Friedrich August Jeckeln, né le àHornberg enForêt-Noire et pendu le àRīga enRépublique socialiste soviétique de Lettonie était uncriminel de guerre nazi.
Membre de laSchutzstaffel avec le grade d’Obergruppenführer, il a occupé la fonction dechef supérieur de laSS et de la police sur plusieurs territoires de l’Est occupés parles nazis, dont laBielorussie et lesPays Baltes.
Dans ses activités, Jeckeln a dirigé lesEinsatzgruppen sur ces territoires ; et notamment l’un des plus importants, l'« Einsatzgruppen C » ; ordonnant l’exécution de plus de 100 000Juifs,Roms,Slaves etautres « indésirables » visés par leTroisième Reich.
Friedrich Jeckeln était l’un des responsables des nombreuxmassacres de masse de laShoah par balles, notamment celui deKamianets-Podilskyï et deBabyn Yar, enUkraine, et de laForêt de Rumbula enLettonie.
Arrêté à la fin de la guerre parles forces soviétiques, il a été jugé et condamné à mort pourcrimes de guerre. Jeckeln est pendu àRīga en.
Friedrich August Jeckeln est le fils du propriétaire d’usine Friedrich Heinrich Theodor Jeckeln (né en et décédé en), originaire deWeilmünster, et d’Emma Rosine Trautwein (née en, décédée en)[O 1],[O 2],[O 3].
Issu d’une famille du milieu industriel allemand, Friedrich A. Jeckeln grandit dans un environnement privilégié pour l’époque, jusqu’au décès de son père qui survient alors qu’il a sept ans[O 1].
Sa mère, âgée de 25 ans, assume seule son éducation, une situation qui marque la jeunesse de Jeckeln et potentiellement influence son attrait ultérieur pour les structures d’autorité.
Friedrich A. Jeckeln achève sa scolarité en1911 et acquiert une formation pratique dans plusieurs établissements industriels, avant d’entreprendre un semestre d’études d’ingénieur à l’école polytechnique Frédéric (de) deKöthen en, qu’il quitte sans obtenir de diplôme[O 2].
Cet abandon semble révéler un tempérament peu enclin aux disciplines académiques, manifestant davantage d’intérêts pour l'action que pour la théorie.
L’année suivante, Jeckeln s'engage pour une durée d’un an dans le76e régiment d’artillerie de campagne, àFribourg-en-Brisgau (enallemand :Freiburg im Breisgau).
Ce choix correspond à l’attrait pour la discipline militaire et reflète également le prestige dont jouissait l’armée dans l’Allemagne impériale deGuillaumeII, où la carrière d’officier représentait une ascension sociale prisée et facile.
Lestensions internationales, aggravée parun nationalisme fort ainsi que la volonté expansionniste et impérialiste, qui caractérisent cette période précédantle premier conflit mondial ont possiblement influencé la décision de Jeckeln, sans qu'on puisse pour autant déterminer ses opinions politiques précises.
Le milieu industriel conservateur dont Friedrich Jeckeln est issu, ainsi que les valeurs d’ordre, de hiérarchie et d'obéissance prônées dans les cercles militaires qu’il fréquente dès, contribuent à probablement façonner sa vision du monde et à établir les bases de son parcours ultérieur.
Dès le début de laPremière Guerre mondiale, Friedrich Jeckeln est mobilisé au sein du76e régiment d'artillerie de campagne et participe aux opérations militaires sur lefront occidental.
En, il est promu au grade de lieutenant de réserve, puis immédiatement transféré au40e régiment de fusiliers hohenzollernois[O 2].
L’année suivante, durant les affrontements particulièrement violents de laguerre de tranchées enChampagne, Jeckeln est grièvement blessé sous le drapeau de l’unité des fusiliers.
À la suite de ces blessures, Friedrich Jeckeln sollicite son transfert versle service aérien de l'armée impériale allemande (enallemand :Die Fliegertruppen des Deutschen Kaiserreiches,Luftstreitkräfte). Sa demande est acceptée et Jeckeln est affecté à laFlieger-Ersatz-Abteilung 5.[note 1], unité au sein de laquelle il entreprend une formation de pilote militaire[O 4]. Il y demeure jusqu'àla cessation des hostilités.
Dans le contexte tumultueux et chaotique de l’immédiat après-guerre, de à, Jeckeln s'engage dansle corps paramilitaire des gardes-frontières Est (enallemand :Grenzschutz Ost)[note 2].
