Trou dans le radiateur de la navette spatiale américaine Endeavour provoqué par un débris durant la mission ST-118. Le diamètre de l'orifice d'entrée est de 6,4 mm et celui de sortie est le double.Test destiné à simuler l'impact d'un débris spatial dans un véhicule en orbite au centre de recherche de laNASA.Cette série de photographies capturée grâce à une caméra rapide représente un essai d'impact d'une bille en aluminium sur une plaque elle-même en aluminium à4,5km/s soit16 000km/h. Cet essai a été réalisé parThiot Ingénierie dans le but de simuler l'effet d'un impact de débris spatiaux sur un satellite.
Undébris spatial, dans le domaine de l'astronautique, est un objet artificiel circulant sur uneorbite terrestre, amené là dans le cadre d'une mission spatiale, et qui n'est pas ou plus utilisé. Lesdébris spatiaux de grande taille comprennent lesétages supérieurs deslanceurs spatiaux et lessatellites artificiels ayant achevé leur mission. Mais la majorité des débris spatiaux résultent de l'explosion accidentelle d'engins spatiaux ou, phénomène récent, de leur collision. La dimension de ces débris peut aller d'une fraction de millimètre à la taille d'un bus. Les débris spatiaux, dont le volume va croissant, constituent une menace grandissante pour les applications spatiales alors que celles-ci jouent désormais un rôle essentiel dans les domaines de laprévision météorologique, dupositionnement et destélécommunications.
Ces débris constituent la manifestation la plus importante de lapollution spatiale et représentent en 2021 une menace très grave pour les engins spatiaux opérationnels en orbite basse. La vitesse moyenne de l'ordre de8km/s des objets circulant à cette altitude leur confère uneénergie cinétique très élevée : l'impact sur un satellite d'un débris spatial de l'ordre du centimètre de diamètre est équivalent à celui d'une enclume en chute libre, et au-delà de cette taille la destruction de l'engin spatial est quasi assurée. Le risque associé à leur rentrée atmosphérique, lorsque le point de chute n'a pu être contrôlé, est limité et on ne compte en 2023, depuis le début de l'ère spatiale, aucune victime ni dommage substantiel lié à ce type d'événement.
Un débris spatial est défini comme un objet artificiel (fabriqué par l'homme) qui se trouve en orbite autour de la Terre et qui n'est pas ou plus utilisé[1]. Unsatellite artificiel lorsqu'il arrive en fin de mission devient un débris spatial. L'étage supérieur d'unlanceur resté en orbite après avoir rempli sa tâche est également un débris spatial.
Depuis le début de l'ère spatiale (lancement deSpoutnik 1 le) plus de 5 000 engins spatiaux ont été lancés dans l'espace par les différentes puissances spatiales de la planète. La majorité d'entre eux (environ 4 800 en 2007) ont été placés sur une orbite terrestre[2] et quelques centaines, les sondes spatiales, ont quitté l'environnement immédiat de laTerre pour explorer laLune ou les autresplanètes dusystème solaire. Chacune de ces missions a généré un certain nombre de débris spatiaux.
Les débris spatiaux catalogués (dépassant dix centimètres) ont différentes origines : fragmentation de l'engin (52,6 %), satellites arrivés en fin de vie (24,4 %), étages de fusée (10,3 %), débris volontairement largués dans le cadre des missions (10,4 %)[3].
La principale source de débris spatiaux est la fragmentation d'engins spatiaux en orbite. Jusqu'en 2007 (année de la destruction volontaire d'un satellite par un missile anti-satellite chinois) presque tous les débris spatiaux à vie longue avaient pour origine ce type d'événement. Début 2020 les fragmentations étaient encore à l'origine de 60 % du volume des débris spatiaux[4].
La fragmentation a pour origine, dans la plupart des cas, une explosion interne. Cette fragmentation peut se produire des décennies après le lancement. On recensait ainsi entre zéro et neuf fragmentations par an entre 1960 et 2018 et un total de 242 à cette dernière date, soit environ quatre par an. Les processus à l'œuvre comprennent l'explosion de batteries, les explosions à haute énergie dues à la présence d'ergols dans les réservoirs, l'implosion de réservoirs normalement sous pression (faible énergie). Ces incidents touchent de manière plus fréquente certains satellites ou certains étages de fusées. Dix missions sur les 5 385 lancées depuis le début de l'ère spatiale sont à l'origine de 33 % des débris catalogués (dépassant dix centimètres). Certains équipements sont à l'origine d'un grand nombre de fragmentation : ainsi50 événements de fragmentation (19,8 %) sont dus au moteur SOZ, une petitefusée de tassement de l'étage supérieur russeBloc DM éjectée après usage. En tout, 44 % concernent des éléments de propulsion. Concernant les causes, 24,4 % événements sont des destructions délibérées de satellite, 3,7 % sont dues aux batteries, 2,5 % résultent de collisions[5],[3].
Au cours de l'année 2020 cinq événements de ce type ont été identifiés par le réseau de surveillance et de suivi américain des débris. Ils concernaient[6] :
unsatellite militaire russe (Cosmos 2525), aux caractéristiques inconnues, lancé en 2019. Il a produit 26 débris spatiaux catalogués (plus de dix centimètres environ). Ce satellite dispose manifestement d'un système de propulsion (il a changé d'orbite en cours de vie), qui est sûrement à l'origine de l'explosion ;
le troisième étage d'unlanceurrusseTsyklon-3, lancé en 1991, qui a produit 112 débris spatiaux catalogués. Cinq autres explosions sur ce modèle d'étage, sans doute dues à la mise à feu de résidus d'ergols hypergoliques se sont produites au cours des deux décennies précédentes[7] ;
l'étageFregat d'une fusée russo-ukrainienneZenit lancée en 2011 qui a produit 325 débris spatiaux catalogués (le plus grave incident de ce type depuis cinq ans). Certains de ces débris spatiaux circulent sur des orbites très élevées (jusqu'à 6 000 kilomètres) ce qui implique qu'ils ne rentreront pas dans l'atmosphère avant plusieurs siècles ;
lacoiffe d'une fuséejaponaiseH-IIA, lancée en 2018, qui a généré 87 débris. Aucune source d'énergie n'étant stockée dans la coiffe, son éclatement est sans aucun doute dû à l'impact d'un autre débris spatial (donc à ranger dans la catégorie de débris suivante). Un des fragments produits est passé à faible distance de laStation spatiale internationale et celle-ci a du manœuvrer le pour l'éviter[8] ;
lesatellite d'observation de la Terre russeResours-O1, placé en orbite en 1994 et qui a produit 72 débris. Ce satellite utilise uneplateforme Meteor-2 qui a déjà été impliquée dans un événement de fragmentation à plusieurs reprises[8].
