Jubaea chilensis · Palmier du Chili
Pour les articles homonymes, voirCocotier (homonymie).
Règne | Plantae |
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Division | Magnoliophyta |
Classe | Liliopsida |
Ordre | Arecales |
Famille | Arecaceae |
Sous-famille | Arecoideae |
Tribu | Cocoseae |
Sous-tribu | Attaleinae |
Ordre | Arecales |
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Famille | Arecaceae |
VUA1cd :Vulnérable
Répartition géographique
Lecocotier du Chili,palmier du Chili oujubéa[1],Jubaea chilensis, est uneespèce deplantesmonocotylédones de lafamille des palmiers (Arecaceae). C'est la seule espèce actuellement acceptée au sein dugenreJubaea.Jubaea chilensis est un palmier à feuilles pennées proche d’une lignée de genres distribués exclusivement dans l’hémisphère sud. L’origine de ce groupe se situe enAfrique (Jubaeopsis) pour se poursuivre à l’est versMadagascar (Voanioala), laMélanésie (Cocos), leChili (Jubaea), laBolivie (Parajubaea), et enfin pour s'achever auSud du Brésil (Syagrus,Butia,Lytocaryum,Allagoptera,Polyandrococos). Son nom lui est donné en l’honneur du roi savantJuba II (50av. J.-C. à 24apr. J.-C.), qui règne sur laMaurétanie et qui s’intéresse à la botanique[2],[diff 1]. L’épithète spécifique,chilensis, se réfère au nom du pays d'origine de l’espèce, leChili.
Avec sonstipe (ou faux-tronc) qui atteint parfois cinq mètres decirconférence au sol, il est le plus imposant despalmiers. C’est une plante à la croissance assez lente à l’âge juvénile puis qui s'accélère à partir de la quinzième année environ et qui ne fleurit pas avant l’âge de60 ans. C’est le plus résistant au froid de tous les palmiers à feuilles pennées. Dans de bonnes conditions, il peut supporter des températures allant jusqu’à−15 °C.
Le cocotier du Chili est classé commeespèce menacéevulnérable (VU A1cd) sur laliste rouge de l'UICN, classement en raison de son exploitation intensive dans son pays d’origine pour l’extraction de son fameuxmiel. L’exploitation de l’amande de son fruit et de sasève élaborée est aujourd’hui réglementée. Actuellement, seulement 120 000 spécimens[3] sont recensés dans leuraire de distribution naturelle, larégion centrale sub-humide du Chili qui bénéficie d’unclimat méditerranéen[4].
Le cocotier du Chili est introduit en France au milieu duXIXe siècle parCharles Naudin, lorsque les premiers amateurs tentent d’acclimater des plantes exotiques dans leurs jardins. Ce palmier est également cultivé à la même époque et pour la première fois, au Royaume-Uni, en Italie, dans la péninsule Ibérique ou même en Californie et en Australie.
De nombreux artistes chiliens, peintres, poètes, chroniqueurs ou cartographes représentent ou évoquent avec admiration le palmier à miel dans leurs œuvres.
Le cocotier du Chili pousse sur des sols pauvres et secs, sa croissance est très lente les premières années mais commence à s'accélérer à partir de la15e année. Avec l'âge, son stipe peut atteindre 25 mètres de hauteur, pour 1 à 2 mètres de diamètre[5] et 5 mètres de circonférence. Cestipe lisse est gris, plus large à la base que sous la couronne, souvent marqué de larges cicatrices laissées par la base des pétioles[6]. LeJubaea chilensis est l'un des palmiers dont le stipe est le plus gros en proportion de la hauteur. Avec l'âge, le faux-tronc se rétrécit dans sa partie supérieure, prenant parfois la forme d'une bouteille.
La couronne comprend 40 à 50 feuilles pennées de 3 à 5 mètres de longueur, rigides, coriaces etinermes, d'un vert plus au moins foncé. Cette couronne defeuilles est dressée au centre et recourbée pour les feuilles externes. Le feuillage est persistant. Les feuilles sont pennées à base engainante. Chacune d'elles compte 110 à 120 folioles[7]. Lesfolioles sont linéaires-lancéolés, vertes en dessus et glauques en dessous ; elles ont une architecturerédupliquée (le contraire desPhoenix). Elles sont fixées de manière alterne sur lerachis par un bourrelet peu saillant d'un vert jaunâtre, à nervure médiane d'un vert pâle, très saillante en dessus, formant en dessous un léger sillon longitudinal entièrement recouvert par untomentum épais persistant, rouge brun. Lespétioles sont courts, fibreux et se détachent facilement du stipe quand la feuille est morte[8]. Ce palmier perd ses palmes naturellement lorsque celles-ci ont séché.
