Chanteuse à l'interprétation et à la voix saisissantes, elle a inspiré de nombreux compositeurs et a été lementor de jeunes artistes tels qu'Yves Montand,Charles Aznavour,Les Compagnons de la chanson,Georges Moustaki, ou encoreCharles Dumont. Elle acquiert une renommée internationale, mais sa fin de carrière est rendue difficile par de graves problèmes de santé ; elle meurt à l'âge de47 ans.
La légende issue de l'imagination d'un journaliste et entretenue par sa mèreLine Marsa dans ses entretiens[1] et par Piaf dans son livre de souvenirs[2] puis colportée par des biographes, la fait naître le au domicile de ses parents àParis, au 72,rue de Belleville, dans le20e arrondissement. Son acte de naissance indique que« Édith Giovanna est née le 19 décembre 1915 au 4rue de la Chine (hôpital Tenon) de Louis Alphonse Gassion (34 ans), artiste acrobate et de Annetta Giovanna Maillard (20 ans), artiste lyrique son épouse domiciliés 72,rue de Belleville[3] ».
Une plaque commémorative apposée à cette adresse en 1963 par Maurice Chevalier en témoigne[4],[5]. Certaines sources, dont ladite plaque, prétendent qu'elle serait née « sur les marches » de la porte d'entrée de l'immeuble, dans lapèlerine d'un agent de police qui aurait recueilli le bébé au sortir du ventre de sa mère[6],[1],[7]. Toutefois, selon son acte de naissance à l'état civil de Paris[note 1], qui consigne le témoignage de l'infirmière[note 2] ayant assisté à l'accouchement par unmédecin accoucheur et uninterne de service[8], Édith Giovanna Gassion est née à la maternité de l'hôpital Tenon[9],[10],[7], au 4,rue de la Chine.
Née dans la misère, Édith Piaf est une enfant de la balle dont les ascendants appartiennent aumonde du spectacle depuis deux générations[11].
Affiche pour lecirque Rancy où travaillèrent le père et le grand-père Gassion d'Édith Piaf, vers 1900
Louis Alphonse Gassion, le père d'Édith Piaf, né àFalaise dans leCalvados le et mort àParis le (à 62 ans), est dans le civil un artiste decirque,contorsionniste etantipodiste (à la manière d'unValentin le Désossé), surnommé « l'homme qui marche la tête à l'envers »[12],[13] ; les sœurs de Louis, surnommées « les sœurs Gassion », sont égalementacrobatessaltimbanques[10]. Louis est le fils de Victor Alphonse Gassion, unNormand de Falaise,écuyer de cirque, et de Léontine Louise Descamps, dite « Maman Tine » ou « Titine », patronne d'unemaison close àBernay, en Normandie[10]. Édith Piaf y habitera quelque temps chez ses grands-parents. Avant de mourir en 2014, sa cousine Cécile Bernier vivait encore en cette ville et conservait de nombreuses photographies d'Edith Piaf[14].
La grand-mèreAïcha (Emma Saïd) est probablement le modèle du personnage peint parHenri de Toulouse-Lautrec dansLa Danse mauresque (détail),1895.
Les grands-parents maternels d'Édith Piaf sont Auguste Eugène Maillard (1866-1912) etEmma Saïd Ben Mohamed, dont le nom de scène est Aïcha. Emma est la fille de Saïd Ben Mohammed, unacrobate de cirque né en 1827 àMogador, aujourd'huiEssaouira, auMaroc et mort en 1890 à 63 ans àMontluçon, dont les origines sont controversées,kabyle (berbère deKabylie, enAlgérie) selonMonique Lange[15],[16], d'Algérie selon la revue à potinsVedettes[1], ou du Maroc selon l'actriceArletty[17],berbère du Maroc selon Albert Bensousan[18][réf. à confirmer] oumarocain, et de Marguerite Bracco, d'origineitalienne. Emma est née le àSoissons où son père était en représentation[note 3]. Elle est également une artiste de cirque, connue pour un numéro depuces sauteuses. Elle s'est mariée en 1894 à Auguste Eugène Maillard, rencontré en Italie lors d'une tournée et est morte à Paris en 1930 (à 54 ans).
La mère de Piaf,Annetta Giovanna Maillard, fille d'Auguste Maillard et Emma Saïd, est née àLivourne enItalie le, et est morte le (à 49 ans) à Paris. C'est une chanteuse connue decabaret, de « beuglants » puis de rue[19] sous lenom de scèneLine Marsa. Elle a commencé sa carrière commeécuyère de cirque etfunambule[10]. Elle a une réputation d'alcoolique et dedroguée[10]. Au sujet de sa mère Annetta, son fils Herbert dira :« Une grande artiste, mais qui n'a pas su forcer sa chance… Elle a chanté auChat noir, auMikado, auMonocle… », puis part à la dérive – « la dérive, le mot est gentil… »[9] –, et à propos de sa belle voix,Arletty raconte :« C'était pas la mère qui avait la voix de la fille, c'était la fille qui avait la voix de la mère »[20].
Dans son ouvragePiaf, la vérité[21], le biographe Emmanuel Bonini confirme que la mobilisation du « seconde classe » Gassion est l’unique attache du couple avec Sens :« Ils s’y sont mariés au cours d’une permission de trois jours, alors qu’ils étaient domiciliés à Paris,rue du Château-des-Rentiers, dans leXIIIe arrondissement. » L’auteur ajoute que« les quatre témoins du mariage — un typographe deVendôme, un ciseleur parisien, un cultivateur deWissous et un employé de commerce deSavigny-sur-Orge — étaient certainement tous mobilisés à Sens, avant de rejoindre le front »[22].
Louis Gassion et Annetta Maillard prénomment à sa naissance leur fille Édith en hommage àEdith Cavell, infirmièrerésistante anglaise fusillée enBelgique par les Allemands deux mois auparavant[24].
Après Édith, ils ont un second enfant, Herbert Lucien Gassion (né le àMarseille et mort le àClichy) qui passera une partie de sa prime enfance à l'Assistance publique alors que sa mère est en tournée enTurquie[23].
Louis Gassion aura une autre fille d'une de ses liaisons, Denise Gassion (née le) qui sera en contact avec Édith Piaf, la chanteuse l'aidant même à s'installer àMontréal, auCanada[23].
Maison de la grand-mère paternelle d'Edith Piaf, 7 rue Saint-Michel àBernay (Eure).
Cette grand-mère, souvent décrite comme unealcoolique[19], ne se serait pas occupée d'elle, laissant sa petite-fille vivre dans la saleté, ignorant l'eau et l'hygiène. Ses biberons, selon la légende, étaient faits au vin rouge[23], ce que contestent certains biographes[8].
L'enfant reste environ 18 mois avec Emma avant que son père, Louis Gassion, en permission du front, ou peut-être sa tante Zéphora[25], la confie à sa grand-mère paternelle, Louise Gassion, patronne d'unemaison close, surnommée le « grand 7 », àBernay enNormandie. Louise n'aimait guère l'enfant[19] mais Édith est choyée par lesprostituées de la maison où se trouve un piano[23], mangeant pour la première fois à sa faim, buvant dulait de Normandie et portant de jolies robes.
