Laflotte de la mer Noire (enrusse :Черноморский флот,Tchernomorski flot) fut successivement laflotte de lamarine impériale russe (de 1783 jusqu'en 1917), puis de lamarine soviétique (de 1921 à 1991), de laCEI (en 1992), ensuite russo-ukrainienne (de 1992 à 1995) et enfin de lamarine russe (depuis 1996), présente dans lamer Noire.
Le combat dubrickMercure («Меркурий») contre deux vaisseaux ottomans le (huile sur toile d'Ivan Aïvazovski, 1892) : au bout de deux heures de tirs, le navire russe, armé de 18 caronades de24 livres, démâte les deux bâtiments ottomans, lui permettant de rentrer à Sébastopol.
« La flotte impériale russe de la mer Noire consiste en quinze à dix-huitvaisseaux de ligne, et un nombre proportionné defrégates et autres bâtiments légers (...). Indépendamment de beaucoup deGrecs, on compte parmi les officiers de la flotte un assez grand nombre d'Anglais, deRagusais, deDanois et deSuédois. »
Pendant laguerre d'indépendance grecque, une escadre russe (quatre vaisseaux et quatre frégates), intégrée à une flotte franco-britannique, participe à la destruction de la flotte ottomane lors de labataille de Navarin en 1827. La situation s'inverse lors de la guerre de 1853-1856, appelée en Occident laguerre de Crimée : si la flotte russe anéantie de nouveau son homologue ottomane à labataille de Sinope en 1853, l'intervention franco-britannique aux côtés du sultan entraîne lesiège de Sébastopol à partir d'octobre 1854, lesabordage de la flotte russe, la reddition du port en septembre 1855, lesiège de Taganrog (qui protègeRostov) de mai à août 1855 et lebombardement de Kinbourn (qui protège Kherson) en octobre 1855.
La fin de laGuerre mondiale entraîne le remplacement des Allemands par les forces alliées, les Franco-Britanniques prenant le contrôle d'Odessa et deSébastopol en décembre 1918, puis deNikolaïev, remettant les unités de la flotte auxRusses blancs, engagés dans laguerre civile russe. Mais les troupes de l'Armée rouge reconquièrent le Sud de l'Ukraine en mars 1919, les Blancs ne conservant que la Crimée. Laflotte de l'Armée blanche fut le dernier vestige de la flotte de la mer Noire de laMarine impériale russe : créée en 1920, elle permet d'évacuer l'armée du général Wrangel en novembre 1920. Internée àBizerte à partir de décembre 1921, elle cessa d'exister en 1924 quand la France a reconnu l'URSS. Les navires sont remis aux représentants soviétiques, mais vétustes et sans équipage, ils sont vendus puis ferraillés.
En 1923, lecroiseurKomintern («Коминтерн», exMémoire de Mercure) redevient opérationnel, devenant lenavire amiral de la flotte. À partir de 1930, la flotte est renforcée avec le vieuxcuirasséCommune de Paris («Парижская коммуна», exSébastopol, renommé lors des 50 ans de laCommune), venant de laBaltique pour servir de nouveau navire amiral. En 1936, l'URSS signe laconvention de Montreux, qui l'autorise à faire passer ses navires de guerre par lesDardanelles et leBosphore, à condition d'en notifier laTurquie auparavant.
En 1965, la flotte de la mer Noire reçoit l'ordre du Drapeau rouge. De 1962 à 1969, les chantiers deNikolaïev construisent les deuxcroiseursporte-hélicoptèresappelés par l'OTAN laclasse Moskva, chargés defaire la chasse auxpremiersSNLE en Méditerranée. De 1968 à 1977, Nikolaïev fournissent les croiseurs lance-missiles de laclasse Kara, dont trois sont affectés à la flotte de la mer Noire : leKertch («Керчь»), l’Azov («Азов») et leTallinn («Таллин», renommé en 1992 leVladivostok, «Владивосток»). À partir de 1970, Nikolaïev construit successivement lesporte-avionsKiev («Киев»),Minsk («Минск»),Novorossiïsk («Новороссийск»),Bakou («Баку»),Tbilissi («Тбилиси», l'actuelAmiral Kouznetsov),Riga («Рига», l'actuelLiaoning) etOulianovsk («Ульяновск», abandonné en 1991). À partir de 1983, le nouveau navire amiral de la flotte de la mer Noire est leGloire («Слава», renommé en 2000Moscou, «Москва»), un croiseur lance-missiles du projet 1164 (aliasclasse Slava), dont les missilesP-700 Granit de sept tonnes sont prévus pour frapper lesporte-avions américains.
