Des difficultés d'étude, liées notamment au manque de sources, concernent la période des Sassanides. Malgré tout, il existe plusieurs types de sources utilisées par les historiens :
Sassan, personnage plus ou moins légendaire, prêtre du temple d'Anahita àIstakhr et descendant autoproclamé deDariusIII, le dernier souverain desachéménides, est considéré comme le fondateur de la dynastie. Toutefois, la victoire de son successeur,ArdachirIer, sur le dernier roi parthe,ArtabanIV, en224 marque réellement le début de la période sassanide. Ayant rapidement conquis le territoire parthe, Ardachir se fait couronner en226 et meurt en241.
Ardachir descend en droite ligne de prêtres au service de la déesseAnahita d'Istakhr. Au début du troisième siècle, ces prêtres accèdent au gouvernorat sassanide àFars. Mais un doute subsiste sur l'origine d'Ardachir et sur les liens qui le feraient remonter à ses ancêtres supposés Sassan etPapak. On ne sait pas s'il est enfant naturel ou adopté dePapak ou de Sassan, ni si Papak est le beau-père ou le fils de Sassan. Les sources concernant les liens entre les premiers Sassanides (Sassan,Papak,Ardachir etChapour) sont insuffisantes pour trancher[10],[11]. Papak est à l'origine le principal magistrat d'une petite cité,Kheir(en). Il parvient en200 à déposerGocihr, le dernier roi desBazrangides(en), et se proclame roi. Sa mère, Rodhagh, est la fille du gouverneur de la ville dePersis. Papak et son fils aîné Chapour parviennent à régner sur la province deFars. Les sources demeurent floues sur le devenir de la lignée de Papak. En dépit de cette incertitude, il est établi que, après la mort de Papak, Ardachir, alors gouverneur deDarabgerd, affronte son frère aîné Chapour pour conquérir le pouvoir. D'après les sources,ChapourIer s'apprête à rencontrer son frère lorsqu'il est tué par l'effondrement d'un toit. Ses autres frères sont exécutés vers208, etArdachirIer se proclame roi des Sassanides[10],[12]. Ardachir déplace ensuite sa capitale plus au sud, en fondant Ardashir-Khwarrah (ancien nom : Gur, devenue ensuiteFirouzabad). Surplombée par de hautes montagnes et facilement défendable (cols étroits), ceinte par un haut mur circulaire probablement copié sur celui deDarabgerd, elle comporte au nord un grandpalais, dont on peut encore voir les vestiges.
Plus prosaïquement, Ardachir descendrait d'une riche famille de marchands desoie qui importe depuis au moins cinq générations de la soie grège deTchinâpâti auPendjab (Chin-Apâdh), ville faisant travailler depuis116 ap. J.-C. des artisanschinois, en passant par la ville deKedjâran (kedj signifiant « soie grège »), port dugolfe Persique[13] (peut-êtreKich aujourd'hui). À la fin duIIe siècle, lesSassan introduisent lever à soie dans le sud de laprovince de Fars. Par leur puissance financière, ils s'allient aux seigneursféodaux locaux. Leur origine roturière serait donc masquée par une généalogie épique forgéea posteriori, surtout dans unesociété parthe où l'orgueil d'une aristocratie guerrièreendogame se montre primordial. C'est par mariage donc qu'il serait entré dans cette caste, épousant la fille de Bâpak, seigneur d'Istakhr (ex-Persépolis), mettant ainsi son immense fortune à la disposition de la rébellion seigneuriale[14].
ArdachirIer étend rapidement son territoire, exigeant l'allégeance des princes de la région du Fars, et s'empare des provinces limitrophes deKerman,Ispahan, de laSusiane et deCharacène. En224, le roi partheArtabanIV, inquiet, ordonne au gouverneur duKhouzistan de marcher à son encontre, sans succès.ArtabanIV décide alors de l'affronter, mais la bataille d'Hormozgan (Bandar-e-Hormoz actuel) se solde notamment par la mort d'ArtabanIV. Ardachir continue alors à envahir les provinces de l'ouest de l'Empire parthe, moribond[15]. Couronné en 224 àCtésiphon, il prend le titre deChah. Les inscriptions mentionnent qu'Adhur-Anahid(en) était sa « Reine des Reines », mais ses liens avec elle ne sont pas attestés[16].
