La version de Perrault est fondée surSoleil, Lune et Thalie deGiambattista Basile (publié à titre posthume en 1634), un conte lui-même fondé sur un ou plusieurs contes populaires. Une des premières versions connues de l'histoire estPerceforest, composé entre 1330 et 1344 et imprimé en 1528. Mais on peut aussi mentionner la version provençale (parfois considérée comme catalane) de la même époque que constitueFrayre de Joy e Sor de Plaser[3],[4].
Pour protéger sa fille, la princesse, le roi fait immédiatement interdire de filer au fuseau ou d’avoir un fuseau sous peine de mort. Pourtant, lors de son seizième anniversaire dans une partie reculée du château, la princesse découvre une vieille fileuse qui ne connait pas l’interdiction. Elle se pique aussitôt au fuseau et s’endort. La fée qui l'avait sauvée de la mort, en modifiant le sort, se rend sur place et endort tous les habitants du château pour que la princesse ne soit pas seule à son réveil. Le château est immédiatement envahi par une végétation d'origine magique. Il ne redevient accessible qu'au bout de cent ans, lorsqu’un prince, fils du roi, y pénètre et réveille la Belle au bois dormant. Dans la version de Perrault, c'est l'entrée du prince dans sa chambre qui réveille la princesse endormie, sans qu'il n'y ait aucun contact physique entre elle et lui.
« Cette bonne femme n'avait point ouï parler des défenses que le roi avait faites de filer le fuseau ». Illustration de Gustave Doré.« … il entre dans la salle des Gardes, qui étaient rangés en haie, la carabine sur l'épaule, et ronflant de leur mieux ». Illustration de Gustave Doré.« Il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu ». Illustration de 1867 deGustave Doré.
Sept fées-marraines de Perrault : l'auteur ne leur donne pas de nom distinctif. Les six premières font un don à la princesse, la septième infléchit le sortilège lancé par la vieille et méchante fée, incarnation de lafée Carabosse :
« On donna pour Marraines à la petite Princesse toutes les Fées qu'on put trouver dans le Pays (il s'en trouva sept), afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des Fées en ce temps-là, la Princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables. Cependant les Fées commencèrent à faire leurs dons à la Princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un Ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un Rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments à la perfection. »
— Charles Perrault.
Douze« femmes sages » de Grimm : de sept fées dans la version de Perrault, on passe à douze« femmes sages » (enallemand :weise Frauen) dans l'adaptation du conte des frères Grimm, plus une, la treizième, incarnation de la fée Carabosse :
« (Le roi) organisa une grande fête. Il ne se contenta pas d'y inviter ses parents, ses amis et connaissances, mais aussi des femmes sages afin qu'elles fussent favorables à l'enfant. Il y en avait treize dans son royaume. Mais, comme il ne possédait que douze assiettes d'or pour leur servir un repas, l'une d'elles ne fut pas invitée. La fête fut magnifique. Alors qu'elle touchait à sa fin, elles offrirent à l'enfant de fabuleux cadeaux : l'une la vertu, l'autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est désirable au monde. Comme onze femmes venaient d'agir ainsi, la treizième survint tout à coup. Elle voulait se venger de n'avoir pas été invitée. Sans saluer quiconque, elle s'écria d'une forte voix : – La fille du roi, dans sa quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera morte. Puis elle quitta la salle. Tout le monde fut fort effrayé. La douzième des femmes, celle qui n'avait pas encore formé son vœu, s'avança alors. Et comme elle ne pouvait pas annuler le mauvais sort, mais seulement le rendre moins dangereux, elle dit : – Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de cent années dans lequel sera plongée la fille du roi. »
La princesse change de nom au gré des versions. DansSoleil, Lune et Thalie, elle est Thalie (Soleil et Lune sont ses deux enfants jumeaux). Perrault ne lui donne pas de nom, elle est simplement« la princesse ». Il nomme cependant la fille de cette princesse, Aurore[5].Tchaïkovski transfère ce nom de lafille à lamère et nomme ainsi la princesse« Aurore », tout comme feraWalt Disney après lui. Quant auxfrères Grimm, ils disent qu'on l'appela Rose d'épine (enallemand :Dornröschen, titre du conte.Röschen est un diminutifhypocoristique), mais seulement à partir du moment où elle tombe endormie. Cette appellation est parfois rendue par(Little) Briar Rose (églantine), en anglais. Le nom de "Briar Rose", également abrégé en "Rose", est repris dans l'adaptation de Walt Disney par les fées-marraines pour dissimuler son identité véritable à Aurore, au cours des seize premières années de sa vie. Dans la version française, le prénom "Rose" est conservé seul.
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Laura Massetti a fait remarquer que la princesse endormie et ses enfants portent des noms appartenant au champ sémantique de la« lumière » (Soleil et Lune, Aurore et Petit Jour, dans la version de Perrault, etc.). De plus, le protagoniste de l'histoire est une princesse« qui se réveille ». Ces caractéristiques correspondraient à celles de deux déesses indo-européennes de l'Aube, à savoir :Euryphaessa/Éos en Grèce etUshas dans le panthéonvédique[6].
