Cristina Fernández de Kirchner — appeléeCristina Fernández dans les pays hispanophones, ou parfoisCristina Kirchner —, née Cristina Elisabet Fernández le àLa Plata, est unefemme d'Étatargentine. Elle estprésidente de la Nation de 2007 à 2015 etvice-présidente de 2019 à 2023.
Elle succède à son mari à la tête du pays en 2007, après avoir été élue avec 45,3 % des suffrages exprimés. Elle devient la première femme élue présidente de la Nation, et la deuxième à exercer cette fonction aprèsIsabel Perón. Réélue en 2011 avec 54,1 % des voix au premier tour, elle ne peut briguer un troisième mandat consécutif et voit le candidat qu’elle soutient,Daniel Scioli, s’incliner face au candidat de centre droitMauricio Macri.
À l'issue de l'élection présidentielle de 2019, elle est élue vice-présidente argentine en tant que colistière d'Alberto Fernández. Elle quitte cette fonction et ne brigue plus aucun mandat électif en 2023.
À partir de 2013, elle fait face à des accusations et inculpations, principalement pour des délits financiers. En 2022, elle est reconnue coupable « d'administration frauduleuse » au préjudice de l'État : elle est condamnée à six ans de prison – dont elle est préservée par son immunité parlementaire – et à une inéligibilité à vie.
Après le retour de la démocratie, Cristina Fernández de Kirchner est élue députée de l’Assemblée deSanta Cruz en1989 et réélue en1993. Deux ans plus tard, elle est élue sénatrice fédérale dans la circonscription de Santa Cruz, puis, en 1997, députée fédérale, avant de revenir au Sénat en 2001.
Le,Alberto Fernández, chef de cabinet du président, annonce le lancement officiel de la candidate duFront pour la victoire, Cristina Fernández de Kirchner, au cours d'un grand meeting électoral àLa Plata.
Sans surprise, le, enobtenant 45,29 % des voix face à l'ex-députée radicaleElisa Carrio (qui représente lacoalition civique, de centre gauche et qui recueille quelque 23 % des suffrages exprimés), elle est élue dès le premier tour de l'élection présidentielle[2]. Son colistierJulio Cobos, dissident de l'Union civique radicale (UCR), devient vice-président. Par ailleurs, le Front pour la victoire obtient la majorité dans les deux Chambres en profitant desélections partielles qui se tiennent le même jour.
Tout en maintenant sept ministres deNéstor Kirchner[4], Cristina innove dans la composition du gouvernement, qui compte douze ministres, en créant un ministère de la Science, de la Technologie et de l'Innovation productive, attribué aubiochimiste Lino Barañao. À la suite de lacrise économique mondiale, elle crée aussi, en novembre 2008, un ministère de la Production, détaché du ministère de l'Économie, et l'attribue à l'économiste Débora Giorgi, qui avait été secrétaire d'État du gouvernementradical deFernando de la Rúa (1999-2001). Enfin, elle opère un remaniement ministériel à la suite du recul duFront pour la victoire, lors desélections générales partielles de juin 2009, et transforme alors le secrétariat à l'Agriculture, qui dépendait auparavant du ministère de l'Économie, endépartement ministériel à part entière.
Par ailleurs, le vice-présidentJulio Cobos, qui fait partie desRadicales K (groupe dissident de l'UCR exclu pour son appui auFront pour la victoire), vote contre le projet de loi du gouvernement concernant l'agriculture[6] : une partie desRadicales K, menés par Cobos, a ainsi rejoint l'opposition, conduisant ainsi à une situation inédite decohabitation au sein même de l'exécutif[7],[8].
Conflit de 2008 avec les organisations patronales agricoles
Par ailleurs, le gouvernement met en place un programme de grands travaux (21 000 millions de dollars) destinés àrelancer l'économie, ainsi qu'un programme de prêts à faibles intérêts pour soutenir laconsommation. Celui-ci est appuyé par les principaux syndicats du pays (notamment laCGT et la CTA), les organisations patronales industrielles comme l'Union industrielle argentine (UNI) et les coopératives rurales (CONINAGRO), mais critiqué par les organisations patronales rurales comme laSociété rurale argentine (SRA) et laFédération agraire argentine (FAA). LeFMI a quant à lui refusé d'inclure l'Argentine dans son plan anti-crise, en alléguant ses « antécédents négatifs » (lacrise de 2001-2002, largement provoquée par les décisions du FMI lui-même)[9].