Le fils d'ArdachirIer,ChapourIer, continue l'expansion de l'Empire en conquérant laBactriane et la partie ouest de l'Empire kouchan, tout en menant plusieurs campagnes contreRome en envahissant laMésopotamie romaine. Battu àReshaina (Syrie) en243, il doit abandonner ces territoires, mais l'année suivante, l'empereur romainGordienIII est battu àMisichè(en). Certaines sources antiques ont longtemps incité les historiens contemporains à croire à la théorie de l'assassinat deGordienIII parPhilippe l'Arabe. Cependant, l'inscription monumentale desRes Gestæ Divi Saporis, retrouvée àNaqsh-e Rostam, nous dit queGordienIII est bien mort à la suite de la bataille de Misichè, soit pendant les combats, soit du fait de ses blessures[17]. Chapour conclut alors un avantageux traité de paix avec le nouvel empereur,Philippe l'Arabe, pour reprendre ensuite le combat en252 et battre les Romains àBarbalissos, lesquels, sous l'empereurValérien, essuient une nouvelle défaite àÉdesse.ChapourIer captureValérien, qui sera gardé prisonnier sa vie durant, et immortalise ce triomphe en faisant graver la scène àNaqsh-e Rostam, et aussi àBishapour, dans une version plus élaborée. Ce site contient quatre tombeaux de la dynastieachéménide et sept des Sassanides. En260, il pénètre enAnatolie mais subit alors une grande défaite, perdant à cette occasion son gynécée et tous les territoires romains qu'il avait conquis[18],[19].
Sous le règne deVahramII,Ctésiphon, la capitale, est mise à sac par l'empereur romainCarus, et la majeure partie de l'Arménie, après un demi-siècle de domination sassanide, est cédée àDioclétien[20].Narseh, le successeur, s'engage dans une autre guerre avec les Romains et est battu en Arménie en298. Les Sassanides sont alors obligés de céder cinq provinces à l'est duTigre et de renoncer à leurs prétentions enArménie et enGéorgie par lapaix de Nisibe[21]. Narseh cède son trône en301 et meurt l'année suivante. Son fils,HormizdII, mate les révoltes auSistan et auKouchan mais doit céder devant la noblesse. Il est tué par desBédouins en309.
De nombreux problèmes sont rencontrés sur les frontières occidentales comme orientales. À l'est, l'expansion progressive des Sassanides provoque des soulèvements chez les nomadeskouchans, qui refusent de céder leur territoire. Un peu plus tard, à la fin duIVe siècle, lesHunsShvetahûna puis lesKidarites déferlent sur les Sassanides, avant de se fixer finalement enTransoxiane et auGandhara.
Lemonde romain s'accommode mal de la montée du pouvoir de cette dynastie expansionniste, avec les conflits incessants se succédant entre les deux puissances, avant d'aboutir finalement à un traité de paix en384 entreThéodoseIer etChapourIII : face à la menace desHuns, les Romains choisissent d'appliquer aux Sassanides une politique d'État allié, décident de les payer pour qu'ils protègent leCaucase et bloquent la pression des peuples d'Asie centrale.
Ont aussi lieu à cette époque les nombreuses luttes contre lesArsacides, l'une des petites dynasties de la plaine arabique, qui côtoie de nombreux bédouins.
AuVe siècle, les menaces sur la frontière orientale, notamment de la part desShvetahûna, se font plus insistantes. C'est d'ailleurs vers cette période qu'est construite lamuraille de Gorgan, long ouvrage de briques reliant la mer Caspienne et les montagnes[22]. SiVahramV (420-438/439) parvient à obtenir une victoire,PérozIer est fait prisonnier cinquante ans plus tard, en476, et durant toute la fin duVe siècle, les Sassanides restent tributaires desShvetahûna. De plus, des troubles dus à un état économique moins florissant qu'auparavant, mais aussi à une religion rigoureuse, éclatent, en particulier au début duVIe siècle, sous le règne deKavadhIer.
