Sous sa tutelle sont publiés les deux principaux ouvrages de propagande du régimeShōwa :Kokutai no hongi, « Les Fondements de la politique nationale » (1937) etShinmin no michi, « La Voie des sujets » (1941).
En 1938, son gouvernement promulgue une « Loi sur la Mobilisation nationale » destinée à mobiliser l'empire dans la guerre contre laChine en accordant un budget illimité à la fabrication d'armements, en assurant le contrôle de l'État sur toutes les institutions civiles, y compris les syndicats, en nationalisant les principales industries et les médias[1].
Ayant refusé de collaborer avec l'équipe deDouglas MacArthur pour faire en sorte queHirohito et lafamille impériale soient exonérés de poursuites criminelles devant leTribunal de Tokyo, il sesuicide le pour éviter de se voir lui-même assigné devant la justice internationale.
Fumimaro Konoe est né le àTokyo au sein de la noblefamille Konoe, l'une des principales branches de l'ancienclan Fujiwara, faisant ainsi de Konoe le« chef de la maison noble la plus prestigieuse et la plus élevée du royaume »[3]. Les Konoe se sont constitués en branche indépendante du clan Fujiwara lorsque le shogunMinamoto no Yoritomo le scinda encinq maisons régentes (五摂家,Go-sekke). L'historienne japonaise Eri Hotta décrit les Konoe comme les« premiers parmi lesgo-sekke ». Fumimaro est leur 29ème chef[3].
Sa mère est décédée alors qu'il est très jeune. À la suite de cela, son père se remarie avec sa sœur, que Fumimaro prend pour sa mère biologique pendant des années. En 1904, soit peu de temps après le décès de son père, il découvre que celle-ci n'est que sa tante[3].
À la mort de son père, Fumimaro hérite des dettes familiales conséquentes. Il est cependant en mesure de les régler grâce au soutien financer duzaibatsuSumitomo et à la vente aux enchères d'une partie de son héritage[3].
Le, soit quelques semaines avant le début de laconférence de la paix de Paris, Fumimaro Konoe fait publier dans la revueLe Japon et les Japonais(ja) un article intituléRejeter la paix anglo-américano-centrée (英米本位の平和主義を排す,Eibei hon'i no heiwa shugi o haisu). Dans cet article aux relentspamphlétaires, il accuse les paysoccidentaux de défendrehypocritement ladémocratie, lapaix et ledroit des peuples à disposer d'eux-mêmes en promouvant simultanément des pratiques allant à leur encontre, notamment l'impérialisme et leracisme[4]. Le journalisteantijaponaisThomas Franklin Fairfax Millard(en) s'empresse de faire traduire son article et de publier une réfutation de ce dernier. L'ayant lu,Saionji Kinmochi, qui dirige la délégation japonaise censée se rendre àParis, décide de censurer son protégé, jugeant ses positions beaucoup trop radicales. Cependant, ce point de vue n'est pas du goût de tout le monde et l'article de Konoe est reçu positivement dans de nombreux pays, y compris enChine où le jeune homme est reçu personnellement parSun Yat-sen à la mi- alors que la délégation nippone fait escale àShanghai[6]. Lors d'un dîner, ils échangent leurs idées autour dupan-asianisme[7].
Proposition d'abolir la discrimination raciale (1919-1920)
Konoe s'illustre lors de laconférence de la paix de Paris en soutenant ardemment laproposition d'abolir la discrimination raciale qu'il tente d'inclure dans lepacte de la Société des Nations. Celle-ci reçoit le soutien de la majorité des délégations présentes à la conférence (11 votent pour, 5 s'abstiennent et 1 est absente) mais est rejetée par le président américainWoodrow Wilson, fervent partisan de la ségrégation raciale aux États-Unis, qui estime que les questions de principe doivent être approuvées à l'unanimité pour pouvoir figurer dans le pacte. Bien que les autres exigences nippones (essentiellement la reconnaissance des conquêtes territoriales auShandong et dans lePacifique) soient toutes satisfaites par letraité de Versailles, le rejet de la proposition d'abolir la discrimination raciale affecte profondément Konoe[8] qui se met à développer une forte rancune à l'égard desBlancs.
Finalement, pour Konoe, laSociété des Nations n'est rien de plus qu'un moyen d'institutionnaliser unstatu quo profondément inique à savoir l'hégémonie coloniale des pays occidentaux[3].
De retour de Paris, Fumimaro Konoe est approché à laChambre des pairs (où il siège en tant que duc depuis son vingt-cinquième anniversaire) par la factionmilitariste etconservatrice dukenkyūkai(ja) qui tente de l'embrigader et qu'il finit par rejoindre en[3]. Avant cela, Konoe tentait de rester éloigné des factions (de peur qu'une affiliation partisane ne nuise à ses privilèges) et pensait que la Chambre des pairs devait rester neutre vis-à-vis de ces dernières. De ce fait, il a apporté son soutien augouvernement(ja) deHara Takashi, pourtant issu duseiyūkai (faction rivale dukenkyūkai)[3].