Cette formation militaire est déployée pour contrerles révoltes à Posen (Poznań) (ou les Révoltes de la Grande-Pologne de—, enpolonais :Powstanie Wielkopolskie 1918-19 roku) etles troubles insurectionnel en Silésie (enallemand : Aufstände in Oberschlesien), participant ainsi aux combats qui se poursuivent sur les frontières orientales de l’Allemagne malgré l’armistice sur le front occidental.
Jeckeln met un terme à son service militaire actif le[O 5], à l’issue de cette période marquée par les bouleversements géopolitiques de l’Europe centrale.
À son retour à la vie civile, Friedrich Jeckeln obtient un emploi d’agent des terres dans le domaine de Paul Hirsch et contracte une alliance matrimoniale en avec Anna HuldaCharlotte Hirsch, fille du propriétaire terrien[O 6]; toutefois, Jeckeln porte rapidement intérêts et sa trajectoire vers la sphère politique[O 7].
Durant cette période, Jeckeln adhère à l’Ordre des Jeunes Allemands (enallemand :Jungdeutscher Orden,JungDO), la plus importante organisation paramilitaire de laRépublique de Weimar, Jeckeln maintient son affiliation jusqu'en.
Progressivement, les relations entre Jeckeln et son beau-père se détériorent. Parallèlement, il s’éloigne de son épouse et commence à fréquenter des cercles d'anciens officiers où, selon ses propres aveux, durant ces réunions :« il était parfois très esclave de l’alcool »[O 8],[O 9],[note 3].
« Après son mariage avec Charlotte Hirsch, Jeckeln a des démêlés avec son beau-père qui lui refuse un poste important dans l'entreprise familiale prospère. Jeckeln, humilié et en colère, accuse son beau-père d'être un profiteur de guerre.
Jeckeln estime qu'une telle personne doit avoir du sang juif dans ses antécédents. Il divorça de sa femme pour cause de « contamination raciale » et une bataille pour la garde de leurs trois enfants s'ensuivit. »
— Wendy Lauwer, (en)Nazi Empire-building and the Holocaust in Ukraine [« L'édification de l'empire nazi et l'Holocauste en Ukraine »]
Friedrich Jeckeln prononce la dissolution de son mariage en[O 10],[note 4] et quitte l’exploitation agricole de son beau-père que Jeckeln accuse prétendument d'être juif[O 11]. Dans les années qui suivent, il tente de se reconvertir professionnellement et subsiste, jusqu'en, en exerçant comme assistant technique indépendant àBrunswick.
Il se remarie avec Annemarie Wienß[L 4],[note 5], mais se trouve confronté à des difficultés financières considérables, résultant de dettes contractées envers son ancien beau-père ainsi que d'obligations alimentaires envers son ex-épouse et leurs trois enfants[O 6],[note 6].
Jeckeln caractérise cette période de son existance :« J'étais profondément brisé et financièrement ruiné, je ne pouvais pas gagner ma vie »[O 8].
Dans ce contexte de bouleversements politico-géographique et socio-économiques, Friedrich Jeckeln adhère auParti national-socialiste des travailleurs allemands (enallemand :Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei,NSDAP) le, sous le numéro de membreno 163348, coïncidant avecles prémices de la Grande Dépression économique mondiale représentée en Allemagne parhyperinflation de la République de Weimar.
Dès[note 7], Jeckeln intègre laSchutzstaffel (SS), ou il est enregistré sous le numérono 4367, après avoir formalisé sa demande en. À cette époque, laSS demeure encore une organisation embryonnaire, quoiqu'en pleine expansion face à laSturmabteilung (SA), structure paramilitaire alors prépondérante dans l'appareil nazi.Commence alors une ascension rapide au sein de ces deux organes nazis.
« ... aider trois enfants allemands à faire valoir leurs droits. »[O 6]
— Charlotte Hirsch, (en) Gunnart Charles Boehnert,A sociography of theSS officer corps, 1925-1939 [« Une sociographie du corps des officiersSS, 1925-1939 »]
Lorsque son ex-épouse adresse une missive à Hitler pour dénoncer les arriérés de pension alimentaire, la hiérarchieSS (par l’intermédiaire de Himmler) s’immisce dans sa sphère privée, bien que la nature précise des interventions de Hitler et de Himmler demeure imprécise dans les sources disponibles[O 6],[note 8].
Friedrich Jeckeln rétorque notamment : « Ce n'est que dans une Allemagne libre que j'aurai moi aussi l'occasion de réparer tout ce qui a été causé par le déclin du peuple et de la patrie »[O 8].