Expansion de l'Empire sassanide de602 à629 (plus pâle : territoires vassaux ; plus jaune : conquis en 620 sur l'Empire byzantin).L'empire perse des Sassanides à sa plus grande extension vers 621 apr. J.-C.
À partir du règne deKhosroIer (« à l'âme immortelle »), appeléChosroès par les Grecs, des réformes mettent en place un nouveau système d'impôts, qui sera plus tard repris par les Arabes. Le pouvoir est désormais confié à une petite noblesse, plutôt qu'à de grands propriétaires. L'Empire s'étend vers l'Arabie méridionale, permettant le contrôle du commerce entre Constantinople et l'Extrême-Orient (Inde,Chine). Les victoires qui mettent fin à la domination desShvetahûna entraînent également une expansion importante vers l'est, jusqu'à l'Oxus (actuel Amou-Daria).
KhosroIer est resté très célèbre en perse : de nombreuses paroles et de nombreux faits lui sont attribués. Il réalise de grands travaux publics, comme des canaux d'irrigation, ou la fondation àGoundichâpour d'une école médicale fondée sur les théories grecques.[réf. nécessaire] C'est également sous son règne que sont accueillis à la cour des philosophes et savants grecs expatriés après la fermeture de l'École néoplatonicienne d'Athènes en 529[23].
SousKhosroII (le Triomphant), l'expansion territoriale se poursuit, avec l'occupation de la Syrie, de l'Égypte et de laPalestine, conquis sur l'Empire byzantin. Mais la contre-offensive d'Héraclius aboutit finalement au pillage de la résidence royale deDastagird, puis à l'assassinat deKhosroII àCtésiphon, lors d'une fronde de la noblesse en628. Ce règne reste associé toutefois à une période de luxe, avec la construction des palais deQasr-e Chirin et Dastajird, et le grand goût pour la poésie et la musique.
Le règne deKavadhII, marqué par un traité de paix avecConstantinople, qui provoque un repli sur le territoire deKhosroII, inaugure la fin de l'apogée des Sassanides et le début d'une anarchie qui ne s'achèvera qu'avec la conquête arabe. En637, la prise deCtésiphon puis, en642, la défaite deNehavend sonnent la fin de l'Empire sassanide.YazdgardIII s'enfuit àMerv et finit par y être assassiné en651. Son filsPérozIII se réfugie à la cour de Chine, et la dynastie sassanide survit quelque temps en tant que gouvernorat d'un petit territoire sous la suzeraineté des Chinois[24].
La Perse sassanide (liséré vert) et son environnement vers l'an600, à l'issue du règne de l'usurpateurVistahm.Campagnes byzantino-sassanides (624-628).
La dynastie sassanide montre un grand sens de l'administration, des échanges internationaux et de l'exploitation agricole (irrigation et barrages). Il s'agit d'une civilisation orale, avec un pouvoir fort et centralisé et un vaste réseau de communication. Les guerres incessantes qui secouent l'Empire sont aussi un facteur important à prendre en compte.
La société est divisée en trois catégories, sur la structureindo-européenne, chacune ayant à sa tête un chef (salar). On compte ainsi :
les prêtres ;
les guerriers ;
les cultivateurs.
Les artisans sont tout d'abord insérés dans la classe des cultivateurs, avant d'être reconnus comme catégorie à part entière. Ce système de« castes » reste en général assez stable, mais nécessite cependant un bon équilibre entre noblesse et religion. Le mouvement de révolte populaire (inspiré parMazdak) qui voit le jour sousKavadhIer, et qui se traduit par la rébellion contre lareligion mazdéenne et par la mise en communauté de certains biens et semble-t-il la fin des gynécées (certains historiens estiment qu'ils demandaient aussi la libre disposition des femmes), montre que la rupture de cet équilibre entraîne forcément des troubles. Un second grand mouvement de révolte, plus lié à une situation géopolitique difficile, voit aussi le jour à la fin duVIe siècle.