En 1991, la flotte de la mer Noire a pour principales unités de surface six croiseurs et 13destroyers (appelés par les Soviétiques des « grands naviresanti-sous-marins ») :
le croiseurJdanov («Жданов») du projet 68 (classe Sverdlov), affecté en mer Noire en 1961, retiré en décembre 1989, vendu etferraillé enInde en 1991 ;
le croiseurporte-hélicoptères «Москва» (Moscou) du projet 1123 Condor (classe Moskva), armé en 1967, retiré en 1996, vendu et ferraillé en Inde en 1997 ;
le croiseur porte-hélicoptères «Ленинград» (Leningrad) du projet 1123, armé en 1969, retiré en 1992, vendu et ferraillé en Inde en 1995 ;
le croiseur lance-missilesAmiral Golovko («Адмирал Головко») du projet 58 (classe Kynda), affecté en mer Noire en 1968, retiré en 2002, ferraillé àInkerman en 2004 ;
le croiseur lance-missilesSlava («Слава» :Gloire) du projet 1164 Atlas (classe Slava), armé en 1983, renomméMoscou («Москва») en 2000, coulé en 2022[10] ;
neuf destroyers du projet 61 (classe Kachine), tous désormais ferraillés sauf leSmetlivy («Сметливый»), datant de 1969 et transformé en navire musée àSébastopol en 2020 ;
quatre destroyers du projet 1134 (classe Kara), lesNikolaiev («Николаев», ferraillé en 1994),Otchakov («Очаков», sabordé en 2014),Kertch («Керчь», ferraillé en 2020) etAzov («Азов», ferraillé en 2000).
Le « drapeau naval de la flotte de la mer Noire » (Военно-морской флаг Черноморского флота), arboré par les navires pendant la période de transition de septembre 1992 à décembre 1995. C'est lepavillon de lamarine soviétique sans l'étoile rouge, le marteau et la faucille.
Avec le déclin de l'Union soviétique et la disparition dupacte de Varsovie, la situation de la flotte soviétique de la mer Noire se dégrade rapidement, avec d'importantes réductions de son financement, la perte d'anciens alliés (Roumanie etBulgarie le, qui intègrent l'OTAN le), de territoires (proclamations d'indépendance de laGéorgie le, de l'Ukraine le et de laMoldavie le) et de ses principales missions (suspension de l'escadre de Méditerranée de 1992 à 2013).
À la suite de ladislocation de l'URSS en décembre 1991, la flotte de la mer Noire devient un sujet de discorde entre les deux nouveaux États que sont l'Ukraine et laRussie, chacun réclamant en avril 1992 la souveraineté sur les navires de la flotte et exigeant respectivement qu'ils portent lepavillon bleu et jaune ou lacroix de saint André bleue. L'essentiel du personnel, des armements et des installations côtières de la flotte étant situé en Ukraine, plusieurs navires et formations terrestres se sont déclarés ukrainiens. Cependant, cela a immédiatement conduit à des conflits avec la majorité des officiers qui semblaient être fidèles à la Russie. Simultanément, des groupes séparatistes pro-russes sont devenus actifs dans la politique locale de laRépublique autonome de Crimée et de la municipalité deSébastopol où se trouvaient les principales bases navales, et ont commencé à coordonner leurs efforts avec les marins pro-Moscou.