Cet incident d'ordre personnel n'entravera nullement sa fulgurante progression hiérarchique, tant professionnelle que politique.
Le, Friedrich Jeckeln se voit conférer la direction de laPolice Secrète d’État (enallemand :Geheime Staatspolizei,GeStaPo), desPolices d’État allemandes (enallemand :Landespolizei), ainsi que le commandement de la Police de protectionPolice de protection (enallemand :Schutzpolizei,SchuPo) par leMinistre-Président de l’État libre de Brunswick,Dietrich Klagges (en), membre du parti nazi (NSDAP), qui aspire ainsi à consolider les synergies institutionnelles entre les forces policières et laSS.
En, Jeckeln est élevé au grade deStandartenführer et se voit attribuer le commandement du17e régimentSS[O 12].
L’année subséquente, en, Friedrich Jeckeln figure parmi les instigateurs de l’attentat à l’explosif perpétré contre la résidence du maire social-démocrate (enallemand :Sozialdemokratische Partei Deutschlands,SPD)Ernst Böhme (de). Ce dernier échappe miraculeusement à cette tentative d’assassinat.
Friedrich Jeckeln, caractérisé comme un individu implacable et d’une brutalité méthodique, pourchasse sans répit les opposants politiques, ciblant particulièrement les communistes, les sociaux-démocrates et les représentants syndicaux.
En collaboration avec les officiersSSFriedrich Alpers, ministre de la Justice et des Finances de l’État libre de Brunswick, etDietrich Klagges (en), Jeckeln assume la responsabilité principaledes meurtresdits du Rieseberg en, au cours desquels dix militants du parti communiste allemand (enallemand :Kommunistische Partei Deutschlands,KPD) et duSPD sont violemment battus puis exécutés.
Jeckeln s’emploie également à obstruer toute investigation approfondie concernant ces exécutions extrajudiciaires[O 13].
Dans la nuit du au, le régime national-socialiste orchestre laNuit de Cristal (enallemand :Kristallnacht), série depogroms (coordonnés à l’échelle nationale contre la communauté juive et ses établissements commerciaux. Dans les juridictions de Brunswick et deHanovre, ces violences antisémites sont méticuleusement planifiées et exécutées sous la supervision directe de Jeckeln[O 13].
« À la différence d’Eichmann, Jeckeln n’était pas un criminel de bureau. C’était un homme de terrain. »[O 7]
— Michaël Prazan, François Angelier (dir.), Stéphane Bou (dir.)et al.,Dictionnaire des assassins et meurtriers
Au début de laSeconde Guerre mondiale, Friedrich Jeckeln est rappelé à laWaffen-SS. Traditionnellement, les membres de l’Allgemeine-SS qui rejoignent laWaffen-SS reprennent un grade inférieur. Jeckeln intégre ainsi la3e divisionSSTotenkopf comme commandant du1er Sturmbann du2e régiment d’infanterie de la division[O 14].
Durant lacampagne de l’Ouest en, Jeckeln participe aux opérations militaires, notamment lors de l'invasion de laBelgique et de laFrance[O 15].
Après laCampagne des 18 jours et de laBataille de France, Jeckeln reprends ses fonctions dans laSS générale (enallemand :Allgemeine-SS). En tant queHöhererSS- und Polizeiführer (HSSPf, enfrançais :Chef supérieur de laSS et de la Police), il dirige d'abord « l’Oberabschnitt Nordwest » (enfrançais :unité administrative Nord-Ouest) avant de prendre le commandement de « l’Oberabschnitt West » (enfrançais :unité administrative Ouest) en, basé àDüsseldorf. Friedrich Jeckeln supervise ainsi les polices et laSS dans des territoires stratégiques.
« Jeckeln avait l'autorisation permanente d'abattre des Juifs : en tout lieu. En conséquence, il a personnellement organisé l'exécution de plusieurs milliers de Juifs. »[O 16]
— Richard Rhodes, (en)Masters of Death : TheSS-Einsatzgruppen and the Invention of the Holocaust [« Les maîtres de la mort : LesSS-Einsatzgruppen et l'invention de l'Holocauste »]
À l’été, Himmler réaffecte Jeckeln à l’Est, au poste deHSSPf de la « Russie Sud ». Ce poste inclut le commandement de l’Einsatzgruppen C qui suit l’invasion de la Russie, de tueries en tueries[O 17] lors de l’OpérationBarbarossa[note 9] dans le district tenu en main par Jeckeln.