Collision entre engins spatiaux et/ou débris spatiaux
Jusqu'en 2007 aucun cas de fragmentation lié à une collision n'avait été recensé. En 2021 la deuxième source de débris en nombre est la collision de deux engins spatiaux entre eux ou d'un engin spatial avec un débris spatial. Les deux collisions qui se sont produites en 2007 et 2009 ont à elles seules augmenté de 30 % le nombre de débris de plus de 10 cm. À une échelle microscopique les collisions avec des débris de très faible taille détachent des écailles depeinture.
Les plus gros débris sont constitués par le dernier étage dulanceur qui est placé en orbite en même temps que sacharge utile. Les recommandations appliquées par les principales nations spatiales préconisent que l'étage dispose de suffisamment de carburant (si lemoteur-fusée peut être remis à feu) ou dispose d'un système propulsif spécifique lui permettant de réduire son orbite et d'effectuer une rentrée atmosphérique peu de temps après avoir achevé sa mission.
Une fois leur mission achevée les satellites restent généralement sur leur orbite car un retour sur Terre nécessite de disposer d'une masse d'ergols, ce qui impose de réduire la part du satellite consacrée à sa mission. En 2007, sur les 2 400 satellites en orbite on estime que plus des trois quarts étaient des engins spatiaux ayant achevé leur mission[2].
De manière anecdotique, certains débris spatiaux sont des équipements perdus par desastronautes, alors qu'ils effectuaient des opérations de montage et de réparation durant unesortie extravéhiculaire. En fait partie la trousse à outils d'Heidemarie Stefanyshyn-Piper, perdue lors de la missionSTS-126 en.
Le nombre de satellites faisant partie des méga-constellations (Starlink etOneWeb en 2023, d'autres constellations étant en cours de préparation) croit de manière quasi exponentielle et risque d’accroître fortement le volume de débris spatiaux. Le diagramme présente l'évolution entre 2012 et 2022 du nombre de satellites placés en orbite chaque année par grande catégorie : satellites géosynchrones, mégaconstellations,CubeSats et picosatellites (<1 kg) et autres satellites[16].
Les débris spatiaux ne restent pas de manière permanente en orbite. Par exemple, il ne subsiste plus en 2016 aucun des débris produits par l'explosion du satellite soviétiqueCosmos 2421, qui a eu lieu en 1986 à une altitude de 410 km et qui a généré à l'époque509 débris de plus de 10 cm[17]. En effet, l'atmosphère résiduelle, qui subsiste dans l'espace près de la Terre, freine progressivement le débris spatial, dont l'altitude s'abaisse jusqu'à ce qu'il soit ramené au niveau des couches denses de l'atmosphère lorsque son altitude approche les 100 km. Il effectue alors unerentrée atmosphérique, au cours de laquelle il s'échauffe et se disloque. Certaines pièces peuvent survivre à cette phase et parvenir jusqu'au sol, mais la plupart sont vaporisées. L'orbite s'abaisse d'autant plus vite que la surface exposée aux forces detraînée est importante et que l'altitude initiale est faible (cas du satelliteCosmos 2421). Si le débris spatial se trouve à 600 km d'altitude, il retombe sur Terre au bout de quelques années. À une altitude initiale de 800 km, il ne revient au sol qu'au bout de plusieurs décennies. Au-dessus de 1 000 km d'altitude, le débris spatial reste en orbite plusieurs siècles[13]. La « durée de vie » moyenne élevée des débris spatiaux combinée avec une activité de lancement soutenue (environ80 lancements par an au cours de ladécennie 2010) ont pour conséquence une augmentation constante des débris spatiaux depuis le début de l'ère spatiale. Le nombre a fortement cru à la fin desannées 2000 à la suite de deux collisions majeures, la destruction volontaire du satellite chinoisFengyun-1C et lacollision accidentelle deIridium 33 etCosmos 2251), qui ont accru d'environ 30 % le nombre de débris de plus de 10 cm.
Une orbite géostationnaire moins impactée mais plus sensible
Lorsqu'il y a collision ou explosion les débris résultant sont projetés dans toutes les directions avec des vitesses variables. De ce fait ils se retrouvent dispersés sur des orbites très différentes multipliant d'autant les risques qu'ils font peser sur les satellites opérationnels. Les fragments se retrouvent selon le cas sur des orbites plus basses, identiques ou plus hautes que l'orbite originelle. La dispersion des orbites résultantes est d'autant plus importante que l'événement à leur origine a été énergétique. On représente les orbites à l'aide d'un diagramme dit « de Gabbard » dans lequel lepérigée et l'apogée de chaque débris est représenté en fonction de sapériode orbitale. Les débris projetés dans le sens du déplacement orbital augmentent en apogée et en période, ils correspondent aux deux bras droits du X. Les débris projetés dans le sens rétrograde ont un périgée et une période diminués (les deux bras gauches du X). Les projections dans les directions perpendiculaires à l'orbite influent peu sur les caractéristiques de période, d'apogée et de périgée, les débris dans ce cas sont concentrés autour du centre de la croix[19]. L'étude de la distribution des éléments de ce diagramme permet aussi de déterminer les causes de la fragmentation[20].
Dommage maximum subi par un engin spatial heurté par un débris spatial en fonction du diamètre de celui-ci. La limite entre les trois niveaux de dégât dépend de la zone d'impact (réservoir, panneau solaire, électronique…).
Les accidents impliquant des débris spatiaux restent encore relativement peu fréquents, du fait de l'immensité de l'espace. À titre d'exemple, laStation spatiale internationale risque un impact critique avec un objet d'une taille comprise entre 1 et 10 cm[Note 1] que tous les soixante-dix ans ; si l'on exclut de la surface de la station ses immensespanneaux solaires dont la perte ne serait pas forcément critique, le risque tombe à un impact tous les trois siècles[24]. Pour un satellite d'une durée de vie de dix ans, le risque d'être détruit par un débris spatial est à peu près identique à celui de l'être lors du lancement (soit une chance sur 100)[25].
