Lecanton des Grisons (GR, enallemand :Kanton Graubünden ; enitalien :Cantone dei Grigioni ; enromanche :Chantun Grischun) est l'un des vingt-sixcantons de laSuisse. Il est trilingue et son chef-lieu estCoire.
Le nom de « Grisons » fait référence à l'une des trois alliances territoriales locales, la plus importante d'entre elles, laLigue grise, qui s'allia entre1471 et1524 avec les deux autres, laLigue de la Maison-Dieu et laLigue des Dix-Juridictions, pour former lesTrois Ligues ou ligues grisonnes, afin de contrer le pouvoir des seigneurs locaux et notamment ceux de la maisonHabsbourg. Legris étant la couleur des vêtements portés par les habitants (laine grise demouton des Grisons). Le nom allemand du canton, « Graubünden », est d'ailleurs plus explicite dans son étymologie qui signifie littéralement « ligues grises »[6].
Lorsque le canton rejoint laRépublique helvétique, son nom est « canton de Rhétie ». Enitalien etromanche, le nom du canton est respectivement « Cantone dei Grigioni » et « Chantun Grischun »[7].
Le canton des Grisons est situé dans lesAlpes au sud-est de la Suisse. Il est bordé par leLiechtenstein au nord, l'Autriche au nord et à l'est, l'Italie au sud et au sud-est, et les cantons deSaint-Gall au nord-ouest,Glaris etUri à l'ouest et duTessin au sud-ouest. La capitale estCoire ; parmi les autres villes, on peut citerDavos,Klosters ouSaint-Moritz.
Les alpes suisses dans le canton des Grisons vers S-charl.
Le canton des Grisons est le plus vaste des cantons suisses. Avec 7 105,44 km2, il forme 17,2 % de la superficie du pays[8],[9]. Un tiers seulement du canton est constitué de terres considérées comme arables[9]. Les forêts recouvrent un cinquième de la superficie totale[9]. Le canton est quasi entièrement montagneux, comprenant les hauts plateaux des vallées duRhin et de l'Inn.
L'altitude des Alpes grisonnes est élevée ; elles culminent aupiz Bernina, à 4 049 m[10]. Le point le plus bas du canton se trouve àSan Vittore, dans larégion de Moesa, à 260 m d'altitude[11],[12]. La région possède de nombreux glaciers, comme dans les massifs de l'Adula, de l'Albula, de laSilvretta, de laBernina, de laBregaglia et duRätikon. Les vallées de la région centrale du canton sont très profondes, certaines étant considérées comme les plus profondes d'Europe.
Le canton héberge la plus grande réserve naturelle de Suisse, leparc national suisse, unique parc national de la Confédération et l'un des plus anciens au monde.
Les transports publics sont assurés par un réseau de bus et par leChemin de fer rhétique (Rhätische Bahn, abrégé en RhB), le plus grand réseau de chemin de fer à écartement étroit en Suisse dans lequel legouvernement cantonal est l'actionnaire majoritaire. LesChemins de fer fédéraux suisses (CFF) ne pénètrent dans le canton que sur quelques kilomètres, jusqu'à lagare de Coire, où les passagers sont transférés au RhB.
La circulation des véhicules automobiles n'est autorisée dans le canton qu'en 1925, avec quelques restrictions, après dixvotations populaires sur le sujet à partir de 1900[17],[18],[19]. Il a fallu une autorisation extraordinaire du Conseil fédéral, en 1919, pour ouvrir la première ligne postale[17]. Les ambulances et camions de pompiers étaient cependant autorisés avant 1925[19]. Selon Jean-Baptiste Fressoz etChristophe Bonneuil, les arguments développés contre l'autorisation de la circulation automobile étaient« principalement d'ordre économique : les voitures accroissent considérablement le coût de la maintenance des routes et surtout entrent en concurrence avec un réseau ferroviaire public qu'il faudrait tôt ou tard subventionner par l'impôt »[19]. SelonArcInfo,« le traumatisme causé par l'ouverture du Gothard, en 1882, explique peut-être cette opposition acharnée au nouveau mode de transport »[17]. La loi qui autorise la circulation automobile est surtout acceptée en raison des besoins du tourisme[18]. Auparavant, tous les transports de marchandises sur les cols alpins du canton étaient assurés par des mulets et des chevauxFranches-Montagnes soit bâtés, soit attelés[réf. nécessaire]. AuXXIe siècle, les Grisons ont le plus important réseau de cars postaux de Suisse, ce qui s'explique par la taille et la topographie du canton[17].
La première étape vers l'actuel canton des Grisons a lieu en1450 lorsque la Ligue des Dix-Juridictions s'allie à la Ligue de la Maison-Dieu. En1471, ces deux ligues s'allient avec la Ligue grise. En 1497 et 1498, à la suite de l'acquisition des possessions de la dynastie éteinte desToggenburg par lesHabsbourg en 1496, les trois ligues s'allient avec l'ancienneConfédération suisse et combattent à ses côtés dans laguerre de Souabe trois ans plus tard. Les Habsbourg sont vaincus aux bataillesde Calven etde Dornach, aidant à la reconnaissance de la Confédération suisse et des ligues alliées. LesTrois Ligues restent cependant une association lâche jusqu'auBundesbrief du. Ses membres souverains sont les communes juridictionnelles (antécédents des actuels districts et communes).