Intaille sassanide engrenat au portrait du « seigneur mazdéen Sabuhr, roi des rois d'Eran » enpahlavi.
Le roi est le chef de l'État sassanide.ChapourIer est le fondateur de la titulature royale sassanide, en se nommant « Roi des Iraniens et des Non-iraniens » (shahanshah eran ud aneran). Il exerçait les principales fonctions politiques, militaires, judiciaires et administratives.
Le mode de succession est assez difficile à établir. Il semblerait que le pouvoir se passe par les fils et les frères, avec une intervention décisive des nobles. Souvent, le roi s'adjoint un successeur de son vivant, et le place à la tête d'une grande région (comme l'ancien cœur de l'Empire kouchan, ou l'Arménie) pour apprendre l'exercice de la politique. Quoi qu'il en soit, le trône est toujours occupé par un membre de la lignée d'ArdachirIer, à la notable exception deVahramVI, ce qui semble indiquer un profond attachement à la famille royale sassanide.
Au début de la période, on note un maintien des structures parthes, s'appuyant sur sept grandes familles arsacides, sans leur laisser toutefois trop de pouvoir. Mais la plupart d'entre elles finirent par être supprimées. Des dynasties locales, issues de la famille royale sassanide, furent installées dans certaines régions, comme leSistan. Elles étaient dirigées par des personnages portant simplement le titre de « roi » (chah). D'une manière générale, l'Empire sassanide apparaît comme plus centralisé que son prédécesseur parthe. Seuls quelques royaumes et tribus vassaux subsistent, comme en Ibérie (Géorgie actuelle), ou bien les territoires desSouren,Karens et Varazes, anciennes familles de la noblesse parthe.
La cour et la haute société sont divisées en quatre classes :
les souverains chargés de gouverner un pays (shahdaran) ;
les princes de sang royal, mais sans commandement de province (vis pehram) ;
Le roi était assisté dans sa tâche par un premier ministre, aux prérogatives mal connues. D'autres hauts dignitaires avaient une position importante :
eran-spahbādh : le chef des guerriers qui exerce la fonction de chef militaire, et est aussi chargé de la gestion des affaires diplomatiques du royaume ;
eran-dibherbādh : le chef de la bureaucratie qui dirige une équipe de secrétaires-scribes, ayant chacun des fonctions précises (justice, revenus du royaume, de la cour, des écuries, du trésor, des temples du feu et des donations pieuses) ;
vastryoshbādh : le chef de l'agriculture et de l'artisanat, chargé de lever l'impôt.
L'impôt sert à pourvoir les finances de l'État. Il est présent sous deux formes : la première, l'impôt foncier, est perçu auprès des paysans possédant une terre, son montant étant défini en fonction des rendements obtenus sur celle-ci. lacapitation constitue la seconde source de revenus de l'État ; cependant, sont exemptés les nobles, les prêtres, les soldats et les membres de l'administration.
SousChapourIer, l'Empire est divisé en vingt-six provinces, qui sont parfois des royaumes vassaux, situés à la périphérie. Les provinces étaient dirigées par un gouverneur, lemarzban. Au rang inférieur, on trouvait une plus petite division administrative, dirigée par un fonctionnaire choisi parmi le groupe desdehqan, les petits ou moyens propriétaires terriens.
L'armée sassanide, centrée autour d'entités lourdes comme les éléphants de guerre et la cavalerie cuirassée, a été l'une des plus efficaces de la fin de l'Antiquité.
Son modèle, basé sur des nobles provinciaux (azadan) qui financent leur équipement et leur entraînement par les revenus d'un fief confié par le roi, a influencé toutes les cultures ayant côtoyé ses armées.
