Portrait anonyme d'Edgar Allan Poe, probablement pris en juin 1849 àLowell,Massachusetts. Ce portrait est connu comme le « daguerréotype Annie » en raison de son appartenance passée à Annie L. Richmond, une amie de l'écrivain.
Edgar Allan Poe/ˈɛdɡɚˈælənpoʊ/[2], né le àBoston et mort le àBaltimore, est unpoète,romancier,nouvelliste,critique littéraire,dramaturge etéditeuraméricain, ainsi que l'une des principales figures duromantisme américain. Connu surtout pour ses contes — genre dont la brièveté lui permet de mettre en valeur sa théorie de l'effet, suivant laquelle tous les éléments du texte doivent concourir à la réalisation d'un effet unique — il a donné à la nouvelle ses lettres de noblesse et est considéré comme l’inventeur duroman policier. Nombre de ses récits préfigurent les genres de lascience-fiction et dufantastique.
Né àBoston, Edgar Allan Poe perd ses parents,David Poe Jr. etElizabeth Arnold, dans sa petite enfance ; il est recueilli par John et Frances Allan deRichmond, enVirginie, où il passe l’essentiel de ses jeunes années, si l’on excepte un séjour enAngleterre et enÉcosse, dans une aisance relative. Après un bref passage à l’Université de Virginie et des tentatives de carrière militaire, Poe quitte les Allan. Sa carrière littéraire débute humblement par la publication anonyme, en1827, deTamerlan et autres poèmes, un recueil de poèmes signés seulement « par un Bostonien ». Poe s’installe àBaltimore, où il vit auprès de sa famille paternelle et abandonne quelque peu la poésie pour la prose. En, il devient rédacteur-assistant auSouthern Literary Messenger de Richmond, où il contribue à augmenter les abonnements et commence à développer son propre style de critique littéraire. La même année, à vingt-six ans, il épouse sa cousine germaineVirginia Clemm, alors âgée de 13 ans.
Après l’échec de son romanLes Aventures d'Arthur Gordon Pym, Poe réalise son premier recueil d’histoires, lesContes du Grotesque et de l’Arabesque, en1839. La même année, il devient rédacteur auBurton's Gentleman's Magazine, puis auGraham's Magazine àPhiladelphie. C'est à Philadelphie que nombre de ses œuvres parmi les plus connues ont été publiées. Dans cette ville, Poe a également projeté la création de son propre journal,The Penn (plus tard rebaptiséThe Stylus), qui ne verra jamais le jour. En, il déménage àNew York, où il travaille auBroadway Journal, un magazine dont il devient finalement l’unique propriétaire.
En, Poe publieLe Corbeau, qui connaît un succès immédiat. Deux années plus tard, son épouse Virginia meurt detuberculose, le. Poe envisage de se remarier ; aucun projet ne se réalisera. Le, Poe meurt à l’âge de 40 ans à Baltimore. Les causes de sa mort n’ont pas pu être déterminées et ont été attribuées diversement à l’alcool, à unedrogue, aucholéra, à larage, à une maladie du cœur, ou encore à unecongestion cérébrale.
L'influence de Poe a été et demeure importante, auxÉtats-Unis comme dans l'ensemble du monde, non seulement sur la littérature, mais également sur d'autres domaines artistiques tels le cinéma. Bien qu'auteur américain, il a d’abord été reconnu et défendu par des auteurs français,Baudelaire etMallarmé en tête. La critique contemporaine le situe parmi les plus remarquablesécrivains de lalittérature américaine duXIXe siècle.
Biographie
Une famille de comédiens
Edgar Allan Poe vers 1845. Gravure de John Sartain publiée en frontispice de l'édition de Griswold desŒuvres d'Edgar Allan Poe, J. S. Redfield, 1850, basée sur une peinture à l'huile de Samuel Stillman Osgood.
Il naît le dans une modeste pension de famille du 62, Carver Street, àBoston, dans leMassachusetts[3]. Sa mère,Elizabeth Arnold (1787-1811) est la fille de deux acteurs londoniens, Henry (ou William Henry) Arnold et Elizabeth Smith. À la mort de son père, elle accompagne sa mère enAmérique. Arrivée le àBoston à bord de l’Oustram, elle monte sur les planches trois mois plus tard, âgée d'à peine neuf ans. Elle rejoint ensuite, avec sa mère, qui meurt quelque temps après, une petite troupe dethéâtre, lesCharleston Players[4].
Durant l'été 1802, àAlexandria, enVirginie, elle se marie avec le comédien Charles Hopkins, qui meurt trois ans plus tard, le, et déjà veuve à 18 ans, elle épouse alors un garçon tuberculeux et alcoolique de 21 ans,David Poe Jr., dont le père, le général David Poe Sr., un commerçant patriote de Baltimore originaire d'Irlande[5], s'était illustré durant laguerre d'indépendance. David Poe Jr. avait abandonné ses études de droit pour s'engager, en, dans lesCharleston Players[6]. C'est là qu'il rencontreElizabeth Arnold Hopkins, qu'il épouse le[7]. À l'époque, ils jouent au Federal Street Theater deBoston.Elizabeth est danseuse et chanteuse, mais David est un piètre acteur[4],[6].
Plaque apposée près du lieu de naissance d'Edgar Allan Poe à Boston[8].
En, la famille quitteBoston pour le New York Park Theater. Le 18 octobre, David Poe, qui a sombré dans l'alcoolisme, joue son dernier rôle ; il fugue quelques mois plus tard, en. Il meurt sans doute peu après, en. La même année,Elizabeth donne naissance à une fille, Rosalie[6]. Elle fait une tournée dans le Sud, accompagnée d'Edgar (William Henry a été confié à son grand-père paternel) mais, malade, elle ne joue que par intermittence[4],[6].
Portrait d'Elizabeth Arnold Hopkins Poe, la mère d'Edgar Allan Poe.
Le, àRichmond (Virginie), elle doit s'aliter. Le 25 novembre, un journal local lance un appel à la générosité des citoyens de Richmond, sous le titre « Au cœur humain » : « Mrs Poe, allongée sur son lit de douleur et entourée de ses enfants, demande votre aide et cette demande sera peut-être pour la dernière fois ! » Le[7],Elizabeth est emportée par le mal qui la ronge, peut-être unepneumonie, à l'âge de 24 ans, après avoir joué près de deux cents rôles, laissant ses enfants orphelins. Deux semaines après ses obsèques, lethéâtre deRichmond brûle pendant une représentation, et la troupe, privée dethéâtre, quitte la ville, après avoir laissé Edgar et Rosalie à la charité de la bourgeoisie de la ville[4].
Tandis queWilliam Henry demeure avec son grand-père David Poe et sa tante Maria Clemm, Edgar est recueilli par un couple de riches négociants detabac et de denrées coloniales deRichmond, John et Frances Allan, etRosalie (1810-1874) par les Mackenzie. Le, Edgar est baptisé par le révérend John Buchanan, vraisemblablement sous le nom d'« Edgar Allan Poe » et avec les Allan pour parrain et marraine[4].
Une éducation d'aristocrate virginien
Portrait d'Edgar Allan Poe peint par Samuel Stillman Osgood dans lesannées 1840 (New York Historical Society).
Edgar passe son enfance àRichmond, chez ses parents adoptifs, qui l'élèvent avec tendresse. En 1814, à peine âgé de5 ans, il commence ses études primaires sous la conduite de Clotilda ou Elizabeth Fisher. L'année suivante, il passe brièvement, à l'école de William Ewing. En 1815, en effet, John Allan (1780-1834), qui est d'origine écossaise, décide de partir auRoyaume-Uni pour y étudier le marché et, si possible, ouvrir àLondres une succursale. LaBible occupe une grande place dans la vie d'Edgar, et ce malgré le rationaliste John Allan[9]. Edgar, qui a six ans, quitte l'école de Richmond et embarque avec ses parents et la jeune sœur deMme Allan, Ann Moore Valentine (appelée Nancy) àNorfolk (Virginie) à bord duLothair[4].