Jubaea chilensis est un palmiermonoïque[9]. La floraison commence seulement à partir de l'âge de quarante à soixante ans. De larges inflorescences apparaissent entre les feuilles en novembre au Chili. Lesspathesnaviculaires etfusiformes dépassent de 1,50 m de longueur et sont recouvertes d’un tomentum marron. L’inflorescence porte de nombreuses fleurs jaune-orangé. L'inflorescence est unspadice ramifié de fleurs unisexuées[10], qui émerge à l'aisselle des feuilles inférieures ; elle est de couleur pourprée. Les fleurs mâles sont portées sur unpédonculesubtrigone aveccalice tripartite. Les fleurs femelles, déprimées et globuleuses, sont protégées par un calicetriphylle[8].
À laVilla Thuret (devenue une station botanique de l'INRA), au cap d'Antibes, dans les Alpes Maritimes, le premier sujet est planté en 1858, 4 ans après lesemis. La floraison, suivie d'une fructification, a lieu en 1894 (une première en France). Le palmier a donc40 ans. À Lattes, près de Montpellier, douze exemplaires sont plantés, 5 ans après le semis, en 1864, au sein de la pépinièreTeule, Gay et Sahut. La première floraison est constatée sur l'un des palmiers en 1904. Il a donc45 ans. La totalité des sujets fructifie à partir de 1910. Les palmiers ont alors51 ans.
Les fruits sont desdrupes ovoïdes,monospermiques. Ils sont semblables à des petitesnoix de coco de 3 cm de diamètre. Ils ont une pulpe orange ou jaune vif et fibreuse qui entoure unegraine, contenant une chair blanche et comestible dont le goût rappelle celui de l'albumen de la noix de coco ordinaire. Lesendocarpes sont parcourus de la base au sommet par 3 sillons plus ou moins saillants, alternant avec les trois pores ronds ou ovales, situés à des hauteurs différentes, depuis la base jusqu'au milieu[8]. Ces trois opercules contiennent trois germes. La maturation de l'infrutescence du cocotier dure de février à mai dans l'hémisphère sud[11]. Cette infrutescence arrive également à maturation dans le sud de la France. La noix est appelée au Chilicoquito.
Lecoquito est une graine oléagineuse. L'analyse de l'huile decoquito montre qu'elle est composée à 67,3 % de matières grasses (essentiellement desacides gras saturés comme l'acide caprique, l'acide caprylique, l'acide laurique et l'acide myristique et destriglycérides à chaîne moyenne), entre 7 et 11 % deprotéines,glucides et fibre[12].
La multiplication se fait exclusivement par semis. Lagermination de la graine du cocotier du Chili est longue (deux mois à un an) et problématique. Le taux de germination est supérieur à 50 %[11]. Pour obtenir des résultats satisfaisants, « il faut semer des graines très fraîches, les faire hiverner (5 °C à10 °C) quelques semaines en terre humide, puis les placer dans des conditions chaudes (27 °C) et humides. La croissance desplantules est délicate, car ces dernières sont sensibles à une maladie (sorte defonte) dont les origines sont inconnues »[13]. Il faut toutefois trois à huit mois pour obtenir la première feuille, simple et assez longue. La croissance est ensuite très lente les premières années, comme pour tous les palmiers.
Bien qu'aucun hybride naturel deJubaea chilensis ne soit signalé, l'espèce est connue pour ses diverseshybridations en culture ainsi qu'en témoignent quelquescultivars.
L'hybridation s'obtient en retirant lesanthères des fleurs du parent femelle puis en déposant sur leurpistil dupollen mûr prélevé sur le parent mâle (). Dans l'appellation du palmier hybride, le nom du parent femelle (
) est toujours indiqué en priorité ; ainsiJubaea ×Butia est un hybride dont le jubaea est le parent femelle, produisant les graines et le butia est le parent duquel provient le pollen[14].
Jubaea chilensis ×Butia capitata (nommé ×Jubutia) est un excellent palmier au stipe massif, faisant presque la taille d'unJubaea mais dont la croissance est plus rapide. Les feuilles sont plus bleues que celles duJubaea et plus distinctement ancrées que celles d'unButia. Il est très résistant au froid et c'est un supplément intéressant à la gamme limitée de palmiers disponibles pour les jardins tempérés.