Selon des interviews, des articles dans les revues à grand tirage et des biographies successives[26], Édith Piaf aurait perdu la vue très jeune (un âge de3 à 8ans est évoqué selon ses biographes[27]), le médecin diagnostiquant une doublekératite due vraisemblablement au manque de soins et d'hygiène[23] et jamais soignée. Sa grand-mère, ayant appris la guérison d'une fillette atteinte de la même maladie après qu'on eut prié pour elle sur la tombe deThérèse de l'Enfant-Jésus àLisieux (pas encore déclaréesainte, puisqu'elle estbéatifiée en 1923 etcanonisée en 1925), décide d'aller avec ses « filles » y demander la guérison de la petite, ou selon d'autres biographies, y emmène sa petite fille les yeux bandés[23]. En, selon un biographe[23], on prend le car puis le train, on prie sur la tombe de Thérèse, on ramène de la terre qu'on lui applique en bandeau sur les yeux tous les soirs. Après huit jours environ, la jeune Édith est guérie. À la suite de cela, elle conservera toute sa vie une dévotion particulière à la « petite Thérèse » : sur sa table de nuit trônera un portrait de la sainte[23],[28] et chaque année, elle aurait péleriné aucarmel de Lisieux[29],[30]. Il se trouve qu'Édith Piaf et Thérèse de Lisieux sontcousines au14e degré[31]. À la suite de cet épisode de guérison, Édith Piaf devient pieuse et fréquente régulièrement les églises en dehors des offices pendant ses tournées[32]. Elle porte unecroix ou unemédaille autour du cou et priera avant d'entrer en scène[réf. souhaitée].
Piaf ne reviendra jamais à Bernay, une fois devenue célèbre mais « la population lui est attachée »[33].
« L'Alcazar » au fond de la rue St-Martin àMourmelon-le-Grand, où les Gassion passent en représentation très souvent dans les années 1920.
En 1922, elle a à peine 7 ans quand Louis Gassion, son père, la reprend avec lui pour vivre la vie d'artiste de petitscirques itinérants où elle loge en caravane, comme leCaroli se produisant enBelgique, puis la vie d'artiste de rue indépendant et misérable[23]. Son père, qui a la main leste, montre peu de tendresse pour sa fille et collectionne les maîtresses[19] qui la traitent plus ou moins bien[23]. C'est, à l'image de sa mère, en chantant des airs populaires dans la rue, exploitée par son père, que dès 9 ans, Édith Piaf révèle son talent et sa voix d'exception, après le numéro d'acrobatie de son père. Sa précocité se lit à travers sonnom de scène à l'époque, « Miss Édith, phénomène vocal »[19]. Père et fille séjourneront à plusieurs reprises dans la petite ville de garnison deMourmelon-le-Grand dans laMarne, où se tenait lemusic-hall « l'Alcazar », écumant également d'autres villes de province commeForges-les-Eaux,Lens ouNancy[23] et le pavé de Paris. Selon la légende, elle l'accompagne en chantant d'abordLa Marseillaise, la seule chanson qu'elle connaisse[34],[23], mais plus probablement des succès de l'époque[19].
Selon ses propres dires, Piaf aurait fugué en train une première fois à 10 ans pourSaint-Jean-de-Maurienne enSavoie puis chez sa grand-mère àBernay dans l'Eure où son père serait venu la rechercher[23].
En 1930, elle a 15 ans et quitte définitivement son père pour chanter en duo dans la rue avecSimone Berteaut, dite « Momone », qui deviendra son amie, sonalter ego et son « ange maudit »[35]. À la demande de Carole Hansort, la mère de Simone, elle rédige une sorte de contrat où elle se désigne comme artiste, habitant 105rue Orfila, engageant pour une durée illimitée laditeSimone Berteaut à raison de 15francs par jour, « logée, nourrie » — somme qui sera remise, les premiers temps, quotidiennement à Madame Hansort[23]. À cette époque, Édith Piaf et Simone vivent dans la même chambre, partageant le même lit[36]. Momone fait la quête ou ramasse l'argent qui tombe des fenêtres pendant qu'Édith Piaf chante dans les cours d'immeubles et dans les rues, dans les quartiers ouvriers le week-end et chics la semaine. Avec Momone, Piaf aime à revenir régulièrement au 72rue de Belleville pour y pique-niquer sur les marches de son enfance[23].
Piaf s'essaye à cette époque à des emplois « normaux » commebonne à tout faire, apprentie-crémière, mais reprend vite la chanson avec Momone[37], aussi bien dans la rue que dans lescasernes et lesbars àprostituées[34]. Pour obtenir plus d'argent, elle guide Momone pour qu'elle accentue son attitude pitoyable (dos voûté, tête inclinée, air triste) qui émeut le passant pendant qu'elle chante les mains dans le dos[23].
En 1934, selon son biographe Peta Mathias[38], elle est découverte dans la galerie duPalais Berlitz par Louis Maitrier, pianiste de Jazz, ancien chef d'orchestre de l'Opéra comique qui l'engage pour l'orchestre deRadio Vitus (Le Poste de l’Île-de-France). « En 1934, Louis Maitrier cherchait un jeune chanteur pour l’orchestre de Radio Vitus. Au Palais Berlitz à Paris, il a entendu le chant d'une adolescente minuscule. Elle portait une robe noire d’occasion et pas de bijoux, sauf pour la petite croix autour de son cou. Elle chantait comme un rossignol, d'une manière si touchante et si simple qu'il a dit à sa femme, "Ne cherchez plus - notre chanteuse est là". J'ai entendu un enregistrement de Piaf chanter pour cette émission de radio et sa voix était très jeune - haute, claire, et très bien dans le style des années 1940, très différente de la voix rauque et profonde qu'elle est devenue après des années d'excès, d’alcool et de tabagisme. Mais malgré sa jeunesse, sa voix était d’une incroyable puissance, d’une sonorité bouleversante et avec une diction parfaite. C’était comme une voix de jazz, même si elle n'avait jamais entendu de jazz dans sa vie. Elle avait une personnalité très brillante et volontaire, apprenant par elle-même à lire la musique, comprendre l'anglais et améliorer la correction de son français, perdant ainsi la vulgarité de son accent parisien des faubourgs. Elle a réussi à enregistrer un disque en une seule séance et elle était capable de se rappeler la mélodie et les paroles d'une chanson qu’elle avait entendue une seule fois. Par la suite, quel que soit le pays où elle s’est produite, elle apprit à chanter certaines de ses chansons dans sa langue. J'ai entendu l'enregistrement de son chant en anglais et en allemand : ils sont merveilleux. »[39].
Louis Maitrier compose à cette époque la musique de la chansonElle fréquentait la rue Pigalle dont les paroles sont deRaymond Asso[40].
