Unecrypte est un élément constitutif deségliseschrétiennes qui se développe particulièrement avec l'Architecture carolingienne. Construit, enterré ou non, sous l'église supérieure, il s'agit — soit d'un caveau servant desépulcre situé au-dessous du chœur, accessible par un couloir de circulation ou simplement visible par des ouverturesfenestellae ouoculi, — soit d'une véritable chapelle basse s'organisant ou non autour d'unmartyrium ou d'uneconfession.
L'étymologie decrypte, le verbeκρύπτω /krúptô, engrec ancien « cacher, faire mystère de », pourrait indiquer, selonViollet-le-Duc, que le tombeau est masqué aux yeux des profanes[1]. Dans les textes anciens concernant les cryptes carolingiennes, le terme « crypte » s'applique autant auxcryptae subteriores ouinferiores etsuperiores signifiant en latin médiéval construction voûtée[note 1],[2].
La crypte adopte différents types architecturaux : crypte annulaire (la plus ancienne), crypte à couloir et crypte à salle[3].
La fondation, dès la période paléochrétienne, des édifices religieux importants se fait sur ou autour d'unememoria, mausolée contenant lesreliques du corps d'un saint,martyrium quand il s'agit d'un martyr,confessio ou confession pour unsaint confesseur c'est-à-dire qui professe la foi.
L'autel principal du chœur dans l'église haute profite de lavirtus[note 2] du saint vénéré en étant placé juste au-dessus. Des privilégiés peuvent être inhumésad sanctos, proche de ces reliques, ils profitent de cette proximité et participent aussi à lavirtus du lieu quand eux-mêmes sont reconnus saints. C'est le cas de la crypte de l’abbaye Saint-Germain d'Auxerre[4]. La construction de la crypte doit permettre la dévotion soit par un couloir de circulation soit par des ouvertures oculus ou fenestelles, permettant la vision du mausolée comme à l’abbaye de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu[note 3],[5].
Dés l'époque carolingienne, les reliques et reliquaires se multiplient dans la crypte et certaines sont exposées dans le chœur supérieur dans des chapelles secondaires. L'architecture s'adapte à la circulation, à la dévotion et aux offices de ces différentes chapelles et autels secondaires.
AuXe siècle, les cryptes se dotent dedéambulatoires. Cette circulation concerne les clercs, mais aussi les pèlerins de plus en plus nombreux[6]. L'accès se fait à l'extrémité occidentale du chœur soit par un escalier central sous le chœur surélevé soit, plus souvent, par deux escaliers latéraux, l'entrée au nord et la sortie au sud débouchant de chaque côté du chœur permettant d'éviter que la circulation des pèlerins ne perturbe la liturgie. Certaines cryptes, par leur dimension, permettent une liturgie avec une nombreuse assistance, elles peuvent s'étendre alors également sous la nef. D'autres églises inférieures ont plus une fonction liturgique que mémorielle liée au culte des reliques. C'est le cas de l'église inférieure de la Vierge de l'abbaye Saint-Martin du Canigou. La crypte de l'église Saint-Honoré-d'Eylau construite en 1896 est conçue comme une église inférieure occupant la même surface que l'église supérieure, elle proposait le culte en alternance avec l'église supérieure avant d'être transformée depuis 2013 en lieu événementiel.
Les premières cryptes sont lesmartyria etmemoria, édificespaléochrétiens abritant la tombe d'un saint ou d'un puissant objet de vénération. Une basilique, construite autour et dessus, permet d'accueillir les fidèles, l'autel placé juste au-dessus bénéficie de savirtus. Certaines sont parvenues jusqu'à nous, une partie de la crypte de l'abbaye Saint-Victor de Marseille est datée duVe siècle, d'autres sont connus par les textes,Grégoire de Tours évoque le cultes dans de nombreuses cryptes dont une des plus célèbres,les grottes vaticanes, crypte de la basilique Saint-Pierre réaménagée parGrégoire le Grand. À défaut de cette situation privilégiée de l'autel du sanctuaire supérieur placé au-dessus de la relique vénérée dans la crypte, la présence d'une relique dans la construction des autels fixes est requise dès leVe siècle[note 4],[9].