Il existe deux autres hybrides deJubaea plus rares. Le premier est le croisement d'unJubaea chilensis (parent femelle) avec unSyagrus romanzzofiana (parent mâle
) ; cet hybride difficile à obtenir est nommé ×Jubeagrus (syn.Jubaea chilensis ×Syagrus romanzzofiana) et il est doté d'une bonne rusticité. Le second est le résultat d'un croisement entre un×Jubutia (parent femelle
) avec unSyagrus romanzzofiana (parent mâle
) ; cet hybride, également difficile à obtenir, est nommé ×Jubutyagrus (syn. (Jubaea chilensis ×Butia capitata) ×Syagrus romanzzofiana) et il est aussi doté d'une bonne rusticité.
Cette espèce peut enfin s'hybrider avecButia odorata (Barb.Rodr.) Noblick. L'espèce hybride obtenue est nommée×Jubautia splendens Hodel[15].
Noms | Parents | Description |
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×Jubutia,hybride intergénérique | Jubaea chilensis ×Butia capitata | Apparence d'unJubaea chilensis, croissance plus rapide. Palmes légèrement bleutées. |
×Jubeagrus,hybride intergénérique | Jubaea chilensis ×Syagrus romanzzofiana | Hybride rare. Apparence d'unJubaea chilensis, croissance plus lente que celle d'un ×Jubutyagrus. |
×Jubutyagrus,hybride intergénérique | (Jubaea chilensis ×Butia capitata) ×Syagrus romanzzofiana | Croissance rapide. Doté d'une bonne rusticité. |
Dans sonEssai sur l'histoire naturelle du Chili, Le père JésuiteJuan Ignacio Molina donne une description scientifique inédite du palmier chilien[16]. Cet ouvrage est la première étude scientifique sur l'histoire naturelle du Chili que le botaniste publie en italien depuis l'Europe puisque lesJésuites ont été expulsés du pays en 1768. Le nom binominalPalma chilensis utilisé pour définir le palmier y est associée au terme latinCocos inermis et à la dénomination d'origine indienneLilla.
L'examen de la plante incite le savant à le comparer au palmier dattier et à observer que« les fleurs sont monoïques et sont renfermées dans une spathe ligneuse qui se fend à mesure que la fleur s'accroît »[16] ; Molina ne relève curieusement que deux opercules sur les noix du jubaea alors qu'ils sont au nombre de trois et note que la« liqueur laiteuse du noyau lorsque celui-ci est jeune, est très rafraîchissante ». Chaque grappe de fruits« comporte plus mille coques recouvertes de deux écorces, comme les cocos des tropiques »[16].
Le genreJubaea est décrit parKarl Sigismund Kunth en 1816[17] à la suite des publications d'Alexandre de Humboldt[9]. Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland ont en effet rapporté durant leur voyage enAmérique du Sud unherbier riche de plus de 70 000 spécimens dont 54 000 nouvellesespèces. Humboldt après avoir contacté plusieurs botanistes, finit par rencontrer Kunth, neveu de son ancien précepteur, et lui confie la tâche énorme de déterminer sa collection. Kunth y consacre24 ans de sa vie.
Jubaea spectabilis tel que défini en 1816 par le botaniste allemand a des synonymes commeCocos chilensis (Molina[18]) Kunth,Micrococos chilensisPhilippi[19] ouPalma chilensis Molina[20]. Lenom binominal deJubaea chilensis, actuellement en vigueur, est employé par le botaniste françaisHenri Ernest Baillon à partir de 1895 dans son ouvrage de taxonomie,Histoire des plantes[21].
Les noms vernaculaires de ce palmier,Palma chilena oucoquito ainsi que les dénominations locales essentiellement d'origineMapucheLilla,Lillal ouQuechuaCan can,Kan kan sont mentionnées par le botaniste italienCarlo Luigi Giuseppe Bertero[22], et reprises par Henri Ernest Baillon dans son traité général de botanique[21].
Selon laclassification de Cronquist, le cocotier du Chili est rattaché, de par sescaractères morphologiques spécifiques, à lafamille desArecaceae, puis, toujours selon lataxinomie linnéenne, à lasous-famille desArecoideae, à latribu desCocoeae et enfin à lasous-tribu desAttaleinae[23].