Drahm en argent deYazdgardII frappé avant 457. Doubledēnār d'or deArdachirIer, frappé vers 233-238.
Les Sassanides frappent durant plus de quatre siècles (224–651) une quantité très importante de monnaie, qui fait de cette civilisation le deuxième plus gros producteur, après les Romains[25].
Le régime monétaire est piloté par des émissions en argent : la principaleunité de compte est ledrahm (drachme) qui pèse un peu plus de 4 g et comprend des sous-multiples (hémidrachme : le demi-drachme), l'obole appeléedang, et des multiples comme le tétradrachme (4 drachmes). Six oboles donnent un drachme.
La monnaie d'or est rare, et reste réservée à l'usage aux classes dirigeantes, aux politiques et aux chefs d'armées. Les émissions d'or cherchent parfois à concurrencer celles des Romains et des Kurdes. Le poids moyen d'une pièce d'or sassanide, appeléedēnār (cf.dinar), est de 7 à 7,4 g[26].
Les émissions en cuivre sont limitées. C'est donc surtout l'argent métal qui domine ce système, et qui constitue la paie des armées et des rançons, ainsi que l'usage au quotidien lors des achats de marchandises.
Sur le plan iconographique, le drachme se présente avec d'un côté le portrait du souverain en buste, et de l'autre, la représentation au centre d'untemple du feu cerné par deux personnages dédiés au culte surmontés de deux symboles, à gauche, celui duFaravahar, à droite, celui du taureau. Les inscriptions sont enmoyen perse (pahlavi).
Le pouvoir d'émettre la monnaie est fortement centralisé et contrôlé directement par le souverain ; l'administration monétaire délègue dans chaque atelier, un surintendant chargé de veiller à la frappe qui se pratique au marteau. La cadence d'émission augmente sensiblement au moment des grandes campagnes militaires : il existe donc un lien ténu entre la masse monétaire de l'empire et les phases de conquêtes[26].
Lamonnaie sassanide, grâce aux échanges, se retrouvait jusqu'enAsie centrale et enChine. Après la conquête de ce territoire par leCalifat omeyyade, leurs premières émissions monétaires dans cette région reprennent exactement les mêmes motifs, ajoutant peu à peu des inscriptions en arabe[25].
C'est le grand développement agricole, enSusiane et auKhouzistan, grâce à l'irrigation, qui permet le développement de villes. Les terres sont réparties entre trois grands groupes :
les rois disposent de grands domaines, notamment de réserves de chasse ;
les nobles possèdent aussi de nombreuses terres, mais à partir deKhosroIer, les impôts en sont détournés au profit du pouvoir ;
les petits propriétaires terriens (dehkan), sont des sortes de « chevaliers ». Payés par la donation d'un fief, ils en tirent leurs principales ressources.
Le commerce a lieu aussi vers l'Inde par voie maritime (port de laMésène), et par voie terrestre vers laSyrie (Doura Europos etPalmyre). Les produits duZagros, acheminés par voie fluviale sur leTigre et leKhabour, affluent depuis la vallée de l'Euphrate (qui lui-même n'est pas navigable). Les Sassanides utilisent des radeaux de bois sur des outres gonflées d'air (kelkehs) comme le faisaient déjà lesAssyriens, et qui continueront d'être utilisées auXIXe siècle. Ces radeaux peuvent transporter plusieurs tonnes de marchandises. Un commerce également florissant a lieu avec l'Asie centrale.
La dynastie sassanide marque la période de gloire duzoroastrisme, qui est alors élevé au rang de religion d'État.Sassan lui-même était préposé au temple de la déesseAnahita àIstakhr.
