Crésus (engrec ancienΚροῖσος /Kroîsos), né vers, est un roi deLydie et le dernier souverain de la dynastie desMermnades.
Durant son règne, qui s’étend d'environ 561 à 547 ou 546 av. J.-C., il conquiert laPamphylie, laMysie et laPhrygie jusqu'à l'Halys, mais ne parvient pas à s'implanter plus à l'est de son royaume. Il est vaincu par le roi perseCyrus le Grand vers 547 av. J.-C.
Crésus est le fils d'Alyatte II, roi deLydie (vers 640 av. J.-C. – vers 560 av. J.-C.), et d'uneCarienne dont l'histoire n'a pas retenu le nom[1]. Il est le frère de la princesse Aryènis ou Arienis, en grec ancien, Ἀρύηνις (née en 610 av. J.-C.) et le demi-frère de Pantaléon ou Panteleímon, en grec ancien Παντελεήμων, né de mère ionienne, dont le nom est également resté inconnu.
Sous l’autorité de ces deux souverains, le royaume de Lydie atteint son apogée. Sardes, capitale du royaume, riche du commerce des métaux précieux, est aussi le rendez-vous des philosophes et grands esprits de leur temps.
La Lydie était divisée en régions dirigées par un gouverneur chargé de fournir à la cour implantée àSardes, à une centaine de kilomètres à l'est deSmyrne, les biens et les contingents militaires dont le roi exprimait le besoin.
Avec les Grecs européens, il semble qu’Alyatte n'ait jamais entretenu de relations formelles. Avec les Grecs d'Asie Mineure dont il ne pouvait toutefois pas complètement conquérir le territoire, Alyatte II tissa des liens d'hospitalité ditsξενία (xenía), placés sous la protection de Zeus. C'est ainsi qu'il avait pris le contrôle de laPhrygie affaiblie par les incursions des nomadescimmériens.
Toutefois il n'est pas clair qui devait lui succéder. Beaucoup de spécialistes pensent qu'il y eut un début de guerre civile entre Crésus et Pantaléon. Hérodote écrit « Crésus ne se vit pas plus tôt en possession de la couronne que son père lui avait donnée, qu’il fit périr cruellement celui qui avait formé un parti contre lui ».
Le fait est que Pantaléon et sa mère ayant conspiré contre lui, Crésus les élimina.
un fils, affligé d'une disgrâce naturelle et que l'on crut muet parce qu'il ne proféra pas un mot avant l'adolescence. Mais en voyant un soldat prêt à percer son père pendant une bataille, il s'écria : « Soldat,ne frappe pointCrésus! » ce qui sauva la vie de son père ;
un fils, nomméAtys, surpassant en tout les jeunes gens de son âge, doué de beauté et de beaucoup d'esprit mais tenu dans l'isolement, parce qu'un songe indiqua à Crésus qu'il périrait par le fer. Tremblant pour son fils, Crésus lui choisit une épouse et l'éloigna des armées, à la tête desquelles il avait coutume de l'envoyer. Il fit enlever les dards, les piques, et toutes les armes offensives des appartements où elles étaient suspendues, et les fit entasser dans des magasins, de peur qu'il n'en tombât quelqu'une sur son fils.
D'aprèsHérodote, l'AthénienSolon vint à Sardes au cours des dix années qui suivirent la promulgation de sa législation (en 594), alors que Crésus était au faîte de sa puissance[3]. Crésus lui demanda de nommer le « plus heureux des hommes » (όλβιώτατος), pensant, grâce à sa richesse, avoir droit à ce titre ; maisSolon lui préféraTellos d'Athènes et les modestes ArgiensCléobis et Biton, suscitant ainsi la colère de Crésus, qui le congédia[4].
Solon avait conclu devant Crésus : « Avant qu'il soit mort, attendons, ne disons pas encore d'un homme qu'il est heureux, disons que la fortune lui sourit »[5]. Effectivement, Crésus ne jouit pas longtemps de son bonheur : sa sinistre prémonition se réalisa, son fils Atys, étant victime d'unaccident de chasse, mortellement blessé par lejavelot duPhrygienAdraste[6],[7].
Comme son père, Crésus souhaite l’expansion du royaume enAsie Mineure.