Elle chante au cabaretJuan Les Pins, situé 62 de larue Pigalle, où elle reprend des chansons deDamia etFréhel, faisant l'entraîneuse habillée en marin pour pousser les clients à boire. Ce cabaret sera transformé dans lesannées 1940 parDjango Reinhardt pour devenirLa Roulotte[41]. La propriétaire dunightclub, la célèbre Lulu de Montmartre (Lucienne Franchi), gère également un autre cabaret àMontparnasse,Le Monocle[42],[43] au 60,boulevard Edgar-Quinet, photographié parBrassaï dans lesannées 1930[44],[45], dont la vedette n'est autre que Line Marsa, la mère d'Edith Piaf[41]. Malgré cet emploi nocturne, Piaf continue à chanter dans les rues le matin, emmenant son bébé et Momone avec elle. Louis ne supportant pas qu'Édith chante dans la rue avec le nourrisson sous le bras ou fasse boire des clients dans des boîtes dePigalle, il reprend la petite Marcelle avec lui. Malgré les sentiments de P'tit Louis et les efforts des beaux-parents pour préserver cette relation, Édith Piaf le quitte pour vivre d'autres rencontres, tout en continuant de battre le pavé avec sa fille et Momone, entre beuveries et fumées[23]. Bientôt, l'enfant mourra d'uneméningite tuberculeuse, le à l'hôpital Necker-Enfants malades, âgée de 28 mois. C'est à cette occasion que se situe le seul moment connu — ou avoué — par Édith Piaf deprostitution afin de pouvoir payer l'enterrement de sa fille[46].
Elle rencontre à la même époque le tout jeune directeur artistique deRadio Cité,Jacques Canetti qui lui présente Louis Moysés, patron du cabaretLe Bœuf sur le toit, lequel la recommande au musicienJean Wiener qui la fait embaucher en 1935 pour un petit rôle de chanteuse en costume dematelot dans le filmLa Garçonne deLimur[41]. En 1936, Jacques Canetti lui propose de lui faire enregistrer son premier disque,Les Mômes de la cloche, chezPolydor, qui connaît un succès public et critique immédiat. Selon les dires[34], son premier succès a déjà eu lieu dans le cabaret de Leplée qui l'avait engagée initialement une semaine, mais où elle triompha pendant sept mois jusqu'à l'assassinat de Leplée dans son lit le 6 avril 1936.
Des petitesfrappes dumilieu dePigalle, connaissances ou amants de Piaf dont elle donne les noms au cours de sagarde à vue pendant 48 heures, sont évoquées comme les tueurs possibles de Leplée, mais l'affaire est classée, faute de preuves[51]. L'assassinat de Leplée, qui la chagrine fort, est à l'origine d'une vindictemédiatique contre la chanteuse qui risque de la renvoyer d'où elle vient : la rue et les petits cabarets de misère[34]. Quelque temps plus tard, elle écrit une missive à Jacques Bourgeat le, sur des feuilles d'écolier, où elle montre qu'elle veut rompre avec certaines de ses mauvaises fréquentations :« Autre chose je ne suis plus avec Jeannot n'y Georges n'y Marcel n'y Jacques, j'ai tout scier car j'ai décider d'être sérieuse et de travaillé durement pour faire plaisir à mon vieux papa Leplée et quand je vais rentrer à Paris je vais être toute seule et sa je te le jure sur les cendres de monsieur Leplée, je vais retournée chez papa et je vais prendre ma petite copine Simone dont je t'ai ten parlé. […] Je veut y en mettre un coup fini les macrot entre nous je les ai bien pris pour des poires, Georges et un salot je tespliquerais ce quil ma fait car c'est trop long sur une lettre. Jeannot est un brave petit gas et c'est lui que je regrette le plus les autres on n'en parle pas mais tu sais jeu suis dégouter complètement et mon pognon je le garde pour moi mon macquereau ce seras mon père escuse pour le papier mais je suis en Suisse comme je naime pas acheter a cause du change alors je técrit sur ce papier »[13],[50]. Du jour au lendemain, elle n'a plus d'engagements mais le succès ne tarde pas à revenir[52].Radio Cité, dirigée parMarcel Bleustein et Jacques Canetti, lui ouvre son antenne. Son talent et sa voix hors normes sont remarqués entre autres par le compositeurRaymond Asso et parMarguerite Monnot, compositrice et pianistevirtuose, sa future et fidèle grande amie, qui l'accompagnera tout au long de sa carrière et composera les musiques deMon légionnaire,Hymne à l'amour,Milord,Les Amants d'un jour. Elle passe ainsi àBobino et àL'Européen à la fin du printemps.
Quelques disques et un peu de scène ne peuvent néanmoins nourrir une artiste débutante. À la fin de l'été 1936, elle reprend contact avec Raymond Asso, auquel elle avait refuséMon légionnaire (créé par celle à qui elle devait tant[53],Marie Dubas, en1935), et elle reprend le titre début 1937, avec leFanion de la légion).
Après Leplée, Raymond Asso devient sonpygmalion[54]. Il la prend en main, l'éloigne de son milieu malsain[55] et la fait travailler pour en faire une chanteuse professionnelle demusic-hall, à l'instar de ses rivalesRenée Lebas etLéo Marjane. Avec lui, « la môme Piaf » devient « Édith Piaf »[19],[55]. À l'automne1936, elle décroche l'Alhambra. Au printemps1937, elle est à nouveau à Bobino. Elle continue à enregistrer d'autres disques.
Mais Piaf veut plus : l'ABC, le plus prestigieux music-hall parisien.
En, Édith Piaf entame sa carrière demusic-hall à l'ABC àParis avec l'appui de l'impresarioÉmile Audiffred, où elle devient immédiatement une immense vedette de la chanson française, aimée du public ; ses chansons sont diffusées à laradio. C'est à cette époque qu'elle rencontreDanielle Bonel, cette dernière deviendra sa secrétaire et confidente tout au long de sa carrière[56].
Star de la fin desannées 1930, Piaf triomphe à Bobino, ainsi qu'authéâtre en 1940, dansLe Bel Indifférent, une pièce spécialement écrite pour elle parJean Cocteau et qu'elle interprète avec succès en compagnie de son compagnon du moment, le fantaisiste de cabaretPaul Meurisse (rôle muet). Toujours avec Paul Meurisse comme partenaire, elle joue dans le filmMontmartre-sur-Seine deGeorges Lacombe (1941). C’est lors du tournage de celong métrage qu’elle fait la connaissance d'Henri Contet, qui deviendra, à l’instar deMarguerite Monnot pour la musique, l’un de sesparoliers fétiches.
Pendant l’occupation allemande, Piaf, qui a définitivement troqué « La Môme Piaf » contre « Édith Piaf », ne voit plus Raymond Asso qui est rappelé sous les drapeaux en[19]. Elle continue de donner desconcerts, repasse à l'ABC, chante en duo avec Paul Meurisse et enchaîne les tournées[55].
En 1942, elle loge dans unemaison close, « L'Étoile de Kléber », situé 5, rue Villejust, aujourd'huirue Paul-Valéry, gérée depuis 1941 par « Madame Billy », épouse d'un ancien ducaf'conc' et chanteurJacques Josselin dit Jo[50]. Elle en occupe tout le troisième étage[50],[57], à deux pas dusiège de la Gestapo française, 93,rue Lauriston. Cette maison est un lupanar réservé à la clientèle du quartier le plus chic deParis, notamment aux officiers allemands et auxcollaborateurs œuvrant non loin[13],[50]. Là, lemarché noir permet aux résidents comme aux clients de consommer du caviar et de boire du champagne[50]. Elle y croise souvent l'amant de son amieAnnie Jeanclaude,Henri Lafont, chef de la Gestapo française, dont elle s’accommode de la présence, de même que des officiers allemands[58].