Débarqués àLiverpool le 29 juillet, les Allan gagnent d'abord l'Écosse. Mais le marché écossais se révèle mauvais, et la famille s'installe bientôt àLondres. Edgar suit, de 1816 à 1818, des études primaires à l'école des demoiselles Dubourg (146 Sloan Street,Chelsea, Londres), où il est connu sous le nom de « Master Allan »[4] et étudie notamment la géographie, l'orthographe et lecatéchismeanglican[10], puis à la Manor House School de Londres, àStoke Newington, dirigée par le révérend John Bransby[4] (elle pourrait avoir servi de modèle au collège deWilliam Wilson[11]), sous le nom d'« Edgar Allan »[4]. Il suit des études classiques et littéraires solides[12], apprenant legrec, lelatin, lefrançais et la danse. Il fait preuve d'un caractère irritable et parfois tyrannique envers ses camarades, mais obtient de brillants résultats scolaires, en latin et français notamment[12]. L'école mettant également l'accent sur la condition physique des élèves, Edgar devient un athlète accompli[10],[9]. En août 1818, les Allan visitent l'île de Wight, probablement à l'occasion de vacances, et peut-être le site deStonehenge[13]. Mais la situation se dégrade. D'abord, sa mère adoptive, dont la santé a toujours été fragile, tombe sérieusement malade, ce qui a pour effet de la rendre nerveuse, irritable. Par ailleurs, en 1819, John Allan connaît de graves ennuis financiers : le cours du tabac s'effondre, puis un employé l'escroque. Le jeune Edgar, qui est séparé de sa famille, fait une première fugue[9].
Le, la famille Allan est àLiverpool, où elle embarque sur leMartha. Arrivée àNew York le 22 juillet après 31 jours de trajet, elle prend le 28 unsteamboat à destination deNorfolk et se réinstalle àRichmond, le 2 août. Edgar reprend le chemin de l'école, où il obtient, là aussi, d'excellents résultats, mais commence à manifester un certain penchant pour la solitude et la rêverie[9]. En 1823, les affaires de John Allan sont moribondes et la vie à la maison des Allan s'en ressent[9]. Edgar continue à rédiger des poèmes qu'il adresse aux élèves de l'école où se trouve sa sœur[4].
Les relations avec ses parents adoptifs sont ambivalentes. Il est encouragé par sa mère dans ses travaux d'écriture, mais les tours qu'il joue à certains habitants de Richmond causent le désespoir de son père[9]. Ce dernier prend ombrage du caractère assez fier de l'adolescent, et s'éloigne progressivement de son épouse, toujours malade. Edgar, très attaché à Frances Allan (1784-1829), réprouve l'adultère de son père adoptif[9]. John Allan voudrait voir Edgar devenir marchand, mais le jeune homme ne rêve que de poésie et envisage, à la rigueur, une carrière dans l'armée. Il trouve souvent refuge chez la mère d'un camarade, Jane Stith Stanard, qui est l'inspiratrice du poèmeÀ Hélène[9] (1831). Son décès, en 1824, affectera grandement Edgar[4].
Chambre d'Edgar Allan Poe à l'université de Virginie.
À la suite du décès de son oncle William Galt, en, John Allan hérite de plusieurs centaines de milliers dedollars[13]. Cette somme lui permet de payer ses dettes et d'acheter un manoir en briques appelé « Moldavia » (pour 14 950 dollars). Entre 1821 et 1825, Edgar fréquente les meilleures écoles privées deRichmond, où il reçoit l'éducation traditionnelle des gentlemen virginiens. Il est inscrit à l'English Classical School de John H. Clarke (1821-1822)[4], qui lui fait lireOvide,Virgile etCésar, puisHomère,Horace et leDe Officiis deCicéron[13], puis il fréquente le collège William Burke (1823-) et l'école duDr Ray Thomas et de son épouse[4].
À cette époque, il écrit ses premiers vers satiriques, tous perdus aujourd'hui, exceptéO Tempora! O Mores! Par ailleurs, il est très influencé par l'œuvre et le personnage deLord Byron. Bon élève, il se montre excellent nageur et passionné de saut en longueur. En juin ou, il nage six ou sept miles le long de laJames River, tandis que son maître suit sur un bateau. Du 26 au, lors deson voyage auxÉtats-Unis, le généralLa Fayette visiteRichmond. Les volontaires juniors de la ville participent aux cérémonies organisées pour lui souhaiter la bienvenue ; Edgar est lieutenant des volontaires[4].
Le, il entre à la nouvelleuniversité de Virginie, àCharlottesville[14], que vient de fonderJefferson (elle a ouvert ses portes le), où il suit avec brio des cours de langues anciennes et modernes[4]. Mais M. Allan lui a donné juste assez d'argent pour s'inscrire. Excédé par les dettes de jeu et les frais courants d'Edgar, qui s'élèvent à 2 000 dollars, alors qu'il vient de passer avec succès ses premiers examens, John Allan refuse de le réinscrire et le ramène àRichmond en pour l'employer dans sa maison de commerce. Par ailleurs, il ruine ses fiançailles avecElmira Royster (1810-1888) ; le père de la jeune fille s'empresse de la marier à un riche négociant, Alexander Shelton[4].
Rêves de gloire et pérégrinations
L'engagement de mariage d'Edgar Allan Poe et de Virginia Clemm (Life and Letters of Edgar Allan Poe, James A. Harrison, 1900).
Comme son beau-père refuse de le renvoyer à l'université, il quitte sa famille adoptive, probablement le[15], et s'embarque sous le nom d'Henri Le Rennet sur un bateau qui descend laJames River jusqu'àNorfolk[16]. Arrivé àBoston en avril, il espère survivre en publiant sespoèmes. Il y passe deux mois, comme acteur ou soldat, on l'ignore. Le 26 mai, sous le nom d'Edgar A. Perry (pseudonyme qu'il réutilisera pour signer certains contes), après s'être vieilli de quatre ans, il s'engage pour cinq ans comme artilleur de seconde classe dans l'armée fédérale. À la même époque, il fait paraître à ses frais, chez Calvin F.S. Thomas à Boston, une mince plaquette anonymeTamerlan et autres poèmes sur laquelle est inscrit « A Bostonian » et dont 50 exemplaires, à peine, sont vendus. Il n'en reste aujourd'hui que 12 exemplaires[4].
Maison d'Edgar Allan Poe, au 203 North Amity Street, à Baltimore. La chambre de Poe se serait située sous les toits.
Le, Frances Keeling Allan meurt. Elle est inhumée le 2 mars au cimetière de Shockoe Hill. Prévenu tardivement, Edgar n'arrive que le soir du jour des funérailles de cette mère tant aimée. Durant ce séjour, Edgar se réconcilie provisoirement avec son père adoptif, qui accepte de l'aider à démissionner de l'armée et d'appuyer (sèchement) sa candidature àWest Point, école des officiers de l'armée américaine. Le 4 avril, Edgar est libéré de l'armée[4].
Une nouvelle histoire de dettes entraîne une nouvelle brouille entre les deux hommes. Libéré de l'armée en, sans le sou, Edgar va attendre son admission àWest Point àBaltimore. Il séjourne auprès de sa tante Maria Clemm (1790-1871), sœur cadette de son père, qui a perdu son mari en 1826 et vit dans un extrême dénuement, entourée de sa mère impotente, Elizabeth Cairnes Poe, d'un fils tuberculeux, Henry (1818-après 1836), et de deux filles, Elizabeth Rebecca (1815-1889) etVirginia (1822-1847), qui est éperdue d'admiration devant son cousin, ainsi que du frère d'Edgar,William Henry. Dans cette ville, il fait paraître un second recueil depoèmes,Al Aaraaf, Tamerlan et poèmes mineurs chez Hatch and Dunning en[4].
Muni de chaleureuses lettres de recommandation de ses anciens officiers et d'une froide supplique de John Allan, il se rend à pied àWashington, pour solliciter son admission dans la prestigieuse académie deJohn Eaton,secrétaire à la Guerre. Ses démarches n'ayant obtenu aucun succès, il retourne à Baltimore[4].
Edgar est admis àWest Point en. Il y fait de brillantes études, meilleures dans les disciplines académiques que dans les exercices militaires. John Allan, cependant, se remarie avec Louisa Patterson, qui lui donnera trois fils. Excédé par l'avarice de John Allan, qui lui refuse à nouveau l'argent nécessaire à ses études, et réfractaire à la discipline, Edgar se fait volontairement renvoyer de West Point[14] (en refusant de se rendre en classe ou à l'église) après jugement de lacour martiale, le. Le 6 mars, il quitte l'école avec des lettres de recommandation de ses supérieurs[4].
Des débuts littéraires difficiles
Couverture duBurton's Gentleman's Magazine, septembre 1839, première publication deLa Chute de la maison Usher, d'Edgar Poe.