Ces probabilités relativement faibles peuvent conduire à sous-estimer l'importance du problème posé par les débris spatiaux. Cependant, en considérant le nombre élevé de satellites opérationnels actuellement en orbite, la probabilité que l'un d'entre eux percute un débris spatial de plus de 1 cm culmine à plus de 50 % par année[26], en dépit des risques individuels bas. De plus, l'étendue de la menace augmente au fil des impacts, puisque chaque collision génère de nouveaux débris. Si l'orbite terrestre basse atteint ladensité critique à partir de laquelle le nombre de débris créés par les collisions surpasse le nombre de rentrées atmosphériques, elle deviendra impraticable, ce qui pourrait s'avérer catastrophique étant donné que nos systèmes de communication actuels sont étroitement dépendants des satellites placés dans cette zone. Cette réaction en chaîne est connue sous le nom desyndrome de Kessler. Il est donc nécessaire de réaliser que les débris spatiaux constituent un risque non négligeable pour les instruments scientifiques coûteux placés en orbite ainsi que pour les missions habitées[27].
La menace des débris spatiaux pour les équipages en orbite est prise au très sérieux car une collision pourrait conduire à la perte de l'équipage par dépressurisation, mise hors service de leur engin spatial ou même frappe directe d'un astronaute durant une sortie dans l'espace. Lastation spatiale internationale est particulièrement exposée car contrairement aux missions de quelques jours, elle accueille en permanence un équipage généralement de six personnes alors qu'elle circule sur une orbite comprise entre 300 et 400 km où on trouve une concentration particulièrement importante de débris spatiaux[28],[29]. En 2007 les experts américains évaluaient la probabilité de pénétration de la partie pressurisée de la station spatiale par un débris à 29 % sur une période de 15 ans, la probabilité d'abandon de la station à 8 %, celui de la perte de la station, avec éventuellement perte de l'équipage, de 5 %. Ces chiffres partent de l'hypothèse que les protections anti-débris des vaisseaux Progress et Soyouz sont améliorées : si ce n'est pas le cas la probabilité de perforation passe à 46 %. Ces chiffres sont jugés pessimistes par les Russes qui se reposent sur l'expérience accumulée avec la stationMir[30].
Mark Lee teste le systèmeSAFER au cours de la missionSTS-64
Les débris constituent également une menace durant lessorties extravéhiculaires des astronautes, car ils peuvent perforer lescombinaisons spatiales et entraîner une dépressurisation mortelle (l'astronaute dispose d'environ 15 secondes pour réagir avant de perdre conscience)[31],[32]. La probabilité d'une perforation de la tenue spatiale est toutefois, selon les experts américains, très faible compte tenu de la distribution des débris et des protections incorporées dans les combinaisons spatiales : 6 % après 2 700 heures d'activités extravéhiculaires d'une équipe de deux personnes[33]. L'astronaute peut également perforer sa combinaison en y faisant un accroc (survenu une fois mais sans conséquence) ou partir à la dérive. Pour combattre ce dernier risque, les procédures concernant l'accrochage sont très strictes et en ultime recours l'astronaute emporte un dispositif propulsif, leSAFER, fournissant undelta-v cumulé de3m/s[Note 2].
En mai 2021, l'ISS a été percuté par un débris spatial qui a perforé son bras articuléCanadarm 2. Le trou créé mesure 5 mm de diamètre[34].
Les risques au sol sont nettement plus faibles, car les fragments entrant dans l'atmosphère sont majoritairement vaporisés par la chaleur due aux frottements avec l'air. Pour autant, des débris de taille non négligeable sont parfois retrouvés sur Terre et des prévisions sont faites régulièrement par les organismes de surveillance[35]. Bien que de tels atterrissages soient très peu fréquents, ils représentent un danger car les objets qui retombent sur Terre sont souvent hors de contrôle et peuvent par conséquent s’écraser n’importe où. Toutefois, la rentrée atmosphérique des engins les plus massifs (gros satellites, stations spatiales) est généralement contrôlée par des manœuvres précises effectuées en orbite et le point de chute privilégié est situé vers lepoint Nemo, la zone du Pacifique Sud la plus éloignée des terres émergées et où le trafic maritime est particulièrement réduit[36]. Jusqu’à présent, aucun impact destructeur n’est survenu dans des zones habitées[26]. Le risque lié aux rentrées atmosphériques de débris spatiaux est largement surestimé par les médias. Depuis le début de l'ère spatiale aucune personne n'a été tuée par des débris spatiaux mais des cas de dommage aux biens sont régulièrement rapportés. Une étude effectuée en 2022 à partir des statistiques de rentrée des 30 années précédentes, estime à 10% la probabilité qu'une personne soit victime d'un débris spatial au cours de la décennie à venir. Toutefois ce taux ne prend pas en compte la forte augmentation du nombre de satellites lancés ces dernières années en lien avec le développement des constellations géantes (Starlink,OneWeb...)[37].
Pièces d'engins spatiaux ayant survécu à la rentrée atmosphérique
Les nombreux vieux satellitesdésorbités sont conçus pour brûler intégralement dans l'atmosphère afin de minimiser le risque d'impact au sol. Ainsi décomposés en poussières dans la haute atmosphère, ils y constituent une forme nouvelle depollution d'autant plus problématique qu'elle est persistante, lastratosphère étant plus stable et surtout non « lessivée » par les pluies. Ces particules, dont la masse totale ne représente qu'une infime fraction duflux de matière extraterrestre tombant sur Terre (plusieurs milliers de tonnes par an) diffèrent par leur composition chimique (essentiellement des oxydes d'aluminium, de lithium, de cuivre et de plomb), et peuvent ainsi dégrader lacouche d'ozone et modifier l'albédo de la Terre[38],[39],[40].
Couverture du réseau de surveillance des débris spatiaux des États-Unis début 2019. Le réseau principal géré par l'Armée de l'Air permet d'établir l'orbite des débris supérieurs à dix centimètres en orbite basse et un mètre en orbite géostationnaire. Des radars de la NASA (Haystack et Goldstone) permettent de déterminer statistiquement le volume des débris en orbite basse dont le diamètre est supérieur à quelques millimètres.
Ledépartement de la Défense des États-Unis (DoD) et l'agence spatiale civile, laNASA, coopèrent pour réaliser le recensement et le suivi des débris spatiaux. Leréseau de surveillance spatiale du DoD, constitué d'une trentaine de radars et de télescopes optiques répartis sur la planète ainsi que de six satellites en orbite, maintient un catalogue de 20 000 objets dénommé« Two Lines Elements » » (TLE) recensant tous les engins spatiaux (actifs ou non) et débris spatiaux d'une taille supérieure à 10 centimètres enorbite basse et de plus de 1 m enorbite géostationnaire). Celui-ci contient les caractéristiques de l'orbite du débris spatial qui permettent de déterminer en temps réel leur position. De son côté la NASA réalise un recensement statistique des débris dont la taille est inférieure à 10 centimètres et supérieure à quelques millimètres en utilisant plusieurs équipements : deux radars de l'observatoire Haystack duLincoln Laboratory (Massachusetts Institute of Technology) - le Haystack Ultrawideband Satellite Imaging Radar (HUSIR) et le Haystack Auxiliary Radar (HAX) —, deux des radars du complexeGoldstone duréseau d'antennes de communications utilisé pour communiquer avec les sondes spatiales ainsi que plusieurs télescopes pour compléter les données recueillies par les radars[41],[42],[43].