Friedrich Jeckeln organisera, notamment, différents massacres de masse et une lutte contre les opposants auTroisième Reich. Son zèle alla jusqu’à inventer une nouvelle méthode : « la boite de sardines » (enallemand :Sardinen Packung)[O 19],[note 10]. Certains membres desEinsatzgruppen, même expérimenté, sont horrifiés par sa cruauté.
« Je me souviens particulièrement d'uneAktion àSchepetovka qui me semble extraordinairement horrible.
Il s'agissait d'une centaine de personnes. Des femmes et des enfants figuraient parmi les fusillés. Jeckeln a dit : « Aujourd'hui, nous allons les empiler comme des sardines. ».
Les Juifs devaient être allongés couche par couche dans une fosse ouverte et étaient ensuite tués par des coups de pistolet-mitrailleur, de pistolet et de fusil dans la nuque. Cela signifiait qu'ils devaient s'allonger face contre terre sur ceux qui avaient déjà été abattus[…] »[O 16]
— August Meier, (en) Richard Rodhes,Masters of Death : TheSS-Einsatzgruppen and the Invention of the Holocaust [« Les maîtres de la mort : LesSS-Einsatzgruppen et l'invention de l'Holocauste »]
Ainsi Jeckeln démontre être un meurtrier très efficace et sans égard pour ses victimes, qu'elles soient non armées, âgées, ou encore des femmes et des enfants[O 20]. Il est entouré pour cela de groupes spécialisés pour chaque partie du processus[L 6].
Cette technique, développée par les soins de Jeckeln pour accélérer les massacres de masse dans les territoires de l'Est sous son joug, consiste à disposer les victimes dans des fosses communes de manière méthodique. Après avoir été dénudées et dépouillées de leurs effets personnels, les victimes sont alignées au bord de grandes fosses[O 21], souvent qu'elles-mêmes avaient été contraintes de creuser, puis sont abattues d'une balle dans la nuque ou par un peloton d’exécution[O 22].
« De nombreux témoignages oculaires évoquent des mouvements, sur la terre de ces fosses communes, des jours après les massacres, certaines victimes n’étant pas mortes, ou du moins pas immédiatement. »[O 23]
— Omer Bartov, Matt Lebovic, « Quand les nazis filmaient la Shoah en Ukraine »,The Times of Israël,
Jeckeln, insatisfait par la lenteur de ce processus, introduit une variation pour maximiser l'efficacité. Plutôt que de tuer les victimes debout, les bourreaux les font s'allonger directement sur les corps des personnes déjà exécutées[O 21]. Chaque nouvelle rangée de victimes reçoit une balle dans la tête, parfois recouverte ensuite d'une mince couche de terre. Ainsi,couche après couche, les victimes sont entassées créant une accumulation massive de corps dans la même fosse. Ceux qui ne sont pas encore morts, après les tirs, finissent enterrés vivants[O 24].
« Les tombes n'ont pas été suffisamment recouvertes et la terre s'est fissurée. On entendait encore des gémissements et des râles de la part des victimes blessées ou à moitié mortes.
La nuit, les individus encore en vie sortaient de leurs tombes en rampant. Des centaines d'entre eux ont dû suffoquer sous le poids des cadavres qui les recouvraient.
Des policiers lettons ont été placés en garde pour tuer les survivants du massacre. »[O 25]
— Max Kaufmann, (en) Max Kaufmannet al.,Churbn Lettland: The Destruction of the Jews of Latvia [« Churbn Lettland : La destruction des Juifs de Lettonie »],
Cette méthode barbare systémique[O 21] est utilisée pour « traiter » de grandes foules de prisonniers, principalement des Juifs et des partisans, dans des délais courts[O 21].
Sous l'autorité de Friedrich Jeckeln, leReichskommissariat Ukraine est un théâtre de massacres et liquidations de ghettos au cours de la Shoah par balles.
Parmi les actions les plus importantes, on trouve leMassacre deBabyn Yar en, où près de 34 000 Juifs sont exécutés en seulement deux jours. Dans la même période, des massacres similaires de déroulent àKamianets-Podilskyï, entraînant la mort de plus de 23 600 personnes, et àBerdytchiv, où environ 38 000 Juifs sont assassinés. LeGhetto deVinnytsia[O 26],[note 11] est également liquidé en, entraînant l’extermination de la quasi-totalité de ses habitants juifs.
D’autres événements se déroulent àDnipropetrovsk[note 12],Jitomir[O 26],[note 13], etBila Tserkva (Massacre de Bila Tserkva (en)), où les forces de Jeckeln orchestrent des massacres de grande ampleur. La liquidation duGhetto deKovno en, où approximativement 15 000 personnes sont assassinées, illustre à nouveau l’implication de Jeckeln dans la Shoah en Ukraine.