À l'Est, Crésus parachève la conquête du littoral de Phrygie, d'Éolie, prendÉphèse[8] et plusieurs cités de l'Ionie continentale en leur imposant un tribut et l’envoi à Sardes de troupes armées. SeuleMilet réussit à conserver ses liens de xenía conclus avec Alyatte. En revanche, la conquête des îles ioniennes s'avère plus compliquée. En effet, Crésus n’avait pas de bateaux pour affirmer sa puissance maritime. Il décide alors de contracter des alliances avec d'autres puissances. Crésus tissa des liens commerciaux avec lepharaon égyptienAhmôsis II (vers 570 – 526 av. J.-C.) et le roiNabû-nā’id deBabylone (556 – 539 av. J.-C.).
Mais à la même époque, Cyrus Le Grand montre le même désir d’expansion que Crésus en Anatolie.
Vers 550,Cyrus II tenait prisonnierAstyage, roi des Mèdes, qu’il avait détrôné mais qui était devenu son grand-père maternel par alliance par l'effet d'un mariage censé garantir la paix. MaisAstyage était également beau-frère de Crésus puisqu'il est l'époux d'Aryenis de Lydie. Désireux d’arrêter la montée en puissance de Cyrus, irrité par cet événement tout autant que désireux d'étendre son empire vers l'Est, Crésus hésitait à entrer en guerre contre laPerse. La légende, relatée par Hérodote, veut que Crésus ait consulté préalablement les oracles de son temps : « Crésus, roi des Lydiens demanda auxoracles de Delphes et d’Amphiaraüs s’il devait marcher contre les Perses. Les deux oracles s’accordèrent dans leurs réponses.Ils prédirent l’un et l’autre à Crésus que, s’il entreprenait la guerre contre les Perses, il détruirait un grand empire, et lui conseillèrent de rechercher l’amitié des plus puissants parmi les États de la Grèce.[réf. nécessaire]
Crésus remercia les oracles par de splendides présents et ne cessa plus d’y avoir recours. Il lui demanda donc si sa monarchie serait de longue durée. La Pythie lui répondit en ces termes : « Quand un mulet sera roi des Mèdes, fuis alors, Lydien efféminé, sur les bords de l’Hermus caillouteux : garde-toi de résister, et ne rougis point de ta lâcheté. »
Cette réponse fit encore plus plaisir à Crésus que toutes les autres. Persuadé qu’on ne verrait jamais sur le trône des Mèdes unmulet, il conclut que ni lui ni ses descendants ne perdraient leur empire[9]. » Crésus ne pensa pas une minute qu'il pourrait s'agir de son propre empire[10], considérant qu'un mulet — au sens propre — ne pourrait jamais être roi des Mèdes, alors que la pythie faisait allusion au fruit d'unemésalliance[11],[12](Cyrus était le fils deMandane, une princesse mède, et deCambyse Ier qui était un vassal de son père, le roiAstyage). Crésus conclut donc différentes alliances avec l'Égypte,Babylone etSparte[13] et se prépara à affronterCyrus II.
Après avoir franchi l'Halys[14], Crésus rencontre une première fois les troupes de Cyrus lors de labataille de Ptérie[15], la victoire est perse, mais Crésus est encore en possession de la majorité de son armée. L'hiver approchant, Crésus démobilise ses troupes et se replie versSardes[16], pensant qu'il avait le temps de se réorganiser. En effet, les cités grecques devenaient de plus en plus indécises, Milet faisant même des propositions diplomatiques à Cyrus, et Sparte n'avait toujours pas envoyé le contingent promis, il fallait donc du temps au roi lydien pour régler ces affaires. Mais Cyrus, génie militaire qu'il est, étudia minutieusement la situation, et conclut qu'il fallait exploiter sa position favorable malgré l'hiver ; de plus, il avait tout à redouter d'une armée lydienne de nouveau opérationnelle et prête à défendre le pays. Donc, malgré l'hiver, il déclencha l'offensive, droit vers la capitale. Crésus avait réuni une armée nombreuse devant la ville, Cyrus devait donc affronter des Lydiens certes plus nombreux, mais dos au mur, et non parés à défendre un empire dans lequel l'avancée aurait été difficile. Le Perse triompha à labataille de Thymbrée dans laquelle il retourne la situation en mettant la cavalerie lydienne en déroute. Privée de flexibilité, l'infanterie est encerclée puis massacrée. Assiégé dansSardes vers 547 av. J.-C., Crésus regarde impuissant la chute de son empire, appelant des alliés qui ne seront pas là à temps, Sparte recevra le message de la chute de Sardes juste avant le départ du corps expéditionnaire. Après 14 jours, la ville est prise d'assaut par les Perses, Crésus est fait prisonnier par Cyrus et exilé dans une ville de Médie de laquelle les revenus lui permettront de maintenir son train de vie.