De retour àBaltimore, chez Maria Clemm, il recherche vainement un emploi. Ses articles et ses contes sont tous refusés. Enfin, il envoie cinq nouvelles au concours duPhiladelphia Saturday Courrier, qui promet au gagnant un prix de 100 dollars. Il n'obtient pas le prix, mais ses contes (notammentMetzengerstein) sont publiés, sans son nom, en1832 par leSaturday Courrier (qui les paie très mal)[4].
Ainsi commence sa carrière de journaliste. Dans l'indigence, il pratique aussi le métier depigiste nègre et continue son travail d'écrivain, consacrant ses loisirs et ses maigres revenus à l'éducation de sa petite cousineVirginia. En1831, il fait paraître chez Elam Bliss àNew YorkPoèmes, seconde édition, dédié au « corps des cadets des États-Unis » et précédé du premier manifeste critique d'Edgar, laLettre à M… (reprise par la suite sous le titreLettre à B…), qui bénéficie d'un accueil peu favorable[4].
En, il est enfin engagé par Thomas W. White comme directeur de la section littéraire du journal. Toutefois, il n'est pas libre : il doit se conformer au programme de la revue, qui soutient la littérature sudiste, et satisfaire l'admiration infantile de T. W. White pour les discours des gentlemen virginiens. La griffe d'Edgar apparaît dans ses nombreux pamphlets contre les romanciers populaires (du Nord) de l'époque. Il s'attaque notamment au best-seller deTheodore Fay,Norman Leslie, coqueluche de New York et des journaux nordistes tels leKnickerbocker, leCommercial Intelligencer ou laNorth American Review. Son talent de polémiste éclate, et il rénove l'esprit duSouthern. Ses opérations médiatiques, comme la série : « Autobiographiespastiches de lettres d'écrivains », font monter le nombre d'abonnés au journal[4].
Il épouse clandestinementVirginia le. Le, il l'épouse publiquement, et la jeune fille, qui n'a que 13 ans[14], le rejoint à Richmond avec sa mère[4],[17].
Toutefois, il s'estime, à juste titre, mal payé et ne supporte plus les reproches (sur son supposé alcoolisme, notamment) dont l'accable, en public, T. W. White, pour empêcher son brillant rédacteur de prendre trop d'ascendant et garder le contrôle de son journal. Aussi décide-t-il de quitter leSouthern[4].
En, il s'installe àNew York, où laNew York Review lui a fait une proposition. Mais le journal a cessé de paraître quand il arrive. Mrs Clemm ouvre une pension àManhattan, où Edgar s'installe avec Virginia. Il y achèveLes Aventures d'Arthur Gordon Pym et y réviseLes Contes de l'In-Folio[4].
Un écrivain reconnu
Fac-similé d'une lettre d'Edgar Allan Poe écrite à Philadelphie le et publiée dans le prospectus duPenn Magazine (édition de Dodd, Mead & Co, 1898).
En 1838, il se fixe àPhiladelphie pour reprendre ses activités régulières de journaliste appointé. Il tente d'y vivre de sa plume, mais ses quelques piges ne le sortent pas de la misère. La même année paraissentLes Aventures d'Arthur Gordon Pym, qui n'ont aucun succès[4].
En,William Burton offre à Edgar la place derédacteur en chef adjoint auBurton's Gentleman's Magazine. Il y est encore moins libre qu'auSouthern, car il doit servir l'opportunisme de Burton, qui lui a recommandé de faire preuve d'indulgence dans ses comptes rendus critiques. Toutefois, il s'entend bien avecBurton, et leur collaboration permet auGent's Mag, qui publieLa Chute de la maison Usher,Le Diable dans le beffroi etWilliam Wilson, de devenir le mensuel le plus en vue de Philadelphie. En revanche, la publication en volume desContes du grotesque et de l'arabesque, en 1840, n'obtient qu'un succès d'estime. La même année, Edgar se livre à une critique deLongfellow, auquel il reproche le manque d'unité de ses textes, et inaugure une série de dénonciations deplagiats[4].
En, il entreprend la publication en livraisons successives d'un roman de l'Ouest,Le Journal de Julius Rodman, médiocre fiction restée inachevée et pleine d'emprunts aux journaux de voyage contemporains. En juin, il quitteBurton pour fonder lePen Magazine, revue littéraire dont il serait le seul maître. Il fait circuler des tracts aux plus grandes célébrités littéraires américaines, mais le projet échoue lorsque le commanditaire,George Graham, se retire. En octobre, Graham, qui possède leSaturday Evening Post et le mensuelCasket achète pour 3 500 dollars leBurton's Gentleman's Magazine (qui compte alors 3 500 abonnés) et le rebaptiseGraham's Gentleman's Magazine. Dans le premier numéro paraît le conteL'homme des foules[4].
En, Edgar est engagé comme rédacteur associé par son amiGeorge Graham. Il touche un salaire annuel de 800 dollars. Pour la première fois, il jouit d'une réelle indépendance. La plupart de ses grands articles et l'essentiel de son œuvre critique ont paru dans les pages duGraham's Magazine. C'est également la période la plus heureuse de sa vie. Il poursuit ses attaques contre les « cliques » et les « coteries » deNew York et deBoston, qui dictent leur loi auxéditeurs et auxjournalistes des grands centres urbains. Le tirage de la revue passe à 25 000 exemplaires, chiffre exceptionnel pour l'époque[4].
Un malheur vient cependant frapper sa famille. Un soir de, alors qu'elle chante pour des amis,Virginia est victime d'unehémorragie causée par la rupture d'un vaisseau de la gorge. Elle reste plusieurs mois entre la vie et la mort[4].
Peu après, le 6 mars, Edgar rencontreCharles Dickens, en tournée auxÉtats-Unis, avec lequel il discute de l'instauration d'uncopyright international. Dickens lui promet de lui trouver unéditeur enAngleterre. En mai, Edgar quitte leGraham's Magazine, repris par le projet de fonder sa propre revue, baptisée cette foisThe Stylus[4].
Espérances et errances
Portrait d'Edgar Allan Poe reproduisant un daguerréotype qui appartenait à Sarah Anna Lewis, réalisé pendant le séjour à Lowell, Massachusetts, probablement au début de l'été 1849.
En, il se porte candidat à un poste de l'administration qui lui laisserait le temps d'écrire, grâce aux contacts de son ami F. W. Thomas. Toutefois, malgré le soutien de Robert Tyler, le fils duprésident des États-Unis, il ne peut obtenir aucun poste. Pendant lacampagne présidentielle de 1840, il avait rédigé plusieurspamphlets politiques opportunistes contre le candidatdémocrateMartin Van Buren (Le Diable dans le beffroi) et son colistierRichard Mentor Johnson (L'Homme qui était refait), pour obtenir les bonnes grâces duparti whig. De retour àPhiladelphie le 13 mars, il vit à nouveau de maigres piges[4].
En 1844, Edgar s'installe dans le nord deManhattan, à la ferme Brennan, où il travaille avec acharnement à uneHistoire critique de la littérature américaine qui ne verra jamais le jour. Par ailleurs, il écrit desMarginalia, brèves notes journalistiques souvent tirées de ses articles antérieurs. Enfin, il accepte un emploi subalterne auNew York Mirror de son amiNathaniel Parker Willis et remet à plus tard son projet duStylus[4].
Le, il publieLe Corbeau, qui a un succès extraordinaire. Paru dans l'Evening Mirror, lepoème est repris dans de nombreux journaux. Sa renommée grandit. Une sélection de ses contes paraît chez les prestigieux éditeurs Wiley et Putnam à New York, puis un recueil de poèmes,Le Corbeau et autres poèmes en[4].
Plusieurs de ses comptes rendus critiques sont publiés dans leBroadway Journal deCharles Frederick Briggs et John Brisco,hebdomadaire d'information artistique et culturelle. Le, il devient collaborateur permanent du journal et lance une campagne célèbre àNew York sous le nom de « Guerre Longfellow » : Edgar et « Outis », un correspondant anonyme (Edgar lui-même selon certaines hypothèses), échangent de violentes diatribes, l'une ridiculisantLongfellow, l'autre accusantLe Corbeau deplagiat. Enjuillet, Edgar parvient à éliminerBriggs, l'un des deux actionnaires du journal. Enoctobre, Brisco cède ses parts à Edgar, qui concrétise alors son rêve, en devenant l'unique propriétaire de l'hebdomadaire. Toutefois, il s'aliène les journalistes et le public bostonien lors d'une conférence, volontairement obscure, sur son poèmeAl Aaraaf. Le, Edgar dépose le bilan duBroadway Journal pour cause de dettes[4].