Le satelliteLDEF avant son déploiement parChallenger au-dessus de la Floride.
Pour évaluer le volume et la distribution des débris dont la taille est inférieure au millimètre, la NASA a analysé différentes pièces dutélescope spatial Hubble (panneaux solaires changés en cours de vie, équipement remplacé) et de la navette spatiale américaines (panneaux de régulation thermique, vitres) exposées dans l'espace et ramenées sur Terre. Le satelliteLDEF, déployé par la missionSTS-41-CChallenger et récupéré parSTS-32Columbia, a passé68 mois en orbite. L'examen minutieux de sa surface a permis d'analyser la distribution directionnelle et la composition du flux de débris. Le satellite européenEureca, déployé parSTS-46Atlantis et récupéré326 jours plus tard parSTS-57Endeavour a révélé un millier d'impacts sur sespanneaux solaires et 71 sur son corps, de100µm à 6,4 mm[44].
Le catalogue « Two Lines » duDoD est exploité par les militaires à la fois à des fins internes (détection de lancement de missiles, surveillance des satellites militaires étrangers et plus généralement de toute activité suspecte) et pour répondre aux besoins des opérateurs de satellites civils qu'ils soient américains ou étrangers : ceux-ci reçoivent des messages d'alerte dès qu'un risque de collision entre un satellite et un autre engin spatial ou un débris spatial. Le message d'alerte est transmis trois à cinq jours avant l'impact potentiel pour permettre à l'opérateur de planifier et réaliser les manœuvres d'évitement. La prédiction est d'autant plus précise que les caractéristiques orbitales du débris sont connues. Cette précision n'existe pas pour les débris de très petite taille car elle nécessiterait des moyens supérieurs à ceux disponibles (400 000 observations effectuées chaque jour). La solution adoptée est de déterminer les risques d'impact en prenant des marges importantes puis de raffiner le résultat en effectuant des observations complémentaires pour préciser l'orbite et déterminer le risque de collision réel[45].
Depuis 2014 lesuivi des débris et des satellites est prise en charge parEU Space Surveillance and Tracking (EU SST). Cette organisation créée par l'Union européenne réunit laFrance, l'Allemagne, l'Italie, laPologne, lePortugal, laRoumanie, l'Espagne et leRoyaume-Uni. Les pays y sont représentés par leurs agences spatiales respectives. Cette structure regroupe les moyens de ces pays pour assurer uneveille spatiale et fournir aux opérateurs des satellites (en 2020 environ140 satellites) et aux autorités européennes trois types de service : des alertes pour risque de collision avec un engin spatial actif, le détail des débris produit par une collision et les caractéristiques de la rentrée atmosphérique de débris et d'engins spatiaux. Le système repose début 2021 sur51 capteurs de surveillance ou de suivi de trois types : des radars (comme le radarGraves français ou le radarTIRA allemand), des télescopes optiques (par exemple letélescope OGS de l'Agence spatiale européenne) et des stations detélémétrie laser sur satellites (par exemple Matera en Italie). Les données collectées sont traitées par les centres opérationnels (OC) nationaux puis le résultat est remonté dans une base de données européenne gérée par l'Allemagne. À partir de cette base de données, les centres opérationnels français et espagnols sont responsables de la fourniture de l'alerte en cas de collision tandis que le centre opérationnel italien fournit les données sur les conséquences d'une collision et les rentrées atmosphériques. Un portail internet géré par l'EU SatCen restitue aux utilisateurs ces informations. Environ 90 organisations utilisent cette prestation en 2020[46]. Cette veille spatiale est par ailleurs un des trois composants du programmeSpace Situational Awareness qui comprend également la surveillance des objets naturels proches de la Terre et la météorologie spatiale.
Selon l'Institute of Aerospace Systems deBrunswick, la trajectoire n'est pas connue pour 110 000 autres débris en orbite terrestre, compris entre un et dix centimètres, ainsi que des objets artificiels allant du millimètre au centimètre dont le nombre est estimé à330 millions et dont la trajectoire est erratique[47] (sans compter les poussières indétectables allant du millimètre au micromètre). La masse totale de ces débris est estimée à 5 900 tonnes[25].
Cet institut est à l'origine du modèle de distribution et de vitesse des débris nommé MASTER (Meteoroid And Space debris Terrestrial Environment Reference) et utilisé par l'ESA pour calculer les probabilités et directions de collision en orbite. L'agence européenne possède un catalogue de 26 000 débris qu'elle suit avec un réseau d'observatoires et de radars pour corroborer ce modèle.
Dans le cadre du programmeSpace Situational Awareness (SSA) de l'Agence spatiale européenne (ESA), des chercheurs du Fraunhofer-Gesellschaft enAllemagne ont un rôle de premier plan dans ce projet : ils fournissent le récepteur du système radar. L'institut Fraunhofer de la physique des hautes fréquences et des techniques radar (le FHR àWachtberg) réalise le démonstrateur, en collaboration avec la société espagnole Indra Espacio qui se charge de l'ensemble émetteur[réf. souhaitée].
détermination des risques de collision entre satellites impliquant au moins un satellite opérationnel ;
détection des satellites soit massifs soit polluants (radioactivité) susceptibles d'effectuer unerentrée atmosphérique et présentant donc un risque pour les habitants.
L'Armée française utilise ses radarsSATAM pour déterminer de manière plus précise les objets d'intérêts (risque de collision ou retombées atmosphériques). Les données des radars SATAM et GRAVES sont traitées par le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) créé en 2014 avec des objectifs à la fois militaires et civils (protection des populations)[49],[50].
LeCNES dispose d'un centre d'orbitographie opérationnelle (COO) qui surveille les débris grâce au service Caesar[51]. Le CNES utilise à temps partiel (15 %) deux télescopesTAROT dont la mission principale est la détection dessursauts gamma et qui sont situés pour l'un sur leplateau de Calern en France et pour l'autre à l'observatoire de La Silla auChili. Ceux-ci permettent d'identifier de manière expérimentale les objets situés enorbite géostationnaire ougéosynchrone[52].