Un soir de 1942, à la fin d’un tour de chant à l’ABC, illuminée par ledrapeau tricolore français, elle interprète devant plusieurs rangées d’officiers allemands la chanson qu'elle a écriteOù sont-ils tous mes copains ?. Le public français exulte[59].
Entre 1942 et 1943, Édith Piaf a aussi une liaison avec Yvon Jeanclaude[note 4], frère d'Annie, qui l'accompagne vocalement dans la chansonC'était une histoire d'amour.
À cette époque, Line Marsa, sa mère, fréquente les hospices et les prisons, et par lettres, réclame des colis de survie à sa fille, qui lui en fait envoyer plusieurs, mais Piaf ne lui rend jamais visite, ne lui pardonnant pas de l’avoir délaissée enfant[19].
Au printemps 1944, elle se produit auMoulin-Rouge où le tout jeune chanteur de music-hallYves Montand, proposé par son producteurÉmile Audiffred, passe enpremière partie de son spectacle. C'est lecoup de foudre, et Piaf, déjà célèbre et adulée, entreprend de l'initier aux ficelles du métier et à la vie d'artiste[34]. Elle va propulser sa carrière en lui présentant des gens importants (et quelquefois de premier plan) dans le monde du spectacle de l'époque :Joseph Kosma,Henri Crolla, Loulou Gasté, Jean Guigo, Henri Contet,Louiguy, Marguerite Monnot,Philippe-Gérard, Bob Castella,Francis Lemarque,Henri Betti, etc.
Caveau de la famille Gassion-Piaf au cimetière du Père-Lachaise
C'est également cette année-là que Louis Gassion, le père d'Édith Piaf, meurt ; elle le fait enterrer dans lecaveau familial duPère-Lachaise, où repose déjà sa fille Marcelle[19].
Elle perdra l'année suivante sa mère,Annetta Maillard, livrée à la misère, malgré l'aide financière de sa fille[10]. Elle meurt d'uneoverdose au milieu des poubelles de Pigalle. Contrairement à son père, Piaf la fait enterrer au cimetière deThiais[55],[19].
À laLibération, Piaf est blanchie par uncomité d'épuration, grâce au témoignage de sa secrétaire Andrée Bigard, membre de laRésistance qui, d'abord à son insu, l'aurait impliquée dans ses actions[61] et qui déclare que la chanteuse en tournée en Allemagne se serait laissé photographier avec des prisonniers français desstalags et que ces clichés auraient servi, de retour enFrance, à lafabrication de faux papiers pour faire passer ces prisonniers comme des membres de son orchestre, et permettre à 118 d'entre eux de regagner laFrance en s'évadant[13]. Ce nombre important de prisonniers libérés sans passer par un réseau de résistants et le fait qu'aucun témoignage n'a jamais confirmé cette histoire font douter les biographes de sa véracité[62].
Dans certains milieux, Piaf avait une réputation decollaborateur avec l'occupant. Pour exemple, le 11 avril 1946, un concert d'Édith Piaf àSarrebruck sous occupation française est interrompu par le gouverneur militaire de laSarre,Gilbert Grandval, d'originejuive et qui avait été actif dans la résistance pendant l'occupation allemande. Le concert s'est terminé par une violente dispute entre Piaf et Grandval devant le public. Les reportages sur ce concert ont été officiellement arrêtés[63]. Dès mars 1946, l'administration militaire française se demandait si Piaf, avec son passé, pouvait encore représenter de manière crédible la culture française à l'étranger[63],[64].
Edith Piaf et les Compagnons de la Chanson, 1946Paroles et musique de la chanson "Les 3 cloches"
En 1945, elle écritLa Vie en rose, musique signée par le pianisteMarcel Louiguy[55] (enregistré en 1947), sa chanson la plus célèbre, désormais devenue un classique. Elle joue également à laComédie-Française.
Yves Montand devient à son tour une vedette du music-hall. Il débute au cinéma aux côtés de Piaf dansÉtoile sans lumière, puis obtient son premier grand rôle dansLes Portes de la nuit, deMarcel Carné. Ils partent tous deux en tournée jusqu'en 1946, l'année où elle le quitte.
De 1946 à 1948, Piaf est la compagne deJean-Louis Jaubert, le directeur des Compagnons de la chanson, avec lesquels elle se produit aux États-Unis et ailleurs, avec grand succès.
Mais, dès, alors qu'elle est en tournée triomphale àNew York, où elle se familiarise avec l'anglais et les techniques de scène à l'américaine, elle vit la grande histoire d'amour de sa vie avec le boxeurMarcel Cerdan, Français né àSidi Bel Abbès en Algérie, en 1916, et qui devientchampion du monde de boxe despoids moyens, le[19].
Au début 1949, elle fait avec lui l'acquisition de sa première maison, unhôtel particulier au 5 rue Gambetta[66] àBoulogne-Billancourt, acheté dix-neuf millions defrancs à un milliardaire ruiné, Gilbert des Crances[67].
Là, installée avec Simone Berteaut[68], elle écritHymne à l'amour, sur une musique deMarguerite Monnot, chanson chantée sur scène pour la première fois en. Mais peu après, elle rompt avec son inséparable Momone, au nom de son amour pour Cerdan[19].
Le, Marcel Cerdan meurt dans unaccident d'avion. Levol Paris-New York d'Air France s'écrase aux Açores, alors qu'il venait la rejoindre à sa demande : lors d'une conversation téléphonique, Marcel lui avait dit qu'il prendrait le prochain bateau, mais Édith Piaf trouvait que ce serait trop long, et lui demanda de venir en avion[69]. Parce que le vol était complet, un couple avait cédé, avec gentillesse, ses places au boxeur. Alors qu'elle avait confié à Jacques Bourgeat, quelques jours auparavant, sa volonté de quitter son amant, bien trop attaché à sa femme Marinette et à ses trois enfants[50], Édith Piaf est anéantie par cette disparition (ainsi que par un sentiment deculpabilité) et souffrant d'unepolyarthrite aiguë, elle prend, pour calmer sa douleur, de fortes doses demorphine. Elle chantera son grand succès,Hymne à l'amour et également plus tard,Mon Dieu, en la mémoire de Marcel. Elle installe dans son hôtel particulier les trois enfants de Marcel et leur mère, Marinette[68],[69].
Son état reste si délabré par l'alcool et la drogue, qu'elle se voit contrainte de refuser des rôles au cinéma[70],[55].
Peu après, elle fréquente Tony Raynaud[19] à qui elle écrit dans une lettre : « Dans l'amour on ne s'applique pas à être bien, non, on aime avec de la douleur, de la joie mais surtout jamais de plat ! Si l'on ne tremble pas du matin jusqu'au soir alors c'est raté ! »[71].