Le, une partie des membres duseiyūkai font scission et fondent leseiyūhontō(en), partisan du Premier ministreKiyoura Keigo et deson gouvernement(ja) composé de pairs. Leseiyūkai, qui n'est plus en mesure de gouverner seul l'Empire, fait donc alliance avec lekenseikai et leclub Kakushin(en) pour former un gouvernement de coalition dirigé parKatō Takaaki. Konoe appuie certaines initiatives de ce dernier, notamment l'instauration dusuffrage universel masculin, qu'il perçoit comme le seul moyen de conserver les privilèges de lanoblesse (kazoku) en canalisant le mécontentement populaire et en prévenant une révolution violente[3]. Les dissensions entre lui et lekenkyūkai se faisant alors de plus en plus grande, il le quitte en[3] pour fonder sa propre faction, lakayōkai(ja), avecKōichi Kido etTokugawa Iesato. C'est à cette époque-là que Konoe prend ses distances avec son ancien mentor,Saionji Kinmochi.
Au tournant desannées 1920-1930, Fumimaro Konoe gagne considérablement en popularité. Son rang social (il est le chef d'une descinq maisons régentes), son haut degré d'éducation (il est diplômé du supérieur et a étudié dans deux universités impériales), son apparence physique (il mesure plus d'1m80, ce qui est considérable pour unJaponais, et est très soigné) et son opposition à la diplomatie coopérative vis-à-vis duRoyaume-Uni et desÉtats-Unis font de lui un des hommes politiques les plus appréciés du public japonais, rapidement vu comme un potentielPremier ministre.
En1931, il accède à la vice-présidence de la Chambre des pairs[3].
Konoe procède à la lecture d'un rescrit impérial lors de l'ouverture d'une séance plénière de laChambre des pairs en1936.
En1932, les partis perdent le contrôle du gouvernement à la suite de l'incident du 15 mai. L'assassinat du Premier ministreInukai Tsuyoshi au cours de ce dernier laisse place à une période où l'Empire est gouverné par des alliances successives entre factions militaires et élites politiquesultranationalistes. C'est dans ce contexte trouble que Konoe devientprésident(ja) de laChambre des pairs le. Il se sert rapidement de son nouveau poste pour jouer les médiateurs et accroître ainsi son influence politique[3].
Pendant ce temps-là, il envoie son fils aînéFumitaka étudier à l'étranger, une chance que Fumimaro n'avait pas eu contrairement aux autres nobles de son époque car il était relativement pauvre pour sa classe sociale en raison des dettes deson père[9]. Au printemps1934, il rend visite à son fils, étudiant à l'université de Princeton. Cette visite, au cours de laquelle il rencontre le présidentRoosevelt et le secrétaire d'ÉtatCordell Hull (qui selon lui ignorent complètement l'Extrême-Orient) accentue sonantiaméricanisme, Fumimaro étant dégouté par leracisme (notammentantijaponais) et l'égoïsme qu'il observe dans lasociété américaine. Il commence également à tenir lesÉtats-Unis pour responsables dudésastre économique mondial. Dans un discours prononcé en1935, Konoe déclare que la« monopolisation » des ressources par l’alliance anglo-américaine doit prendre fin et être remplacé par un« nouvel accord international » pour aider les pays comme le Japon à prendre soin de leurpopulation croissante[10]. Si ses positions sur les questions de politique intérieure ont pu évoluer, parfois même radicalement, celles sur les questions de politique internationales sont restées les mêmes qu'exprimées deux décennies auparavant àVersailles : il croit toujours que le Japon est l’égal et le rival des pays occidentaux, qu'il a le droit de s'étendre en Chine pour des questions de« survie » et que les« puissances anglo-américaines sont des hypocrites cherchant à imposer leur domination économique sur le monde »[3],[10].