Enfin, la firme d'aviation militaire (FMA), également privatisée sous Menem et devenue filiale deLockheed Martin, fut nationalisée en mai 2009 avec un large appui de laChambre des députés (152 voix pour, une contre, 21 abstentions)[10]. Lockheed devrait être indemnisé à hauteur de 27 millions de dollars[10].
Par ailleurs, la présidente Fernández de Kirchner met en place en octobre 2009 l'allocation universelle pour enfant(es), un système d'allocations familiales destinées aux familles de chômeurs ou travaillant au noir et ne recevant aucune autre aide. D'un montant de 180 pesos, augmenté en octobre 2010 à 220 pesos, ces allocations sont versées pour environ 3,6 millions d'enfants. De façon générale, la politique sociale de Kirchner permet de faire baisser letaux de pauvreté de 26 à 22 % en2010, sortant ainsi de la misère entre 1,4 et 1,8 million de personnes[11].
Le projet de loi, qui a établi leSistema Integrado Previsional Argentino (SIPA), est voté le avec l'appui de secteurs de l'opposition (dont lePS et l'ex-sénateur de l'ARI José Martínez[13],[14]), tandis que laCoalition civique, l'UCR et la droite (Proposition républicaine) votent contre[13] (162 députés pour, 75 contre ; 46 sénateurs pour, 18 contre[12]).
Cela suscite une baisse immédiate de la Bourse d'Argentine et d'Espagne ainsi qu'une fuite des capitaux[12].Le Monde diplomatique présente l'opération comme le rétablissement d'un système deretraites par répartition[12]. Néanmoins, selon la loi, l'argent ainsi contrôlé par l'État ne peut être utilisé que pour payer les retraites, tandis qu'une commission bilatérale et un conseil, composés de chefs d’entreprise, de salariés, de retraités, de fonctionnaires, de banquiers et d'élus sont mis en place pour l'administrer[12]. Par ailleurs, le nouveau système instaure l'égalité des pensions entre hommes et femmes[12].
Droit du travail et régularisation des sans-papiers
Enfin, Kirchner a continué lePlan Patria Grande mis en place en 2006 par son prédécesseur, qui vise la régularisation dessans-papiers provenant du « Mercosur amplifié » : plus de 144 000 sans-papiers (majoritairement duParaguay — plus d'un tiers —, de laBolivie — environ un quart — et duPérou, mais aussi plus de 4 000 desÉtats-Unis) ont ainsi été régularisés, faisant un total de plus de 700 000 régularisations depuis 2006[19]. Seules 40 personnes ont été expulsées en 2008, presque toutes ayant été impliquées dans des trafics de stupéfiants (nonobstant les refoulements à la frontière)[19]. Le gouvernement pénalise letravail dissimulé en condamnant les patrons, mais s'évertue à faciliter la situation des employés sans-papiers[19].
Politique des droits de l’homme et relations avec l’armée
La ministre de la DéfenseNilda Garré impulse la réforme du droit militaire, abrogeant le Code de justice militaire qui permettait aux militaires d’être jugés par desjuridictions spéciales, ainsi que, dans le même temps, lapeine de mort, qui avait été abrogée en 1984 pour les délits communs mais demeurait en vigueur pour plus de 50 cas différents ; un délit pénal deharcèlement sexuel est ajouté, les soldats étant désormais jugés par les juridictions de droit commun (sauf en temps de guerre). Le projet de loi fut approuvé, en 2008, à l’unanimité dessénateurs présents (60 voix pour)[20].
Par ailleurs, Kirchner continue les gestes symboliques initiés par son mari concernant la réhabilitation de la gauche argentine et la critique de l'extrême-droite, en inaugurant ainsi en novembre 2008 le buste du présidentHéctor José Cámpora (mai-juillet 1973) à laCasa Rosada[21].
