. Elle participe aux révoltes de détenues à Fleury-Mérogis en 1984, et mène en septembre-octobre, unegrève de la faim avec d'autres militants d'Action directe. Elle réclame notamment la reconnaissance de leur statut deprisonniers politiques et la suppression de l'isolement. Cette grève rebondit dans plusieurs établissements pénitentiaires[21]. Elle écrit le texteFleury brûle-t-elle, qui mêle un récit de cette période et des considérations sur la prison pour les femmes[22]. Elle mène deux autres grèves de la faim, pour les mêmes motifs, en 1985 et 1987[23],[24].
Son procès pourassociation de malfaiteurs s'ouvre début 1988, avec celui de 19 autres membres d'Action directe. Le procureur requiert la peine maximale, soit 10 ans, mais contrairement aux autres membres du noyau dur, elle est finalement condamnée à 8 ans de prison. Le tribunal a retenu notamment« le "désaveu des attentats " exprimé en privé » à sa décharge[25]. En juillet 1988, cette peine sera réduite à 6 ans en appel[26]. Compte tenu de la durée de sa détention provisoire et des remises de peine, elle est libérée en janvier 1989 après cinq ans d'incarcération, avec une interdiction de séjour de cinq ans dans les régions parisienne, lyonnaise et marseillaise[2]. Elle passe cette période d'exil enAvignon[1].
Jugés par ailleurs pour les assassinats politiques et la fusillade de l'avenue Trudaine,Jean-Marc Rouillan,Nathalie Ménigon,Joëlle Aubron,Georges Cipriani etRégis Schleicher sont condamnés à laréclusion criminelle à perpétuité. À sa sortie de prison, Hellyette Bess impulse et organise le soutien à ses anciens camarades, aux côtés d'Alain Pojolat. Compte tenu de la distance prise par la totalité des organisations degauche ou d’extrême-gauche avecAction directe, le relais médiatique est difficile à organiser. C'est sous l'angle de l'amélioration des conditions de détention que le comité de soutien parvient finalement à se faire entendre, avec un premier article dansLibération en 1998. En 1999, Hellyette Bess obtient un permis de visite pour Jean-Marc Rouillan. Elle collecte de l'argent pour permettre aux prisonniers decantiner, tandis queTardi etSiné réalisent des affiches pour relayer les campagnes de soutien[27].
Elle poursuit cette activité jusqu'au décès ou la libération de ses camarades, soit pendant plus de vingt ans. Le soutien aux emprisonnés apparaît comme un fil rouge de sa vie. Elle en parle ainsi :« Je me suis toujours occupée de ceux qui sont en prison ou en fuite, c'est la tâche que je me suis assignée. Même si je ne suis pas d'accord avec eux sur tout ce qu'ils ont fait, je les aide »[4]. Elle apparaît à ce titre dans le documentaireHôtel des longues peines[28], consacré aux femmes venant rendre visite aux prisonniers de laprison de Lannemezan.
Dans les années 1990, Hellyette Bess se rapproche desmouvements autonomes et participe notamment auxmobilisations de chômeurs des années 1990[4]. En 2003, elle est condamnée à un an de prison avec sursis pour détention de faux-papiers, utilisés en particulier pour collecter des fonds de soutien aux détenus[18].
Elle est amie avecJulien Coupat, rencontré àJussieu lors de lamobilisation des chômeurs de 1998. Elle suit de près l'affaire de Tarnac et apporte son soutien aux inculpés[29].
Elle rouvre en 1994Le Jargon libre, la librairie anarchiste créée en 1973 et fermée en 1984 sur décision judiciaire[6]. Après plusieurs implantations en région parisienne, elle est actuellement situéerue de la Mare, dans le quartier deBelleville. En l'absence d'autorisation de vente, il s'agit d'un lieu de consultation, fréquenté notamment par lesmilitants libertaires et les étudiants. Il est financé par des actions de soutien, auxquelles s'associent entre autresTardi etDominique Grange[6].
Membres | Scission de l'Affiche rouge :André Olivier |
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Attentats | |
Œuvres dérivées |