Enfer magazine | |
Pays | ![]() |
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Langue | française |
Périodicité | mensuel |
Format | A4 |
Genre | magazine musical |
Prix au numéro | 10 F (1983) à 16 F (1987) |
Diffusion | 40 000 à 100 000ex. ( à) |
Date de fondation | |
Ville d’édition | Paris |
Propriétaire | SARL Enfer |
Directeur de publication | Gérard St Haubin puis Joëlle Vignaud puis Jocelyne Carlier |
Directeur de la rédaction | Gérard Manvu |
Rédacteur en chef | Albumine puis Philippe Touchard |
ISSN | 0756-4872 |
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Enfer magazine est un magazine musical français spécialisé dans lehard rock et lemetal, édité entre1983 et1987.
Enfer magazine, appelé plus communément « Enfer », publie son premier numéro en sur 32 pages. C'est la première fois qu'un magazine français se consacre exclusivement auhard rock. La pagination passe à 48 pages dès leno 3, 56 auno 7 et 64 auno 8. Le tirage d'Enfer Magazine débute à 40 000 exemplaires pour son premier numéro et passe rapidement à 65 000, 85 000 pour atteindre en 1986 les 100 000 exemplaires, son plus haut niveau. Un score proche du tirage maximal historique de 134 000 exemplaires atteint en 1981 parRock & Folk, alors le magazine musical français généraliste de référence en France[1].
Le journal connaît immédiatement un énorme succès auprès du public « Hard-Rock » car ce genre musical est alors délaissé parRock'n'Folk et n'est traité que marginalement parBest, avec son journaliste féticheHervé Picart[2].Enfer Magazine cultive (principalement au cours des trois premières années d'exercice) un esprit militant proche dufanzine et une proximité évidente avec sonlectorat[3], ce qui explique également son succès et la fidélité de son public[4].
L'arrivée d'Enfer Magazine correspond, en outre, à une époque particulièrement riche pour lehard rock mondial : explosion de laNew wave of British heavy metal enAngleterre, création duspeed metal et duglam metal auxÉtats-Unis, irruption dublack metal enEurope du Nord ; le magazine vise à promouvoir auprès du public ces tendances alors en plein essor et peu connues dans l'hexagone[5]. En France, la scène métal voit de façon similaire émerger une multitude de jeunes formations, commeSatan Jokers,Sortilège,H-Bomb,Vulcain,Blasphème,High Power, dont le magazine suivra de près la production discographique et les prestations scéniques[6].
Dès sonno 1,Enfer Magazine permet à ses lecteurs de découvrir de jeunes groupes tels queMetallica (simplement auteur d'un seul titre sur la compilation américaineMetal Massacre 2),Venom ouMercyful Fate, alors totalement inconnus en France.Def Leppard est le premier groupe signé par unemajor à avoir accordé une interview au journal et avoir fait la couverture[7].
Ce désir de pousser les jeunes formations explique des choix éditoriaux très tranchés, à l'origine de longues controverses. Bien qu'il s'en défende,Enfer Magazine tend en effet à critiquer sans ménagement les groupes populaires dans les cours de récréation des collèges et lycées pour mieux promouvoir les jeunes formations jugées plus créatives, et la rubrique « Courrier des lecteurs » du magazine prend rapidement des allures de champs de batailles, à la suite des critiques particulièrement assassines des albumsTrust IV de Trust ou deFlick of the Switch d'AC/DC[8], deux groupes mainstream à l'époque. Cette tendance, héritée de l'esprit fanzine et militant du magazine[9], aura toutefois tendance à s'effacer au fil des années[10].
Le magazine se répartit entre des chroniques de concerts et d'albums (souvent sans concession et clivantes), un courrier des lecteurs tumultueux faisant office de « Blogosphère » avant l'heure, une chronique consacrée aux disques pirates, des interviews et articles de fonds parfois très fouillés (y compris parfois sur des sujets sociétaux comme la violence dans les concerts ou le mouvement « Moral Majority » dans les États-Unis des annéesReagan), un classement des groupes et albums par les lecteurs et, parfois, la playlist de la rédaction. Des rétrospectives complètes et très documentées sur des groupes majeurs desannées 1960-1970 ayant influencé le hard-rock telsGrand Funk Railroad,Hawkwind,MC5, lesPink Fairies, ouIggy & the Stooges sont régulièrement proposées. À noter que des genres musicaux connexes auxHard-Rock, tels que lerock sudiste ou lerock progressif sont largement traités dans ses pages, conférant ainsi àEnfer Magazine un éclectisme certain. Un feuilleton de bande dessinée semi-parodique, écrit par les frères Simmons et Mad Scott, « les Aventures d'Inferno, le Guitar-Heroe », accompagne quelques numéros, ainsi que la « Bombe du mois », en début de magazine :Lita Ford,Wendy desPlasmatics,Girlschool,Cherry Bomb… Chaque année, un référendum prime les artistes dans diverses catégories (albums, instrumentistes, prestation scénique, clip vidéo), référendum transformé en « Osc'Hard » avec cérémonie publique de remise des prix parfois houleuse[11]. Les derniers numéros se voient agrémentés de diverses nouvelles rubriques: « Can'Hard + » présentant les premières vidéos musicales alors sur support VHS, « les B.D. du mois d'Onc'Hardos », « Ça va marcher pour eux » (supportant des groupes n'ayant que desK7 démo) et même « Et pourtant ils tournent », chronique humoristique consacrée aux plus mauvais disques du mois, souvent issus de la mouvancethrash metal, alors balbutiante. Un poster format A3 ou parfois A2 plié agrémentait certains numéros.