Cottage des Poe à Fordham.
En mai,Virginia étant de plus en plus malade, la famille s'installe à Fordham, quartier duBronx, dans la grande banlieue deNew York. Il apprécie lesjésuites de l'université de Fordham et flâne fréquemment dans son campus, conversant avec les étudiants et les professeurs. La tour du clocher de l'université de Fordham lui inspire le poèmeThe Bells. À cette époque, Edgar tombe gravement malade et, ne pouvant plus écrire, sombre dans la misère. Le foyer est soutenu par une amie, Marie Louis Shew, mais leur pauvreté est telle qu'un entrefilet dans leNew York Express du5 décembre appelle les amis du poète à l'aide[4].
Chambre de Virginia Poe dans le cottage des Poe à Fordham.
Le,Virginia décède à Fordham, à l'âge de 24 ans. Edgar, gravement malade, est soigné par Mrs Shew et Maria Clemm. À cette époque, il est très occupé par son projet depoème en prose,Eureka ou Essai sur l'univers matériel et spirituel. Il s'engage dans une quête frénétique d'amitiés féminines avec Mrs Lewis, dont il corrige les poèmes sentimentaux contre rétribution, avec Mrs Nancy Locke-Richmond (qui habite àLowell, dans leMassachusetts), dont il s'éprend et qui sera l'Annie des derniers poèmes, enfin, avec MrsSarah Whitman (qui vit àProvidence, dans leRhode Island), poétesse spiritualiste à qui il adresse le second poèmeÀ Hélène et qu'il demande en mariage. En, dans des circonstances assez obscures, il absorbe une forte dose delaudanum qui manque de l'empoisonner. De plus, il s'est mis à boire, lors de la maladie de Virginia, entre 1842 et 1847, et il est victime de crises d'éthylisme. Il souffre même un moment d'une attaque de paralysie faciale[4].
Le 13 novembre, MrsWhitman accepte de l'épouser s'il renonce à l'alcool. Le 23 décembre, àProvidence, il donne devant deux mille personnes sa célèbre conférence surDu Principe poétique (qui ne sera publiée qu'après sa mort). Deux jours plus tard, le 25 décembre, doivent être célébrées les noces avec Mrs Whitman. Toutefois, le lendemain, celle-ci reçoit une lettre anonyme lui apprenant de prétendues « relations immorales » entre Edgar et une de ses amies. De plus, on lui apprend que son fiancé a passé la nuit à boire avec des jeunes gens dans une taverne de la ville. Aussitôt, elle décide de rompre avec lui[4].
De retour à Fordham, Edgar reprend son projet de revue littéraire avec E.H.N. Patterson. Après une visite à Mrs Richmond, il entreprend un voyage dans le Sud pour rassembler des fonds en faveur de sa revue. Parti deNew York le, il séjourne tout l'été àRichmond, où il retrouveElmira Royster Shelton, veuve depuis la mort de son mari en 1844, avec laquelle il songe à se marier, et redonne sa conférence surLe Principe poétique, qui rencontre un très grand succès. Il la refait également àNorfolk (Virginie)[4].
Une mort mystérieuse
Portrait de Virginia Poe sur son lit de mort, peint en 1847.
Le 27 septembre, Edgar quitteRichmond en bateau pourBaltimore, où il débarque le lendemain. On perd alors sa trace pendant quatre jours[4].
LeDr Snodgrass et Henry Herring, l'oncle d'Edgar, viennent chercher l'écrivain qu'ils présument ivre. D'après les différents témoignages, au lieu de son costume de laine noir, il portait un manteau et un pantalon d'alpaga de coupe médiocre, vieillis et salis et dont les coutures avaient lâché en plusieurs points, ainsi qu'une paire de chaussures usées aux talons et un vieux chapeau tout déchiré, presque en lambeaux, en feuilles de palmier. La chemise était toute chiffonnée et souillée et il n'avait ni gilet ni faux-col[4].
Copie photographique du portrait d'Edgar Allan Poe, peint par Oscar Halling à la fin desannées 1860 à partir dudaguerréotype « Thompson », l'un des derniers portraits de Poe réalisés en 1849.
Conduit au Washington College Hospital, il alterne entre des phases de conscience et d'inconscience. Aux questions qu'on lui pose, il répond par des phrases incohérentes. Son cousin, Neilson Poe, venu lui rendre visite, ne peut le voir. Edgar meurt, officiellement d'une « congestion cérébrale », le dimanche 7 octobre, à 3 h ou 5 h du matin. Il est inhumé dans le cimetièrepresbytérien de la ville, le Westminster Hall, maintenant intégré à l'école de droit de l'université du Maryland[4].
Autre hypothèse mise en avant : il aurait retrouvé des anciens deWest Point, qui l'auraient invité à boire. Rentrant seul, dans un état d'ivresse, il aurait été volé et battu par des brutes et aurait erré dans les rues pendant la nuit avant de sombrer, inconscient[4].
Cependant, la théorie la plus largement admise est qu'il aurait été victime de la corruption et de la violence qui sévissaient de manière notoire lors des élections. De fait, la ville était alors en pleine campagne électorale (pour la désignation dushérif, le) et des agents des deux camps parcouraient les rues, d’un bureau de vote à l’autre, pour faire boire aux naïfs un cocktail d’alcool et denarcotiques afin de les traîner ainsi abasourdis au bureau de vote. Pour parfaire le stratagème, on changeait la tenue de la victime, qui pouvait être battue. Le faible cœur d'Edgar Poe n'aurait pas résisté à un tel traitement[4].
La tombe d'Edgar Poe
Monument placé en 1913 à l'emplacement originel de la tombe d'Edgar Poe, dans le cimetière presbytérien de Baltimore.
Poe est enterré lors d'une cérémonie réduite à sa plus simple expression et placé dans une tombe non marquée qui progressivement sera recouverte d'herbes.
Ce n'est finalement qu'en 1913 qu'une autre pierre commémorative est repositionnée, d'abord au mauvais endroit, puis finalement à l'emplacement originel de la tombe d'Edgar Poe, dans le cimetière presbytérien deBaltimore, avec l'épitaphe suivante, tirée du poèmeLe Corbeau : « Quoth the Raven, "Nevermore." » (Le corbeau dit : « Jamais plus ! »)[19],[20].
Depuis 1949, les admirateurs de Poe se réunissent chaque année sur sa tombe, à l'anniversaire de sa naissance, le 19 janvier.
À l'occasion du bicentenaire de sa naissance, des funérailles solennelles, présidées parJohn Astin, ont été organisées par le Poe House and Museum de Baltimore le, son enterrement n'ayant pas été annoncé publiquement en 1849 et l'assistance autour de son cercueil s'étant alors résumée à dix personnes[21].
Chaque 19 janvier de 1949 à 2009, une mystérieuse personne, désignée comme letrinqueur de Poe(en) (Poe Toaster) a déposé discrètement, de nuit, sur sa tombe trois roses et une bouteille de cognac. Après le décès du trinqueur originel, probablement en 1998, la tradition fut reprise par un ou plusieurs héritiers. Les trinqueurs sont toujoursanonymes[22],[23].
Sa personnalité
Edgar A. Poe, vers 1849Copie du manuscrit original deThe Spirits of the Dead, un poème d'Edgar Allan Poe.
Cultivant son intelligence, Edgar Allan Poe était un homme très courtois mais d'une férocité sans égale, qui le brouilla avec de nombreuses personnes. Ses amis étaient toujours frappés par sa tenue soignée à l'excès et la clarté de son élocution. De même, sesmanuscrits se distinguent par la fermeté, la régularité et l'élégance de son écriture et ne comportent que peu de ratures. Très souvent, il écrivait sur des feuilles de bloc-notes qu'il collait les unes aux autres de manière à former des rouleaux très stricts. Une analyse graphologique de ces manuscrits a été réalisée, qui révélerait une intelligence« ne dormant jamais », une indépendance extrême à l'égard des conventions, et qui contrôle, ou cherche toujours à contrôler, une extraordinaire sensibilité ; somme toute, un « cérébral »[24].
Dans son travail, il se méfiait du premier jet, du spontané. Pressé par le besoin d'argent, il livrait le plus souvent des contes non revus aux journaux ou revues auxquels ils étaient destinés. Toutefois, lors des republications, il apportait à ceux-ci d'importants changements, toujours dans le sens d'un meilleur resserrement du texte. Durant les derniers mois de son existence, il révisa de près ses fictions et ses écrits théoriques ou critiques en vue de la première grande édition de ses œuvres, qui parut àNew York en 1850.