À l'été 1950, elle fréquente le chanteur américainEddie Constantine qu'elle fait engager pour tournerLa P'tite Lili, unecomédie musicale qu'elle s'apprête à interpréter[72]. Il traduit pour elle, en anglais, des chansons de son répertoire les plus populaires de cette époque dontLa Vie en rose etHymne à l'amour[73].
En contrepartie, Édith Piaf, dénicheuse de talents, conseille Aznavour, lance sa carrière débutante, et lui apprend les ficelles du métier. Lorsque le jeune chanteur lui soumet la chansonJe hais les dimanches qu'il a composée, Piaf manifeste son désaccord, faisant valoir le fait qu'il y avait suffisamment de travailleurs obligés ce jour-là à une journée de labeur[75].
En, elle entame une nouvelle relation amoureuse avec lecyclisteLouis (Toto) Gérardin, qui est marié et habite auParc des Princes, près de chez elle. Celle-ci tourne court dès février 1952. Passionnément éprise[19], elle continue une correspondance enfiévrée, jusqu'au[76] (correspondance qui sera vendue aux enchères en2009).
Jacques Pills offre à Édith Piaf la chanson sensuelleJe t'ai dans la peau composée par son pianiste, un certainGilbert Bécaud, dont Piaf prend en main la carrière. Ils écrivent ensemble plusieurs chansons (Légende,Elle a dit…) et elle lui présente le Préfet et poèteLouis Amade[79] puis Charles Aznavour.
En 1955, après plusieurs cures, elle sort de sonaddiction à la morphine, mais soigne sapolyarthrite rhumatoïde à hautes doses decortisone et se réfugie encore dans l'alcool, qui lui avait permis de noyer son chagrin après la mort de Marcel Cerdan[34]. À cette époque, toujours éprise despiritualité, elle adhère auxRose-Croix (AMORC), à la suite de son parolier-adaptateurJean Dréjac, et y restera fidèle toute sa vie[80],[81],[82],[83].
Elle devient à cette époque une immense vedette demusic-hall en Occident, notamment auxÉtats-Unis, où elle remporte un triomphe en 1956 auCarnegie Hall deNew York, dont elle devient une habituée. Cette même année 1956, elle divorce de Jacques Pills qui, malgré ses efforts, aura échoué à éloigner la chanteuse de ses démons[55].
Au début de l'année 1958, elle déploie son répertoire à l'Olympia avec sa récente liaison, le chanteurFélix Marten[55]. À son appartement, boulevard Lannes, une cour s'empresse autour d'elle, composée de son état-major, d'amis, de visiteurs, de paroliers ou compositeurs en devenir[84].
De à, elle connaît une histoire d'amour avec le jeune auteurromanioteGeorges Moustaki[85] que lui a présenté leguitariste d'Yves Montand,Henri Crolla[86]. Elle le lance dans la chanson en lui apprenant à s'habiller et à manger[84]. Avec lui, elle a un grave accident de voiture le sur laNationale 10 àCoignières[87], ce qui fait empirer son mauvais état de santé et sa dépendance à la morphine.
Édith Piaf enregistre alors l'un de ses plus grands succès, la chansonMilord, dont Georges Moustaki est l'auteur (sur une musique de Marguerite Monnot)[88], et lui inspireSarah (La femme qui est dans mon lit), qui sera créée parSerge Reggiani en 1967[84].
Le, la chanteuse s'effondre sur scène durant une représentation àDreux[89]. Elle subit de nombreuses opérations chirurgicales (ulcères,hémorragies digestives) et revient à Paris en piteux état et sans Georges Moustaki, qui l'a quittée[90],[91]. Elle est cependant récompensée pour la chansonMilord au cours d'une émission de télévision, du nom deTV Award.
En 1960, l'auteur-compositeur-interprète québécoisClaude Léveillée vient travailler avec elle à Paris. Piaf interprétera quatre de ses chansons :Le Vieux Piano (nouvelle version de sa chansonLes Vieux Pianos),Boulevard du Crime,Ouragan etLa Voix (ballet)[note 6]. Sa nouvelle liaison, le peintre américain Douglas Davis, quitte rapidement Piaf et sondespotisme amoureux[55].
En 1961, à l'écoute du disqueHommage à Édith Piaf parJean Leccia, la chanteuse engage celui-ci pour écrire ses arrangements et diriger l'orchestre lors de son dernier passage à l'Olympia.
Sa silhouette sur scène en Allemagne, le 13 décembre 1962
En 1961, à la demande de Bruno Coquatrix, Édith Piaf donne à l'Olympia, menacé de disparition à cause de problèmes financiers, une série de concerts, parmi les plus mémorables et émouvants de sa carrière. C'est dans sa salle de spectacle de prédilection qu'elle interprèteNon, je ne regrette rien, une chanson qui lui colle à la peau et queCharles Dumont etMichel Vaucaire viennent d'écrire pour elle, parmi une trentaine d'autres, éclipsant ainsi Marguerite Monnot, sa compositrice de prédilection[19].
Le, âgée de 46 ans, épuisée et malade, Édith Piaf épouse celui qu'elle baptiseThéo Sarapo (qui signifie « je t'aime » en grec), de son vrai nom Théophánis Lamboukas, un garçon coiffeur âgé de 26 ans, rencontré presque un an auparavant. Ce dernier mari ne la quittera plus jusqu'à la fin[55], habitant avec elle boulevard Lannes.
Elle reçoit, à sa demande, malade et en robe de chambre,Brigitte Bardot[23].
Édith Piaf à Rotterdam, en 1962.
Elle fait de Théo son secrétaire, son manager et un chanteur qu'elle veut lancer. Ils chantent en duoÀ quoi ça sert l'amour ? écrit parMichel Emer, un de ses fidèles compositeurs, à l'Olympia et à Bobino.
Sur scène, Édith Piaf déploie sans compter tout son talent, que le public honore d'ovations qui dépassent souvent les vingt minutes, et malgré ses forces qui s'épuisent, ne tenant sur scène qu'à renfort de médicaments qui l'abîment encore plus, elle se prête au jeu du public « comme de la presse à scandale, qui mise sur les drames de sa vie intime, ses accidents de voiture et ses opérations chirurgicales »[55] et suit ses mésaventures au jour le jour[19].
Début 1963, Édith Piaf enregistre sa dernière chanson,L'Homme de Berlin, écrite parFrancis Lai (un des compositeurs de la fin de sa carrière) etMichèle Vendôme.
Comme elle écrit elle-même plusieurs de ses chansons, Édith Piaf passe et réussit l'examen d'auteur-parolière à laSACEM en ; ses premières chansons ont pour titresC'est un monsieur très distingué,Où sont-ils tous mes copains ?,C'était un jour de fête,Un coin tout bleu,Celui que j'aime a les yeux tristes,C'était si bon ouRue sans issue[55].
Elle écrit au total 87 chansons, la premièreIl y a des amours (1940) et la dernièreLe Chant d'amour (1963)[92],[13]. Parmi les chansons qu'elle a écrites, les plus célèbres sont :Hymne à l'amour etLa Vie en rose dont le manuscrit original de premier jet offert par Édith Piaf àYves Montand est acquis aux enchères à Drouot le 26 juin 2017 par l'homme d'affairesBruno Ledoux.