En1512, les Trois Ligues s'emparent de plusieurs régions du sud des Alpes : laValteline et les vallées deChiavenna et deBormio. Elles restent sous l'autorité des ligues jusqu'au début duXIXe siècle. En1518, les Trois Ligues règlent leurs relations avec les Habsbourg dans un contrat, signé par l'empereurMaximilien, qui reste en vigueur jusqu'en1798. Les dernières traces de la juridiction de l'évêché de Coire sont abolies en 1526. Laguerre de Musso rapproche encore les Trois Ligues de la Confédération suisse.
À l'époque de laRéforme, plus de la moitié des communes (dont la ville de Coire)adhèrent au mouvement réformiste. LaBible est le premierlivretraduit enromanche. Pendant laguerre de Trente Ans, lesTrois Ligues grisonnes sont impliqués dans le conflit[20]. Puis le peuple se divise sur la prise de parti pour l'Autriche ou laFrance, menaçant ainsi l'unité du pays. Le pasteur et commandant militaireJürg Jenatsch est considéré comme le pacificateur desTrois Ligues.
Obligation de l'État des Grisons en date du 21 juin 1897.
Le,Napoléon Bonaparte proclame la réunion de la Valteline, de Chiavenna et de Bormio à laRépublique cisalpine, dont il avait proclamé l'indépendance et nommé quatre des cinq membres du directoire, le 9 juin précédent.
Le, l'empereur d'Autriche,FrançoisIer, déclare céder au canton des Grisons laseigneurie de Rhäzüns (en allemandHerrschaft Rhäzüns), qu'il avait cédée à la France, par l'article 3 dutraité de Vienne — dit deSchönbrunn — du[22], et dans la possession de laquelle il avait été rétabli, par l'article 2 dutraité de Paris du. Le, la cession de la seigneurie au canton des Grisons est confirmée par l'article 78 de l'Acte final ducongrès de Vienne[23]. Le, le canton des Grisons en prend officiellement possession[24].
La constitution cantonale transférant la souveraineté des communes juridictionnelles au peuple date de 1854. La constitution du canton date de 1892 et est modifiée 30 fois au cours du siècle suivant.
Le canton est l'un des derniers à donner ledroit de vote aux femmes, le, après un refus en votation en 1968[30].
Lepouvoir exécutif est exercé par leGouvernement (enallemand :Regierung des Kantons Graubünden ; enitalien :Governo del Cantone dei Grigioni ; enromanche :Regenza dal chantun Grischun), composé de cinq membres, élus à la majoritaire pour un mandat de quatre ans.
L'économie du canton est basée sur l'agriculture et le tourisme. L'agriculture inclut les forêts et le pâturage de montagne en été, particulièrement celui des moutons et des brebis. Le tourisme est concentré dans les montagnes, particulièrement autour des villes deDavos,Klosters,Laax etSaint-Moritz.
La région autour de la capitaleCoire produit des vignes. Coire est également un centre industriel. Les vallées méridionales deMesolcina etPoschiavo cultivent aussi lemaïs et lachâtaigne.
Le canton des Grisons a pour emblèmes undrapeau et unblason. Les armoiries des Grisons se blasonnent :Coupé mi-parti en chef : au 1, parti de sable et d’argent ; au 2, écartelé d’azur et d’or à la croix de l’un en l’autre ; au 3, d’argent au bouquetin saillant de sable lampassé et vilené de gueules[36].
Distribution géographique des langues des Grisons, avec les zones parlant le romanche en violet, l'allemand en orange et l'italien en bleu. Les zones hachurées possèdent une langue majoritaire fluctuante, des minorités linguistiques traditionnellement fortes (plus de 30 %) ou sont officiellement bilingues.
C'est le seul canton suissetrilingue (allemand,italien,romanche) et le seul où est parlé leromanche. Bien que la majeure partie de la population soit germanophone, environ 15 % des habitants du canton le parlent.
L'allemand est la langue majoritaire, parlée par 74,6 % de la population, principalement dans le nord-ouest du canton. Le romanche est parlé par 13,9 % de la population, surtout dans l'Engadine et autour deDisentis/Mustér ; en régression lente, son avenir est incertain. L'italien et le lombard sont parlé dans la région desGrisons italiens, soit les vallées méridionales deMesolcina,Calanca,Val Bregaglia etPoschiavo. L'italien totalise 13,9 % des locuteurs[38].
Le romanche est un terme générique recouvrant un groupe de dialectes proches, parlés dans le sud de la Suisse et appartenant à la famillerhéto-romane. Ces dialectes incluent lesursylvain, lesubsylvain, lesourmiran, leputer et levallader. Ils sont standardisés depuis 1982 à partir des travaux du linguiste suisseHeinrich Schmid. La langue standardisée, appeléerumantsch grischun, est lentement acceptée.
