Н. Бельтов, А. Волгин, С. Ушаков, Н. Андреевич, Н. Каменский, А. Кирсанов, Н. Валентинов, Утис, Симплициссимус, Д. Кузнецов, Г. Б., П. Бочаров, A. Volgin
Gueorgui Valentinovitch Plekhanov (enrusse :Георгий Валентинович Плеханов), né le29 novembre 1856 (dans le calendrier grégorien) et mort le, est unrévolutionnaire et théoricienmarxisterusse qui fonda le mouvement social-démocrate en Russie et contribua à l'expansion du marxisme dans ce pays. Il participa également aux réflexions sur la présence de l'art et de la religion dans la société.
Né dans une famille aristocratique, Plekhanov est élève aucorps des cadets de Voronej. Il milite d'abord auprès desnarodniki, un mouvement agraire actif depuis1860 fondé par despopulistesrusses, notamment dans l'organisationTerre et Liberté (Zemlia i Volia), puis après la scission de ce mouvement en1879, il fonde avec d'autres militants l'organisationTcherny Peredel (en russe : Чёрный передел ; en français : le Partage noir), mouvement populiste russe.
Sa rencontre avec Engels l'année suivante est déterminante et va faire de lui le fondateur incontesté du marxisme en Russie. Mais, poursuivi par la police tsariste, il est contraint de s'enfuir à l'étranger pendant trente-sept ans, principalement à Paris, enAngleterre et en Suisse.
En1883, il fonde àGenève le groupeÉmancipation du Travail avecPavel Axelrod, première cellule marxiste deRussie. La lecture des textes de Plekhanov contribue fortement à gagnerLénine au marxisme bien queFriedrich Engels reprochera en 1893 à Plekhanov de « beaucoup écrire et peu construire », contrairement aux populistes qui, eux, agissent en Russie même[2]. De fait, il se livre à son penchant d'intellectuel. Possédant en effet une culture encyclopédique (philosophique, historique littéraire, sociologique),« il est de loin le seul marxiste de son temps à détenir une telle science[3]. »
Premier Russe à établir une synthèse de la pensée de Marx, il en pourfend par ailleurs les adversaires en Russie : tout autant lesanarchistes qui sont à ses yeux desterroristes et desutopistes — qu'il différencie des « grands utopistes » dusocialisme utopique mais néanmoins orienté vers la fondation d'un socialisme — que lesnarodniki, qu'il a pourtant soutenus autrefois[4].
De 1900 à 1903, il collabore à la création du journalIskra, avecMartov etLénine, dans lequel il développe largement sa pensée. C'est à cette occasion qu'émergent les premiers différends avec Lénine. On peut essentiellement en retenir trois :
Plekhanov refuse un article de Lénine selon lequel la révolution doit émerger d'unparti politique quand, selon Marx, elle doit se fonder sur ladictature du prolétariat ;
Plekhanov conteste une autre idée de Lénine, selon laquelle, en cas de révolution, il faudrait immédiatement procéder à unenationalisation des terres car, en système capitaliste, l'élément déterminant n'est pas la terre ;
enfin, alors que Lénine estime qu'il faut s'opposer à un nouveau mouvement, lelibéralisme démocratique, Plekhanov affirme qu'une alliance est préférable pour des raisons tactiques[5].
Au congrès de1903, qui se tient à Londres et où naît la séparation entrebolchéviks (Lénine) etmencheviks (Martov), il se situe du côtébolchéviks, donc de Lénine[6]. Toutefois, le désaccord avec Lénine se creuse. Celui-ci attend du congrès un mot d'ordre fondé sur le déclenchement d'unegrève générale alors que Plekhanov est hostile à ce principe aux motifs qu'il relève plus de l'anarchisme que dumarxisme et qu'une grève générale ne peut être efficace que dans unpays industrialisé[7]. Le débat entre Lénine et les autres congressistes est si violent que les mencheviks menacent de quitterle parti. Plekhanov, soucieux de concilier les adversaires, leur propose d'entrer dans la rédaction de l'Iskra. En revanche intransigeant, Lénine quitte alors le journal.
En 1905, Plekhanov soutient lapremière révolution russe mais, après son échec, il rejoint lesmencheviks[8], estimant qu'elle a échoué précisément parce que Lénine a refusé l'alliance avec les mencheviks. En revanche, il soutient Lénine contre ceux qu'il appelle « les liquidateurs » : des membres du parti qui veulent abandonner toute activité illégale pour fonder un parti socialiste officiellement reconnu. Dans le même temps, il attaque les intellectuels qui s'intéressent au socialisme sans y adhérer vraiment (Les Questions fondamentales du marxisme, 1910).
En 1914, un nouvel événement divise à nouveau les deux hommes : laPremière Guerre mondiale. Alors que Lénine s'est opposé à son déclenchement, Plekhanov la juge souhaitable. Selon lui, en effet, si la Russie s'efface devant l'Allemagne, la social-démocratie allemande, qui — selon lui — a trahi le marxisme authentique, imposera ses vues sur l'ensemble de l'Europe.