LeMassacre deKamianets-Podilskyï, perpétré les et, représente l'un des premiers épisodes d'extermination massive de Juifs dans les territoires soviétiques occupés[L 7] et qui s'inscrit pleinement dans le modèle de la Shoah par balles[B 1].
Sous l’autorité de Friedrich Jeckeln, l'opération est orchestrée par lesEinsatzkommandos 10b et 4a, unités opérationnelles appartenant à l’Einsatzgruppe C et leBataillon de policeno 320[L 8]. Ces forces perpétuent les massacres avec l’aide de lapolice auxiliaire ukrainienne et decontingents militaires hongrois[L 8].
L'ampleur et la systématicité de l'événement sont qu’environ 23 600 personnes sont assassinées, dont 14 000 Juifs préalablement déportés[note 14] de Hongrie (provenant de laTchécoslovaquie, dePologne,Roumanie et desPays-Bas)[L 7],[B 3],[note 15].
Les exécutions, conduites dans des cratères d'obus[L 7] situés en périphérie deKamianets-Podilskyï, illustrent la brutalité méthodique desEinsatzkommandos. Ce massacre préfigure ceux qui jalоnneront laShoah en Ukraine.
« Arrivé àKyïv,ndr[Maximilien] Aue assiste à l’organisation méthodique d’une grandeAktion connue aujourd’hui sous le nom de Babi Yar. Les Allemands s’efforcent maintenant d’utiliser la géographie locale à leur avantage : le lieu du massacre est choisi en fonction de facteurs logistiques et compte tenu de la méthode d’exécution. »[O 29]
— Jonathan Littell[O 30], Anneleen Spiessens,Quand les bourreaux ont la parole : Génocide et littérature
LeMassacre deBabyn Yar est une des atrocités les plus notoires de laShoah par balles. Il se déroule les et àKyïv, après l’occupation allemande de la ville. Plus de 33 771 Juifs sont abattus dans leRavin des Bonnes Femmes en seulement deux jours[note 16], sous les ordres de Friedrich Jeckeln,Otto Rasch et dePaul Blobel (il dirige l’Einsatzkommando 4a de l’Einsatzgruppe C, principal auteur du massacre sous les ordres direct de Jeckeln), tous sont présents lors de ces exécutions de masse.
Ce Massacre est notamment rendu possible grâce à la participation active dela police auxiliaire ukrainienne et de l’administration locale collaborationniste (tel le201e bataillon d’équipes de protection, un bataillon de miliciens). Le site deBabyn Yar est également utilisé pour d'autres exécutions de masse, particulièrement celles deTsiganes, deprisonniers de guerre soviétiques et de dissidents politiques.
Babyn Yar reste un symbole de laShoah en Ukraine, suivant le Massacre deKamianets-Podilskyï, qui a servi d’« essai » à grande échelle pour les méthodes d'extermination nazies. Bien que longtemps négligé sous l’ère soviétique,Babyn Yar est devenu un lieu de mémoire majeur, honoré par plusieurs monuments commémorant les victimes juives ainsi que d'autres groupes persécutés, tels que lesTsiganes, les résistants et les prisonniers de guerre de l'Armée rouge (incluant aussi lescommissaires politiques, avec les Juifs considérés comme cible prioritaire).
Dans cette période sanglante, l’Einsatzgruppe C continue d'étendre sa mission dans l'Ukraine occupée, visant la liquidation systématique des ghettos créés dans les villes après l'invasion allemande. En, la liquidation du Ghetto deRovno illustre cette politique : plus de 17 000 Juifs sont rassemblés et exécutés en un seul jour, leurs corps jetés dans un ravin à l’extérieur de la ville, rappelant tragiquement le procédé deBabyn Yar.
Quelques mois plus tard, en, la liquidation du Ghetto deDnipropetrovsk s’inscrit dans cette même dynamique de destruction méthodique. Les derniers survivants juifs sont soit exécutés, soit déportés vers lescamps d'extermination (telSobibór)[L 10]. Ces massacres illustrent l'efficacité brutale de laSolution finale[L 11] orchestrée par les forces nazies et soutenue par des collaborateurs locaux (lettons, ukrainiens et biélorusses), dans le cadre de l'occupation de l’Europe de l'Est.
Les résultats obtenus par Jeckeln dans la mise en œuvre de sa méthode et son efficacitéà exterminer les Juifs et autres « indésirables »[O 31] du régime nazi dans son poste ne passent pas inaperçus.