Préconisations destinées à limiter le volume des débris
Pour limiter la multiplication du nombre de débris spatiaux, les principales puissances spatiales ont progressivement défini des règles de bonne conduite à appliquer lors de la conception des nouveaux engins spatiaux et durant les phases de déploiement en orbite puis en fin de vie. L'application des mesures les plus importantes ont un coût car elles entraînent généralement une réduction de la masse de lacharge utile emportée par lelanceur. Bien que ne présentant pas de caractère obligatoire, cette réglementation est pratiquement appliquée par les principales puissances spatiales.
Dès les débuts de l'ère spatiale, au début des années 1960, des recherches sont menées aux États-Unis pour évaluer le problème soulevé par les débris spatiaux mais la communauté internationale ne prend conscience de celui-ci que plus tard au milieu des années 1970 dans le cadre de conférences organisées par laFédération internationale d'astronautique. C'est à cette époque (1978) queDonald J. Kessler expose les conséquences de collisions d'objets en orbite qui pourraient, par une réaction en chaîne, aboutir à une augmentation exponentielle des débris rendant l'orbite basse inutilisable (syndrome de Kessler). La première conférence consacrée aux débris spatiaux est organisée en 1982 par l'agence spatiale américaine, la NASA, suivie en 1983 par une conférence sur larentrée atmosphérique des débris atmosphériques organisée par l'Agence spatiale européenne. Cette dernière faisait suite à la rentrée atmosphérique de la station spatiale américaineSkylab et à celle du satelliteCosmos 1402[53]
Au cours des années 1970 et 1980 les agences spatiales et les nations impliquées dans levol spatial acquièrent progressivement une expertise sur les processus aboutissant à la fragmentation des objets en orbite, sur la modélisation de l'impact d'un débris spatial frappant un satellite à une vitesse de plusieurs kilomètres par seconde et sur la désintégration plus ou moins partielle d'un engin pénétrant dans l'atmosphère. Disposer d'une vision globale du sujet nécessitait toutefois des échanges bilatéraux entre les experts des différentes puissances spatiales. Ces échanges qui débutent à l'initiative de laNASA conduisent à la création en 1993 du comitéIADC par la NASA et les agences spatiales européenne, japonaise et russe. L'objectif de ce comité est de permettre aux experts de coordonner leurs travaux sur le sujet. Ce comité est aujourd'hui (2020) considéré comme le référent technique dans le domaine des débris spatiaux. Les débris spatiaux constituent également un des thèmes traités depuis 1994 par leComité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (UNCOPUOS) de l'ONU[53].
La menace constituée par les débris spatiaux et le fait que la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux ait été signée par presque tous les pays entrainent l'adoption d'un ensemble de mesures destinées à réduire le volume des débris spatiaux. Ces mesures sont formalisées par l'IADC dans un document diffusé en 2002 (IADC Space Debris Mitigation Guidelines). Ce document de référence a, depuis, servi de base pour la rédaction par les nations de documents réglementaires, et de point de départ pour l'application de standards techniques. Il n'existe cependant pas en 2023 de standardisation des mesures à l'échelle mondiale. L'UNCOPUOS a formalisé un ensemble de recommandations accepté par l'ensemble des acteurs portant sur la pérennité des activités spatiales[53].
Il est demandé aux opérateurs d'engins spatiaux de respecter les règles suivantes portant sur la passivation des étages de fusée et des satellites, les modalités de leur désorbitation en fin de vie et leur rentrée contrôlée dans l'atmosphère terrestre.
Immédiatement après le lancement, les responsables de la mission doivent procéder à la passivation des étages supérieurs du lanceur restés en orbite après leur utilisation (le dernier étage du lanceur se retrouve généralement sur une orbite proche de celle de la charge utile) par largage du carburant résiduel, pour limiter le risque d'une explosion des imbrûlés qui engendrerait des milliers de nouveaux débris[54].
Une action similaire doit être réalisée sur les satellites en fin de mission pour éviter également leur explosion. Elle comprend notamment le largage des ergols inutilisés et la déconnexion des batteries pour éviter qu'une surcharge ne les fasse exploser[54].
Les responsables de mission doivent limiter le temps de séjour des étages supérieurs du lanceur et du satellite lorsque sa mission est achevée dans les deux régions orbitales protégées parce que particulièrement fréquentées. Les orbites protégées sont celles dont l'altitude est inférieure à 2 000 kilomètres et l'orbite géostationnaire (altitude : 36 000 ± 300 km)[54] :
pour les engins placés sur une orbite basse les opérateurs doivent respecter la règle dite des « 25 ans » qui impose que tout satellite se trouvant en orbite basse doit rentrer dans l’atmosphère avant un quart de siècle. Ainsi, pour remplir cet objectif, le satellite françaisSPOT-1 a diminué son altitude en fin de mission à l'aide de sa propulsion (fin 2003), réduisant sa présencepost mortem en orbite de 200 à15 ans[55] :
pour les satellites circulant à des altitudes où la désorbitation n'est pas économiquement envisageable :
si le satellite est situé sur une orbite basse il doit être déplacé sur une orbite dont l'altitude est constamment supérieure à 2 000 km.
En pratique, pour que ces consignes puissent être appliquées dans le cas d'un satellite, il faut que la mission ait été conçue de manière que le satellite dispose de suffisamment de carburant en fin de mission ce qui exclut de nombreuses missions lancées antérieurement à l'implémentation de ces règles. Par ailleurs le changement d'orbite se produit longtemps après la mise en orbite et le satellite a pu tomber en panne ou ses équipements peuvent être trop dégradés pour lui permettre de changer d'orbite. Enfin aucune obligation n'est imposée aux opérateurs gérant ces satellites : entre 1997 et 2000, 22 des58 satellites géostationnaires ont été abandonnés, et pour 20 d'entre eux l'orbite n'a pas été modifiée de manière à éviter tout risque[2].
Les recommandations internationales concernent également la rentrée atmosphérique des satellites lorsqu'elle peut être contrôlée. Celle-ci devra s'effectuer de manière à que les débris subsistant s'écrasent dans une zone inhabitée telle que les zones océaniques peu fréquentées (Sud de l'océan Pacifique). Les autorités maritimes et aériennes concernées doivent être informées de la date, de l'heure, de la trajectoire et de la position de la zone d'impact[54].