Perrault en transforme néanmoins sensiblement le ton. Le conte de Basile, écrit pour un public aristocrate et adulte, met l'accent sur la fidélité dans le couple et l'héritage. Perrault quant à lui écrit pour un public de la hautebourgeoisie, inculquant des valeurs de patience et de passivité chez la femme.
L'intrigue contient d'autres différences notables : le sommeil n'est pas le résultat d'unsortilège mais est annoncé par uneprophétie, le roi — qui est déjà marié — ne réveille pas Thalie par un baiser[8] mais la viole dans son sommeil ; lorsqu'elle donne naissance à ses deux enfants, l'un d'eux lui tête le doigt, ôtant l'écharde de lin qui l'avait plongée dans le sommeil, ce qui la réveille[9]. Dans cette version, Thalie reste dans le chateau où l'avait déposé son père. Le roi revient la retrouver à plusieurs reprises et sa femme, la reine, devient soupçonneuse. Elle tente de faire manger les enfants de Thalie à son mari, puis de brûler Thalie — et d'utiliser ses cendres pour faire des lessives. C'est finalement elle qui trouve la mort.
Il existe des sources plus anciennes du conte, parmi lesquelles le roman dePerceforest, dans lequel la princesse Zellandine tombe amoureuse de Troylus. Le père de la princesse met le jeune homme à l'épreuve pour déterminer s'il est digne de sa fille et, alors qu'il est parti, Zellandine tombe dans un sommeil enchanté. À son retour, Troylus la trouve endormie et, tout comme dansSoleil, Lune et Thalie, la viole dans son sommeil. Quand leur enfant naît, il tête le doigt de sa mère et en extrait ainsi l'écharde de lin qui est à l'origine de son sommeil. Elle sait grâce à l'anneau que Troylus lui a laissé qu'il est le père de l'enfant. À la fin de ses aventures, Troylus finit par l'épouser.
Graham Anderson[10] a émis une théorie[11] qui met en relation les versions de Basile et de Grimm avec les mythes antiques deChloris d'une part, dePhilomèle de l'autre. Il considère que l'histoire de Philomèle et Procné a perdu son commencement, et mentionne un contearménien à l'appui de sa thèse d'un rapprochement avec le« rossignol ».
Le poète russeVassili Joukovsky (1783-1852) a publié une version en vers intituléSpiachtchaïa tsarevna (« La Princesse endormie ») qui suit fidèlement l'histoire, quoique adaptée à l'environnement russe[12].
Bruno Bettelheim, dansPsychanalyse des contes de fées, voit dans ce récit un processus initiatique, une manière de préparer les petites filles aux changements qui les attendent[13].Malgré toute l'attention des parents et les dons prodigués par ses marraines, la petite fille est frappée dès le berceau, c'est-à-dire dès sa naissance, par la malédiction qui s'accomplira à son adolescence. Cette malédiction, marquée par le sang qui coule (une allusion à lamenstruation) a une origine ancestrale. S'ensuit un repli sur soi (un sommeil de cent ans) et une forêt de ronces qui ne se lèvera qu'à l'arrivée duprince charmant, le seul à trouver la voie, à lever les obstacles et sortir la princesse de son sommeil grâce au baiser de l'amour. Le prince n'est en fait qu'une figure accessoire, la trame du conte mettant en scène les diverses phases de la vie d'une femme : l'enfance, l'adolescence et la jeunesse représentée par la princesse, la mère représentant l'âge adulte, lafécondité et lagrossesse, et la vieillesse incarnée par la fée Carabosse.
Dans une étude qui renouvelle la lecture de ce conte, Ute Heidmann[14] démontre les liens entre le conte de Perrault et l'histoire de la condition des femmes de la noblesse. À travers la personne de la dédicataire du recueil du manuscrit d'apparat de 1695 et du livre publié chez Barbin en 1697, un lien apparait entre l'Apologie des femmes et le conte de Perrault. Heidmann lit le conte comme une mise en garde de la princesse en passe d'être mariée et objet d'un différend entre sa mère, la Princesse Palatine, et le roi Louis XIV lui-même. La présence à peine cachée de l'histoire sous le conte merveilleux est certainement un aspect majeur de ce long texte, objet d'une triple publication (en 1695, 1696 et 1697), inséparable de l'épître dédicatoire et de la devise de la vignette qui la surplombe :Pulchra et nata coronæ, traduit en vers sous la devise latine et le blason des Bourbons :« Je suis belle et suis née / Pour estre couronnée ». Cette lecture montre à quel point la suppression de la deuxième partie du récit de Perrault, par les Grimm et chez de nombreux traducteurs et éditeurs, ruine la mise en garde et l'attention à la filiation : le prince qui épouse la belle endormie est fils d'une ogresse à laquelle il confie sans discernement femme et enfants pour aller à la guerre. Le réveil de la princesse devenue reine est pour le moins rude et elle ne survit, et ses enfants avec elle, que grâce à la solidarité et à la pitié qu'elle inspire au Maître d'Hôtel de son ogresse de belle-mère.