Très conscient de son intelligence, logicien, il aimait faire montre de ses capacités analytiques. Ainsi, lors de la publication enfeuilleton deBarnabé Rudge (1841), roman deDickens, il aurait deviné la fin de l'intrigue avant la parution des dernières livraisons. De même,Le Mystère de Marie Roget est inspiré d'un fait réel, l'assassinat deMary Cecil Rogers àNew York en 1841, dont le corps avait été retrouvé dans l'Hudson, près de la rive duNew Jersey. Dans une lettre datée du, il explique que, dans son conte, en faisant faire à Dupin« une analyse très longue et rigoureuse de latragédie » et en reprenant « les opinions et les arguments de la presse », il démontre« le caractère fallacieux de l'opinion reçue » et a« indiqué l'assassin d'une manière qui donnera un nouvel élan à l'enquête », expliquant que la jeune femme n'a pas été assassinée, comme on le pensait, par une bande de voyous[25].
Sa supériorité dans l'art d'écrire fut aussi marquée par quelques canulars, où il appliqua sa théorie de l'effet. Le, il fit paraître dans un numéro spécial duNew York Sun un conte,Le Canard au ballon, présenté comme un fait réel. Par cette adroite mystification, il marquait son retour sur la scène littéraire new-yorkaise[26]. Quant àLa Vérité sur le cas de M. Valdemar, conte paru en 1845, l'éditeur, qui le publia comme unpamphlet, et les journaux qui le reprirent dans les éditions anglaises le présentèrent comme un rapport scientifique (parce qu'ils avaient été dupés).Elizabeth Barrett Browning lui écrivit pour louer « la puissance de l'écrivain et cette faculté qu'il a de transformer d'improbables horreurs en choses qui paraissent si proches et si familières »[27].
Dévoilement de la nouvelle tombe d'Edgar Allan Poe au cimetière de Westminster, à Baltimore.
Idéaliste, il était aussi très ambitieux, ce qu'il ne cachait pas. Il confia un jour à John Henry Ingram :« J'aime la gloire, j'en raffole ; je l'idolâtre ; je boirais jusqu'à la lie cette glorieuse ivresse ; je voudrais que l'encens monte en mon honneur de chaque colline et de chaque hameau et de chaque ville et de chaque cité sur Terre[28]. »
Dès l'enfance, il lisaitByron, dont l'influence devait marquer ses premiers poèmes,Coleridge et la plupart des romantiques de son époque. Par la suite, il devait se démarquer de ces auteurs et se signala par des critiques assez féroces contreColeridge. Il connaissait aussi parfaitement la littérature classique et goûtait particulièrementPope. Il professa une grande admiration pourOndine, conte deFriedrich de La Motte-Fouqué, pourShelley[29], pour le génie deDickens (notamment pourLe magasin d'antiquités), pourHawthorne. En revanche, il exprimait de sévères critiques à l'égard deCarlyle, d'Emerson (qu'il considérait comme la« respectueuse réplique » du premier), deMontaigne, dont l'emploi de la digression dans sesEssais était en contradiction avec ses idées sur la nécessaire unité d'un texte. De même, s'il pouvait dire deJohn Neal que « son art est grand, il est d'une nature élevée », il mettait en avant ses « échecs répétés […] dans le domaine de laconstruction de ses œuvres », due, selon lui, soit à une « déficience du sens de la totalité », soit à une « instabilité de tempérament »[30].
Malgré ses efforts, il ne vécut jamais dans une réelle aisance, mais connut souvent la misère, même s'il bénéficia de son vivant d'une réelle célébrité, surtout par ses activités de journaliste et son poèmeLe Corbeau.
Portrait d'Edgar Allan Poe, par William Abbott Pratt (1818-1879) à Richmond (Virginie) en. Les deux daguerréotypes pris par Pratt lors de cette séance sont les derniers à avoir été réalisés avant la mort de l'auteur à Baltimore en.
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L'alcoolisme de Poe a été démesurément exagéré, pour suggérer que sa vie aurait été une longue suite de beuveries et le disqualifier en tant qu'auteur. D'abord, il est peu probable qu'il ait pu écrire ou concevoir ses poèmes ou ses contes sous l'influence de l'alcool, ne serait-ce qu'en raison de la longueur, de l'arrondi et de la construction soignée de ses phrases. Ensuite, son flirt avec l'alcool était intermittent ; s'il lui arrivait de boire plusieurs jours de suite, il pouvait ne pas toucher une goutte d'alcool pendant des mois ou des années[31].
Avant 1841, il n'existe aucun document témoignant de ses rapports à l'alcool. En, il écrivit au docteur J. Evans Snodgrass :« Je suis tempérant jusqu'à la rigueur... À aucune période de ma vie je n'ai été ce que les hommes peuvent appeler intempérant... Mon tempérament sensible ne pouvait supporter une excitation qui était de chaque jour chez mes compagnons. Pour faire court, il est parfois arrivé que je sois complètement ivre. Pendant quelques jours, après chaque excès, j'étais invariablement cloué au lit. Mais cela fait maintenant quatre années entières que j'ai abandonné toute espèce de boisson alcoolisée — quatre ans, à l'exception d'un seul écart... quand j'ai été incité à recourir occasionnellement au cidre, dans l'espoir de soulager une attaque nerveuse ». Il est possible qu'il ait découvert l'alcool à l'université en 1826, comme nombre d'autres jeunes gens[32], mais l'un de ses camarades a témoigné du fait qu'il était réputé, parmi les professeurs, pour sa sobriété, son calme et sa discipline. Par la suite, il est demeuré de longues années sans boire ; il obtint trois lettres de recommandation lors de son départ de l'armée en 1829. Sa consommation aurait repris àWest Point, mais les témoignages à ce sujet sont douteux. Plus tard, l'un de ses amis a fait état d'une consommation modérée de liqueur, durant son séjour à Baltimore, en 1832[31].
C'est à Richmond, en 1835, qu'on trouve les premières traces avérées d'une consommation d'alcool excessive, mais occasionnelle. Dans sa lettre à Snodgrass, Poe explique :« Pendant une brève période, quand j'habitais à Richmond et publiais leMessenger, j'ai certainement cédé à la tentation, avec de longs intervalles, suscitée de tous côtés par l'esprit de convivialité du Sud ». Après plusieurs années de sobriété, à la suite de son départ dans le Nord, il semble qu'il se soit remis à boire, en diverses occasions, à l'époque de la maladie de son épouse, la succession des améliorations intermittentes et des rechutes l'ayant fait sombrer dans la dépression. Vers la fin, Poe rejoignit la division Shockoe Hill desSons of Temperance, à Richmond. Quant aux rumeurs d'alcoolisme, elles sont fondées sur le fait que, d'une part, il ne supportait pas l'alcool, et que, d'autre part, plusieurs personnes, soit qu'elles fussent fâchées avec lui (commeThomas Dunn English), soit qu'elles pussent se compter comme ses ennemis, ont profité de ces quelques occurrences où il est apparu ivre pour généraliser et prétendre qu'il était alcoolique, cela afin de le blesser et de salir son honneur, puis sa mémoire[31],[33]. De même, si le vin est un thème fréquent, dans les contes de Poe, il apparaît toujours sur un mode satirique ; les personnages décrits comme des connaisseurs sont généralement ivres ou sots ; le plus noble des vins n'apparaît pas comme un moyen de rendre la vie plus agréable ou plus riche, mais comme un piège pour l'imprudent et le faible. Le vin servait à Poe de métaphore ; à travers lui, il se moquait des prétentions de l'Homme et dénonçait ses tares[34].
Ses écrits
Tombe d'Edgar Poe, de Virginia et de Maria Clemm àBaltimore depuis 1875.
L'ambition d'Edgar Poe était de créer une véritable littérature nationale. En effet, à cette époque, l'influence européenne était prépondérante et la production du vieux continent affluait aux États-Unis dont la littérature — hormisWashington Irving etJames Fenimore Cooper — ne brillait guère que par ses histoires d'horreur — l'auteur le plus connu étant alorsCharles Brockden Brown — et ses romans sentimentaux. À ce titre, son œuvre de critique littéraire fut marquée par une véritable exigence de qualité, ainsi que la dénonciation des facilités et des plagiats.Longfellow fut la plus illustre de ses victimes ; il ne répondit jamais à ses accusations, encore que ses amis se fissent un plaisir, en réponse, de calomnier Edgar Poe dans les milieux littéraires new-yorkais[33].