Impressionné par cette capacité d'exécution, Heinrich Himmler assigne Friedrich Jeckeln à la région de la « Russie du Nord » et à l’Ostland en. Himmler estime que ce nouveau poste est plus en adéquation avec l'appétit croissant de Jeckeln pour la destruction de masse. Sa mission principale dans cette affectation sera l'extermination systématique des populations juives ainsi que des partisans soviétiques dans ces régions.
« L’objectif était l’annexion pure et simple auReich des territoires baltiques, ainsi que leur « germanisation ». »[O 32]
— Luc Lévy, « Les Juifs de Lettonie : De l’oubli à la mémoire »,Le Courrier des pays de l’Est « La Russie dans la mondialisation »,
Les Pays baltes, comme d’autresterritoires occupés de l’Est par les nazis, sont lethéâtre de nombreux massacres dans le cadre de la déshumanisation et l’éradication des « sous-hommes » (enallemand :Untermenschen), de la « germanisation » et de la mise en œuvre des politiques eugéniques du Troisième Reich.
Friedrich Jeckeln a joué un rôle central dansla liquidation des ghettos, conçus à l’origine pour isoler et contrôler les populations juives avant leur extermination (et partiellement pour utilisation en tant que main d’œuvre forcée). Ces massacres se sont déroulés soit directement sous son autorité, soit avec sa participation active.
Parmi ces événements majeurs, leMassacre de Rumbula enLettonie, qui est la conséquence de la liquidation duGhetto deRīga en, ainsi que la liquidation duGhetto deDaugavpils la même année, sont souvent cités. EnLituanie, Jeckeln supervise des atrocités similaires, telles que la liquidation duGhetto deKovno et leMassacre dePonary àVilnius en. Enfin, enEstonie, Jeckeln orchestre activement la liquidation du Ghetto deTartu et le Massacre deKlooga.
La Lettonie, compte avant-guerre, environs 93 000 juifs[L 12], soit environs5 % de sa population[L 13]. La communauté juive deRīga, comptant plus de 40 000 personnes représente environs11 % de la population de la ville et de ses environs. Cette communauté ancienne et dynamique a joué et joue un rôle important dans le développement économique et culturel de la ville[L 14],[O 32].
Le Ghetto deRīga, composé de plus 30 000 juif de la capitale et de ses environs[note 17], est établi en après l’occupation de la Lettonie suite à l’OpérationBarbarossa. Les Juifs sont forcés de s'installer dans des conditions extrêmement difficiles, dans une partie de la ville appeléeMaskavas Forštate[O 34],[O 33].
Friedrich Jeckeln reçoit l’ordre d'Himmler de liquider le Ghetto pour faire place à des déportés provenant d’Allemagne[O 35] ; il planifie le déroulement en deux étapes : la première fin, début est une première action (connue sous le nom de « Grande Action ») où plus de 25 000 Juifs sont massacrés dans la Forêt de Rumbula[B 4].
Ensuite, ce sont les survivants de la « Grande Action » qui sont regroupés dans le lieu-dit « Petit Ghetto ». Ils sont considérés comme utiles auReich et ne sont pas été tués immédiatement.
Le « Petit Ghetto », situé dans une partie restreinte de l’ancien ghetto, près de la rue Moscow (Maskavas iela) à des conditions de vie encore plus précaires que dans le ghetto initial, avec une surpopulation extrême dans les quelques bâtiments restants[note 18].
« Pour la mort de 25 000 Juifs à Rumbala, l’Allemagne a décerné à Jeckeln la Croix du mérite de guerre avec épées. »
— Matt Lebovic, The Times of Israël (27 mars 2024) - « Quand les nazis filmaient la Shoah en Ukraine »
Le massacre de Rumbula se déroule en deux jours[O 36], le et le. Il est la suite de la liquidation partielle du Ghetto deRīga, sous l’autorité directe de Friedrich Jeckeln, qui applique des méthodes d’extermination de masse[O 21].
Lors de ces deux opérations successives, environ 25 000 Juifs[O 37],[note 19]sont systématiquement assassinés dans la Forêt de Rumbula à une dizaine de kilomètres deRīga, notamment par lesEinsatzkommandos (plus spécifiquement l’Einsatzkommando 3, de l’Einsatzgruppe A)[O 38] avec l’appui des collaborateurs lettons (incluant notamment lecommando spécial Arājs)[O 39],[O 21].