DansMaléfique, le long métrage produit par Disney en 2014, le conte est de nouveau changé. Le personnage principal estMaléfique, la méchante sorcière et méchante fée : celle-ci apparaît tout au long du film comme étant un personnage plutôt bienfaisant malgré le sort qu'elle a jeté surla Princesse Aurore, la Belle au bois dormant, commandé par un sentiment de vengeance qui l'animait à la suite de la perte de ses ailes, coupées par son ancien compagnon le roi Stéphane, le père de la Princesse Aurore, la Belle au bois dormant.
En 1981, la chanteuse Dorothée évoque le conte dans sa chansonDisney dimanche, écrite par William Leymergie et co-composée par son producteur Jean-Luc Azoulay (Sous le pseudonyme de Jean-François Porry) et le musicien Gérard Salesses. Dans cette chanson, qui est le générique de l'émission du même titre, et qui paraît en face B de son 45 tours comprenant en face A sa chansonRox et Rouky, Dorothée cite, parmi d'autres personnages dont les contes ont été adaptés en dessins animés par Walt Disney,La Belle au bois dormant qui attend son prince charmant mais ne sait pas quand il viendra.
En 1982, la chanteuse Dorothée évoque à nouveau le conte dans sa chansonDors mon petit ange, parue sur son albumHou ! La menteuse, chanson écrite par son producteur Jean-Luc Azoulay (Sous le pseudonyme de Jean-François Porry) et co-composée par ce dernier avec le musicien Gérard Salesses. Dans cette chanson, qui est une berceuse, Dorothée raconte l'histoire à un petit enfant dans son lit, pour l'endormir. Mais elle commence par raconter l'histoire à partir du moment où le prince charmant arrive au château sur son cheval blanc, et jusqu'au moment où le prince réveille la princesse par un baiser. La chanson se termine en évoquant le fait que le petit garçon à qui Dorothée raconte l'histoire finit par s'endormir, et que dans ses rêves, il dort dans le pays bleu deLa Belle au bois dormant et finit par devenir lui-même le prince charmant du conte.
Dans le parc d'attractionsDisneyland Paris, le château de la Belle au bois Dormant est inspiré du dessin animé deDisney. Elle est également présente dans le parc d'attractionsEfteling, où La Belle et ses habitants vivent dans leur château dans leBois des contes.
DansA Kiss in Time, d'Alex Flinn, Talia (la Belle au Bois Dormant) est réveillée par un jeune homme duXXIe siècle.
La série littérairePrincesses mais pas trop, de Jim C. Hines reprend le monde des contes de fées de façon plus adulte. Dans cette série, la Belle au Bois Dormant, Blanche-Neige et Cendrillon sont des agents secrets au service de leur reine.
Beauté, deSarah Pinborough, est le troisième tome d'une série littéraire reprenant les contes dans un style beaucoup plus adulte, mettant en scène la belle au bois dormant.
Dans le manga deKaori YukiLudwig Revolution, le personnage de la Belle apparaît sous le nom deLedike (diminutif de Friederike).
Les Infortunes de la Belle au bois dormant (The Sleeping Beauty Quartet(en)), d'Anne Rice, est une série de quatre nouvelles, érotiques BDSM, mettant en scène d'une façon revisité Belle après son réveil.
Matériau Maman, roman[17] dePaloma Hermina Hidalgo, est une réécriture du conte, mêlée de récit autobiographique, où le personnage principal, enfant martyre, développe une psychose à la mort de sa mère[18].
Lilas Voglimacci,Lectures de « La Belle au bois dormant » : approche d’un mythe littéraire, thèse de doctorat, Université Denis Diderot, 1995.
Contes pour les enfants et la maison. Collectés par les frères Grimm, édités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin. Paris, José Corti éditeur, 2 tomes.(ISBN978-2-7143-1000-2).3e éd. 2013.
↑C'est-à-dire« La Belle dormant au bois », le déplacement de l'adjectif étant unehypallage ;Charles Perrault,Contes (introduction, notices et notes de Catherine Magnien), éditions Le Livre de Poche Classique.
↑La traduction d'Édouard Dentu (1879) s'intituleLe Soleil, la Lune et Thalie, mais la version originelle italienne ne comporte pas d'articles,Sole etLuna étant des prénoms.
↑Bruno Bettelheim,Psychanalyse des contes de fées, traduction de Théo Carlier, Robert Laffont 1976, réédition Pocket, 1999.
↑Ute Heidmann (in Conte et Histoire, Paris, Classiques Garnier), « "Histoire du temps passé et critique du temps présent. La belle au bois dormant dédiée à la nièce de Louis XIV" »,volume collectif,,p. 241-267(ISBN978-2-406-06030-7).