Lareligion zoroastrienne, fondée vers1400-1000 av. J.-C. parZoroastre, est unhénothéisme : si elle comporte un dieu principal,Ahura Mazda (dieu du ciel), elle en reconnaît néanmoins d'autres, commeAnahita (déesse guerrière et de la fécondité) etMithra (dieu du soleil et de la justice). Sous les Sassanides, on note une évolution vers un dualisme entre un principe bon (Spenta Mainyu, assimilé àAhura Mazda) et un esprit mauvais (Ahriman), qui coexistent dans chaque être vivant. Ce dualisme, clairement mis en avant dans lemanichéisme dès le début de la période sassanide, restera présent dans l'islamchiiteduodécimain[réf. nécessaire].
Comme toute religion, lezoroastrisme (qui comprend une réformemazdéiste), comporte plusieurs rites liés aux principes fondateurs :
la vénération du feu éternel (rite repris par nos civilisations modernes pour honorer lessoldats inconnus) ;
l'importance de la pureté rituelle (pas de pollution par le monde extérieur, notamment dans les contacts avec les cadavres, et par le monde intérieur, comme lors des accouchements). Cette recherche de pureté explique l'importance accordée aux ossements, rituellement purs, et la coutume funéraire remontant auxAchéménides qui consiste à laisser le corps être décharné par les charognards et à en récupérer les os (mais ce rite n'est absolument pas observé partout, en témoignent les tombes retrouvées, y compris celles des empereurs). La mort est un sujet tabou, car elle comporte irrémédiablement des souillures, ce qui permet de comprendre le peu de stèles ou de monuments funéraires. C'est encore pour ce culte de la pureté qu'on préconisera l'inceste pour la famille royale ;
trois règles d'or : la bonne parole, la bonne pensée, la bonne action.
Les rites consistent généralement en sacrifices animaux et en libations, qui se fixent avec le culte deMithra (communion du vin, dans desrhytons). On note le peu de représentations purement religieuses auxquelles donne lieu le culte mazdéen sous les Sassanides.
Le texte fondateur du zoroastrisme est l'Avesta, aujourd'hui en grande partie perdu. D'abord transmis oralement pendant plus d'un millénaire, il est mis par écrit auVe siècle au plus tôt, mais la première copie connue ne remonte qu'auXe siècle. L'Avesta contient notamment lesghatas, chants composés parZoroastre, lesyasht, hymnes adressés au panthéon zoroastrien, et vingt et unnashks qui contiennent des commentaires sur lesghatas, les rituels et la justice. Des ouvrages plus tardifs enmoyen perse reprennent les thèmes cosmogoniques, mythologiques et métaphysiques.
L'unification du clergé sous les Sassanides fut surtout l'œuvre dumōwbedKartir, dont la carrière commença sous le règne deChapourIer et qui devintmōwbedan sous le règne de son successeur. Le clergé se décompose ainsi : les prêtres de rang supérieur, oumōwbed, qui s'occupent chacun d'un district ecclésiastique et sont placés sous l'autorité dumōwbedan, une sorte de pape. Les grandsmōwbed, forment une sorte de collège. Il faut aussi signaler lesherbeds, des laïcs chargés de l'enseignement et lesrad, des juges très haut placés, qui peuvent souvent avoir plus de pouvoir que lesmōwbed.