En décembre 2008, elle se déclare scandalisée par l'arrêt de laCour de cassation qui a ordonné la libération de 21 militaires accusés decrimes contre l'humanité commis sous ladictature militaire (1976-1983), dont le général et ex-ministreDíaz Bessone[22], l'amiral Jorge Acosta et le capitaineAlfredo Astiz, au motif que ladétention provisoire avait excédé une durée de trois ans. Ce faisant, elle rejoignait le sentiment des organisations de défense des droits de l'homme. Finalement, le secrétaire aux Droits de l'hommeEduardo Luis Duhalde a sollicité le Conseil de la magistrature pour qu'il initie une procédure de destitution des magistrats ayant voté cet arrêt (en particulier les destitutions de Guillermo Yacobucci et de Luis García), tandis que le procureur Raúl Pleé faisait un appel suspensif de la décision[23]. La décision judiciaire ne couvre de toute façon pas l'ensemble des affaires concernant les militaires (mais seulement le procès de l'ESMA) qui demeurent donc en détention[23].
Par ailleurs, elle crée une commission d'enquête sur les circonstances de la vente forcée dePapel Prensa, une papeterie cédée après le coup d'État à trois journaux argentins,Clarín,La Nación etLa Razón.
Cristina Fernández de Kirchner avec le secrétaire aux Médias, Enrique Albistur, le président du Comité fédéral de radiodiffusion, Gabriel Mariotto et quelques représentants de la Coalition pour une radiodiffusion démocratique.
Kirchner fait également approuver par le Congrès uneloi importante concernant les médias, le cadre juridique préexistant datant du généralVidela. Une partie de l'opposition ayant demandé que le projet de loi, qualifié de « petite révolution médiatique » parReporters sans frontières (RSF)[26], ne soit examiné qu'après lesélections de juin 2009, celui-ci est présenté en août et promulgué en octobre 2009.
Par ailleurs, un projet de loi, approuvé par le Sénat le, dépénalise les délits decalomnie et d'injure publique lorsqu'il s'agit d'intérêts publics (elle considère ainsi qu'il ne peut y avoir de tel délit dès lors que les propos concernent des affaires d'intérêt public, allant plus loin que la doctrine de mauvaise foi retenue par la jurisprudence, qui obligeait à faire la preuve que le prévenu avait sciemment tenté de porter atteinte à la réputation d'autrui). Cette initiative en faveur de laliberté d'expression, et qui met fin à unvieux serpent de mer de la politique argentine[27], a reçu les félicitations duComité pour la protection des journalistes, une ONG basée à New York[28],[29], et deRSF[30]. La France elle-même récompense leCentre d'études légales et sociales (CELS) d'Horacio Verbitsky d'un Prix des droits de l'homme pour avoir œuvré en faveur de cette réforme[31],[32].
Laloino 26 522 sur les médias déclare lesradiofréquences desbiens publics, pouvant être accordés pour desconcessions de 10 ans (renouvelables) à la suite d'appels d'offres. L'audiovisuel est lui-même qualifié d'« intérêt public », c'est-à-dire qu'il ne constitue pas unservice public, étant mis en œuvre par des institutions non gouvernementales, mais les concessions sont librement accordées, au lieu d'être vendues (ou louées).
La loi distingue entre médias associatifs (auxquels un tiers de l'espace audiovisuel est réservé[26]), médias à but lucratifs et médias publics ; limite la constitution d'oligopoles et prévoit des mesures d'appui aux médias associatifs despeuples autochtones.
Par ailleurs elle impose des seuils de diffusion minimaux de 70 % de production nationale, 30 % demusique nationale et 50 % de musique produite par des indépendants, régulant aussi la publicité. UneAutorité fédérale des Services de la Communication audiovisuelle(es) est chargée de l'application de la loi, remplaçant le Comité fédéral de Radiodifusión, dans lequel l'armée avait une influence importante (depuisRaúl Alfonsín, ce Comité avait cependant été suspendu sans être abrogé). Enfin, elle prévoit l'arrêt de la télévision analogique.
Au niveau de la société civile, les principaux syndicats et les ONG ont défendu le projet, tandis que les grands groupes de médias telsClarín (qui détentait 264 licences de diffusion[26]) et legrupo Uno s'y sont opposés, ainsi que l'ADEPA (Association des entreprises audiovisuelles).