Le à13 h 10, Édith Piaf meurt à 47 ans dans sabastide provençale des Parettes àPlascassier, un quartier excentré deGrasse, d'unerupture d'anévrisme due à uneinsuffisance hépatique[9],[93]. Elle est usée par les excès, l'alcool, la morphine, lapolyarthrite rhumatoïde et les souffrances de toute une vie[94]. Elle meurt près de son infirmière Simone Margantin, dans les bras de Danielle Bonel, sa secrétaire et confidente tout au long de sa carrière[56],[95],[96].
Ses derniers mots seraient[97] :« Chaque putain de chose qu'on fait dans cette vie, on doit la payer. »
Le transport de sa dépouille jusqu'à son appartement du 67 boulevard Lannes, à Paris, pour faire croire qu'elle a fini sa vie dans sa ville natale, est organisé clandestinement et dans l'illégalité, dans une ambulance avec chauffeur, prêtée par la mère supérieure de la clinique deCannes-la Bocca[95],[8],[98],[96].
Sa mort est ainsi annoncée officiellement le à Paris grâce à un faux certificat de décès postdaté de son médecin, Claude Bernay deLaval, qui indique le 11 octobre à 7 heures du matin, soit le lendemain de la date réelle de sa mort, à Paris et non à Grasse[13],[96]. Six heures après cette annonce, son amiJean Cocteau, avec qui Édith Piaf entretenait une correspondance suivie, meurt à son tour[98],[99]. Bien que « le moineau Piaf ne vole pas dans le même ciel que l'Ange Cocteau »[99], celui-ci apprenant la nouvelle avait déclaré :« C'est le bateau qui achève de couler. C'est ma dernière journée sur cette Terre »[100]. Et il ajoute :« Je n'ai jamais connu d'être moins économe de son âme. Elle ne la dépensait pas, elle la prodiguait, elle en jetait l'or par les fenêtres »[101].
La presse publie la fausse nouvelle « Edith Piaf est morte dans son lit, boulevard Lannes » et une photographie du visage de Piaf entouré d'un atroce foulard qui retient à peine son menton[99],[96]. L'infirmière Margantin entretient la légende en racontant aux journalistes qu'avant de mourir, Piaf était lucide, gaie et pleine de projets de chansons[96].
Théo Sarapo autorise la foule, qui a pris d'assaut les grilles de l'immeuble du boulevard Lannes, sitôt la nouvelle diffusée à la radio, à venir se recueillir par petits groupes auprès ducercueil posé sur uncatafalque, dans le salon-bibliothèque, où défilent incessamment pendant deux jours des proches et des anonymes, en majorité des femmes, tandis qu'au dehors s'entassent bouquets et gerbes de fleurs sur le trottoir[102].
L'organisation des obsèques quasi nationales est encadrée par le conseiller technique auprès dupréfet de police de Paris,Louis Amade, également parolier et ami de la chanteuse, qui a pris soin de suspendre la circulation ce lundi[102].
Le convoi funèbre duboulevard Lannes jusqu'aucimetière du Père-Lachaise est salué par un demi-million de personnes[103],[104]. L'inhumation a lieu au Père-Lachaise (division 97, alléeno 3) sans cérémonie religieuse[105],[102]. Comme l'artiste a vécu en contradiction avec les valeurs morales ducatholicisme, divorcé et mené une vie sexuelle « tumultueuse », l'Église catholique refuse de lui accorder des obsèques religieuses.L'Osservatore Romano, le journal duVatican, écrit qu'elle a vécu« en état de péché public » et qu'elle était une« idole du bonheur préfabriqué »[102]. Cependant, à titre personnel, l'aumônier du théâtre et de la musique, le père Thouvenin de Villaret, lui accorde une dernière bénédiction au moment de l'enterrement[102].
Le cortège est amorcé par plusieurslimousines que suivent lecorbillard et des autocars fleuris. Stoïque, un détachement de laLégion étrangère accueille le convoi funéraire drapeaux levés et au garde-à-vous[102].
Au moins 40 000 personnes, dontMarlene Dietrich, viennent lui rendre un dernier hommage au cimetière[106]. Rompant les barrages, la foule devenue hystérique déborde le service d'ordre : on piétine les fleurs, des jeunes se hissent sur les arbres et lesmausolées,Bruno Coquatrix, bousculé, tombe dans la fosse[107],[102].
Piaf estembaumée avant d'être enterrée. Le fossoyeur a déposé des objets fétiches de la chanteuse à côté du cercueil : un lapin enpeluche, unbéret de marin, unecravate de soie verte, unestatuette desainte Thérèse de Lisieux, uneépaulette de légionnaire, une carte postale de la chapelle de Milly-la-Forêt portant unedédicace de Jean Cocteau.
Sa dépouille se trouve dans lecaveau où reposent également sa fille Marcelle, son père Louis Gassion, et plus tard également son second mari Théo Sarapo, tué à 34 ans dans unaccident de voiture en 1970[19],[105].
Édith Piaf enregistra chezPolydor de 1935 à 1946, notamment sous la direction artistique deJacques Canetti (1935-1937), dePierre Bourgeois (1940-1941) ou de Georges Meyerstein-Maigret (1941-1946). Passée en octobre 1946 chezColumbia, label dePathé-Marconi, sa carrière fut supervisée à partir de cette date par Pierre Bourgeois, devenu président de Pathé-Marconi et directeur général de Columbia. Après le départ de Bourgeois en 1959, Gilbert Edward Cross, détaché par EMI de Londres à Paris, prit en charge la production discographique d'Édith Piaf jusqu'au décès de cette dernière en 1963. Quelques disques furent pressés pourPhilips à partir de 1956, à la suite d'un accord passé entre Pierre Bourgeois et Georges Meyerstein-Maigret, devenu président de Philips. Dans ses compilations,Sonorama publia également des titres de Piaf de 1958 à 1961.
En 1993, des enregistrements de l'émissionNeuf garçons et une fille chantaient, du ainsi que 24 autres titres, sont publiés par Polydor[108]. Une chanson inédite du répertoire deMarie Dubas (Monsieur est parti en voyage), mais aussi des chansons connues commeVa Danser etMiss Ottis Regrets y sont interprétées par Piaf[109].
En 2003, ont été découvertes cinq chansons (Chanson d'amour, La Valse de Paris,La fille de joie est triste,Je ne veux plus laver la vaisselle etC'était si bon) et dix-sept versions inédites enregistrées par Édith Piaf. En effet, durant les années 1960, Polydor se sépare de certaines matrices d'enregistrements[110]. Mais un collectionneur de l'époque en récupère et en donne près de 20 000 à laBibliothèque nationale de France. Parmi ces bandes, on retrouve les enregistrements inédits et des prises alternatives de titres connus[111].
Quinze ans plus tard, en 2018, un collectionneur, propriétaire d'un pressage de la chansonLa Complainte du Roi Renaud, donne le78 tours au directeur artistique de Marianne Mélodie, qu'il réédite et publie la même année[112].
La plupart des chansons d'Édith Piaf (du début de sa carrière jusqu'à la fin desannées 1950) ont d'abord été éditées en disques78 tours (une chanson par face). Les albums studios présentés ci-dessous sont donc principalement des compilations de titres plus ou moins anciens.
