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Né enUkraine en 1883 de parentsjuifs journaliers agricoles, autodidacte confirmé, Zinoviev« est épais, avec un visage consulaire plutôt pâle, massif, une abondante chevelure ébouriffée, un regard gris bleu[1] ». Il milite d'abord dans le Sud de l'Empire russe. Émigré en 1902 àBerne, où il étudie la chimie et le droit[2] jusqu'en 1905, il y rencontreGeorgui Plekhanov etLénine : ce dernier le pousse à entrer au parti bolchevik, ce qu'il fait l'année suivante. Il joue un rôle important dans l'organisation duPOSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie) àSaint-Pétersbourg. Après l'échec de larévolution de 1905, son activité principale se concentre dans le journalisme et les publications du parti.
Poursuivi par la police, il quitte la Russie de 1908 à 1917. Il est élu au comité central du POSDR en 1907 àLondres. L'année suivante, il rejoint Lénine àGenève et devient son bras droit jusqu'en 1912, responsable du parti àCracovie, territoire appartenant alors à l'Autriche-Hongrie et où s'est réfugiée une partie de la direction du Parti. LaPremière Guerre mondiale les rapproche encore. Après larévolution de Février, ils rentrent ensemble en Russie dans le fameux « wagon plombé » organisé par lesAllemands en.
Entré dans la clandestinité après lesjournées de juillet 1917, Zinoviev s'oppose, avecKamenev, au soulèvement armé préparé par Lénine. Plus encore, après lavictoire d'Octobre, il se prononce pour un rapprochement avec lesmencheviks et lesSR (socialistes-révolutionnaires). Ces choix lui seront, ainsi qu'à Kamenev, vivement reprochés par la suite.
Alors que Staline consolide son pouvoir en tant que secrétaire général du PCUS, ce qui lui permet de contrôler les nominations en son sein, Zinoviev devient l'un de ses principaux concurrents : son poste de président du soviet de Leningrad (ex-Pétrograd) lui assure le soutien de« plusieurs milliers d'adhérents, liés par de vieilles amitiés et par la cohésion de l'appareil du Parti »[4], dontIvan Bakaev(ru), organisateur de la révolte deKamychine en 1906 et président de laTchéka de Petrograd,Grigori Evdokimov, membre du Comité central (exécuté en 1936 avec Zinoviev), etMikhaïl Lachevitch (1894-1928), vice-commissaire à la Défense en 1924. SelonVictor Serge, il« dépasse » cependant ces derniers par« sa culture générale, sa longue expérience de l'émigration en Europe occidentale, ses talents de théoricien vulgarisateur, d'orateur polyglotte, d'écrivain facile, de leader reconnu »[1]. De plus, sa fonction de directeur du Komintern lui donne une assise internationale avecRuth Fischer etArkadi Maslov en Allemagne et Albert Treint en France[4]. Lors duXIVe congrès du PCUS (Moscou,), Zinoviev, qui« cumule la direction de laIIIe Internationale, du comité régional, du Parti et du Soviet » de Leningrad[5], est le seul à pouvoir s'opposer à Staline : toutes les autres délégations ont été désignées par des secrétaires nommés par Staline[5]. Il forme alors l'Opposition de Leningrad, et se rapproche de Trotski et de l'Opposition de gauche, admettanta posteriori la justesse des mises en garde de Trotski, en 1923, contre la bureaucratisation du parti[6]. Avec Kamenev et Trotski, ils forment alors la « troïka des purs », hostile à laNEP (dont Trotski avait soutenu la mise en place) et surtout favorable à l'instauration du« socialisme dans plusieurs pays ». Staline prône, au contraire, le« socialisme dans un seul pays » et le maintien de la NEP. Cette posture vaut au secrétaire général une certaine popularité dans le pays, tandis que l'appareil du parti lui est déjà acquis.
En effet, l'Opposition unifiée tient peu de temps dans le bastion de Leningrad. L'épuration énergique deSergueï Kirov dans l'ancienne capitale la prive de ses soutiens les plus forts. Peu après, Zinoviev est forcé d'abandonner la direction de l'Internationale, où il est remplacé parNikolaï Boukharine, ainsi que du Soviet de Leningrad : il est nommé, à la place, à la codirection duTsentrosoyuz, àMoscou, l'organisation commerciale des coopératives étatisées[4]. Il est finalement exclu du PCUS lors duXVe congrès (décembre 1927), et ne retrouvera plus son audience précédente en dépit de sa réintégration en 1929[7], motivée par des considérations tactiques partisanes de la part de Staline, lequel, ayant vaincu ses rivaux, adopte désormais leurs thèses en prônant la collectivisation. Il n'est cependant pas réadmis au Comité central, et demeure à un poste moyen. À la suite de l'affaire Rioutine, il est à nouveau exclu avec Kamenev en, puis réintégré en, et contraint à une auto-critique humiliante lors duXVIIe congrès du PCUS ().