Les relations avec la PDG deClarín,Ernestina Herrera de Noble, sont également tendues pour d'autres raisons : Cristina Fernández de Kirchner s'est en effet prononcée en faveur d'une loi qui rendrait lestests ADN obligatoires lorsqu'il en va d'affaires liées aux crimes contre l'humanité. Or, lesGrands-mères de la place de Mai ont demandé à la justice de contraindre les deux enfants de la PDG à délivrer leur ADN à la justice, soupçonnant qu'il s'agisse de bébés enlevés sous la dictature[34].
La présidente Cristina Fernández de Kirchner reçoit en mars 2008 le président de la Banque centrale argentineMartín Redrado, qui l'informe que les réserves de la BCA s'élèvent à 50 milliards de dollars.
En janvier 2010, son vice-président,Julio Cobos, déclare sa candidature à l'élection présidentielle de 2010, se posant (à l'instar deDuhalde) comme rival et adversaire de Kirchner, tandis que celle-ci destitua le le président de la Banque centrale argentine,Martín Redrado, de ses fonctions, à la suite d'un conflit concernant l'usage de fonds pour rembourser la dette publique[35]. Kirchner avait créé, le, leFondo del Bicentenario(es) (qui devait être doté de plus de 6,5 milliards de dollars) par undécret-loi, destiné à payer les intérêts de la dette, mais Redrado se refusait à alimenter le fonds.
Kirchner ouvre alors des poursuites contre Redrado, l'accusant d'insoumission, notamment dans son refus d'accepter la création duFondo del Bicentenario para el Desendeudamiento y la Estabilidad (Fonds du bicentenaire pour le désendettement et la stabilité)[36]. Cependant, la juge fédérale María José Sarmiento maintient Redrado à son poste[37], et le 12 janvier, le ministre de l'Économie Amado Boudou annonce qu'un juge américain avait saisi aux États-Unis des réserves de la Banque centrale argentine, d'un montant de 1,7 million de dollars (1,17 million d'euros)[37] ; le père de la juge est l'ex-colonel Luis Alberto Sarmiento, inculpé depuis 2006 pourcrimes contre l'humanité commis sous la dictature[38],[39].
La démission de Redrado est demandée tant par leFPV que par l'opposition[40], et celui-ci finit par la donner le, quelques jours avant que la Commission bilatérale ne donne son avis final[41].
Le 15 juillet 2010, la présidente Cristina Fernández de Kirchner a signé le décret de promulgation de la loi 26.618 (loi du « Matrimonio Igualitario »), qui établit le droit égal au mariage, en Argentine : cette loi autorise le mariage entre personnes de même sexe, l'Argentine devenant ainsi le premier pays à autoriser le mariage entre personnes de même sexe en Amérique latine et le dixième au monde à le faire sur tout son territoire après les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, le Canada, l'Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal et l'Islande[43]. L'archevêque de Buenos Aires,Jorge Mario Bergoglio, s'oppose publiquement à cette loi. Il sera élu pape le 13 mars 2013[44].
En 2012, le droit à changer de sexe à l'état-civil pour les personnestrans est légalisé, puis laPMA en 2013. Toutefois, l'avortement reste interdit[45].
Depuis 2008, le couple Kirchner est impliqué par les médias dans l'affaireGuido Antonini Wilson(es) : un entrepreneur vénézuélien aurait introduit 800 000 dollars à l'instigation du gouvernement du présidentHugo Chávez pour financer la campagne présidentielle de Cristina Fernández de Kirchner. La dénonciation venait duFBI et d'unprocureur fédéral des États-Unis, ce qui a conduit Chávez et Kirchner à accuser l'administration Bush de s'engager contre la gauche latino-américaine. L'affaire n'a pas vraiment été éclaircie : l'Argentine a demandé l'extradition de Wilson, détenu aux États-Unis, mais celui-ci a accepté de collaborer avec le FBI, et plusieurs agents étrangers ont été accusés aux États-Unis d'être des agents duVenezuela.
