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Lesfourches patibulaires[1] étaient ungibet constitué de deux piliers ou plus, en pierre ou en bois, sur lesquelles reposaient une ou plusieurs traverses de bois horizontales[2]. Généralement placées en hauteur et bien en vue du principal chemin public, elles signalaient le siège d'unehaute justice et le nombre de colonnes de pierre indiquait le titre de son titulaire.
AuMoyen Âge, les condamnés à mort étaientpendus à la traverse de bois et leurs corps étaient laissés sur le gibet pour être exposés à la vue des passants et dévorés par lescorneilles (corbeaux, selon plusieurs chansons). Sous l'Ancien Régime, les pendaisons ont lieu à lapotence tandis que le corps du condamné est ensuite conduit et exposé aux fourches patibulaires, assumant une fonction dissuasive[3].
L’expression « fourches patibulaires » s’écrit habituellement au pluriel bien qu’on la retrouve parfois au singulier.
Le nom des « fourches patibulaires » vient des mots latinsfurca (« fourche ») etpatibulum (« croix », « potence », « perche »).
Lafourche désigne un bois fourchu, qu'il s'agisse d'une branche ou d'un arbre. L'origine du terme de fourches patibulaires remonte à la fourche utilisée par lesRomains pour châtier les esclaves. Après l'avoir dépouillé de ses habits, on faisait passer la tête de l'esclave dans une fourche, on attachait son corps au même morceau de bois pour le battre à coup de verges[4].
Il ne faut pas confondre les fourches patibulaires avec leséchelles patibulaires ou lessignes patibulaires[5].
Les fourches patibulaires sont attestées dès leXIIIe siècle : en Touraine les fonds ecclésiastiques et les chartriers en font mention à partir duXIIIe siècle[6]. C'est cependant à partir duXIVe siècle que les témoignages évoquant des fourches patibulaires se multiplient[7],[8],[9]. Les plus célèbres étaient celles de laprévôté deParis : legibet de Montfaucon, à la porte de Paris (au nord-est de la ville d'alors, proche de l'emplacement actuel de laplace du Colonel-Fabien). Ce gibet, attesté dès leXIIIe siècle, avait été restauré sousPhilippe le Bel à l'instigation de son ministre et conseiller,Enguerrand de Marigny, qui y fut lui-même pendu après la mort de Philippe le Bel[2].
En France, les fourches patibulaires furent remplacées par laguillotine au moment de laRévolution française.
Les hauts justiciers devaient en principe posséder des fourches patibulaires « tant pour signe et marque de leur haute-Justice que pour l'exécution d'icelle »[10].
Mais un traité plus ancien, leGrand Coutumier de France précise que « Toutesfois, plusieurs haults justiciers n'ont fors fourches, mais pour ce ne peult mie le droit de leur justice estre apetissé »[11], et même que « Celuy qui a moyenne justice a puissance de pendre sanstrainer, et ne peult avoir que fourches à deux pilliers dont les liens sont dedens »[12].
Le nombre des piliers de justice des fourches patibulaires variait selon la qualité des seigneurs qui les construisaient : seul leroi pouvait en avoir autant qu’il voulait, et en principe lesducs en avaient huit, lescomtes six, lesbarons quatre, leschâtelains trois et les simplesgentilshommes hauts justiciers deux[13]. Cette règle générale a toutefois connu de nombreuses exceptions, et variait notamment selon ledroit coutumier des différentes provinces et selon l'histoire de chaque seigneurie, par exemple :
Le haut justicier doit obtenir l'autorisation du roi pour faire édifier de nouvelles fourches patibulaires, ou pour les reconstruire si elles sont tombées ou détruites depuis plus d'un an et un jour[10].
Les fourches patibulaires étaient en général placées sur une hauteur, hors des villes, bourgs et villages, et ordinairement près d'un grand chemin et dans un lieu bien exposé à la vue des voyageurs afin d'inspirer au peuple l'horreur du crime. Il s’agissait d’« écarter la puanteur cadavérique, puis [d’]en faire mémoire en un lieu éloigné[20] ». Elles constituaient également des « outils de délimitation territoriale » permettant de matérialiser l'emprise de la seigneurie qui les possédait[21].
L’ensemble de la population assistait aux pendaisons. Certains lieux disposaient donc decabarets où la population se rassemblait lors des exécutions(vestige d'un cabaret àCreuë). Malgré le caractère macabre de ces constructions et la mauvaise odeur qui s’en dégageait, le voisinage des fourches patibulaires comptait parfois des « courtilles et des lieux de débauche »[2].
Le lieu d’implantation des fourches patibulaires avait très souvent mauvaise réputation : « de quelque manière qu’on s’y prenne, le gibet reste un lieu d’horreur, de dégoût et de flétrissure dont la pollution n’émane pas seulement de la décomposition des cadavres mais aussi de l’anathème qu’il désigne[22] ». D'ailleurs, lesmandragores qui poussaient au pied des fourches patibulaires étaient les plus prisées car on les croyait fécondées par le sperme des pendus. Certains auteurs pensaient même que seule la terre enrichie du sperme des hommes exécutés permettait à la mandragore de pousser :
« Laquelle plante de provient pas, au dire de quelques uns par la voye de transplatation, ou de graine, de mesme que les autres plantes, mais d’une façon, & origine toute estrange & extraordinaire.
A sçavoir du sperme des hommes pendus, és gibets, ou escrasez sur les roües, comme Daleschamps en son grand herbier, apresLeninus Memnius le rapportent, qui se liquefiant & coulant avec la graisse, & tombant goutte à goutte dans la terre, (qui sans doute par la frequence des corps pendus, doit estre grasse, & unctueuse, comme celle d’un Cymetiere) produit ainsi cette plante de Mandragore, le sperme d’un homme, faisant en ce rencontre, pour produire cette plante, l’office & l’effect de graine[23]. »
Selon Anne Lafran, dans sa thèse citée par Cécile Voyer, duCentre d'études supérieures de civilisation médiévale, la pendaison et l'éventration (par les corbeaux) rappellent laMort de Judas[24].
L'Évangile selon Matthieu évoque un suicide par pendaison, et l'Évangile selon Luc une éviscération. Ces deux versions se retrouvent dans la littérature duXIIe siècle. La pendaison est donc une mort infamante, à l'image de celle de Judas et à l'encontre de la bonne mort prônée par l'Ars moriendi. De plus, les condamnés suspendus aux fourches patibulaires, parce qu'ils ne recevaient pas de sépulture ecclésiastique, se voyaient privés de tout espoir de résurrection. De fait, « au sein des sociétés médiévales, maltraiter le corps jusque dans la mort en le privant d’une sépulture ecclésiastique par exemple revient à maltraiter l’âme[25] ».
Selon l'étude des fourches de Paris, les corps des suppliciés ne sont décrochés que le plus tardivement possible, quitte à re-pendre des pièces de corps qui se seraient détachées et auraient chuté. En effet les fourches perdent leur raison d'être dès qu'elles ne sont plus utilisées.
Selon Vincent Challet, du Centre d'études médiévales de Montpellier, d'une part les fourches sont utilisées, peut-être pas souvent, mais en tout cas ne sont pas seulement symboliques ; mais d'autre part elles s'adresseraient aux personnes venues de l'extérieur (vagabonds, aventuriers, rivaux, etc.) au contraire despiloris qui s'adresseraient aux personnes de l'intérieur de la communauté[26].
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