Dès la périodegothique le culte des reliques remonte dans l'église supérieure avec la multiplication des reliquaires et desautels dans des chapelles rayonnantes dudéambulatoire. Lechœur s'établit le plus souvent au même niveau que lanef ou surélevé de quelques marches. Certaines cryptes romanes préexistantes sont détruites à l'occasion de l'édification de ces sanctuaires gothiques.
À l'occasion de la reconstruction gothique de l'église supérieure ou de son chœur, les cryptes désaffectées voient parfois leurs voûtes détruites permettant d'abaisser le niveau du sanctuaire au-dessus ; elles peuvent également être comblées voire simplement oubliées.
C'est aussi le cas de la chapelle inférieure de l'église monolithe d'Aubeterre-sur-Dronne de 17 mètres redécouverte par hasard en 1961 par l'effondrement du à un camion manœuvrant sur le parvis au niveau de l'ancien chœur disparu, elle était probablement à l'usage des chanoines[13].
Crypte de la cathédrale de Bayeux.
Bayeux : enfeu et gisant de Gervais de Larchamp mort en 1447, il finança la remise en état de la crypte de la cathédrale.
Par définition la crypte est voûtée ; dans l'architecture romane dont les nefs sont au départ charpentées, les différents types de voûte préfigurent les systèmes mis en place ultérieurement pour l'église supérieure[14].
Situées le plus souvent sous le chœur et s'étendant parfois sous le transept et même la nef, leur plan correspond à la construction primitive de l'église haute dont l'architecture a pu évolué ensuite. Enterrées, semi-enterrées ou en surface mais situées sous l'église supérieure elles adoptent des formes variées.
Malgré le caractère massif des piliers des cryptes leschapiteaux peuvent être ornés de thèmes végétaux ou même historiés comme àGrenoble, àTournus ou àHagetmau dans lesLandes.
Chapiteau de la crypte Saint-Oyand à Grenoble (haut Moyen Âge), corbeille à décor végétal et tailloir à décor animal.
Des fragments lapidaires sont remisés dans les cryptes après des travaux et transformations de l'église supérieure comme des morceaux dechancel[19]. Des sarcophages ornés, parfois des réemplois christianisés de mobilier antique, contiennent ou ont contenu des sépultures vénérées comme à la crypte de l'abbaye Saint-Victor de Marseille.
↑il y a superposition du plan et de la fonction depuis que le culte des reliques se partagent entre le chevet supérieur et la crypte inférieure
↑Ce terme évoque la force et la présence invisible du saint contenue dans sarelique
↑Rare cas où la crypte a rempli son sens étymologique de cachette : les moines entre 846 et 858 murent la memoria desaint Philibert de tournus pour la cacher aux raids normands avant de venir rechercher les reliques pour leur translation àTournus enBourgogne
↑Cette anecdote de la redécouverte de la crypte est gravée sur le linteau d'une ouverture dans le déambulatoire éclairant la crypte :« En l'an mil quatre cens & douze Tiers jour d'Avril que pluye arouse Les biens de terre, la journée Que la Paque fut célébrée Noble homme & reverend Père Jehan de Boissey, de la Mère Eglise de Bayeux Pasteur Rendi l'âme à son createur Et lors en foissant la place Devant le grand autel de grace Trouva lon la basse Chapelle Dont il n'avoit été nouvelle Ou il est mis en sepulture Dieu veuille avoir son âme en cure. Amen »
↑François Heber-Suffrin,Christian Sapinet al., « L’abbatiale carolingienne de Saint-Philbert-de-Grandlieu : Le chevet et ses aménagements »,Bulletin Monumental,vol. 173,no 2,,p. 137-144(lire en ligne)
↑Christian Sapin,« L’autel, son rôle et sa place dans la crypte », dans Anne Baud,Espace ecclésial et liturgique au Moyen Âge, Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux,(lire en ligne)
↑« Les cryptes », surArchitecture religieuse en occident(consulté le).
↑ab etcEhreinfried Kluckert,« Petit précis d'art roman sacré », dans Rolf Toman,L'art roman : Architecture Sculpture Peinture, Ullmann,, 480 p.(ISBN978-3-8480-0860-5),p. 28, 36
↑Joan Duran-Porta, « Les cryptes monumentales dans la Catalogne d'Oliba : De Sant Pere de Rodes à la diffusion du modèle de crypte à salle »,Les Cahiers de Saint Michel de Cuxa,vol. 40,,p. 325-339(lire en ligne)