L'année 2011 est marquée par l'élection générale qui a lieu en octobre. L'organisation de jeunesseCámpora augmente son influence au sein du gouvernement, où elle entre en compétition avec les structures traditionnelles duParti justicialiste et de laConfédération générale du travail de la République argentine pour obtenir les postes de bureaux et les candidatures. Cristina Fernández soutient Daniel Filmus comme candidat à la mairie de Buenos Aires. Néanmoins, elle ne précise pas si elle va briguer un second mandat présidentiel, avant de l'annoncer enfin le. Elle choisit personnellement la plupart des candidats à la députation, favorisant les membres de la Campora. Durant cette année, elle entre en conflit avec le Brésil, au sujet d'un désaccord sur les quotas commerciaux, et avec les États-Unis, après avoir fait saisir un avion de l'armée américaine.
Avec Amado Boudou sur son ticket pour la vice-présidence, elle est réélue, pour quatre ans, le, dès le premier tour de la présidentielle, avec 53,96 % des voix. Elle entame son second mandat le10 décembre suivant[46].
Le, son porte-parole, Alfredo Scoccimarro, annonce que Cristina Fernández de Kirchner est atteinte d'uncancer de la thyroïde, sans métastases, détecté le 22 décembre, et qu'elle va être opérée dès le 4 janvier ; il ajoute que, durant les 20 jours prévus de convalescence, le vice-président Amado Boudou la remplacera à la présidence[47]. Le, il est révélé qu’elle n’est finalement pas atteinte d'un cancer, la présence de cellules cancérigènes n'ayant pas été détectée lors de l'opération[48].
Les politiques interventionnistes élaborées durant sa présidence, ponctuée par des nationalisations et par un accroissement des dépenses publiques, se traduisent par une situation économique mitigée[49],[50]. Les inégalités sociales se sont réduites et le PIB a augmenté. La croissance économique du pays, comparable à celle de la Chine au cours de la période 2003-2008, a été atteinte par la crise financière de 2008 et est retombée à environ 3 % par la suite[51]. La politique de développement industriel, malgré des résultats jugés insuffisants[50], a permis d'éviter la dépendance aux exportations de matières premières[51]. La dette publique, qui représentait 166 % du PIB en 2001, n’en représente plus que 40 % en 2016. Le chômage est tombé à un niveau historiquement bas (7 % en 2016 contre 25 % en 2001)[52].
En 2016, l'inflation s’élève à un niveau élevé (25 % selon les chiffres du FMI), bien que la flexibilité des salaires, harmonisés à l'évolution du taux d'inflation, en atténue les conséquences[52],[53],[54]. Le système fiscal instauré sous la dictature n’a pas été modifié[50]. La corruption s’est légèrement accrue d'après l’indice de perception de la corruption deTransparency International[50],[55]. L’insécurité juridique a également fait fuir des investisseurs[50].
De vastes politiques sociales ont été mises sur pied et ont fait sensiblement reculer la pauvreté[52] : les aides pour les enfants issus de familles pauvres bénéficient à trois millions et demi de personnes, le système de crédits pour le logement social en concerne quelque quatre cent mille, et le programme destiné à donner les moyens aux jeunes de poursuivre leurs études compte trois cent mille inscrits. Le système des retraites, qui touche près de 90 % des personnes âgées, est le plus étendu d’Amérique latine[51].
Dès le début de son mandat, elle entre en conflit avec leVatican au sujet d'une dépénalisation de l'avortement[56] et de la création de nouveaux diocèses enPatagonie, que Cristina Fernández de Kirchner acceptait à condition que l'Église y rattache nominalement lesMalouines, territoire britannique, ce qui a été refusé par lePape[57].
Cristina Fernández de Kirchner signe un accord de coopération en matière de nucléaire avec leBrésil, poursuivant la politique de relance duprogramme nucléaire argentin initiée en2006 par Néstor Kirchner. Cette politique énergétique va de pair avec un plan de réduction des dépenses énergétiques ; plusieurs travaux sont prévus à lacentrale hydroélectrique de Yacyretá, partagée avec leParaguay, et des appels d'offres ont été lancés pour la construction de centrales fonctionnant à l'énergie renouvelable, pour une valeur énergétique de 1 500 MW.