Le, Konoe rencontre son ancien mentorSaionji Kinmochi auministère de la Maison impériale(en). Ce dernier envisage alors de recommander Konoe à l'empereur pour qu'il succède àKeisuke Okada en tant que Premier ministre. Mais Konoe décline sa proposition, officiellement pour des raisons de santé, officieusement car il ne supporte pas les purges au sein de l'armée visant lafaction de la voie impériale (dont il est proche) après l'incident du 26 février. LorsqueIchiki Kitokurō propose plutôtKōki Hirota, Saionji Kinmochi s'aligne immédiatement sur sa proposition et demande àShigeru Yoshida de convaincre Hirota d'accepter cette charge par l'intermédiaire de Konoe. Libéral, Hirota envisage de nommer Yoshida au poste de ministre des Affaires étrangères, mais ses plans sont rapidement contrariés par les militaires et notamment le comteHisaichi Terauchi. La violente altercation de celui-ci avec le député libéralKunimatsu Hamada(ja), le, entraîne la chute dugouvernement Hirota(ja) quelques jours plus tard. Le libéralKazushige Ugaki échoue à former un gouvernement pour lui succéder en raison de l'opposition de l'Armée impériale. À la place, c'estSenjūrō Hayashi qui accède au poste de Premier ministre mais il finit par démissionner quatre mois plus tard. Konoe est alors pressenti pour lui succéder. Saionji Kinmochi, de plus en plus exaspéré par son comportement (il se serait déguisé enHitler à unefête costumée précédent le mariage de sa fille), consent néanmoins à le recommander à l'empereur, qui accepte sa nomination, effective le[11].
Âgé de 45 ans, 7 mois et 23 jours, lorsqu'il devientPremier ministre du Japon en1937, il est la plus jeune personne à occuper cette fonction depuisItō Hirobumi (44 ans, 2 mois et 6 jours) en1885.
Konoe passe le mois qui sépare son entrée en fonction (4 juin 1937) du déclenchement de laseconde guerre sino-japonaise (7 juillet 1937) à gracier des membres duParti communiste condamnés au titre de la loi de Préservation de la Paix de 1925 (dont son ancien professeurHajime Kawakami) ainsi que des soldats impliqués dans l'incident du 26 février[12]. Konoe justifie ce« grand pardon », tel que théorisé parSadao Araki, par une volonté de« réconcilier les différentes opinions du Japon », ce qui en surprend plus d'un, à commencer par son ancien mentorSaionji Kinmochi.
Le, le Japon informe laChine de son intention de conduire des exercices militaires à proximité dupont Marco-Polo dans les prochains jours. Si la Chine ne donne pas son accord, leprotocole de paix Boxer signé en1901 permet au Japon de les organiser et ses troupes commencent ainsi à s'entraîner le. Mais le lendemain, le soldat Shimura Kikujiro manque à l'appel du soir[13]. Un de ses supérieurs hiérarchiques demande alors au commandant chinoisJi Xingwen la permission d'entrer dans le comté deWanping pour partir à sa recherche. La requête est poliment rejetée et l'Armée impériale japonaise utilise aussitôt ce refus comme prétexte pour attaquer militairement la Chine.
Le gouvernement Konoe tente cependant de calmer la situation et opte le pour une politique de non-expansion, qui est confirmée dès le surlendemain par la signature d'uncessez-le-feu. Une telle approche peut en partie s'expliquer par le fait que l'état major japonais considère que l'Empire n'a pas encore la capacité de mener une guerre de grande envergure contre la Chine[14]. Ainsi, le, le chef du Bureau des opérations de l’état-major général de l'armée, le généralKanji Ishiwara, avertit le ministre de la GuerreHajime Sugiyama et son adjointYoshijirō Umezu en ces termes :« Si nous poursuivons notre entrée dans la guerre sino-japonaise, nous tomberons dans un marécage sans fond telNapoléon lors de laguerre d'Espagne[15]. » Pour régler au plus vite la situation entre les deux pays, Ishiwara propose donc la tenue d'un sommet Chine-Japon mais celui-ci est annulé au dernier moment par Konoe, conscient que la ligne d'Ishiwara reste minoritaire au sein de l'armée[16]. Cette impression tend d'ailleurs à se confirmer avec l'arrestation deRyusuke Miyazaki(ja) (unavocat chargé par Konoe de négocier la paix avecTchang Kaï-chek) par laKenpeitai dans leport de Kobe le[17].
Progressivement, la machine de guerre nippone se met en branle : des nouveaux fonds sont débloqués pour l'armée (10 millions deyens le après l'incident du pont Marco-Polo et 97 millions de yens le après l'incident de Langfang) et des troupes supplémentaires envoyées en Chine septentrionale[18]. Les hostilités reprennent le avec des manœuvres japonaises très désordonnées (chaque régiment rivalisant pour« réussir les coups d'éclats les plus spectaculaires ») mais qui ne tardent pas à porter leurs fruits puisqueTianjin etPékin tombent dans les semaines suivantes[19].
Eddy Dufourmont, « Rousseau et la critique « anti-Lumières » de la démocratie dans le Japon duXXe siècle. Yabe Teiji, Hans Kelsen et Carl Schmitt », dans Tanguy L’Aminot, Reinhard Bach et Catherine Labro (dir.),Rousseau et l’Allemagne à l’époque contemporaine, Montmorency, SIAM-JJR Musée Jean-Jacques Rousseau Publications du Mont-Louis, 2010,p. 101-116 (sur l'idéologie de Yokusankai).