La religionzoroastrienne reste durant toute la période sassanide, et même plus généralement, toujours déchirée entre les besoins terrestres et les commandements spirituels. Très repliée sur elle-même, assez proche dujudaïsme de l'Ancien Testament, la réforme mazdéenne duzoroastrisme prône des positions souvent intolérantes, qui mènent à des persécutions (chrétiens,juifs,manichéens, et diverses écoles de théologie divergentes). Elle se retrouve en constante position de faiblesse vis-à-vis d'autres religions qui ont des textes écrits : ainsi lemanichéisme — tentative syncrétiste qui intéresse au débutChapourIer avant d'être sévèrement réprimée auIIIe siècle par ses successeurs — continue de survivre grâce à la mise par écrit de ses principes. Lemanichéisme, culte fondé parMani, fils de Pātik, dont l'ascendance remontait à la noblesseparthe, est une religionsyncrétiste qui prône avant toute autre chose la tolérance et l'acceptation des autres cultes, et pour ses formes les plus poussées l'ascèse et levégétarisme.Mani lui-même se revendiquait comme disciple duNazaréen (Jésus de Nazareth), mais aussi deBouddha et deZoroastre. Plus que toute autre chose, il invitait les hommes à propager une foi généreuse, qui n'exclurait aucune divinité, aucun messager, qui rassemblerait toutes les croyances sous un même temple, ou chacun pourrait prier son dieu. Il expliquait le monde par la dualité, le fait que dans tout être il y ait une part de ténèbres et une part de lumière. Les chercheurs ont eu du mal à mettre la lumière sur ce prophète longtemps oublié. En effet, de son œuvre, il ne reste presque rien. L'auteurAmin Maalouf en a écrit une biographie romancée :Les Jardins de Lumière. Mani était aussi médecin, peintre et philosophe. Même si son enseignement eut un grand succès auprès du peuple, il ne plut évidemment pas à la caste religieuse des mages, qui voyait en lui un fauteur de trouble. Mais Mani se rapprocha de la famille régnante, notamment grâce à ses talents de guérisseur, et devint un personnage estimé par le roi des roisChapourIer. Il lui dédicaça un livre, leShabuhragan. Il devint au fil du temps son conseiller, et peut être même un ami. Le roi des rois lui accorda sa protection contre les mages, qui voyaient d'un mauvais œil ce rapprochement entre ce prophète et le roi sassanide. Lemanichéisme connut alors son heure de gloire.
Chapour se lia aussi d'amitié avec un rabbin nomméShmouel ben Nahman. Ceci favorisa les relations avec la communauté juive, et retarda les lois répressives que les futurs rois dirigeront contre elle. Cependant des différends les opposaient, même si tous deux voulaient« conquérir », ce n'était pas de la même manière.ChapourIer le faisait par les armes, tandis que Mani le faisait par les mots. Après la mort du roi des rois, son fils cadet lui succéda mais mourut peu de temps après, probablement assassiné par le maître des mages,Kartir, car il adhérait amplement aux croyances manichéennes.VahramIer lui succéda. Sous l'influence de la caste des mages zoroastriens et du grand prêtre Kartir, il méprisait le manichéisme et finit par mettre à mort son fondateur.VahramII suivit aussi les préceptes des prêtres zoroastriens[27],[28]. Les disciples de Mani l'appellent « mani-hayy », ce qui signifie enpersanMani le Vivant, en opposition à sa mise à mort. Le mot se transforma enmanikeios, d'oùmanichéisme. Le manichéisme survécut dans certaines sectes bouddhistes, et on retrouve son influence en Occident, chez lesCathares par exemple. Il s'éteindra définitivement vers leXVIe siècle.
La civilisation sassanide ne possédait pas forcément un grand pouvoir inventif, mais elle reprit souvent des éléments d'autres civilisations, comme l'écriture ou la monnaie, adaptés et intégrés dans sa propre culture. Les Sassanides se signalent par la réalisation d'objets artisanaux, et font preuve d'une grande habileté manuelle, notamment pour les monnaies et laglyptique. Un trait particulier est le trilinguisme national : lepehlevi (moyen perse), legrec et leparthe sont trois langues couramment parlées à cette époque par un grand nombre de Sassanides. On retrouve notamment ce trait dans les inscriptions rupestres, pour la plupart bilingues ou trilingues.
L'académie de Gondichapour, fondée parChapourIer, est un élément remarquable de la culture sassanide. Contenant notamment une faculté de médecine, où les enseignements s'appuient sur les principes grecs d'Aristote et deGallien, apportés dans l'Empire Sassanide par le biais des chrétiensnestoriens. La médecine notamment se développe, par le biais de médecins étrangers (grecs en particulier), en raison des problèmes de souillure rituelle liés à la religion mazdéenne. De nombreux philosophes byzantins trouvent aussi refuge dans cette académie, après la fermeture par l'empereur byzantin des écoles d'Athènes (l'Académie de Platon entre autres), au cours d'un mouvement appeléTranslatio studiorum. Une relation étroite existe alors entre philosophie, médecine, astronomie, foi et sciences.
