Alfred Damon Runyan voit son nom modifié à la suite d'une erreur typographique (Runyon), et son premier prénom, supprimé de la même manière. Il garde donc son nom d'auteur définitif Damon Runyon sous lequel il connaît une immense popularité durant sa courte vie.
Runyon se réclamait d'ancêtres « hors-la-loi ». De sa famille, il disait :« Nous sommes issus d'une longue lignée de voleurs de chevaux huguenots chassés de France par le Shérif et sa bande »[1]. Il est vrai que son père se déplaçait souvent avec six armes à feu, d'où le nombre élevé de mots d'argot que le futur auteur a inventés pour désigner un pistolet. Le jeune Runyon a une petite enfance itinérante et une éducation décousue. Né au Kansas, il passe son enfance àPueblo, auColorado. Son père, un simple imprimeur, aide son fils à faire ses premiers pas dans la presse. Dès l'âge de 15 ans, il acquiert le statut de reporter duPueblo Evening Press.
En1901, le navire de guerre américainMaine est coulé en rade deLa Havane. Le garçon, qui n'a pas encore 17 ans, veut s'engager dans un régiment de cavalerie du Colorado. Comme on le refuse à cause de son âge, il va s'inscrire dans leMinnesota comme volontaire dans l'infanterie pour combattre auxPhilippines. Il signe alors des articles pour divers journaux et commence à faire paraître des contes et nouvelles à partir de 1907.
À son retour, il sillonne le Colorado en train, va d'un petit boulot dejournaleux à un autre avant de se fixer àDenver où il travaille comme « reporter - pionnier de l'Ouest » pour des journaux deDenver : leRepublic, lePost et leDenver News. C'est toutefois auRocky Mountains Post qu'il acquiert une vraie réputation de journaliste, mais aussi de poète local, et surtout de pilier de bar invétéré. Il faut attendre sa rencontre avec Ellen Egan, sa future femme, pour que Runyon se décide à « lâcher la bouteille », du moins le temps de faire sa cour à la jeune fille, ce qui ne l'empêche pas de fumer trois paquets de cigarettes par jour et de boire des litres de café. Entre 1912 et 1916, il est correspondant étranger àMexico et le plus souvent, pendant laPremière Guerre mondiale, enEurope.
Arrivé àNew York à l'âge de trente ans, il publie des recueils de poèmes, mais il allait connaître la gloire comme auteur de nouvelles et comme journaliste au service des sports duNew York American (journal du groupeHearst). En 1911, ses reportages sur lebaseball déchaînent l'enthousiasme des lecteurs et lui valent un fameux salaire, ce qui lui permet d'épouser Ellen, dont il a une fille en 1914 et un garçon en 1918. Vedette du journalisme, il est peu fait pour la vie au foyer et ne passe qu'en coup de vent dans sa famille. Sa vie est ailleurs : aux champs de courses, sur les terrains de sport, et surtout àBroadway où il loue une garçonnière. Il se lève tard, prend de solides repas dans un restaurant nommé Lindy's. Dans ses histoires policières, Lindy's devient Mindy's, et ses récits s'amorcent souvent ainsi :J'étais tranquillement assis chez Mindy's, en train d'attaquer un fameux ragoût, quand soudain, qui vois-je paraître ? En général, il s'agit d'un mafieux avec un chagrin d'amour, d'un cambrioleur avec un plan foireux, ou d'unbookmaker poursuivi par un parieur énervé.
Il meurt d'uncancer de la gorge en 1946. Peu après sa mort est fondé par son amiWalter Winchell le Damon Runyon Cancer Research Institute, un fonds de recherche sur le cancer.
Les contes et nouvelles qui ont rendu célèbre Damon Runyon ont pour toile de fond le quartier deBroadway où s'agitent les petites gens, mais surtout le milieu interlope des parieurs, voyous et mafieux, petits voleurs, bookmakers et demi-mondaines pendant laGrande Dépression et laProhibition. Ils mettent en scène un personnage neutre, éternel témoin d'aventures abracadabrantes, quand il n'y est pas mêlé lui-même contre son gré. Fréquemment, ce narrateur devient le confident d'individus louches, dont il raconte les mésaventures à la première personne (je). Le style savoureux de Damon Runyon, mélange très particulier de préciosité et d'argot, a souvent recours à des formules savamment littéraires et à des inventions de langage. En cela, il a beaucoup contribué à enrichir leDictionnaire de l'argot américain, avec des mots tellement imagés que même les plus talentueux traducteurs ont du mal à en restituer l'originalité. Les amateurs de la « langue Runyon » préfèrent le lire dans le texte. Mais la traduction garde la dynamique du récit, l'humour et le comique de situations qui séduisent par leur acuité à révéler les travers du citadin avec unhumour sans vulgarité et un don d'observation qui l'on fait« qualifier deO. Henry moderne »[2]. Styliste novateur,« il a marqué son époque et influencé leroman noir »[2]. Les textes de Damon Runyon ont fait l'objet d'innombrables adaptations théâtrales et cinématographiques qui ont connu un vif succès. Parmi celles-ci, on peut citerL'Idylle de Miss Sarah Brown, dont est tirée lacomédie musicaleBlanches colombes et vilains messieurs (Guys and Dolls), créée àBroadway en1950, puisadaptée au cinéma sous le même titre en1955, dans un film réalisé parJoseph L. Mankiewicz, avecFrank Sinatra,Jean Simmons,Marlon Brando.Deux Nigauds dans le foin (It Ain't Hay) avec le duoAbbott et Costello est également inspiré d'un de ses récits.