Elle continue aussi, avec succès, les négociations avecCuba afin de permettre à la docteurHilda Molina de rendre visite à son fils en Argentine, et joue aussi le rôle d'intermédiaire entre le gouvernement d'Uribe et lesFARC colombiens. En revanche, les négociations avec legouvernement uruguayen de Tabaré Vázquez (coalition gouvernementale degauche) concernant la dite « guerre du papier » n'avancent guère, mais s'améliorent après l'élection, fin 2009, deJosé Mujica. Par ailleurs, elle s'oppose fermement, comme l'ensemble des pays duMercosur ainsi que l'Espagne, aucoup d'État de juin 2009 au Honduras, et refuse de reconnaître les élections tenues alors qu'un accord préalable prévoyant le retour deManuel Zelaya au pouvoir avait été renié par les autorités putschistes.
Enfin, elle réclame, lors du sommet duMercosur du, la levée desbrevets sur les vaccins contre lagrippe H1N1, affirmant que leBrésil et l'Argentine sont prêts à les produire alors que les laboratoires détenteurs des brevets n'ont pas la capacité d'approvisionner les pays du Mercosur[59]. Les chefs d'État du « Mercosur amplifié » (Argentine, Brésil,Paraguay,Uruguay,Venezuela,Bolivie etChili) adoptent le même jour une déclaration à cet effet, qui exige l'adoption des mesures (plus ou moins) prévues par l'ADPIC afin de « flexibiliser » les règles sur les brevets en cas depandémie[60],[61].
Lors desélections générales de 2017, elle est élue sénatrice[64]. En août 2018, elle vote en faveur de la légalisation de l'avortement, mais la réforme est rejetée par le Sénat[65].
Le 18 mai 2019, alors qu’elle était pressentie depuis plusieurs années pour briguer à nouveau la présidence auscrutin présidentiel[66],[67], elle annonce briguer la vice-présidence du pays au côté d’Alberto Fernández[68]. La majorité l’accuse de chercher l’immunité judiciaire alors qu’elle est mise en examen dans huit affaires de corruption[69].
Soutenu par la coalition duFront de tous, le ticket qu'elle forme avec Alberto Fernández l'emporte au premier tour face à celui du président sortantMauricio Macri[70].
En décembre 2022, elle estcondamnée à six ans de prison et à une inéligibilité à vie, mais la peine n'est pas effectuée en raison de son immunité parlementaire. Elle suscite la surprise à cette occasion en annonçant qu'elle ne briguerait plus aucun mandat[73].
En 2013, faisant suite à une longue enquête du journalLa Nación, des soupçons d'évasion fiscale sont portés à l'encontre du couple présidentiel. Le gouvernement dément ces informations. Le magazine françaisMarianne avance pour sa part que « depuis l'arrivée des Kirchner à la tête de l'État en 2003, leur patrimoine a été multiplié par dix »[75]. La fortune du couple est déclarée chaque année à l'Agence anti-corruption, ce qui est une obligation pour tous les candidats à des postes du législatif et de l’exécutif, toutes les déclarations sont de caractère public.
La mort mystérieuse du procureur généralAlberto Nisman le 18 janvier 2015, la veille de son audition par la chambre des députés, alors qu'il accusait la présidente Kirchner d'avoir empêché une enquête sur l'attentat de Buenos Aires en 1994, est imputée par les adversaires politiques de Cristina Fernández de Kirchner à celle-ci[76],[77]. Néanmoins, la plainte déposée à l'encontre de la présidente au sujet de cette affaire est rejetée par la justice[78].
Elle est citée (en compagnie de son défunt mari), dans l'affaire desPanama Papers en avril 2016[79].
En mai 2016, elle est inculpée par un juge, suspectée d'avoir manipulé la banque centrale durant les derniers mois de son mandat présidentiel[80]. En juin, des perquisitions ont lieu dans des propriétés lui appartenant[81].
Cristina Fernández de Kirchner en 2018.
En décembre 2017, elle est inculpée pour « trahison », la justice réclamant en outre son incarcération. Il lui est reproché un accord conclu en 2012 avec l'Iran devant permettre à la justice argentine d'auditionner à Téhéran, faute de pouvoir le faire à Buenos Aires, des suspects iraniens de l'attentat de Buenos Aires (1994). Elle accuse en retour le gouvernement conservateur de « manipuler » la justice[82].