« Il ne fait aucun doute que le chef supérieur desSS et de la police, Friedrich Jeckeln, a reçu laKVK de première classe avec des épées en reconnaissance de sa fidélité : l’organisation des fusillades de masse àRīga, « sur ordre du plus haut niveau (auf höchsten Befehl) ». »[O 40]
— Gerald Fleming, (en)Hitler and the Final Solution [« Hitler et la Solution finale »]
Ce massacre est caractérisé par une organisation logistique impitoyable où les victimes, forcées de marcher jusqu’aux fosses creusées à l’avance, sont abattues en rangées, suivant la méthode développée par Jeckeln et qu’il perfectionnera dans d’autres exterminations à grande échelle.
Le Massacre de Rumbula marque une étape importante dans la mise en œuvre du processus génocidaire en Lettonie (incluant la liquidation des ghettos), et est resté dans la mémoire collective comme l’un des pires crimes perpétrés dans la région sous l'occupation nazie.
« Une montagne de chaussures m’écrasait. Mon corps était endolori à cause du froid et de l'immobilité. Cependant, j’étais pleinement consciente. La neige avait fondu sous mon corps à cause de sa chaleur. Il y a eu un silence pendant un temps. Soudainement, on entendit un cri d'enfant venant de la tranchée « Maman, Maman, Maman ! » Il y a eu quelques coups de feu. Puis, à nouveau le calme. Il avait été tué. »[O 41]
— Frida Michelson, (en)I Survived Rumbuli [« J’ai survécu à Rumbula »]
Seules trois personnes survivent à ce massacre dontFrida Michelson qui a simulé sa mort sous les chaussures entassées des victimes (plus tard récupérées par les hommes de Jeckeln).
L’opération « Fièvre des marais (de) » (enallemand :Unternehmen Sumpffieber), menée dans leMarais duPrypiat en août et, vise à éliminer lespartisans soviétiques et les Juifs de cette région, considérée par les autorités nazies comme un foyer de résistance.
L’opération mobilise un nombre important unités de la Wehrmacht, desSS et des collaborateurs locaux[note 20], et autres unités d’Einsatzgruppen[O 42],[note 21].
Bien que les rapports initiaux soulignent le succès de l’opération, elle est critiquée pour ses résultats mitigés à cause des lourdes pertes dues aux conditions marécageuses rendant difficiles les manœuvres et la logistique. En raison de l'échec à neutraliser complètement les bases des partisans, l’opération a progressivement été abandonnée.
Des hauts responsables nazis, dontErich von dem Bach-Zelewski etHimmler, expriment des doutes sur l'efficacité de ces méthodes, et ces critiques mettent fin à l’opération dans l’automne[O 43]. Le bilan humain est catastrophique, avec des milliers de civils exécutés dans le cadre de la politique de répression et de liquidation[note 22] ; mais les partisans soviétiques ont continué à opérer dans la région, attestant de l’échec partiel de cette opération.
En, Friedrich Jeckeln occupe toujours son poste d'« Höhere SS- und Polizeiführer » pour la Russie du Nord et l'Ostland, basé àRīga.
Ses principales activités cette année-là sont entre autres la poursuite de la supervision des opérations d'extermination dans les territoires baltes occupés et l’organisation de la défense contre l'avancée de l'Armée rouge.
Mais c’est aussi durant cette année que Jeckeln perd deux de ses fils.
L’un meurt sur leFront de l’Est et l’autre d’uneméningite. Jeckeln écrit une lettre à Himmler et conclut :« Ma femme est très ébranlée, moi je peux supporter même les coups durs du destin sans compromettre ma disposition à l'action et ma capacité de travail. »[O 8]. À cela, Himmler répond, entre autres, ce qui suit :« Il est terrible que le destin frappe si soudainement. Je sais qu'en tant que national-socialiste etSS convaincu, vous pleurez vos deux fils, dont l'un est mort en héros et l'autre a connu une fin si tragique alors qu'il était encore enfant. Mais je sais aussi que vous resterez toujours le même, sans fléchir et prêt à l'action »[O 8].
Malgré ses pertes, il reste focalisé à l’exécution de son rôle et des politiques du régime nazi, non pour des exploits militaires, mais pour son efficacité de terrain et de bureaucrate, notamment sur le Front de l'Est et dans les territoires baltes occupés.
Sa rigueur et son zèle pour ses fonctions administratives et politiques lui valent plusieurs distinctions. Le, il est décoré de laCroix de chevalier de la Croix de fer. En, il reçoit successivement, le huit, laCroix allemande en or et le trente, laCroix de chevalier avec feuilles de chêne, cette dernière pour avoir mené en personne un assaut avec son groupe de combat[O 45],[note 23]. Ces distinctions renforcent son statut élevé au sein de laSS et ses efforts, non pas tout le temps sur un champ de bataille, mais dans la mise en œuvre des tactiques génocidaires du régime.