Publié en français sous le titreNocturnes dans Broadway, traduit par René-Noël Raimbault et Charles-P. Vorce, Paris, Calmann-Lévy,1947 ; réédition augmentée de neuf nouvelles tirées deThe Bloodhounds of Broadway and Other Stories (1985), traduites par Marie Tadié, Paris, Gallimard, « Du monde entier »,1986 ; réédition, Paris, Gallimard, « L'Imaginaire »no 572,2008
Furthermore, 1938
Take It Easy, 1938
The Best of Runyon, 1938
My Wife Ethel, 1939
My Old Man, 1939
The Damon Runyon Omnibus, 1939 (nouvelle édition augmentée en 1944)
Damon Runyon Favorites, 1942
Capt. Eddie Rickenbacker, 1942 (en collaboration avec W. Kiernan)
Runyon à la Carte, 1944
Ten Stories, 1945
In Our Town, 1946
The Three Wise Guys, and Other Stories, 1946
Trials and Other Tribulations, 1947 (publication posthume)
Runyon First and Last, 1949 (anthologie posthume)
Runyon on Broadway, 1950 (anthologie posthume, précédée d'introduction parE. C. Bentley)
More Guys and Dolls, 1950 (anthologie posthume)
Damon Runyon from First to Last, 1954 (anthologie posthume)
A Treasury of Damon Runyon, 1958 (anthologie posthume)
The Bloodhounds of Broadway and Other Stories, 1985 (anthologie posthume avec une introduction par Tom Clark)
Romance in the Roaring Forties and Other Stories, 1985 (anthologie posthume avec une introduction par Tom Clark)
Le Complexe de Broadway, traduction et préface de René-Noël Raimbault,Éditions Gallimard, « Du monde entier »,1955 ; réédition, Paris, Gallimard, Foliono 1388,1982
Le Mauvais Cheval, traduit par Emmanuelle Cocud, Paris, Payot & Rivages, Rivages pocheno 586,2007
Un job pour le Macaroni, traduit par Emmanuelle Cocud, Paris, Payot & Rivages, coll. Littérature étrangère,2009
So You Won't Talk!, 1937 (Comme ça tu ne parleras plus, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village)
The Big Umbrella, 1937
Pick the Winner, 1937
A Call on the Prisident, 1937
A Piece of Pie, 1937 (Une part de gâteau, nouvelle parue dans le recueilNocturnes dans Broadway)
A Job for the Macarone, 1937 (Une job pour le Macaroni, nouvelle parue dans le recueil français éponyme)
Neat Strip, 1938 (Un strip-tease d'enfer, nouvelle parue dans le recueilUne job pour le Macaroni)
Nothing Happens in Brooklyn, 1938
Palm Beach Santa Claus, 1938 (Noël à Palm Beach, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
Leopard's Spots, 1939
Old Em's Kentucky Home, 1939 (La vieille Em rentre chez elle, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
Little Pinks, 1940 (Son Altesse, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
Johnny One-Eye, 1941 (Johnny n'a qu'un seul œil, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village ; autre traduction sous le titreJohnny le Borgne, dansLe Saint détective magazineno 30, août 1957)
Cleo, 1941
Barbecue, 1941 (Grillotine, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
The Cuckoo, 1942
The Lacework Kid, 1944 (La Môme dentelle, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
The Melancholy Dane, 1944 (Le Danois mélancolique, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
The Brakeman's Daughter, 1944 (La Fille du serre-freins, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
For a Pal, 1944 (Deux vrais amis, nouvelle parue dans le recueilLe Complexe de Broadway)
Situation Wanted, 1944 (Recherche d'emploi, nouvelle parue dans le recueilUne job pour le Macaroni)
All Horse Players Die Broke, 1944
Fat Fallon, 1944
Two Men Named Collins, 1944
A Light in France, 1944 (Lumière en France, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village)
Broadway Incident, 1944 (Mystère dans Broadway, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village)
Blonde Mink, 1945 (Le Vison blond, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village ; autre traduction sous le titreUn mort un peu là !, dansMystère magazineno 200, septembre 1964)
Big Boy Blues, 1945 (Le Petit Blues, nouvelle parue dans le recueilBroadway mon village)