En 1917, Plekhanov revient en Russie, après 37 ans d'absence. Sans être ouvertement adversaire de larévolution d'Octobre, il en prévoit des conséquences catastrophiques. Dans le journalIedinstvo (Единство) du, il publie un article intitulé « Lettre ouverte aux ouvriers de Pétrograd », dans lequel il écrit :
« Si les événements des derniers jours m'affligent, ce n'est pas parce que je ne veux pas le triomphe de la classe ouvrière en Russie, mais justement parce que je l'appelle de toutes les forces de mon être. Il convient de se rappeler la remarque d'Engels selon laquelle il ne peut y avoir pour la classe ouvrière de pire catastrophe historique que la prise du pouvoir à un moment où elle n'y est pas prête. Cette prise du pouvoir la fera reculer loin des positions acquises en février et mars de cette année. »
Après le renversement du tsarisme, il reste sur des positions patriotiques mais, cette fois, au nom de la défense de la démocratie russe, se positionne contre l'impérialisme allemand.
Au début des années 1930, dans sonHistoire de la révolution russe,Trotsky écrira que Plékhanov, « se survivant lamentablement », a publié à la veille de laRévolution de Février 1917, dans un journal américain, un article déclarant qu'il serait « criminel » pour les ouvriers russes de se mettre en grève au risque d'affaiblir militairement la Russie[9]. Raison pour laquelle il le qualifie alors de chauvin et le classe à l'extrême droite de la social-démocratie russe.
En revanche, en dépit de sa rupture avec Lénine et la révolution communiste, Plekhanov conservera une certaine estime enUnion soviétique en tant que fondateur du courant marxiste russe. Il est d'ailleurs cité parStaline dans un discours à l'occasion du vingt-quatrième anniversaire de la révolution d'octobre. Prononcé en, ce discours promet de soumettre les armées nazies,« ces gens à morale de bête fauve [qui] ont l'impudence d'appeler à exterminer la grande nation russe, la nation de Plekhanov, de Lénine [...][10] ».
Alors queKarl Marx semble mettre de côté la philosophie à partir deL'Idéologie allemande, texte où il règle ses comptes avec le mouvement philosophique des jeuneshégéliens de gauche, pour se consacrer de plus en plus à l'étude scientifique des lois de l'évolution de la société, Plekhanov consacre plusieurs de ses œuvres à expliciter les bases philosophiques de la doctrine de Marx.
Il écrit notamment en 1897La Conception matérialiste de l'histoire, où il montre l'évolution de notre conception de l'histoire depuis la conception théologique jusqu'à la conception de Marx, laconception matérialiste de l'histoire. Œuvre plus connue,Les Questions fondamentales du marxisme explicite les bases philosophiques de la conception marxiste du monde ainsi que sa méthode d'analyse de la société.
Le Matérialisme militant, recueil de trois lettres publiées entre 1908 et 1910, est une défense vigoureuse dumatérialisme dialectique contre les conceptions idéalistes qu'Alexander Bogdanov cherchait alors à répandre au sein de la social-démocratie russe. Cet ouvrage procède de la même démarche queMatérialisme et empirio-criticisme, publié parLénine à la même époque.
La citation suivante résume les critiques de Plekhanov envers Bogdanov :
« Ceux qui affirment que sans sujet il n'y a pas d'objet confondent tout simplement deux notions tout à fait différentes : l'existence de l'objet « en soi » et son existence dans la représentation du sujet. Nous n'avons pas le droit d'identifier ces deux modes d'existence. Ainsi vous, Monsieur Bogdanov, vous existez tout d'abord « en vous-même » et, ensuite, dans la représentation, mettons, de M.Lounatcharski, qui vous prend pour un penseur profond. La confusion de l'objet « en soi » avec l'objet tel qu'il existe pour le sujet est justement à l'origine de ces sophismes inextricables à l'aide desquels les idéalistes de toutes couleurs et de toutes nuances « réfutent » le matérialisme. »
— Plekhanov, Les questions fondamentales du marxisme - Le matérialisme militant[11].
Il a utilisé le pseudonyme de « Volguine », en référence au grand fleuveVolga, ce qui est peut-être à l'origine de choix du pseudonyme de « Lénine », par analogie à laLéna, le fleuve deSibérie, car le futur Lénine était alors très influencé par Plekhanov.
↑Serge, Victor(1890-1947).,L' an I de la révolution russe : les débuts de la dictature du prolétariat (1917-1918) ; Suivi de La ville en danger : Petrograd, l'an II de la révolution ; et de Trente ans après, Marseille, Agone, 715 p.(ISBN978-2-7489-0337-9,OCLC1012821045,lire en ligne), p74.