Le romanche est reconnu comme l'une des quatre langues nationales de la Suisse depuis l'adoption de laconstitution fédérale suisse le. Il est considéré, avec certaines restrictions, comme langue officielle à l'échelle fédérale depuis lavotation populaire du, ce qui signifie que les locuteursromanches peuvent utiliser lerumantsch grischun pour correspondre avec le gouvernement fédéral et espérer une réponse dans la même langue. Dans les Grisons, le romanche ne possède le statut de langue officielle qu'à l'échelle cantonale.
Les communes y sont libres de spécifier leurs propres langues officielles. Le romanche régresse face à l'allemand[39]. L'allemand connaît également une expansion dans les parties orientales desGrisons italiens, non contiguës aucanton du Tessin.
Les Grisons sont connus pour laviande des Grisons, une forme de viande de bœuf séchée, ainsi que pour laBündner Nusstorte, une tarte au miel et aux noix.
Lecapuns est un plat constitué d'une feuille deblette farcie d'un mélange de pâte et de viande séchée. Lesmaluns sont un plat à base de pommes de terre et de farine frit dans du beurre.
En 1808, s'est produite une avalanche à Selva, dans la commune deTujetsch, tuant vingt-cinq personnes. Rien n'indique que le peintre anglaisWilliam Turner ait été présent dans cette zone lors de son voyage dans les Alpes en 1802, mais l'événement l'a inspiré pour un tableau. Il est exposé en 1810, dans une série sur les catastrophes naturelles et les tempêtes[43].
↑Nouvelle histoire de la Suisse et des suisses/II, multiples auteurs, Payot Lausanne, Lausanne, 1983, 2-601-00302-2, page 83.
↑Constitution de la République helvétique du 16 mars 1798,article 18 : « Les Ligues-Grises sont invitées à devenir partie intégrante de la Suisse ; & si elles répondent favorablement à cette invitation, les cantons seront provisoirement au nombre de vingt-deux ; savoir : [...] De Rhétie, ou des Grisons ; chef-lieu, Coire ».
↑Traité de Vienne du 14 octobre 1809,article 3 : « S. M. l'Empereur d'Autriche, Roi de Hongrie et Bohême, tant pour lui, ses héritiers et successeurs, que pour les Princes de sa maison, leurs héritiers et successeurs respectifs, renonce aux principautés, seigneuries, domaines et territoires ci-après désignés, ainsi qu'à tout titre particulier, que ces pays renferment [...] : 2° Il cède également à S.M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, [...] la seigneurie de [Rhäzüns] enclavée dans le pays des Grisons [...] ».
↑Acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815,article 78 : « La cession qui avait été faite par l'article 3 du Traité de Vienne, du 14 octobre 1809, de la seigneurie de [Rhäzüns], enclavée dans le pays des Grisons, étant venue à cesser, et S. M. l'Empereur d'Autriche se trouvant rétabli dans tous les droits attachés à ladite possession, confirme la disposition qu'il en a faite, par déclaration du 20 mars 1815, en faveur du canton des Grisons ».
↑Jules Robbi,Die offizielle Uebergabe der Herrschaft Rhäzüns an den Kanton Graubünden am 19. Januar 1819, Chur, Buchdruckerei Bündner Tagblatt, 1919.
↑Acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815, article 94 : « S. M. I. et R. A. réunira à sa monarchie, pour être possédés par elle et ses successeurs en toute propriété et souveraineté : [...] 2° Les vallées de la Valteline, de Bormio et de Chiavenna ».
↑Patente du 7 avril 1815, préambule : « En conséquence des Traités conclus avec les Puissances alliées, et aussi de nos rapports d'amitié avec elles, les provinces lombardo-vénitiennes sont réunies à l'empire d'Autriche, dans toute leur étendue jusqu'au lac Majeur, au Tessin et au Pô, avec la partie du territoire de Mantoue située sur la rive droite du dernier de ces fleuves, de plus la province de la Valteline, les comtés de Cleve et de Bormio ; ils en feront partie intégrante à perpétuité ». Le « comté de Cleve » n'était autre que celui de Chiavenna, l'antiqueClavenna, dont les anciens noms allemands furentCläven puisKleven.
↑Patente du 7 avril 1815, préambule : « Animé du désir le plus vif de donner aux habitants de ces provinces et de ces localités un témoignage non équivoque de notre bienveillance impériale et du prix insigne que nous attachons à cette réunion nouvelle, et en même temps aussi pour établir une garantie de plus du lien étroit qui les unit dès ce moment, nous avons décidé, pour atteindre ce but, d'ériger les provinces et les districts désignés plus haut en un royaume sous le nom de royaume lombardo-vénitien ».
↑Patente du 7 avril 1815, article 6 : « Le royaume sera divisé en deux territoires gouvernementaux, pour la commodité de l'administration, qui seront séparés par la rivière du Mincio. Le territoire situé sur la rive droite du Mincio portera le nom de gouvernement de Milan ; celui situé sur la rive gauche du Mincio portera celui de gouvernement de Venise » — dit de Lombardie.