Cyrus affecte à Crésus les revenus d’une ville proche de la rivièrePactole dont lessablesaurifères lui assurèrent une fortune colossale. Celle-ci lui permit de bâtir sa légende par des offrandes généreuses aux templesgrecs :
il fait porter ausanctuaire de Delphes une quantité inimaginable d'offrandes : d'aprèsHérodote, il offrit en sacrifice trois mille têtes de bétail, des lits recouverts de lames d'or, des coupes d'or, des vêtements teints de pourpre, cent briques en or pur, deux immenses cratères en argent et en or pour mélanger l'eau et le vin, quarante barils d'argent, une statue de sa boulangère également en or, les bijoux de son épouse et enfin un lion tout en or. Ce lion fit longtemps l'admiration des visiteurs àDelphes. Lors d'un incendie, il perdit la moitié de son poids. Le reste, encore respectable, fut placé dans le Trésor desLacédémoniens.
Le règne de Crésus est le dernier de la dynastie des Mermnades fondée parGygès en 687 av. J.-C.
↑Cette rencontre de Solon avec Crésus pose un problème d'authenticité, puisque la carrière de l'Athénien permet de fixer avec précision l'année -594 mais Crésus ne régna pas avant la fin des années -560. Il est donc impossible que Solon ait rencontré Crésus à l'époque évoquée par Hérodote. Plutarque confirme l'invraisemblance chronologique, mais croit en la véracité de ce récit si célèbre car conforme au caractère de Solon.
↑Kevin Leloux, « The Campaign Of Croesus Against Ephesus: Historical & Archaeological Considerations »,Polemos 21-2,,p. 47-63(ISSN1331-5595,lire en ligne).
↑ChandezonChristophe, « « "Il est le fils de l'âne …" Remarques sur les mulets dans le monde grec » »,in A. Gardeisen (éd.), Les équidés dans le monde méditerranéen, (Actes du colloque de l'EFA, nov. 2003), Lattes, 2005, p. 207-217,(lire en ligne, consulté le).
↑KevinLeloux, « L'alliance lydo-spartiate, Ktèma 39, 2014, p. 271-288. »,Ktèma 39,,p. 271-288(lire en ligne, consulté le).
↑Kevin Leloux, « La bataille de (la) Ptérie. La Lydie face à la Perse (ca. 547 av. J.-C.) »,Actes du 9e Congrès de l'Association des Cercles Francophones d'Histoire et d'Archéologie de Belgique (Liège, 23-26 août 2012),TomeII, Volume 3, Diversité des Mondes Anciens. De l'Antiquité à 1815,,p. 407-415(lire en ligne).
↑HÉRODOTE Histoire -Ἡροδότου ΜοῦσαιLIVRE I. CLIO - Ἱστοριῶν πρώτη ἐπιγραφόμενη (Κλειὼ)Trad.du grec par Larcher ; avec des notes de Bochard, Wesseling, Scaliger.. [et al.] Paris : Charpentier, 1850.Pour le texte grec : ed.A. D. Godley. Cambridge 1920.lire en ligne.
Alain Duplouy, « L'utilisation de la figure de Crésus dans l'idéologie aristocratique athénienne. Solon, Alcméon, Miltiade et le dernier roi de Lydie »,L'Antiquité Classique,vol. 68,,p. 1-22(lire en ligne).
Kevin Leloux, « L'alliance lydo-spartiate »,Ktèma, Civilisations de l'Orient, de la Grèce et de Rome antiques, Presses universitaires de Strasbourg,no 39,,p. 271-288(lire en ligne).
Kevin Leloux," Les alliances lydo-égyptienne et lydo-babylonienne",Gephyra, Phoibos Verlag, n° 22, 2022, p. 181-207.