Un premier accord est trouvé àYalta le : la flotte de la mer Noire est retirée du commandement unifié de laCEI, devenant une force commune russo-ukrainienne pour une période de transition. Le, un accord final signé àSotchi partage la flotte de la mer Noire au : la nouvellemarine ukrainienne obtient 18,3 % de la flotte (soit 80 navires), avec pour basesOdessa,Novoozerne etBerdiansk ; lamarine russe récupère 81,7 % de la flotte[11] (soit 338 navires), conservantSébastopol comme principalebase navale, en plus de ses installations àNovorossiïsk,Touapsé,Temriouk etTaganrog.
La nation nouvellement indépendante deGéorgie, qui abritait également plusieurs bases de la flotte soviétique de la mer Noire lorsqu'elle était laRépublique socialiste soviétique de Géorgie, a également revendiqué une part de la flotte, dont 32 navires de guerre anciennement stationnés au port géorgien dePoti sur la mer Noire. Non membre de laCEI à l'époque, la Géorgie n'a cependant pas été incluse dans les négociations initiales en janvier 1992. De plus, certaines bases de faible importance situées dans l'autonome et dissidenteAbkhazie, soutenue par la Russie, ont rapidement échappé à tout contrôle géorgien.
En 1996, la Géorgie a repris ses exigences et le refus russe d'attribuer à la Géorgie une partie de l'ex-marine soviétique est devenu une autre pomme de discorde dans les relations russo-géorgiennes qui se détérioraient progressivement. Cette fois, l'Ukraine a approuvé les revendications deTbilissi, remettant plusieurs patrouilleurs à lamarine géorgienne et commençant à former des équipages géorgiens, mais n'a pas été en mesure d'inclure dans l'accord final sur la flotte un transfert des anciens navires basés à Poti vers la Géorgie. Plus tard, il a été décidé de céder le reste de la part géorgienne à la Russie en échange d'une diminution de sa dette.
La Russie a employé une partie de la flotte contre lamarine géorgienne en 2008 pendant laguerre russo-géorgienne (la deuxième guerre d'Ossétie du Sud), lors de labataille des côtes d'Abkhazie. Les unités russes opérant au large de la région sécessionniste de l'Abkhazie en Géorgie ont entraîné une escarmouche et le naufrage d'un navire de la marine géorgienne. Depuis la guerre d'Ossétie du Sud de 2008, la flotte russe de la mer Noire n'a participé à aucun exercice naval conjoint impliquant des navires de guerre géorgiens. Cependant, une telle déclaration n'a que peu de sens puisque la marine géorgienne a cessé d'exister (début 2009, elle a été fusionnée avec les garde-côtes géorgiens).
En mars 2014, le personnel de la flotte russe sert de soutien à l'annexion de la Crimée par la Russie ; la majorité des navires ukrainiens, ainsi que toutes leurs installations en Crimée, sont saisis lors de l'opération. Dans la nuit du 5 au, le vieux destroyerOtchakov («Очаков», du projet 1134B Berkut-b, aliasclasse Kara) est remorqué jusqu'au chenal d'accès aulac Donouzlav, puis y est coulé, bloquant ainsi les navires ukrainiens (une corvette, trois chasseurs de mines et deux navires de débarquement) dans leur base deNovoozerne[13]. Les unités ukrainiennes se rendent le, sauf le dragueur de minesTcherkassy («Черкаси», du projet 266M Akvamarin, aliasclasse Natya), qui est pris d'assaut dans la nuit du 25 au 26 ; la coque du destroyer est ensuiterenflouée, puisferaillée. Une partie du personnel ukrainien choisit de rester en Crimée, devenant des militaires russes[14].
Construit de 2011 à 2014. Mis en service en 2014. Endommagé enseptembre 2023 par une frappe ukrainienne alors qu'il était en maintenance àSébastopol[16]. Le sous marins aurait été détruit en août 2024 par les forces armées ukreniennes[17] (la Russie n'ayant pas fait de commentaire il est considéré détruit jusqu'à preuve du contraire)
Construit en 1989. Mis en service en 1989. Désarmé en 2019. Remis en service durant l'année 2021. Coulé le par des drones ukrainiens près dulac Donouzlav.
Commissionné en 1985. Cédé le à lamarine ukrainienne ; bloqué dans lelac Donouzlav en mars 2014, il repasse sous pavillon russe. Détruit par des missiles ukrainiens le 24 mars 2024.