1947 :La rue Pigalle / Édith Piaf Sings (In French)Vox VSP 305
1958 :La Foule, paroles françaises deMichel Rivgauche. Adaptation de la valse péruvienneQue nadie sepa mi sufrir (qui porte aujourd'hui le titreAmor de mis amores dans sesreprises), paroles originales d'Enrique Dizeo et musique d'Ángel Cabral[113],[114]
Contrat signé entre Edith Piaf et son impresario, Louis Barrier, le 27 novembre 1945
Plusieurs imprésarios (aujourd'hui appelés agents artistiques) se succédèrent dans la vie d'Édith Piaf :
Jacques Canetti de 1935 à 1937 ;
Raymond Asso de 1937 à 1939 et Daniel Marouani pour la programmation dans les salles de spectacle ;
Pierre Bourgeois de 1939 à 1945. Pierre Bourgeois, alors directeur artistique chez Polydor, label d'Édith Piaf, est son manager et son conseiller artistique pendant la guerre. À partir de septembre 1946, il prend la direction de Pathé-Marconi et signe l'artiste chezColumbia, label de la firme française en ;
Hormis Louis Leplée qui la découvrit, Édith Piaf fut soutenue à la scène parFernand Lumbroso, alors directeur duthéâtre Mogador[115], puis par Bruno Coquatrix, célèbre patron de l'Olympia.
À la fin de sa vie, son confident Jacques Bourgeat lègue une partie des lettres que lui a adressées Édith Piaf à laBibliothèque nationale, voisine de son domicile, où elles sont consultables depuis 2003[28]. En 2015, la BNF organise une exposition intitulée « Piaf »[102].
En 2019, l'hôpital Tenon lui rend hommage[117] en exposant un portrait réalisé et offert par l'artiste françaisHom Nguyen. Cette œuvre,La vie en rose, Portrait d'Édith Piaf, dont une reproduction monumentale couvre également le mur extérieur de la maternité, est exposée à l’entrée de l’aile Meyneil.
ÀDugny (Seine-Saint-Denis), la salle de spectacle communale se trouve sur le parvis Édith-Piaf.
Dans la commune deMartel (Lot), la place de l'église du hameau deGluges, où Piaf venait prier et dont elle avait assuré la restauration desvitraux, porte son nom[118].
LaQuinzième Improvisation pour piano, du compositeur françaisFrancis Poulenc, a été écrite en 1960 en « Hommage à Édith Piaf ».
Dès lesannées 1960, de nombreux interprètes, tant hommes que femmes, francophones comme anglophones, ont reprisLa Vie en rose.
En 1967, le chanteurLéo Ferré enregistre la chansonÀ une chanteuse morte, destinée à figurer dans l'albumCette chanson. Cette chanson écrite en hommage à Édith Piaf sera censurée par sa maison de disque et n'apparaîtra sur disque qu'en 2003.
Dans son premier album,Mec (1986),Allain Leprest lui consacre une chanson intituléeÉdith - notamment reprise parEnzo Enzo en 2007 - qui relate une visite au cimetière du Père-Lachaise. Elle figure aussi sur son albumliveJe viens vous voir (2002).
1987 : la chansonMon légionnaire est reprise parSerge Gainsbourg sur l'albumYou're Under Arrest.
La chanteuse québécoiseMarie Carmen lui dédie sa chansonPiaf chanterait du rock, écrite parLuc Plamondon (single en 1987, albumDans la peau de 1989 et albumliveDéshabillez-moi de 1996). Le titre est repris en 1991 parCéline Dion, sur son albumChante Plamondon.
1991 : la chansonL'Homme à la moto est reprise par la chanteuseFanny.
Mireille Mathieu lui consacre un albumChante Piaf, paru en 1993, en français et allemand, réédité en 2003 et, avec deux nouvelles chansons, en 2012, pour le cinquantième anniversaire de sa mort.
Les titresJe n'en connais pas la fin etHymne à l'amour ont été repris en concert par le chanteur et guitariste américainJeff Buckley, notamment en France en et pendant sa tournée de 1995.
En 1997,Jacqueline Danno lui consacre son albumIl était une fois… Édith Piaf.
En 1998, Cassita interprèteLa Foule (Remix 98) (chanson utilisée dans les spots publicitaires pour une eau gazeuse)
2002 : la chanteuse norvégienne Herborg Kraakevik sort un album "Eg Og Edith" consacré à Edith Piaf, dans lequel elle chante en français "La vie en rose".
2009 : le groupe allemandRammstein reprend certaines paroles deNon, je ne regrette rien dans sa chansonFrühling in Paris, dans l'albumLiebe ist für alle da.
L'albumKaas chante Piaf dePatricia Kaas, en 2012, suivi d'une tournée en 2013, lui rend hommage en célébrant le cinquantième anniversaire de sa disparition.
Le rappeurYoussoupha a écrit une chanson en hommage à Édith Piaf,La Foule -Partie 2, sur son albumEn noir & blanc (En attendant Noir Désir) (2011).
En, la compagnie duConfluent Art music (sous la direction musicale de Jean-Claude Dufaut) crée un spectacle musical intituléPiaf, le temps d'illuminer, véritable florilège des grandes chansons de la Môme, mis en scène par sept interprètes[122].
De même, en 2016,Madonna chanteLa Vie en rose pendant sa tournéeRebel Heart Tour, disant d'Édith Piaf qu'elle est « sa chanteuse préférée au monde ».
Piaf ! Le Spectacle, interprété par Anne Carrère, produit, et mis en scène par Gil Marsalla, considéré parCharles Dumont,Charles Aznavour et Ginou Richer[125] comme le plus bel hommage sur scène à la carrière d'Édith Piaf. Depuis 2015, c'est le plus gros succès mondial français avec quatre cents représentations dans cinquante pays et un million de spectateurs. Fait rare pour un spectacle français, le spectacle s'est produit à guichets fermés auCarnegie Hall de New York le pour célébrer le soixantième anniversaire du concert d'Édith Piaf dans cette salle mythique.
Créé en 2018, le spectacleRue La Môme rend hommage à Edith Piaf à travers la représentation de différentes périodes de sa vie (de ses débuts dans la rue à la consécration à l'Olympia) ; non seulement musical, mais également visuel, grâce à des archives inédites provenant d'une collaboration avec Anthony Berrot, collectionneur reconnu dans le monde de La Môme[126].
Piaf Symphonique, une version symphonique des chansons d'Edith Piaf a été créée pour la première fois en à l'Opéra de Nice par Gil Marsalla, producteur et directeur artistique, sur des arrangements deNobuyuki Nakajima.
2012-2013 :Piaf : le temps d'illuminer,comédie musicale sur sa carrière, mise en scène : Compagnie du Confluent / direction et arrangements musicaux : Jean-Claude Dufaut.
2013 :Les Hommes de Piaf, comédie musicale sur sa vie, crée à Bernay, mise en scène par Guillaume Ségouin et Raphaël Kaney Duverger (Compagnie Le Théâtre de la Cerisaie).
