Réalisation | David Cronenberg |
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Scénario | David Cronenberg |
Musique | Howard Shore |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Alliance Atlantis Communications Canadian Television Fund Harold Greenberg Fund TMN Serendipity Point Films Téléfilm Canada Natural Nylon Entertainment UGC |
Pays de production | ![]() ![]() ![]() |
Genre | Science-fiction |
Durée | 96 minutes |
Sortie | 1999 |
Pour plus de détails, voirFiche technique etDistribution.
eXistenZ[1] est unfilm britannico-franco-canadien[2] descience-fiction réalisé parDavid Cronenberg, sorti en1999.
Dans unfutur proche, les joueurs dejeux vidéo sont reliés à un mondevirtuel grâce à uneconsole appeléepod. Ce système se connecte directement ausystème nerveux du joueur via unbioport, un trou percé à la base du dos du joueur. La démonstration du tout dernier jeu d'Allegra Geller (Jennifer Jason Leigh) tourne aucauchemar par l'intervention des « Réalistes », un groupe de fanatiques opposés à la « technologisation » de l'être humain[3].
Sauf indication contraire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données cinématographiquesIMDb, présente dans la section« Liens externes ».
Le titre du film reprend celui du jeu fictif au centre de l'intrigue. Sa graphie particulière, « eXistenZ », mêlant capitales et bas-de-casse, est détaillée par un des personnages (Levi) au début du film : « eXistenZ. Écrit comme ça. Un seul mot. Petit “e”, “X” majuscule, “Z” majuscule.eXistenZ. C'est nouveau, ça vient d'Antenna Research et c'est ici... et maintenant. »[5].
Elle est expliquée par Mark Browning dansDavid Cronenberg: Author or filmmaker? :« Dans la scène d'ouverture (et de clôture) d’eXistenZ, Cronenberg démonte les traits paradoxaux du langage utilisé dans les présentations commerciales. En présentant le jeu, Levi écrit le moteXistenZ sur un tableau noir en même temps qu'il le prononce et en insistant sur les lettres qui doivent être en majuscules[6]. ».Les lettresisten, en minuscules au milieu du mot, signifient « Dieu » en hongrois[7].[réf. nécessaire]
Certains ouvrages ont adopté une graphie partiellement normalisée en rétablissant la majuscule initiale :EXistenZ[8].
Unenovélisation du film a été écrite par l'auteur de science-fictionChristopher Priest, spécialiste des réalités parallèles[9].
David Cronenberg considèreeXistenZ comme étant son« film dickien »[réf. nécessaire], celui contenant le plus de thèmes proches de l’œuvre dePhilip K. Dick[10]. Il a d’ailleurs inclus une sorte d’hommage dans le film par le biais d'un sac en papier où est inscrit « Perky's Pat », en référence à la nouvelleThe days of Perky Pat (1963), qui est (en partie) l'inspiration du romanLe Dieu venu du Centaure (The Three Stigmata of Palmer Eldritch, 1965). Le film illustre laréalité simulée, comme d'autres de l'époque :Matrix par exemple.
On peut y voir une critique ducyberpunk, plus notamment d'un de ses dérivés : lebiopunk, ainsi que desunivers virtuels.
Jude Law est déjà habitué à lascience-fiction et ladystopie. Il jouait Jérôme Eugène Morrow dansBienvenue à Gattaca deux ans auparavant. Dans le même registre, il jouera encore Gigolo Joe dansA.I. Intelligence artificielle au côté deHaley Joel Osment en2001 et Remy dansRepo Men au côté deForest Whitaker en2010.
La trame du film est basée sur la confusion entre laréalité et laréalité virtuelle, que les personnages vivent hors et dans le jeu vidéo appeléeXistenZ, dont le but est tout simplement de vivre une aventure (à la manière d'unjeu d'aventure), dans un monde ultra-réaliste. Dans ce film,David Cronenberg donne une texture biologique aux objetstechnologiques : les consoles de jeu qui permettent de s'immerger dans le virtuel sont des sortes defœtus, les connexions sont assurées par descordons ombilicaux s'enfichant dans des orifices, les « bioports », créés au moyen d'une perforation de la colonne vertébrale en bas du dos.Alain Badiou affirme que dans le film,« « l'autre monde » est bâtard, conformément au génie de Cronenberg, qui vise toujours à greffer l'un sur l'autre des éléments ordinairement hétérogènes[11] » (réel et virtuel, mécanique et biologique ici). Le thème de l'hybridation entre biologie et technologie est également présent dans autres œuvres de Cronenberg, par exempleLe Festin nu ouVidéodrome.