Parmi les collaborateurs historiques et emblématiques d'Enfer, l'histoire retiendra (liste non exhaustive) les journalistes Philippe « stay clean » Touchard, Daniel « Dany » Terbèche, Gérard Manvu, Bruno Labati, Jee, Bruno Bages, Jean-François Jimenez, Jean-Luc Manet, Bruno « Tequila » Khaled, Christian Albouy, Mad Scott, Philippe Ducayron et Eric Galinsky ; les photographes (certains d'entre eux signaient également des chroniques) Bertrand Alary[12] (future agence DALLE), Lionel Bertin, Marc Villalonga (futurRock Hard éditeur), Daniel Garcia (qui rejoindraMetal Hammer plus tard), Paul Frati (futurIntervision etFastimage) et Alex Mitram (futur Intervision, Fastimage,tvrocklive.com) ; divers correspondants internationaux rejoignent l'équipe ultérieurement (Philip Alexander en Angleterre, Gene Ambo ou Andy Secher aux États-Unis) ; les équipes rédactionnelles changent au cours du temps, au gré des événements, des aléas du journal et de sa vie, chaotique et parfois pleine de tensions internes (Enfer avait par exemple participé en à la promotion du calamiteuxSunrise Festival deMulhouse[13] finalement annulé[14]en raison d'une météo désastreuse, ce qui avait alors grandement altéré le moral de la rédaction, en dépit d'une programmation de tout premier plan pour un festival français de l'époque:Anvil,Venom,Black Sabbath,B.O.C.,Twisted Sister,Mama's Boys…).
Enfer Magazine donne naissance en1986 à une boutique de vente par correspondance localisée à Montpellier (« Enfer Boutique ») et à un label de distribution (« Enfer Records ») qui bien que juridiquement séparés du journal, portent une filiation évidente avec ce dernier.Enfer Magazine inclut parfois desflexi-discs (45-T souples) promo dans ses derniers numéros, préfigurant ainsi, dix ans avant tout le monde, une pratique largement répandue d'inclusion de CD ou DVD promotionnels dans les magazines musicaux. De la même façon, quinze ans avant l'arrivée d'internet,Enfer Magazine propose sur réseau télématique (le « 3615 WROCK ») une série de liens (chroniques, nouvelles…) accessibles parMinitel, véritable précurseur de la généralisation des sites internet montés en support des magazines papiers.
Le magazine a contribué à faire émerger de nombreux jeunes groupes signés par des labels indépendants, dont les albums à l'époque n'étaient disponibles qu'en import, et les faire connaître au public français.Enfer est ainsi le seul magazine français spécialisé témoin de l'émergence du groupe américainMetallica à travers sa chronique du titreHit the Light dans la compilationMetal Massacre dès son premier numéro, puis ultérieurement de l'albumKill'Em All sorti alors sur le label indépendantMegaforce Records.« Faites attention si vous tenez à la vie, car il souffle sur les deux faces de cet album un tel vent de folie que de les écouter à la suite l'un de l'autre relèverait du suicide. » (…)« Metallica s'impose donc de loin comme le groupe de laHeavy Wave US et ce premier forfait sur vinyle est une implacable mise à mort, un véritable manifeste de l'overspeed[15] »). À titre de comparaison,Kill'Em All passe complètement inaperçu chezBest ouRock'n'Folk, et il faut des années pour que la presse musicale française découvreMetallica, alors que ce disque est déjà élu « Meilleur album de l'année 1983 » lors du référendum organisé parEnfer[16] (lors de ce premier référendum, le groupe préféré des lecteurs est alorsScorpions, le meilleur groupe françaisTrust, le meilleur guitaristeMichael Schenker et le meilleur chanteurRonnie James Dio ;Iron Maiden est récompensé pour ses prestations scéniques).
L'essor de certains groupes de hard-rock emblématiques desannées 1980 (Vulcain[17],[18]en France, ouDio sur le plan international) est particulièrement associé àEnfer Magazine, du fait du très fort soutien du magazine pour ces artistes.
Le succès du journal favorise rapidement à partir de1984 l'émergence en France d'autres titres spécialisés dans le Metal (Metal Attack[19],Hard Rock Magazine, et, enfin,Hard-Force, un fanzine devenu grand[20] suivi plus tard par la version française deMetal Hammer), avec un style rédactionnel et une relation avec son lectorat différente de celle entretenue parEnfer[4]. Dans une interview donnée en 2020, le photographe Bertrand Alary expliquera que l'arrivée de ces titres concurrents explique en partie la disparition d'Enfer Magazine[12].
Malgré tout,Enfer Magazine représente, encore aujourd'hui, un OVNI journalistique[9], dont l'impact et le rôle dans la reconnaissance duHard Rock en France comme genre musical majeur[3] est comparable à celui qu'a pu avoirKerrang! enGrande-Bretagne[21]à la même époque.Enfer cesse subitement de paraître au printemps1987, après 5 années d'exercice et 47 numéros qui, chaque mois, étaient attendus par des dizaines de milliers de lecteurs.
La totalité des numéros d’Enfer Magazine est numérisée et est désormais consultable en ligne, entre autres sur le site deFrance Metal Museum. Une page Facebook[22], une multitude de blogs et de témoignages d'anciens lecteurs nostalgiques existent par ailleurs sur la toile, et il est à noter que des polémiques apparaissent de façon récurrente sur internet entre divers membres historiques de la rédaction, chacun estimant être à l'origine de la création du magazine et accusant les autres d'avoir précipité sa perte.
La côte des anciens numéros d'Enfer Magazine varie usuellement entre 12 et 40 euros sur les sites marchands, en fonction de leur état.