Le genreJubaea partage sa sous-tribuAttaleinae avec 9 autres genre;Beccariophoenix,Jubaeopsis,Voanioala,Allagoptera,Butia,Cocos,Syagrus,Parajubaea etAttalea.
Jubaea chilensis occupe la zone centrale du Chili, comprise entre l'hacienda Las Palmas (RégionIV) au Nord (31° 15′ S, 71° 35′ O) et la localité de Tapihué (RégionVII) au Sud (35° 22′ S, 71° 47′ O). Ce qui fait de cette espèce le deuxième palmier, aprèsRhopalostylis sapida, dont l'aire de répartition naturelle est la plus australe[24]. Il est inféodé aux régions chiliennes bénéficiant d'un climat méditerranéen[13], chaud et sec en été (de septembre à avril) et froid et humide en hiver (de mai à août)[25],[26]. Les sols sont en général pauvres et pierreux. L'aire de distribution naturelle desJubaea occupe la chaine côtière parallèle aux Andes (cordillère de la Costa) et ses vallées centrales, jusqu’à 1 500 mètres d’altitude, sur la côte de l’océan Pacifique (région du Maule,région du Libertador General Bernardo O'Higgins,région de Valparaíso,région de Coquimbo).
On estime qu'en 1550 la population totale de palmiers du Chili s'élève à 5 millions d'individus[27].
Ses populations sont maintenant réduites à des zones protégées comme leparc national La Campana (régionV)[28], déclaréRéserve de biosphère en 1984 ou leparc national Las Palmas de Cocalán (régionVI), deux de ses derniers sanctuaires naturels. On y recense le plus ancien cocotier du Chili,La Capitana, âgé de 1 600 ans environ selon la tradition locale et haut de 28 mètres.
Le nombre estimé de cocotiers au Chili est de 120 000 pieds mais trois localités seulement rassemblent un nombre important de palmiers : Ocoa (60 000 individus), Cocalán (35 000 individus) etLas Siete Hermanas àViña del Mar-Valparaíso (7 000 individus) qui représentent 90 % du total des effectifs[29]. Le reliquat se situe dans les quelques régions suivantes, avec des effectifs moindres : Cuesta-Los Guindos (2 500), San Miguel de Las Palmas (2 000),La Candelaria (1 900), Tunel de Las Palmas (1 300), Tilama-Pichidangui (50), Tapihue-Pencahue (17),La Serena (3), Limahuida-Los Vilos (2), autres sujets dispersés (200)[30].
En grandespalmeraies, le cocotier du Chili est associé à une flore diverse :Quillaja,Peumus boldus,Crataegus oxyacantha,Cryptocarya rubra, alors qu'en bosquets isolés, il est associé àDrimys winteri et àCrinodendron patagua. Dans les milieux arides il côtoie égalementColliguaja odorifera,Lithraea caustica,Podanthus mitiqui,Quillaja saponaria,Schinus polygamus ; dans les zones plus humides, il prospère aux côtés dePersea cf. meyeniana,Aristotelia chilensis,Luma apiculata etRhaphithamnus spinosus.
Le but essentiel de laliste rouge de l'UICN[31], dans laquelle est inclus le palmier du Chili, est de rassembler les informations sur lesespèces menacées d'extinction, d'évaluer régulièrement l'évolution des risques que courent ces espèces, puis d'assurer une diffusion aussi large que possible de ces données auprès de nombreux publics. Elle peut en effet être utilisée par les agences gouvernementales, les organismes responsables de la protection de la nature, lesONG spécialisées dans la conservation, les éducateurs, et d'une façon générale par toute personne soucieuse du déclin de labiodiversité. L'UICN se donne comme objectif de réévaluer chaque espèce tous les 5 ans si possible, tous les10 ans tout au plus. Ce travail est réalisé par descomités de lecture, dès lors que l'UICN a collecté l'ensemble des données nécessaires à la réévaluation de l'espèce. Ces contraintes de calendrier expliquent que le statut de protection deJubaea chilensis a évolué dans le temps.