Définition de « règles de bonne conduite » nationales
Sans attendre la mise en place d'une réglementation internationale légalement contraignante pour tous les pays, les principales agences spatiales occidentales ont formalisé de manière interne des règles de bonnes conduite qui ne restent toutefois que des recommandations :
NASA (États-Unis) :Safety Standard NSS-1740.14 - Guidelines and Assessment Procedures for Limiting Orbital Debris (1995) ;
NASDA (Japon) :Space Debris Mitigation Standard NASDA-STD-18 (1996) ;
CNES (France) : CNES Standards Collection, Method and Procedure Space Debris – Safety Requirements (RNC-CNES-Q40-512) (1999) ;
En application des règles relatives à la gestion des débris spatiaux, laCommission fédérale des communications (FCC), notamment régulateur aux Etats-Unis de l'activité spatiale liée aux télécommunications, a sanctionné en l'opérateurDish Network pour ne pas avoir appliqué la réglementation concernant la fin de vie de son satelliteEchoStar-7 circulant sur uneorbite géostationnaire. L'opérateur n'a pas réussi à placer son satellite arrivé en fin de vie sur l'orbite de rebut réglementaire, située300 kilomètres plus haut que l'orbite opérationnelle. Faute d'une quantité d'ergols suffisante, l'orbite d'EchoStar-7 n'a pu être relevée que de122 kilomètres. La FCC a appliqué une amende de 150 000 US$ et demandé qu'une série de mesures soient prises au sein de la société dans le but de garantir l'application de la réglementation sur les débris spatiaux[56].
Les choix technologiques en vue de la protection et de la fin de vie d’un satellite constituent un compromis entre les intérêts parfois divergents de nombreux acteurs des domaines de la recherche, l’industrie, l’économie et la politique notamment. À titre d’exemple, les blindages et les systèmes de désorbitation embarqués à bord des satellites alourdissent ces derniers et peuvent interférer avec les buts scientifiques de la mission ; ils représentent également un surcoût important. Cependant, les blindages sont une mesure de sécurité indispensable pour les véhicules habités en particulier[57], et la planification de la fin de vie du satellite est imposée par certaines agences spatiales telles que l’ESA[58]. Cette contrainte est une conséquence des règles de bonne conduite que l’ESA cherche à respecter, et le soutien de l’agence peut être retiré aux missions qui ne s’y conforment pas[58]. La conception d’un satellite impose ainsi d’établir un équilibre entre l’évaluation des risques, les intérêts scientifiques et économiques et la réalisabilité technique, tout en tenant compte des consensus internationaux auxquels adhèrent la plupart des agences spatiales majeures. Relever ce défi représente une opportunité pour le développement de technologies innovantes, dont plusieurs centres de recherche et entreprises privées tirent parti[58]. Un exemple notable est celui duClearSpace-1 conçu par l’EPFL (Suisse), un petit satellite visant à désorbiter leCubeSatSwissCube lancé en 2009. Il s’agit d’une technologie démonstrative, dont l’objectif principal est d’illustrer la faisabilité du retrait actif des débris orbitaux (RADO)[59] et d’inciter les agences spatiales à adopter ce type de technologie. Le projet est actuellement dans une phase de recherche de fonds[60]. Cette difficulté à trouver des financements illustre le peu d’intérêt que porte l’industrie aux techniques vouées à la préservation d’un bien commun (ici l’espace), qui n’ont aucune garantie d’être rentables pour l’entreprise et de pouvoir être massivement commercialisées[58]. À l’image deClearSpace-1, de nombreuses autres solutions (par exemple de nouveaux types de capteurs ou des microsatellites destiné à l’étude des débris spatiaux) sont actuellement au stade de technologies démonstratives[61], certaines déjà en phase de test et d’autres non encore concrétisées. L’avenir de telles innovations est incertain et dépendra directement des intérêts de l’industrie, ainsi que de l’évolution du cadre légal international. Cela illustre le fait que la gestion des débris spatiaux est un domaine en plein développement et en continuel changement, dont la complexité en fait bien plus qu’un simple défi technologique.
Malgré la mise en place progressive d'une réglementation, le risque de collision d'un engin spatial opérationnel avec un débris spatial présentant un risque pour sa survie n'a pas cessé de s'accroitre. La réduction des risques se fait d'abord par une surveillance des plus gros débris spatiaux à l'aide de radars ou de moyens optiques depuis le sol afin d'anticiper des collisions potentielles et de modifier en conséquence les trajectoires des satellites menacés. Mais ces mesures ne permettent pas d'éviter tout danger car les débris de quelques centimètres, potentiellement dangereux compte tenu de leur vitesse, ne peuvent être suivis avec les instruments existants. La deuxième mesure consiste à limiter la production de nouveaux débris par une conception adaptée des engins spatiaux :passivation des réservoirs d'ergols pour éviter une explosion ultérieure, limitation du largage de pièces au moment du déploiement en orbite des satellites… La réglementation doit définir également des règles, qui doivent être acceptées par tous car contraignantes sur le plan économique, pour limiter le séjour des satellites et des étages de fusée en orbite en obligeant les organisations spatiales à prévoir une réserve d'ergols permettant d'abréger la durée de séjour en orbite des engins arrivés en fin de vie. Les constructeurs d'engins spatiaux prennent déjà des mesures pour protéger les parties sensibles de ceux-ci lorsqu'ils circulent sur des orbites où les débris sont particulièrement denses. Enfin différentes solutions techniques ont été étudiées pour désorbiter les débris spatiaux à l'aide d'engins dédiés mais aucune solution économiquement viable n'a été imaginée jusque-là[62].
Les parties de la station spatiale internationale les plus exposées à un risque de collision avec un débris spatial (en rouge) sont celles qui sont situées sur sa face avant (dans le sens du déplacement). Elles sont plus lourdement protégées.
Les petites particules de moins d'un centimètre, très courantes et difficiles à détecter, ne sont pas évitées, car les blindages permettent de s'en protéger. Il y a deux types de blindage : les blindages intrinsèques sont constitués par les parois du satellite tandis que les blindages spécifiques sont des ajouts à la structure qui permettent d'arrêter le débris avant qu'il ne perfore la paroi. Mais ces blindages alourdissent évidemment lesvéhicules spatiaux, diminuant leur charge utile, leur durée de vie, ou augmentant leur coût. Le dixième du poids de la station spatiale internationale est ainsi dû à son blindage[63]. Le blindage utilise le principe dubouclier Whipple (du nom de l'astronome américain qui l'a mis au point). Il est constitué de plusieurs couches minces d'aluminium séparées par un vide. Les premières couches sont destinées à être perforées, mais elles font éclater le débris en de multiples fragments qui, lorsqu'ils frappent la paroi de l'engin spatial n'ont plus l'énergie permettant de la traverser. Le débris ne dépasse parfois même pas la première couche. L'intervalle entre ces premières couches peut être rempli d'un matelas absorbant[64].
Le plus grand problème est posé par les débris de taille moyenne, entre un et dix centimètres, estimés à environ 200 000[66], qui ne sont pas catalogués alors qu'ils présentent un risque très important[67] et surtout pour lesquels il n'existe pas de protection.