Selon la tradition sassanide, le premier poème sassanide aurait été l'œuvre deVahramV, mais resta isolé devant les réactions du clergé zoroastrien. Bien que cette légende soit fausse, puisque l'on sait qu'il existait déjà une tradition poétique chez lesParthes, et sans doute encore avant, elle témoigne du statut de la poésie à cette époque, considérée par le clergé comme un élément dangereux, car mensonger. Des sources arabes font référence à une littérature enmoyen perse, et attestent ainsi de son existence. Plusieurs œuvres ont été conservées, parmi lesquelles on peut citer :
l'Avesta, mis par écrit et complété à cette période ;
les hymnes manichéens, dont certains existaient déjà avant les Sassanides ;
les traductions de textes étrangers comme les fables deKalîla wa Dimna, venues d'Inde, ou encore lelivre de Sindibad, traduit à la période sassanide tardive ;
Il existe un assez grand corpusiconographique montrant des musiciens, et on sait par les sources qu'ils jouissent d'une grande faveur, notamment sousKhosroII. Le grand chanteur, instrumentiste et compositeurBarbod est ainsi le protégé de ce roi. La musique sassanide est à la base de lamusique traditionnelle iranienne. On peut y noter l'importance donnée au chant, à la fois à travers des hymnes religieux (ghatas), encore chantés en Inde de nos jours, des chants exaltant la grandeur des monarques, les hauts faits des héros, ou la beauté de la nature et des sentiments humains. Certains de ces chants correspondent à des fêtes saisonnières. Mais la musique instrumentale tient aussi un rôle prépondérant. Les instruments sont de plusieurs sortes :
à vent, à savoir desflûtes en roseau comme leney et une sorte dehautbois ;
à percussions.
La musique estmonodique, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'une mélodie, sans accompagnement au-dessous. Transmise oralement, elle laisse beaucoup de place à l'improvisation et peut être jouée dans de nombreuses circonstances. Il existe ainsi des musiques de guérison et des musiques de danse, par exemple.
La musique sassanide sera exportée vers l'Europe et l'Espagne. Elle est le point de départ de lamusique arabo-andalouse, et les instruments utilisés actuellement dans la musique classique ont lentement évolué à partir des modèles orientaux, eux-mêmes très proches de ceux des Sassanides.
La période sassanide constitue un apogée pour les arts plastiques, elle se distingue par une production artistique très développée, permise par la richesse de l'Empire sassanide et sa position entre l'Empire romain à l'ouest et la Chine à l'est, au carrefour des échanges matériels et culturels entre de nombreuses civilisations. Des objets sont réalisés dans des matériaux les plus divers : verre, argent, pierre dure comme le cristal de roche, tissus, etc. L'urbanisme et l'architecture prennent également un essor considérable, avec la création de formes nouvelles comme letchahar taq, ou l'utilisation de techniques et de motifs romains.
↑International Congress of Byzantine Studies,Proceedings of the 21st International Congress of Byzantine Studies, London, 21–26 August 2006, Volumes 1–3, Ashgate Pub Co, 30 septembre 2006(ISBN075465740X),p. 29.
↑RémyBoucharlat, « Eberhard W. Sauer, Hamid Omrani Rekavandi, Tony J. Wilkinson, Jebrael Nokandeh. Persia’s Imperial Power in Late Antiquity. The Great Wall of Gorgan and Frontier Landscape of Sasanian Iran »,Abstracta Iranica. Revue bibliographique pour le domaine irano-aryen,vol. 34-35-36,(ISSN0240-8910,DOI10.4000/abstractairanica.41492,lire en ligne, consulté le).
MatthewCanepa,The Iranian Expanse: Transforming Royal Identity Through Architecture, Landscape, and the Built Environment, 550 BCE–642 CE, Oakland, University of California Press,(ISBN978-0520379206)