Le, elle est renvoyée devant le tribunal pour« corruption », mais étant parlementaire, son immunité lui permet de ne pas être écrouée durant son mandat en cas de condamnation[83]. Le 23 août 2018, la police argentine mène des perquisitions dans deux de ses propriétés à la demande d'un juge qui la soupçonne d'être responsable d'un système de corruption[84].
En 2019, elle est mise en cause dans une dizaine d’affaires de corruption[85]. Plusieurs de ses proches, dont l’ancien vice-présidentAmado Boudou, sont emprisonnés pour ce motif[85]. Elle bénéficie, en date de novembre 2020, denon-lieux dans quatre de ces affaires tandis que six autres sont toujours en procédure[86]. En août 2022, un procureur fédéral demande une peine de 12 ans d'emprisonnement contre elle[87]. Dans ce procès, elle est jugée pour association illicite et gestion frauduleuse aggravée, dans le cadre de l’attribution de marchés publics dans laprovince de Santa Cruz, son fief politique, pendant ses deux mandats de présidente (2007-2015)[88],[89]. En décembre 2022, elle est condamnée à six ans de prison et à une inéligibilité à vie[90]. Elle est reconnue coupable « d'administration frauduleuse » au préjudice de l'État. Son immunité parlementaire la préserve de la prison. Huit de ses douze coaccusés, parmi lesquels un entrepreneur du bâtiment et des ex-responsables de l'organisme des chantiers routiers Vialidad, ont été condamnés à des peines de trois ans et demi à six ans de prison[91]. Cristina Kirchner se dit victime d’« un peloton d’exécution médiatique et judiciaire ». Dans un communiqué, la présidence argentine condamne une « persécution juridique et médiatique », assurant qu’« aucun des actes imputés à la vice-présidente n’a été prouvé »[92].
Le jugement a fortement polarisé le pays. Une partie de la population, représentée par le quotidien conservateurLa Nación, se réjouit : « Durant quatorze ans au moins, la politique et la société argentines n'ont pu parler que de la supposée corruption des époux Kirchner et de plusieurs de leurs collaborateurs [...]. Il y a eu plusieurs avancées significatives dans plusieurs affaires judiciaires. Mais aucune aussi importante que celle de l'après-midi torride de ce mardi. [...]. Il s'agit d'un fait transcendant pour la démocratie argentine. » Au contraire, les partisans de l'ancienne présidente, dont le quotidien de gauchePágina/12, dénoncent un « procès politique » et compare son cas à celui du brésilienLula et du bolivienEvo Morales[93]. Plus globalement, la justice souffre d'un grand déficit de confiance dans le pays, et beaucoup d'Argentins l'accusent d'être soumise aux pressions politiques, médiatiques et économiques[93].
En septembre 2023, la Chambre fédérale de cassation pénale rouvre deux procédures contre Cristina Fernández de Kirchner : dans une affaire de blanchiment (affaire de « Los Sauces ») et dans une affaire d’entrave à la justice au profit de l'Iran[94]. En novembre 2023, une dizaine de jours avant la fin de son mandat de vice-présidente et donc de son immunité, la cour d’appel fédérale de Buenos Aires annule également un non-lieu prononcé en sa faveur, ce qui rouvre une enquête pour détournements de fonds destinés aux travaux publics dans laprovince de Santa Cruz, fief des époux Kirchner (affaire de « la route de l’argent K »)[95]. Le 13 novembre 2024, la Cour de cassation confirme la peine de six ans de prison prononcée contre Cristina Kirchner pour « fraude » et « corruption »[96].
Le 6 décembre 2024, laCour suprême de justice d'Argentine rejette la demande de la défense et confirme que Cristina Kirshner aura un procès, pour l'affaire du mémorandum avec l'Iran[97].
↑Il faut pour cela obtenir soit 45 % des voix, soit 40 % des voix dont au moins 10 % de plus que le meilleur des autres candidats par le nombre total de voix.
Valérie Gonzalez-Bled,La construction des antagonismes politiques dans les discours présidentiels de Cristina Fernández de Kirchner. Le peuple, la présidente, les adversaires(thèse de doctorat d’Études ibériques et ibéro-américaines, sous la direction de Cecilia González Scavino), Bordeaux,Université Bordeaux-Montaigne,, 516 p.(lire en ligne).