Commissionné en 1987. Coulé le26 décembre 2023 à la suite d'une attaque ukrainienne alors qu'il était amarré dans le port deThéodosie situé en Crimée alors occupée par la Russie[22].
Le, levraquiermarshallaisYasa Jupiter est endommagé par un tir russe au large d'Odessa[31] ; le, le chimiquiermoldaveMillennial Spirit et le vraquierpanaméenNamura Queen sont frappés en sortant deYoujne, le premier brûlant ensuite plusieurs jours, le second remorqué jusqu'àYalova ; le, le vraquierbangladaisBanglar Samriddhi est touché au mouillage àMykolaïv et abandonné ; le, le cargo panaméenHelt est coulé par un missile à sa sortie deTchornomorsk[32]. Au, une quarantaine de gros vraquiers, chargés de céréales ou d'huile de tournesol, sont bloqués dans les ports ukrainiens par le blocus russe : quinze à Tchornomorsk, sept à Odessa, quatre à Youjne, six à Mykolaïv et six àKherson[33].
Le, l'agence de presse russeTass annonce que lenavire amiral de la flotte, leMoskva, a subi une explosion de munitions dans la nuit du 13 au 14, due à un incendie à bord, et que l'équipage a été évacué[37]. L'Ukraine revendique une frappe de missiles contre ce navire. La Russie annonce finalement le 14 avril que le croiseur a coulé durant son remorquage[38].
Le, l'état-major ukrainien affirme que deux patrouilleurs russes declasse Raptor ont été ciblés par des frappes de droneBaykar Bayraktar TB2 ukrainien en mer Noire aux abords de l'île des Serpents[39]. Uneembarcation de débarquement declasse Serna russe transportant un système de défense antiaérien9K330 Tor-M1 (code OTAN SA-15Gauntlet) a été touchée par une attaque ukrainienne entre le 6 et le sur l'île des Serpents. Kiev déclarant que l'action est un tir depuis un drone TB-2 ayant eu lieu le à4 h 20[40].
Le29 octobre 2022, uneattaque de drone à grande échelle a lieu contre la flotte de la mer Noire à l'ancrage dans la baie de Sébastopol[42],[43]. Leministère de la Défense russe signale qu'à la suite de l'attaque, le dragueur de minesIvan Goloubets a été endommagé, ainsi que le barrage de la baie de Youjnaïa. Les chaînes télégraphiques ukrainiennes rapportent que 4 navires de guerre russes pourraient avoir été endommagés lors de l'attaque, dont la frégateAmiral Makarov. Neuf drones et sept véhicules aériens autonomes auraient participé à l'opération[44]. Selon les analystes de GeoConfirmed, 6 à 8 drones ont été impliqués dans l'attaque des navires russes, pour un résultat d'au moins trois navires touchés ; deux drones ont probablement été détruits avant d'avoir atteint leurs cibles[45].
↑B. N. Le Seu,Carte de la Mer Noire & de la mer d'Azov levée pendant la dernière guerre en 1773 par Mr De *** & dédiée à sa majesté Catherine II Impératrice de toutes les Russies,, carte de 58 × 173 cm(BNF46891474).
↑Jean-François Gamba,Voyage dans la Russie méridionale et particulièrement dans les provinces situées au-delà du Caucase, fait depuis 1820 jusqu'en 1824, par le chevalier Gamba, Paris, C.-J. Trouvé,(lire en ligne),p. 30-31.
↑Ordre du,« Ввиду безвыходности положения, доказанной высшими военными авторитетами, флот уничтожить немедленно. Пред. СНК В. Ульянов » Traduction :« Compte tenu du caractère désespéré de la situation, prouvé par les plus hautes autorités militaires, la flotte doit être détruite immédiatement. Président du SNK Lénine »
↑Commandant Vincent-Bréchignac et Henri Le Masson,Les Flottes de combat 1940-42, Paris, Société d'éditions géographiques, maritimes et coloniales,,p. 697-733.
↑« En direct, guerre en Ukraine : l’état-major ukrainien affirme avoir attaqué et coulé un navire russe en mer Noire »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le)