Grigori Zinoviev en 1936, après son arrestation par le NKVD.
L'assassinat deSergueï Kirov le marque le début d'une répression sévère à Léningrad, avant de déboucher sur lesGrandes Purges. Zinoviev, Kamenev et leurs associés les plus proches sont accusés de l'assassinat par Staline. Ils sont expulsés du Parti communiste et arrêtés dès. Ils passent en jugement en janvier de l'année suivante. On les contraint à admettre leur« complicité morale » dans l'assassinat de Kirov. Zinoviev est condamné à 10 ans de prison et ses partisans à différentes peines d'emprisonnement.
En, après des mois de préparation minutieuse dans les prisons de la police soviétique, Zinoviev, Kamenev et quatorze autres, essentiellement des bolcheviks de la première heure, se retrouvent à nouveau devant le tribunal pour un procès public. Cette fois, on les accuse d'avoir formé une organisation terroriste dont on prétend qu'elle est responsable de l'assassinat de Kirov et de tentatives d'assassinat contre Staline et contre d'autres chefs du gouvernement soviétique. Le procès conduit à la condamnation à mort des accusés, dont Zinoviev et Kamenev, exécutés aussitôt après la sentence, le[8].
Ce procès (dit du « groupe terroriste trotskyste-zinoviéviste ») est le premier des procès à grand spectacle que furent lesprocès de Moscou. Il ouvre la voie à ceux qui vont suivre, spectacle étonnant qui sidère la plupart des observateurs étrangers, comme le montre la lecture des journaux de l’époque, y comprisL'Humanité. De « vieux bolcheviks » s’accusent mutuellement des pires crimes, puis les avouent les uns après les autres et terminent ces aveux incroyables par desautocritiques qui sont autant d’envolées lyriques à la gloire de Staline.
Les contradictions et les échecs d’un disciple de Lénine
Ami très proche de Lénine — qui aurait même envisagé d’adopter un de ses enfants, faute d’en avoir avecNadejda Kroupskaïa —, doué d’évidentes capacités intellectuelles, notamment oratoires, il était destiné à jouer un rôle éminent dans l’histoire du pays après la révolution d’Octobre. Le soutien de Vladimir Illitch, comme celui du Parti bolchévique, ne lui ont jamais manqué, comme le prouvent ses importantes responsabilités de 1917 à 1927. Lors du déclenchement de laterreur rouge, en, il a dit :« Sur les cent millions d'habitants que compte la Russie soviétique, nous devons en entraîner avec nous quatre-vingt-dix millions. Quant au reste, nous n'avons rien à en dire. Ils doivent être réduits à néant. »[9]. Une résolution dénonçant les crimes ducapitalisme et de la Terreur blanche débute ainsi :
« Dès le début de la guerre les classes dominantes qui, sur les champs de bataille avaient tué plus de dix millions d'hommes et en avaient estropiés encore bien davantage, ont érigé à l'intérieur de leurs pays aussi le régime de la dictature sanglante. »
Abordant la Russie elle se poursuit ainsi :
« À présent, lesKrasnov et lesDénikine, jouissant de la collaboration bienveillante de l'Entente, ont tué et pendu des dizaines de milliers d'ouvriers, décimé, pour terroriser ceux qui restaient encore, ils laissèrent même pendant trois jours les cadavres pendus à la potence. Dans l'Oural et dans la Volga, les bandes de gardes-blancs tchécoslovaques coupèrent les mains et les jambes des prisonniers, les noyèrent dans la Volga, les firent enterrer vivants. En Sibérie, les généraux abattirent des milliers de communistes, une quantité innombrable d'ouvriers et de paysans[10]. »
Pour autant, les choix stratégiques de Zinoviev, tout au long de son ascension dans la direction du parti et plus encore aux commandes du Komintern, ne lui ont pas permis d’affermir ses positions. Ses travers ont été soulignés, comme le faitBoris Souvarine dans sonStaline (1935). Hors ces aspects anecdotiques, les erreurs qu’il a commises sont plus graves. Réputé et plus encore critiqué pour unautoritarisme sans pitié, il a peu à peu constitué contre lui une opposition qui se cristallisera autour de Staline, lequel, en utilisant les mêmes armes que son adversaire, se révèlera un manœuvrier redoutable dans la lutte pour le pouvoir.