Structure des boucliers Whipple anti-débris (et micro météorides) de laStation spatiale internationale installés sur les faces avant des modules américains (à gauche), japonais (Kibo au centre) et européen (à droite Columbus).
Illustration du fonctionnement d'un bouclier Whipple (qui comporte ici deux couches) en fonction de la taille du débris. Au-delà d'un certain diamètre du débris, le bouclier est inopérant.
Diagramme résumant l'incidence des débris spatiaux sur les opérations de la station spatiale internationale. Nombre d'objets croisant l'orbite de la station spatiale internationale et suivis par le système de surveillance des débris spatiaux (ronds bleus), nombre annuel de changements d'orbite de la station spatiale effectués pour éviter un impact (histrogramme en orange), intensité de l'activité solaire (points noirs).Deux vaisseauxSoyouz sont en permanence amarrés à la station pour pouvoir évacuer l'équipage.
Dans le cas de laStation spatiale internationale qui est occupée en permanence par un équipage de généralement six personnes, de nombreuses mesures sont prises pour éviter la perte de l'équipage. La trajectoire des débris de plus de dix centimètres est surveillée depuis le sol. Plus de 1 200 objets catalogués (débris ou satellites actifs) circulant sur des orbites proches sont suivis en 2020 par les radars au sol. Ce nombre a doublé depuis 1999. L'équipage est averti lorsque l'un d'entre eux est susceptible de passer à proximité de la station. Cela permet à l'équipage de modifier l'orbite de la station (manœuvre dite deDebris Avoidance Manœuvre ou DAM) en utilisant les propulseurs des modules russes pour s'écarter de la trajectoire du débris[28]. Depuis le lancement du premier module de la station spatiale en 1999,27 manœuvres de changement d'orbite (bilan en 2020) ont été effectuées pour cette raison (de 0 à 5 selon les années, voir diagramme ci-contre). Le nombre de manœuvres dépend évidemment de la densité des débris mais également de l'activité solaire (Si celle-ci est plus importante la densité de l'atmosphère résiduelle s'accroit ce qui modifie l'orbite des objets en orbite et enfin de la sensibilité des radars et télescopes assurant le suivi des débris. Parmi les objets évités figurent deux débris résultant de la destruction volontaire du satellite chinoisFengyun-1C, trois débris produits de la collision accidentelle entreKosmos-2251 etIridium 33 et le satellite d'observation de la Terre nippo-américainGlobal Precipitation Measurement[71]. Si le risque de collision est identifié trop tard pour permettre la réalisation d'une manœuvre, l'équipage a pour consigne de fermer toutes les écoutilles à l'intérieur de la station et de s'installer dans les vaisseaux Soyouz qui permettent, si nécessaire, de rejoindre le sol. Cette évacuation partielle a déjà eu lieu à deux reprises le et le[72].
Selon les estimations des experts de l'IASDC, la stabilisation du nombre de débris en orbite basse nécessite non seulement que les satellites et les lanceurs soient désormais conçus de manière à respecter les préconisations de ce comité mais également que l'orbite de certains satellites inactifs soit abaissée par des remorqueurs spatiaux ou autres dispositifs externes. En 2013, l'IASDC estimait qu'il fallait remorquer au moins cinq satellites inactifs chaque année pour stabiliser l'augmentation des débris. Par exemple, la NASA qui conçoit des engins spatiaux respectant la réglementation depuis plus de10 ans, affiche un taux de conformité de 96 % pour ses engins lancés au cours de la décennie 2020 en ce qui concerne la règle de la rentrée atmosphérique au bout de25 ans, mais cette conformité chute à 20-30 % si on prend en compte l'ensemble du parc et des recommandations, soit un chiffre très éloigné des 90 % requis pour stabiliser le volume des débris spatiaux en orbite basse. Par exemple, son satellite de cinq tonnesTerra, qui a été lancé en 1999 et qui devrait cesser ses opérations en 2026, dispose de batteries qui ne peuvent pas être déconnectées et de réservoirs d'ergols qui ne peuvent pas être dépressurisés. Ce satellite présente donc un risque important d'explosion interne. Par ailleurs, son orbite à700 kilomètres implique qu'il ne sera détruit en pénétrant dans l'atmosphère qu'au bout de50 ans, ce qui augmente la probabilité d'une collision avec un autre engin spatial ou un débris[41].
À la suite de différentes conférences sur le sujet, plusieurs propositions ont été faites pour rabattre les débris vers l'atmosphère terrestre, telles que des remorqueurs automatisés[75], unbalai laser(en) (pour détruire les particules ou les dévier vers une orbite plus basse), de gigantesques boules d'aérogel pour absorber les impacts et finalement précipiter les débris capturés vers l'atmosphère, un filet pour capturer le débris, desmoteurs ioniques soufflant sur unsatellite géostationnaire en fin de vie afin de le sur-orbiter. Néanmoins, la difficulté principale reste le« rendez-vous » avec ces« objets non coopératifs » en mouvement. Les efforts portent sur la prévention des collisions par la surveillance des plus gros débris et les mesures contre la création de nouveaux.
Un dispositif spécifique emporté par le satellite, destiné à accélérer la réduction naturelle de l'altitude sous l'effet de l'atmosphère résiduelle. Ainsi le satellite scientifique françaisMicroscope emporte l'équipement IDEAS (Innovative DEorbiting Aerobrake System) destiné à la désorbitation. Celui-ci est constitué par deux structures souples qui sont gonflées en fin de mission avec de l'azote stocké sous haute pression. En augmentant la surface soumise aux forces de trainée de 6,3 m2, l'altitude du satellite diminue plus rapidement, ce qui réduit le temps de séjour en orbite. L'équipement a une masse totale de 12 kg.
La création d'une « décharge » orbitale où seraient rassemblés les plus gros objets afin d'éviter les collisions et de stocker ces ressources de matériaux pour le futur.
La désorbitation volontaire des satellites en fin de vie serait une mesure efficace.
La désorbitation pourrait dans ces cas-là être effectuée grâce à uncâble électrodynamique déroulé depuis le satellite et qui le ralentirait et abaisserait son orbite jusqu'à une altitude où la traînée atmosphérique provoquerait rapidement la désorbitation[76].
En 2018, l'Agence spatiale européenne place en orbite le satellite expérimentalRemoveDebris, pour évaluer plusieurs techniques de collecte et de retrait des débris spatiaux. Ceminisatellite expérimental de100 kilogrammes emporte deuxCubeSats chargés de simuler des débris spatiaux. La mission teste avec succès entre et un système dereconnaissance optique destiné à permettre unrendez-vous avec un débris spatial, la capture d'un débris avec un filet puis avec un harpon, ainsi que le déploiement d'une voile permettant d'augmenter latrainée générée par l'atmosphère résiduelle et ainsi d'accélérer larentrée atmosphérique[77].