Jubaea chilensis est décrit comme une espèce vulnérable selon leLivre Rouge de la flore terrestre du Chili publié par la CONAF[32]. Il est également qualifié d'espèce vulnérable par l'UICN en 1997[33] et inscrit sur laliste rouge de l'UICN selon les critères de 1994. Le cocotier du Chili est alors classé en catégorieVU A 4c (B1ab-III) de l'UICN[33]. Il est déclaréespèce en danger pour la quatrième région chilienne (larégion de Coquimbo,La Serena) notamment dans la province de Choapa[34]. Depuis 2007, son statut de protection sur la liste rouge de l'UICN est inclus dans la catégorieVU A1cd[31] et la coupe de ses populations au Chili est contrôlée par la CONAF et le SAG, organismes publics qui autorisent environ une ponction de 36 sujets par an avec une obligation de replanter 10 nouveaux palmiers pour chaque palmier abattu[33].Jubaea chilensis est aussi bénéficiaire d'un statut protecteur dans la cinquième région administrative chilienne, lieu d'implantation duparc national La Campana, créé en 1967, dans le secteur d'Ocoa[35] où plusieurs facteurs mettent en péril lespalmeraies primaires : les récoltes illégales de noix qui ont un impact négatif sur la régénérescence des palmiers et les incendies, nombreux dans les vallées centrales de la cordillère de la Costa, qui détruisent les jeunes pousses.
Le parc national Las Palmas de Cocalàn a, lui, été créé en 1972[36]. Diverses institutions, autres que les organismes gouvernementaux de régulation, sont chargées de la protection des sites comme « La Fundación para la Recuperación y Fomento de la Palma Chilena[trad 1] » qui gère1 000 hectares de terres dans la réserve écologique privée de l'Oasis de La Campana.
Des initiatives ont été mises en place à partir des années 1970[37] pour commercialiser ce palmier, qu'il soit juvénile ou même adulte afin de limiter la chute des populations existantes souventsénescentes dans les forêts chiliennes[38].Jubaea chilensis, grâce à ses qualités esthétiques et à sa rusticité, est un palmier très demandé par les amateurs de plantes exotiques et donc recherché par les producteurs et pépiniéristes, notamment européens[37].
Cultivé depuis leXIXe siècle dans les jardins botaniques où il tient souvent une place de choix, il est cependant très rare en culture et de faible disponibilité dans le commerce. Il est donc devenu un objet de convoitise de la part des amateurs d'exotisme. Ce palmier étant de croissance lente, le seul moyen de disposer de palmiers de taille adulte est le recours à l'exportation directe depuis le Chili. Plusieurs sociétés spécialisées proposent desJubaea chilensis de toutes tailles, cultivés, conditionnés (afin d'éviter l'importation de parasites[39]), acclimatés (en tenant compte de l'inversion des saisons avec l'hémisphère sud) et exportés enconteneurs de manière à garantir une reprise en Europe.
La disparition au Chili, dès leXIXe siècle d'une partie descouvertures végétales sclérophylles (lematorral chilien), végétation endémique dans la partie centrale du pays, est un autre facteur de raréfaction du cocotier du Chili, palmier qui a besoin de ces forêts de type méditerranéen pour assurer la survie des jeunes pousses[37]. Cette flore est détruite par l'activité agricole humaine (culture du blé) au moment de la restructuration des sols chiliens provoquée pardécouverte de l'or en Californie eten Australie entre 1848 et 1852.
Accessoirement,Octodon degus[40], un rongeur endémique qui se nourrit des jeunes pousses du palmier ainsi que de ses fruits, est responsable de la diminution des effectifs deJubaea chilensis, dans son aire de distribution originelle, dans le centre du Chili[41]. Les populations de rongeurs naturalisésRattus rattus etRattus norvegicus sont également une cause de raréfaction des jeunes pousses[42]. En revanche, les sujets de cocotiers du Chili, au faux-tronc massif[43], présentent une résistance notable aux incendies qui sont fréquents dans son aire de distribution naturelle.