Edgar Poe a laissé d'importants écrits théoriques, influencés parAugust Wilhelm Schlegel etColeridge, qui permettent de donner sens à son œuvre. Ses réflexions littéraires renvoient à ses conceptionscosmogoniques. DansEureka, il explique que l'univers, à l'origine, était marqué par l'unicité. Il a éclaté par la suite en quelque chose que l'on pourrait rapprocher de lathéorie du Big Bang, mais il aspire à retrouver son unité. C'est dans cet ouvrage, qui date de 1848, qu'est exposée la première solution plausible auparadoxe d'Olbers[35],[36]. De même, en littérature, l'unité doit l'emporter sur toute autre considération. D'où la théorie de l'effet unique qu'il développe dansPhilosophie de la composition (traduit par Baudelaire sous le titre deGenèse d'un poème): le but de l'art est esthétique, c'est-à-dire l'effet qu'il crée chez le lecteur. Or, cet effet ne peut être maintenu que durant une brève période (le temps nécessaire à la lecture d'unpoème lyrique, à l'exécution d'un drame, à l'observation d'un tableau, etc.). Pour lui, si l'épopée a quelque valeur, c'est qu'elle est composée d'une série de petits morceaux, chacun tourné vers un effet unique ou un sentiment, qui « élève l'âme ». Il associe l'aspect esthétique de l'art à l'idéalité pure, affirmant que l'humeur ou le sentiment créé par une œuvre d'art élève l'âme et constitue, de ce fait, une expérience spirituelle. Le poème, le conte, le roman ne doit tendre que vers sa réalisation, et toute digression doit être rejetée. De même, le roman à thèse, où l'intrigue est entrecoupée dedissertations sur tel ou tel sujet, est à proscrire. Adversaire du didactisme, Poe soutient, dans ses critiques littéraires, que l'instruction morale ou éthique appartient à un univers différent du monde de la poésie et de l'art, qui devrait seulement se concentrer sur la production d'une belle œuvre d'art[33].
L'univers, dit-il, est un poème de Dieu, c'est-à-dire qu'il est parfait. Mais l'Homme, aveugle aux œuvres de Dieu, ne voit pas cette perfection. C'est au poète, qui a l'intuition de cette perfection, grâce à son imagination créatrice, de la faire connaître à l'humanité. Mais certains poètes mégalomanes, guidés par ce que les Grecs anciens appelaienthubris, au lieu d'admettre l'impossibilité de l'imitation parfaite de l'intrigue de Dieu par l'Homme, prétendent se livrer à une concurrence sacrilège. Marqués non par l'imagination créatrice, mais par lafancy — une fantaisie délirante créant l'erreur, l'illusion —, ils ne voient pas la perfection de la création divine ; leur esprit aveuglé interprète le monde en fonction de leur cœur, de leur propre tourment intérieur ; ils sont voués au néant par leurambition prométhéenne. Dans la première catégorie, on peut citer le chevalier Auguste Dupin (Double assassinat dans la Rue Morgue,Le Mystère de Marie Roget etLa Lettre volée), William Legrand (Le Scarabée d'or) ou le baron Ritzner von Jung (Mystification). De même, dans certains contes, l'illusion est révélée par un parent au narrateur fiévreux qui a fui une épidémie de choléra dansLe Sphinx, par des lunettes qu'on offre au narrateur myope dansLes Lunettes, par la révélation des causes psychosomatiques de la sorte de catalepsie dont souffre le narrateur dansL'Enterrement prématuré. Dans la seconde catégorie, la figure la plus marquante est Roderick Usher, dont l'influence néfaste « contamine » le regard du narrateur et lui fait voir comme surnaturels des phénomènes qui ont, en fait, une explication rationnelle (Poe disséminant adroitement les indices de cette explication dans le texte)[33].
Manuscrit d’Eulalie, avec la signature d'Edgar Allan Poe.
DansLa Lettre volée (en anglais,The Purloined Letter), Edgar Poe imagine une intrigue où un certain « D. » (peut-être un frère du héros, le chevalier Auguste Dupin, comme semble l'indiquer la citation de la tragédieAtrée et Thyeste deCrébillon père : « Un destin si funeste, / S'il n'est digne d'Atrée, est digne deThyeste. ») vole à une dame de qualité unelettre compromettante. Pour la cacher aux policiers, qui surveillent ses allers-retours et fouillent son hôtel pendant son absence, il la met bien en évidence dans un tableau accroché au mur. L'aveuglement des policiers, à l'esprit médiocre, renvoie à l'aveuglement des hommes, incapables de saisir la perfection de l'intrigue de Dieu. Quant à « D. », Poe le décrit comme dominé par lafancy, au contraire du chevalier Dupin, qui finit par l'emporter grâce à son imagination créatrice[33].
La narration, chez Poe, est marquée par lapolysémie, dont témoignent les nombreux jeux de mots, dans les textes tragiques comme dans les textes comiques. Le narrateur, qui se signale le plus souvent par des lectures néfastes (littérature fantastique à l'allemande,romans gothiques,ésotérisme,métaphysique), décrit une histoire déformée par safancy, il ne maîtrise pas son écriture, dans laquelle plusieurs indices permettent d'appréhender la réalité sous-jacente[33].
Nombre d'histoires d'Edgar Poe, principalement celles qui devaient figurer dans lesContes de l'In-Folio, qu'elles relèvent du tragique ou du comique, appartiennent au registre de laparodie. Son but est de démontrer l'inconsistance des fausses gloires de son temps, dont seuls quelques-uns ont échappé à l'oubli. Ainsi,Metzengerstein imite les horreurs inventées dans les romans gothiques, commeLe Château d'Otrante d'Horace Walpole ouLes Élixirs du diable d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. L'histoire repose sur la croyance en lamétempsycose, pour laquelle Edgar Poe a toujours manifesté un profond mépris et qui relevait pour lui de l'aliénation mentale. DansLe Duc de l'Omelette, il se moque des maniérismes et du style affecté deNathaniel Parker Willis. DansUn événement à Jérusalem, qui reprend un roman deHorace Smith,Zilhah, a Tale of the Holy City (1829), il ridiculise l'orientalisme desromantiques. Quant àManuscrit trouvé dans une bouteille, il représente un pastiche des récits de voyage. De même, des contes commeBérénice raillent les outrances auxquelles se livraient les revues de l'époque.Le Roi Peste, de son côté, démonte les mécanismes du romanVivian Grey (1826), récit plein de fantaisie débridée à travers lequel, non sans incongruité,Benjamin Disraeli entendait dénoncer l'ivrognerie. De même, dansComment écrire un article à la « Blackwood » etA Predicament, la satire dénonce l'absurdité des contes à sensation, qui faisaient la fortune duBlackwood's Magazine, très célèbre revue d'Édimbourg. Quant à l'héroïne, Psyché Zenobia, c'est une femme de lettres américaine, un « bas-bleu »,Margaret Fuller, dont les sympathies pour lestranscendantalistes suffisaient à énerver Poe[33].
Plus largement, quand l'actualité ne venait pas lui fournir un sujet, il puisait assez souvent dans ses nombreuses lectures (que favorisait son travail de critique littéraire) pour concevoir et construire ses œuvres de fiction. Ainsi,Hop Frog est inspiré de l'accident advenu àCharles VI lors dubal des ardents, tel que l'a décritJean Froissart dans sesChroniques. De même,William Wilson est directement inspiré de la trame d'un poème dramatique que Byron aurait eu l'intention d'écrire, dont Washington Irving avait révélé le contenu dansThe Gift en 1836. Nathaniel Hawthorne s'était lui-même servi de ce matériau pour rédigerHowe's Masquerade[33]. Il s'est également inspiré, pour sa nouvelleLa Barrique d'Amontillado, deLa Grande Bretèche d'Honoré de Balzac[37].
Il pouvait aussi faire appel, comme tout écrivain, à son expérience personnelle. Ainsi,Un matin sur le Wissahicon relate au départ une promenade qu'il avait faite àMom Rinker's Rock et la rencontre d'un daim apprivoisé, même s'il s'éloigne vite de la simple transcription de souvenirs pour se livrer à une contemplation émerveillée de la nature et à une réflexion sur l'altération des paysages créée par la présence humaine, et plus largement sur les rapports entre l'industrie humaine et la beauté (sa description perdant tout réalisme pour basculer dans l'onirisme et offrir un coup d'œil éphémère sur une vision céleste)[33].