2015 -2017 :Piaf, ombres et lumière, pièce de théâtre musical évoquant la vie d'Édith Piaf, écrite, mise en scène (en collaboration avec Stéphane Vélard) et interprétée parNathalie Lermitte[128].
2015 -2019 :Piaf, Le Spectacle, Spectacle Musical évoquant la vie d'Édith Piaf, produit et mise en scène par (Gil Marsalla) et interprété parAnne Carrere[129], et Nathalie Lermitte
L’Association d’amitié Pologne-France en collaboration avec l’association parisienne Les Amis d’Édith Piaf organisent depuis2009, àCracovie enPologne, le Festival international de lachanson française Grand Prix Édith Piaf (enpolonais,Miedzynarodowy Festiwal Piosenki Francuskiej)[130]. Ce concours est ouvert à tous, la seule exigence étant de présenter deux chansons françaises, dont au moins une du répertoire d’Édith Piaf. Les participants peuvent remporter le Grand Prix Édith Piaf. En, la sixième édition avait pour titreChanter comme Piaf. Elle a permis d'entendre de jeunes musiciens français (Zaz,Shy’m,Tal,Indila,Christophe Maé, etAmel Bent)[131]. La Française Laurette Goubelle, sosie vocal d'Édith Piaf, a remporté le prix de la meilleure interprétation[132]. En, la septième édition s'intitulaitDe Piaf à Zazie[133].
↑Yvon Jeanclaude (né le 21 mai 1917 à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), mort le 19 mars 1989 à Paris) était un acteur et un chanteur français. Il a eu des rôles dansUne vie de garçon (1953) etLe Corniaud (1965). Comme chanteur il a chanté notammentChanson Douce,Gipsy,Les quatre Roses...
↑Mention marginale sur l'acte de naissance d'Édith Piaf :« Mariée à New York, État de New York, États-Unis d'Amérique, le vingt septembre mil neuf cent cinquante-deux avec René Victor Ducos. Transcrit au Consulat Général de France à New York le vingt sept septembre mil neuf cent cinquante deux. »État civil de Paris.
↑Léveillée évoque cet épisode de sa vie dans le film67bis, boulevard Lannes deJean-Claude Labrecque, tourné en 1991.
↑« Les ascendants d'Édith Piaf appartenaient au monde du spectacle depuis deux générations. Son grand-père paternel, Victor Alphonse Gassion, Normand de Falaise, était écuyer de cirque, ainsi que son grand-père maternel, qui épousa une dresseuse de puces. »Population, Institut national d'études démographiques (France), 1984,p. 219- Google Livres.
↑« Elle partageait ses repas avec Line Marsa, la mère d'Edith Piaf, Anetta Maillard, de son vrai nom, était la fille d'un directeur de cirque et d'Aicha Ben Mohamed, une Kabyle marocaine, copine de La Goulue », écrit ainsi Michel Souvais dans sonArletty, confidences à son secrétaire.
↑Albert Bensoussan,Edith Piaf, Gallimard, 2012,p. 11 :« Là aussi, le récit flirte avec la légende… La grande famille berbère de la diaspora ne manquera pas de revendiquer Edith Piaf (au même titre que Mouloudji ou qu'Isabelle Adjani) au panthéon des gloires d'outremer données à la France ».
↑Peta Mathias, dansBeat still Stiff. A woman's recipe for living, 2011, Penguin Book
↑« But back to Edith. In 1934 Louis Maitrier was looking for a young singer for a Radio Vitus orchestra. At the Palais Berlitz in Paris he heard a tiny teenager singing. She was wearing a second hand black dress and no jewellery, save for the little cross around her neck. She sang like a nightingale, in such a simple touching way that he said to his wife, "Dont look anymore - our singer is here". I have heard a recording of Piaf singing for that radio show and her voice was very young - hight, clear, and very much in the forties style, quite unlike the deep husky voice it became after years of abuse - alcohol and smoking. But even at a young age she had an astoundingly powerful, sonorous voice that was deeply moving and had perfect diction. Hers was like a jazz voice, although she had never heard jazz in their life. She was a very bright and determined person, eventually teaching herself to read music, learn english and speak properly in french, thus losing her vulgar Parisian street twang. She was able to record a LP in one sitting and could remember the tune and words of a song having only heard it once. Subsequently, whatever country she performed in, she always learned some of her songs in that language. I've heard recording of her singing in english and german, and they're wonderful. »
↑Pierre Duclos, Georges Martin,Piaf, Paris, Seuil, 1993,
↑ab etcLéaLootgieter et PaulineParis,Les dessous lesbiens de la chanson, Les Éditions iXe,(ISBN978-2-3769-2190-5,lire en ligne), "Quand même (1935)"
↑« Je me souviens que c'est grâce à Édith Piaf que les Compagnons de la chanson, Eddie Constantine et Yves Montand débutèrent »,Georges Perec,Je me souviens, 1949.
↑Seul homme à la quitter alors que c'est toujours elle qui est à l'initiative des ruptures, il ne supporte plus les excès de sa vie et ses mensonges sur l'alcool. VoirParis-Match 2013.
↑Frédéric Zeitoun,Toutes les chansons ont une histoire,Ramsay,,p. 35.
↑La Foule / Michel Rivgauche - Angel Cabral. Comme moi / Ch. Delecluse - Senslis - M. Monnot. Salle d'attente / Michel Rivgauche - M. Monnot ; Édith PIAF, chant ; Orchestre dir : Robert Chauvigny,(lire en ligne)
↑« THÉÂTRE Mort de Fernand Lumbroso, directeur de Mogador Un entrepreneur de spectacles »,Le Monde.fr,(lire en ligne, consulté le)
↑ÉdithPiaf et JeanNoli (Texte recueilli par Jean Noli.),Ma vie : par Edith Piaf., Union génerale d'éditions (Saint-Amand, impr. Bussière),(OCLC460738730)
↑(en)Venez dans mon royaume !,index-medica.pl, 2 mai 2009 :« Thanks to a collaboration with the Paris Association of Les Amis d’Edith Piaf, the Society of Polish-French Friendship has organised the Edith Piaf International Festival of French Song in Kraków (20 and 21 June) ».
Édith Piaf et Louis-René Dauvent,Au bal de la chance, préf.Jean Cocteau, Genève, 1958 (rééd. Éd. de l'Archipel, 2003, annot.Marc Robine, postf.Fred Mella, 201 p.
Jean Noli,Ma vie : par Edith Piaf,UGE, 1963,183 p.
Denise Gassion et Robert Morcet,Édith Piaf secrète et publique,Ergo press, Issy-les-Moulineaux, 1988
Bernard Marchois,Édith Piaf, TF1 Éditions, Paris, 1995
Jacqueline Cartier, Hugues Vassal,Édith et Thérèse, la Sainte et la Pécheresse, Éditions Anne Carrière, Paris, 1999
Marcel CerdanJr.,Édith Piaf et moi, Éditions Flammarion, Paris, 2000
L'Homme à la moto, le chef-d'œuvre de Piaf parStan Cuesta, Éditions Scali, Collection « L'authentique histoire de la chanson » (illustrée),Paris,2007(ISBN2-3501-2126-7)