David Cronenberg joue aussi avec les codes desjeux vidéo : personnages et actionsstéréotypés, des boucles d'actions qui continuent jusqu'à ce que le joueur fasse le « bon choix » pour les débloquer.Mehdi Belhaj Kacem compare ces scènes nécessaires à la poursuite de l'intrigue, dans lesquelles le joueur n'a plus de choix réel, auxcinématiques des jeux vidéo[12].
Le film est déroutant au sens où le spectateur lui-même se perd dans lamise en abyme du monde virtuel, jusqu'à la chute finale. Les personnages principaux essayent de se connecter au monde virtuel d'« eXistenZ » et n'y arrivent que tardivement, sans que l'on sache vraiment s'ils entrent dans le jeu ou s'ils y sont déjà. Comme le dit Belhaj Kacem,« depuis le départ, le jeu a semblé ne vivre que de ce qui le menaçait, l'empêchait de commencer, d'avoir lieu, de continuer »[13]. Cette impression est renforcée par la conspiration des « réalistes », les ennemis du virtuel, qui cherchent à détruire le jeu et ses moyens d'accès, ou bien qui utilisent le jeu et sont eux-mêmes virtuels. Badiou voit dans le terme « réalistes » une allusion à la philosophie (dans laquelle il existe un courant de penséeréaliste). Les réalistes condamnent moralement la fuite dans un imaginaire irréel que nous confondrions avec la réalité, voire nient que le virtuel ait une quelconque réalité (ils sont des « anti-deleuziens fanatiques »)[14].
eXistenZ fait l'objet de plusieurs analyses philosophiques etpsychanalytiques, à partir des concepts de l'angoisse et despulsions.
Mehdi Belhaj Kacem voit dans le film une recherche constante de la cause de l'angoisse, cause pourtant introuvable. Il réutilise la définition de l'angoisse deKierkegaard etHeidegger : une « peur » ou un « vertige » sans objet assignable, qui fait vaciller l'existence dans son ensemble[15]. Le film ajoute une dimension nouvelle à l'affect de l'angoisse, lajouissance, dimension absente de deux genres de film qui traitent de cet affect : le cinéma réaliste et lesfilms d'horreur. En effet, selon Belhaj Kacem, le cinéma « réaliste » classique réduit l'angoisse à ce qu'on pense qu'elle est dans la vie courante, à savoir une « psychofrigidité dépressive », un blocage existentiel et une souffrance pure. De l'autre côté, les films d'horreur cherchent à donner un objet à l'angoisse, donc à la ramener à une peur, afin de produire chez le spectateur unecatharsis, une décharge des affects négatifs. Les films d'horreur jouent le rôle d'exutoire. Belhaj Kacem écrit :
C'est le jeu qui transforme l'angoisse en jouissance, en quelque sorte le plaisir de ne pas savoir où on se trouve, si ce que l'on vit est réel ou non, réellement dangereux ou non. La pulsion, comme dans la scène d'érotisme entre Allegra et Ted, est artificiellement et esthétiquement créée dans le jeu, ce qui permet la jouissance de l'indétermination entre réel et virtuel ou mécanique et biologique, sur le mode fictionnel.
Jacques Brunet-Georget mobilise les concepts deLacan pour analyser la scène « érotique » du film dans laquelle Allegra et Ted s'embrassent et s'enlacent comme malgré eux, pris dans une pulsion de jeu. Il écrit, à propos du branchement du pod de Ted dans son dos par Allegra :
La cause du désir, ici le bio-port, échappe à la « saisie représentative », comme l'objet a de Lacan.
Il existe dans le film un parallèle évident entre le jeu et la sexualité. Paul Munier interprète la pose du bioport sur le corps de Ted une initiation parodique à la sexualité[18]. Les parties d'eXistenZ que Ted et Allegra font tous les deux semblent être vécues comme une relation sexuelle, mais une relation sexuelle paradoxale, dans la mesure où elle remplace la sexualité réelle. D'ailleurs, le goût pour le jeu relève plus chez Allegra de l'addiction que du désir sexuel. Paul Munier voit dans l'envie envahissante de jouer à eXistenZ une "maladieludiquement transmissible"[19]. Le pod est alors pensé comme un parasite qui répand une maladie chez les joueurs, et manipule leur comportement dans le but de les inciter à jouer. Le jeu est finalement une sortie du monde et un délaissement du corps, et il atteint une dimension spirituelle. Paul Munier écrit : "le corps se réduira aux coordonnées spatio-temporelles qui inscrivent l'esprit dans le réel. Cette inscription demeure nécessaire, car il faut bien un point de jonction, une porte d'entrée dans l'univers virtuel. Il faut bienentrer en extase"[20].
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