Edgar Poe est un auteur prolifique, qui laisse deux romans, de nombreux contes et poèmes, outre ses essais, ses critiques littéraires et son abondante correspondance. Une partie importante de ses contes et poèmes ont été traduits en français[38] parCharles Baudelaire etStéphane Mallarmé. D'une très grande qualité littéraire, ces traductions comportent, en dépit d'une grande fidélité au texte original, un certain nombre d'erreurs, de contresens ou de lourdeurs[39],[40],[41], voire certaines libertés qui nuisent à la compréhension de la pensée de Poe[42]. Si les poèmes ont pu faire l'objet de retraductions, le rôle joué par Baudelaire dans la célébrité de Poe en Europe a longtemps empêché tout travail en ce sens, seuls les textes qu'il avait laissés de côté ayant fait l'objet de traductions plus récentes. Ce n'est qu'en 2018 que des traductions intégrales de ses contes ont été publiées ; celles-ci ont permis au lecteur d'accéder à un texte exempt des erreurs deBaudelaire et de comprendre que la langue de Poe n'est nullement« plate ou pauvre », mais« classique et précise », et que« certains passages sont […] considérés comme des sommets de la prose américaine ». C'est le cas notamment du conte« Le pouvoir des mots », considéré par le critique et universitaireC. Alphonso Smith(en), et à sa suite le poèteWalt Whitman, comme« inégalé dans la prose anglaise ancienne et moderne »[43].
Pendant longtemps, l'image d'Edgar Poe fut tronquée ; elle l'est encore dans une partie importante du public[44]. Poe fut victime d'unpasteurbaptiste bien-pensant, par ailleurs littérateur jaloux,Rufus Griswold (1815-1857) — le « pédagogue vampire », selon le mot de Baudelaire —, qui s'acharna à détruire son image[45]. Le, déjà, il écrivait dans leNew York Tribune : « Edgar Poe est mort. Il est mort à Baltimore avant-hier. Ce faire-part étonnera beaucoup de personnes, mais peu en seront attristées. […] L'art littéraire a perdu une de ses plus brillantes et de ses plus bizarres célébrités[33]. » Par la suite, chargé avecJames Russell Lowell etNathaniel Parker Willis d'assurer l'édition desŒuvres posthumes de Poe[46], il rédigea une notice biographique parue en tête du troisième tome,« chef-d'œuvre d'ambiguïtés suggestives, de faux vraisemblables, de mensonges masqués, d'imaginations superbement jouées » selon Claude Richard. Il prétendit ainsi qu'il était alcoolique, mélancolique, c'est-à-dire victime d'un déséquilibre mental, et que c'était un personnage sinistre qui avait des« éclairs de génie ». Les légendes qu'il forgea eurent longtemps seules droit de cité, malgré les protestations des amis de Poe (Sarah Helen Whitman,John Neal,George Rex Graham,George W. Peck, Mrs Nichols ou Mrs Weiss)[47]. C'est grâce aux travaux de John Henry Ingram (1880)[48], James A. Harrison (1902)[49] et Arthur Hobson Quinn (1941)[50] que la vérité sur le travail de l'écrivain fut rétablie, avec l'édition, en 1902, des œuvres complètes de Poe, diteVirginia Édition, qui comporte dix-sept volumes[33],[51].
EnFrance même, où ses œuvres ont connu très tôt un large écho, grâce essentiellement aux efforts deCharles Baudelaire, nombre d'études témoignent d'une méconnaissance assez large du poète américain. Une part des légendes qui se colportent ont d'ailleurs été transmises par Baudelaire, lui-même, qui s'est reconnu dans cette image de l'écrivain hanté et misérable et l'a présenté avec trop d'insistance comme le parangon des poètes maudits[52] et sulfureux. Même s'il dénonce largement les légendes colportées parRufus Griswold (parmi lesquelles celle de l'alcoolisme de Poe), rappelant que, selon plusieurs témoins, il ne buvait généralement que fort peu, il décrit ce supposé alcoolisme comme « un moyen mnémonique, une méthode de travail »[53]. De même, il lui attribue ses propres penchants pour ladrogue[33].
Illustration d’Ulalume parDante Gabriel Rossetti (conservée au Birmingham City Museum and Art Gallery).
Plus tard, en 1933,Marie Bonaparte se livra à une importanteétude psychanalytique, qui est fréquemment citée parmi les grandes critiques de Poe et de son œuvre, et qui a eu une grande influence sur la réception de l'œuvre de Poe, ne serait-ce qu'en raison de son analyse des textes de Poe suivant le prisme de lapsychanalyse freudienne. Cela dit, plusieurs critiques considèrent son ouvrage comme assez contestable dans sa manière de reproduire et d'amplifier certaines légendes véhiculées parGriswold. Par exemple, elle affirme qu'Edgar Poe aurait aperçu, dans sa petite enfance, ses parents faisant l'amour, déduisant de cet événement des complexes dont témoigneraient, selon elle, ses textes. Influencée par les légendes répétées à l'envi depuisGriswold, qui présentent Poe comme un êtreneurasthénique, alcoolique, drogué, marqué par la fatalité[54], elle fait partie des analystes qui considèrent que Poe a écrit une œuvre largementautobiographique, transcrivant sur le papier ses propres terreurs[55]. Pour ce faire, si elle corrige certaines erreurs de la traduction deBaudelaire[56], elle se livre elle-même à certaines déformations, pour justifier son propos. Ainsi, la phrase : « Si dans maintes de mes productions, la terreur a été le thème, je soutiens que cette terreur n'est pas d'Allemagne, mais de l'âme — que j'ai déduit cette terreur de ses seules sources légitimes et ne l'ai poussée qu'à ses seuls résultats légitimes. », tirée de la préface desContes du grotesque et de l'arabesque, devient, sous sa plume : « Si dans maintes de mes productions, la terreur a été le thème, je soutiens que cette terreur n'est pas d'Allemagne, mais de monâme ». Pour ces critiques, cette lecture ignore pour une part le travail de l'écrivain et méconnaît la pensée de Poe, que l'auteur prétend qualifier de « nécrophile en partie refoulé en partie sublimé »[57],[58],[59]. Ainsi, selon le psychanalysteÉdouard Pichon,« les études des psychanalystes sur les artistes, représentées surtout, en France, par celles deLaforgue surBaudelaire et deMarie Bonaparte sur Edgar Poe, contiennent maints éléments intéressants, maisFreud a le bon sens d'écrire que la psychanalyse « ne peut rien nous dire de relatif à l'élucidation artistique »[60] ». Par ailleurs, et dans une perspective très différente de celle d'une Marie Bonaparte ou d'un René Laforgue,Jacques Lacan a également livré un commentaire psychanalytique de la nouvelle intituléeLa Lettre volée[56].
Hommages
Statue d'Edgar Allan Poe, parMoses Ezekiel (1917), à la faculté de droit de l'université de Baltimore.Statue d'Edgar Allan Poe, près du Capitole de l'État de Virginie, à Richmond (Historic American Buildings Survey, Librairie du Congrès, Washington).
Depuis 1917, une statue d'Edgar Allan Poe réalisée parMoses Ezekiel est installée dans le campus de la faculté de droit de l'université de Baltimore, à l'initiative de l'Edgar Allan Poe Memorial Association of Baltimore, fondée en par leWomen's Literary Club of Baltimore[61].
L'université de Virginie, àCharlottesville, conserve la mémoire d'Edgar Allan Poe et de la chambre où il a vécu de à. On a donné son nom à l'allée (Poe Alley) qui borde le bâtiment.
La West 84th Street, àNew York, a été baptisée « Edgar Allan Poe Street ». Elle est située dans l'Upper West Side, au nord-ouest deManhattan, entreRiverside Park etCentral Park, et coupée parBroadway. C'est là que se trouvait la ferme des Brennan, où les Poe ont vécu quelque temps entre 1844 et 1845[67]. On trouve également une place à son nom dans leBronx, à proximité ducottage où les Poe ont habité entre 1846 et 1849[68].
The Edgar Allan Poe National Historic Site, à Philadelphie (Pennsylvanie).Musée Edgar Allan Poe de Richmond.
La plus ancienne des maisons existant encore où ait vécu Poe se trouve àBaltimore. Elle est conservée sous la forme d’unMusée Edgar Allan Poe. Poe est censé avoir vécu dans cette maison à 23 ans, quand il s’installa une première fois avec Maria Clemm etVirginia ainsi que sa grand-mère et, peut-être, son frèreWilliam Henry Leonard Poe. Elle est ouverte au public, de même que le siège de la Société Edgar Allan Poe[72].