En 2020, l'Agence spatiale européenne initialise la missionAdrios du projetClearSpace, destinée à désorbiter en 2025 un élément d'une ancienne fuséeVega[78].
Lesremorqueur spatiaux américainsMission Extension Vehicle sont conçus pour manœuvrer au niveau de l'orbite géostationnaire. Ils peuvent s'amarrer aux satellites géostationnaires et les déplacer. Leur but principal est de se substituer au système de propulsion d'anciens satellites ayant épuisé leurs réserves d'ergols mais toujours fonctionnels, permettant donc de prolonger leur mission. En 2020, MEV-1 s'est amarré àIntelsat 901 pour le ramener d'uneorbite cimetière à l'orbite géostationnaire, pour une durée prévue de 5 ans, avant de le renvoyer définitivement sur l'orbite cimetière.
Le satellite expérimental chinoisShijian 21, lancé en 2021, modifie son orbite fin décembre 2021 de manière à s'approcher du satellite de navigationBeidou 2-G2 tombé en panne sur sonorbite géostationnaire. En, il s'amarre au satellite défaillant puis modifie son orbite avant de le relâcher sur uneorbite cimetière. C'est le premier exemple de nettoyage de l'orbite géostationnaire réalisé à l'aide d'un engin spatial[79].
LeBureau des affaires spatiales des Nations unies a publié en 2007 des lignes directrices en matière de réduction des débris spatiaux, mais ce texte reste insuffisant étant donné l’absence de contraintes sur les États[83].
D’autres enjeux juridiques complexes sont soulevés par le développement de techniques actives dedésorbitation. En effet, le traité de l’espace prévoit que chaque pays conserve la propriété et le contrôle des satellites qu’il met en orbite[82]. Cela pose un problème pour le retrait actif, puisqu’aucun objet ne peut être désorbité sans l’autorisation du pays qui l’a lancé. De plus, des informations détaillées sur le satellite en fin de vie doivent être divulguées à l’organisme responsable de sa désorbitation, ce qui porte préjudice à la propriété intellectuelle et à la confidentialité[82].
D’après leCNES, la France est le seul pays à avoir adopté une loi traitant des débris spatiaux (la Loi sur les opérations spatiales, promulguée en 2010)[57].
Aux États-Unis, laCommission fédérale des communications est habilitée à infliger des amendes pour abandon de débris dans l'espace. Ce motif a été invoqué pour la première fois en 2023[84].
quelques mois plus tard, les Américains réalisent également une destruction volontaire d'un satellite espion, l'USA-193 ; le radarSea-based X-band Radar dénombre169 débris généré par la destruction du satellite ;
un événement d'une ampleur similaire survint le quand le dernier étage d'un lanceur russeBriz-M explose en orbite au-dessus de l'Australie. La fusée avait été lancée le transportant un satellite de communicationArabsat-4A, mais un dysfonctionnement l'empêche d'achever la mise en orbite et il resta en orbite elliptique avec une grande quantité d'imbrûlés hypergoliques corrosifs. L'explosion fut photographiée par plusieurs astronomes, les observations radar n'ont pu établir précisément la trajectoire des débris à cause du caractère de leur orbite. Bien que d'une ampleur semblable au test chinois, le nuage de débris passe par une altitude moindre et une grande partie des 1 100 débris identifiés retombèrent dans l'atmosphère rapidement[89],[90]. Une autre dislocation venait juste d'être observée le 14 février précédent[91], ce qui en fait trois en l'espace de deux mois. Il y en avait eu 8 dans l'année 2006, ce qui n'était jamais arrivé depuis 1993[92] ;
le, un énorme nuage de débris spatiaux se forme à la suite de l'explosion mi-octobre du bloc d'accélération d'une fuséeProton-M, lancée début août, ayant échoué à mettre en orbite deux satellites de télécommunications en raison d'une défaillance technique[93] ;
en mars 2019, l'Inde procède à un tir de destruction sur son satelliteMicroSat-R en orbite basse générant quantité de débris[94],[95] mettant en péril l'ISS[96] ;
le, laRussie a effectué un tir d’essai contre l’un de ses vieux satellites en orbite, ce qui a été confirmé dans un communiqué[97]. Ce test fait l'objet de critiques de plusieurs agences spatiales, en particulier de laNASA, et met en danger potentiel l'équipage de l'ISS[98].
Ainsi, alors que jusqu'en 2007, la courbe de croissance du nombre de débris était linéaire (environ200 nouveaux objets par an), ces évènements ont généré une courbe de croissance exponentielle[25].
Des tirs antisatellites ont déjà été menés par seulement quatre nations (États-Unis, Chine, Inde et Russie). Ces tests sont très critiqués en raison des nombreux débris qu'ils génèrent[97]. En, les États-Unis annoncent qu'ils interdiront tout nouveau test de tir antisatellite américain[99].
Lottie Williams est la première et la seule personne (en septembre 2008) à avoir été touchée par un débris spatial d'origine humaine. Alors qu'elle se promène dans un parc deTulsa dans l'Oklahoma, le à3 h 30, elle remarque une lueur dans le ciel qu'elle prend pour uneétoile filante. Quelques minutes plus tard, elle est frappée à l'épaule par un objet métallique sombre de 15 cm qui s'avère plus tard être une pièce de réservoir d'une fuséeDelta II lancée en 1996. Elle n'est pas blessée[101].
↑abc etdLucile Van Box Som, Loïc Germeau et Dominique Vinck (A paraître), « Inventer et innover quand personne ne veut payer – La tragédie des biens communs »,Soumis à "Technologie et Innovation",.
↑ValentinDegrange, « Les éboueurs de l’Espace : service public, ruée vers l’or ou les deux ? »,Espace extra-atmosphérique et droit international,(lire en ligne, consulté le).
Analyse des risques de perte de la station spatiale internationale ou de son équipage par une commission d'enquête indépendante diligentée par la NASA.
Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche,Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la réglementation technique en application du décret no2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n°2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales,(lire en ligne[PDF]). — Réglementation française.
Valentin Degrange,« L'enlèvement actif des débris: une mission commune et une obligation de coopérer au profit de l'humanité. », dans Annette Froehlich,Sécurité spatiale et aspects juridiques de l'enlèvement actif des débris, springer,(ISBN978-3-319-90338-5,lire en ligne),p. 1-15 .