Le front allemand se détériore de plus en plus face aux coups de boutoir de l’Armée Rouge et Jeckeln est amené à commander le5e Corps de Montagne de volontaireSS. Face à la situation désespérée d’, il tente de fuir vers l’Ouest pour se rendre aux forces britanniques ou américaine, mais est capturé par les soviétiques près deHalbe[O 19], au sud deBerlin.
Friedrich Jeckeln est capturé fin[L 16],[L 17],[note 24] au cours de laBataille de Halbe par lestroupes soviétiques avec d'autres hauts responsables nazis[note 25] qui opèrent dans le district pendant l'avancée vers l'ouest. Jeckeln est toutefois le plus haut gradé[O 46] des dirigeants nazis capturés.
Ils sont interrogés par leNKVD[O 47] qui utilise des méthodes coercitives pour le confronter à ses crimes[O 9].
« Le, Jeckeln a été interrogé de onze heures du matin à cinq heures de l'après-midi, tandis que le, il a été interrogé de dix heures du soir à six heures et demie du matin.
En outre, pour les officiers supérieurs et les généraux, le passage d'une position d'autorité à un statut de prisonnier sans défense a gravement sapé leur force morale.
Le dicton« la capture représente le début de la descente du prisonnier dans son propre enfer » n'est nulle part plus applicable que sur le Front de l'Est. »[O 48]
— Robert C. Doyle, (en)Voices from Captivity : Interpreting the AmericanPOW Narrative [« Les voix de la captivité : Interpréter le récit des prisonniers de guerre américains »]
Friedrich Jeckeln admet aux interrogateurs qu’il a supervisé l’annihilation des Juifs par lesEinsatzgruppen,la police et laWaffen-SS[O 37]. Mais précise, à l’instar de nombreux autres criminels de guerre nazis, qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres de Himmler et de Hitler[O 37].
« Jeckeln a été accusé d'avoir organisé « l'extermination complète » de 300 000 « citoyens soviétiques de nationalité juive » dans larégion de la Baltique et de 200 000 enBiélorussie. »[O 37]
Les soviétiques étudient[note 26] aussi les documents de l’Ostland laissés par l’administration occupante. Ces documents ont notamment permis de démontrer les tortures sur les locaux par l'occupant mais aussi de calculer le montant des dommages matériels causés par le transfert d’œuvre d’art vers l’Allemagne nazie, des destructions, etc. dans le district[L 18],[note 27].
Ils sont jugés du au par untribunal militaire siégeant auProcès de Riga (en), surnommé le « Nuremberg soviétique »[L 18].
Reconnus coupables, ils sont tous pendus le jour de la sentence[L 19] devant des milliers de personnes, au bord de laDaugava au centre deRīga.
Leslieux de mémoire des massacres liés à Friedrich Jeckeln permettent de suivre la trace des atrocités perpétrées sous son autorité dans toute l'Europe de l'Est. Depuis les Forêts dePonary en Lituanie jusqu'à la Forêt de Rumbula en Lettonie, ces sites commémoratifs marquent les exécutions massives de milliers de Juifs dans le cadre de la Shoah par balles.
En Ukraine, les lieux commeKamianets-Podilskyi témoignent des premières grandes exterminations menées par lesEinsatzgruppen, tandis que la Biélorussie conserve la mémoire des massacres comme celui deHomiel.
À travers les Pays Baltes, des monuments et stèles marquent la politique génocidaire de Jeckeln, révélant une traînée de destruction qui s’étend également en Estonie et en Pologne avec des mémoriaux àKlooga etBiałystok.
Ces lieux, comme la Forêt de Minsk ou le cimetière de laShoah à Minsk, témoignent des campagnes d'extermination et des ghettos liquidés sous le commandement de Jeckeln, illustrant ainsi l'étendue des crimes commis sous son autorité dans le cadre des opérations liées à l’Holocauste.
Jeckeln est présent dans le roman historique (notamment pour son rôle dans les massacres de la Seconde Guerre mondiale) du FrançaisJonathan Littell :Les Bienveillantes, publié en. Ce roman connaît un très grand succès enFrance et rapporte deux prix à son auteur : leGrand prix du roman de l'Académie française et leprix Goncourt en 2006.
(Information : les articles en langue allemande et suédoise ont été utilisés à l'aide d'un logiciel de traduction.)
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