La plus ancienne maison deRichmond, baptisée « Virginia », où Poe n’a jamais vécu, est aujourd’hui le siège d’unMusée Edgar Allan Poe, centré sur les premières années de l’écrivain auprès de la famille Allan[75].
La première adaptation eut lieu en 1914 :La Conscience vengeresse (The Avenging Conscience ou Thou Shalt Not Kill en anglais)[82]film américain réalisé parD. W. Griffith. PuisLe Cœur révélateur (The Tell-Tale Heart) en anglais)[83] court-métrage américain réalisé parJules Dassin, sorti en1941. Un nouveau court-métrage américain de moins de dix minutes portant le même titreThe Tell-Tale Heart[84] sort en 1953. Un troisième film portant le même titre original sort en 1960, il s'agit d'un long-métrage d'horreur de 78 minutes réalisé par Ernest Morris[85]. En2009 sort le long-métrage anglo-américainTell tale[86] réalisé parMichael Cuesta avecJosh Lucas,Lena Headey etBrian Cox. En2012, Ryan Connolly sort un court-métrage d'horreur psychologiqueTell.
Le jeu vidéoThe Dark Eye dans ses énigmes fait référence à Poe et àThe Tell-Tale Heart.
Politien[93] (Politian, Richmond,Southern Literary Messenger, deux livraisons,–, inachevé)
Romans
Les Aventures d'Arthur Gordon Pym (The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket, deux livraisons,Southern Literary Messenger, janvier-février 1837 ; en volume,)
Le Journal de Julius Rodman (The Journal of Julius Rodman, six livraisons, Philadelphie,Burton's Gentleman's Magazine, janvier-), inachevé
Pourquoi le petit Français porte-t-il le bras en écharpe? (Why the Little Frenchman Wears His Hand in a Sling, Philadelphie,Tales of the Grotesque and Arabesque, 1840)
Préface desContes du Grotesque et de l'Arabesque (Philadelphie, 1840)
Le Scarabée d'or (The Gold-Bug, Philadelphie,Dollar Newspaper, 21 et)
Le Chat noir (The Black Cat, Philadelphie,United States Saturday Post,)
De l'escroquerie considérée comme l'une des sciences exactes (Diddling, intitulé à l'origine :Raising the Wind; or, Diddling Considered as One of the Exact Sciences, Philadelphie,Philadelphia Saturday Courier,)
Un matin sur le Wissahicon (Morning on the Wissahiccon,The Opal, automne 1843)
Les Lunettes (The Spectacles,The Philadelphia Dollar Newspaper,)
La Vie littéraire de Monsieur Thingum bob, ancien rédacteur en chef de « L'Oie soiffarde » (The Literary Life of Thingum Bob, Esq., Richmond,Southern Literary Messenger,)
Le Mille Deuxième Conte de Schéhérazade (The Thousand-and-Second Tale of Scheherazade,Godey's Lady's Book,)
Volumes 2-3 :Tales and Sketches, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 1978 (réimpression,1979 ; University of Southern Illinois,2000).
Volume 2 :The Brevities: Pinakidia, Marginalia and Other Works, New York, Gordian Press,1985 ;
Volumes 3 & 4 :Writings in The Broadway Journal: Nonfictional Prose, New York, Gordian Press,1986 ;
Volume 5 :Writings in the Southern Literary Messenger: Nonfictional Prose, New York, Gordian Press,1997.
Traductions classiques en français
Dès son vivant, Edgar Allan Poe a été traduit en de nombreuses langues et par d'innombrables auteurs ou rédacteurs, célèbres ou inconnus du public, avec des résultats littéraires comme commerciaux plus ou moins heureux. En langue française, nous connaissons essentiellement les traductions faites par Charles Baudelaire, mais contrairement à l'idée répandue, une recherche approfondie dans les archives historiques des journaux, gazettes et quotidiens de l'époque et dans la presse nationale, mais aussi régionale, montre que Baudelaire fut loin d'être le premier à tenter de faire connaître Edgar Poe au public français (avant lui il y eut Gustave Brunet dès 1844, Alphonse Borghers dès 1845, Emile Forgues en 1846 et Isabelle Meunier en 1847). Il existe, notamment sur le site web officiel de l’Edgar Allan Poe Society of Baltimore, une excellente étude très complète sur les nombreuses traductions et tentatives de traductions de l’œuvre d'Edgar Allan Poe de son vivant... et jusqu'au centenaire de sa mort en 1949 et jusque dans la presse régionale française[94]. Une page d'une importance considérable pour les bibliographes, tant elle donne de sources inattendues mais précises et vérifiables, objets potentiels de visites à des archives historiques de la presse ou à des bibliothèques de nos villes de province. Nous nous contenterons de citer ici les deux principaux traducteurs connus du public français : Baudelaire et Mallarmé, ainsi qu'un traducteur plus tardif mais important, Félix Rabbe, qui a publié en 1887 un livre de 355 pages contenant une traduction en français de plusieurs contes et poèmes parmi ceux restés jusque-là non traduits, un ouvrage réédité récemment en eBook gratuit.
Histoires, essais et poèmes, Lgf,coll. « La Pochothèque Classiques Moderne »,., édition établie par Jean-Pierre Naugrette, avec la collaboration de Michael Edwards, François Gallix (Autres Histoires non traduites par Baudelaire), France Jaigu et James Lawler, avec une nouvelle traduction de l'ensemble des poèmes de Poe.
↑Pour Christian Garcin et Thierry Gillybœuf,« la traduction de Baudelaire, si elle est (évidemment) belle à bien des égards, n'est évidemment pas exempte d'erreurs, de contresens, d'obscurités et de lourdeurs absentes de l'original. Parfois, ce sont de simples détails : dans« Morella », des yeuxlimpides au lieu d'êtrevitreux ; dans« Parmi les lions », le sixièmeciel devient le sixièmesiècle ; dans« Ombre », les gens sontheureux au lieu d'êtrenerveux, etcruellement éveillés au lieu de l'êtreparfaitement ; dans« Ligeia », uneobstination devientperversité, et un corps, au lieu desolide, est qualifié d’audacieux, etc. D'autres fois, ce sont des contresens dus à de faux amis : une traduction mot à mot de« I feel for you », par exemple, qui, au lieu de« je compatis », devient« je sens pour toi » - ce qui, force est de le reconnaître, ne veut pas dire grand chose ; ailleurs, lecomportement (« habits ») de William Wilson devient soncostume, etc. D'autres fois encore, ce sont d'assez obscures formulations : ici, unpetit médecin est qualifié d’homme médical ; là, le soleil est qualifié deseigneur médiatisé ; ailleurs, une joyeuse excitation devient undélice âcre, le brouhaha unecommotion, et un interlocuteur uninterrupteur… »Christian Garcin et Thierry Gillybœuf, préface (2018), p. 16.
↑Ainsi, Baudelaire ne distingue pas toujours lafancy et l'imagination créatrice ou introduit trop souvent un vocabulaire de type fantastique étranger à l'original. VoirClaude Richard (1974),p. 611.
↑a etbMarc Nacht,D'une exquise brisure du refoulement, Association lacanienne internationale,(lire en ligne).
↑Claude Richard, « Le Mythe de Poe » (1989). Il rappelle que« la fortune de Poe en France repose essentiellement sur trois appropriations : celle de Rufus W. Griswold, celle de Charles Baudelaire et celle de Marie Bonaparte. Elles ont donné naissance à trois mythes : le mythe de la morale, le mythe de la révolte et le mythe de la folie. »
↑Georges Walter (1998). L'auteur explique : « Je me suis toujours demandé pourquoi une légende noire d'alcool, d'opium et de démence a si longtemps voilé son image, alors que l'auteur deDouble assassinat dans la rue Morgue ne fut jamais fou que d'écriture ».
↑Poe, Edgar Allan :Derniers contes [traduction publiée par Félix Rabbe en 1887], contenant "Le duc de l'omelette", "Le mille et deuxième conte de Schéhérazade", "Mellonta tauta", "Comment s'écrit un article à la Blackwood", "La filouterie considérée comme science exacte", "L'homme d'affaires", "L'ensevelissement prématuré", "Bon-bon", "La cryptographie", "Du principe poétique", "Quelques secrets de la prison du magazine", édition originale de 1887 téléchargeable en PDF sur Gallicaici et réédité récemment en 2004 pareBooks Libres et Gratuits
La version du 17 septembre 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.