Le papillonPaysandisia archon, nommé communément papillon palmivore du palmier, est considéré comme uninsecte ravageur pour les dégâts qu'il cause aux palmiers à feuilles pennées — donc au cocotier du Chili — et contre lequel il n'existe pas de traitement réellement efficace.Paysandisia archon s’attaque spécifiquement aux monocotylédones de la famille des Arécacées.« L’introduction du papillon en Europe a commencé via l’Espagne au début des années 1990 à la suite de l’importation de palmiers en provenance d’Argentine (Butia,Trithrinax), et s’est étendue à la France et à l’Italie à la fin de la décennie 1990. L’extension rapide de l’infestation a été due ensuite aux déplacements incontrôlés des palmiers entre départements ou pays et, localement, grâce aux capacités du papillon à se déplacer sur plusieurs kilomètres. Onze genres infestés parPaysandisia archon sont recensés à ce jour :Brahea, Butia, Chamaerops, Jubaea chilensis, Livistona, Phoenix, Sabal, Syagrus, Trachycarpus, Trithrinax, Washingtonia. Ce large spectre ne doit cependant pas masquer le fait que le papillon semble avoir des préférences parmi ces palmiers[44] ». En France, la lutte contre cenuisible est rendue obligatoire par un arrêté du ministère de l’Agriculture daté du 7 février 2002 (Annexe B)[45] qui stipule que« Paysandisia archon est un parasite de lutte obligatoire ». La lutte contre un autre parasite invasif, leCharançon rouge des palmiers,Rhynchophorus ferrugineus, fait l'objet d'une stratégie de lutte obligatoire définie désormais par l'arrêté ministériel du 21 juillet 2010[46]. Ce texte, complété par un arrêté modificatif du 20 mars 2012[47], autorise aussi l'endothérapie[Note 1] dans le cadre d'un dispositif expérimental dans le Var et uniquement à titre préventif ; son application en traitement curatif est interdite. Dans le cadre d'un bio-contrôle, des tests ont été réalisés en 2010 avec deux souches du champignonBeauveria bassiana ainsi qu'avec un ver microscopiqueentomopathogène en conditions semi-naturelles[48]. Ces expériences ont été réalisées sur des palmiers enfermés dans des filets anti-insectes placées en plein air.
Les communautésMapuches, établies dans le centre-sud du Chili auXVIe siècle, consomment les fruits deJubaea chilensis (Cau cau, littéralement « petites noix ») et produisent avec le liquide extrait du palmier, une eau-de-vie, leguarango[49]. Le cocotier du Chili est exploité durant la période coloniale pour produire unvin de palme que l’on distille avec sasève et dont le processus est minutieusement décrit par le père JésuiteAlonso de Ovalle[Note 2]. L'historien chilienBenjamín Vicuña Mackenna évoque en 1877 ces récoltes massives de miel de palmier dans l'hacienda La Siete Hermanas à Viña del Mar[50]. Charles Darwin mentionne aussi les récoltes dans le centre du Chili lors de sonvoyage d'exploration scientifique :
« Dans quelques parties du Chili, on les trouve en nombre considérable et ils sont très précieux, à cause d'une sorte de mélasse qu'on tire de leur sève. Dans une propriété auprès de Petorca on a essayé de les compter, mais on y a renoncé après être arrivé au chiffre de plusieurs centaines de mille. Tous les ans, au commencement du printemps, au mois d'août, on en coupe un grand nombre, et, quand le tronc est étendu à terre, on enlève les feuilles qui le couronnent. La sève se met alors à couler de l'extrémité supérieure ; elle coule ainsi pendant des mois entiers, mais à condition d'enlever chaque matin une nouvelle tranche du tronc, de façon à exposer une nouvelle surface à l'action de l'air. Un bon arbre produit 90 gallons [410 litres] ; le tronc du palmier, qui paraît si sec, devait donc évidemment contenir cette quantité de sève. On dit que la sève s'écoule d'autant plus vite que le soleil est plus chaud ; on dit aussi qu'il faut avoir grand soin, en coupant l'arbre, de le faire tomber de façon que le sommet soit plus élevé que la base, car, dans le cas contraire, la sève ne s'écoule pas ; on aurait pu penser cependant que, dans ce dernier cas, la gravitation aurait dû aider à l'écoulement.
On concentre cette sève en la faisant bouillir et on lui donne alors le nom demélasse, substance à laquelle elle ressemble beaucoup par le goût »Historiquement, le vin de palme extrait deJubaea chilensis est exporté depuis le port deCoquimbo au Chili où les populations naturelles de cocotier étaient recensées entre lefleuve Limari et le fleuve Maule mais d'où elles ont été éradiquées du fait de l'activité humaine et de la pression foncière.Charles Darwin évoque[52] « les centaines de palmiers à Pétorca » en 1834, alors qu'ils sont inexistants aujourd’hui dans cette zone[53]. Seule la région de Tilama possède de vastes plantations naturelles de palmiers et quelques individus résiduels subsistent à Quebrada las Palmas au sud de Mantos de Hornillo. Une étude toponymique de larégion de Coquimbo indique que de nombreuses localités incluent le terme « palmas » dans leur nom. Mais dans la plupart des cas, ces noms de lieux n'indiquent plus d'emplacements de cocotiers du Chili mais en suggèrent seulement une présence antérieure historiquement[53].
La technique utilisée pour la récolte, toujours demeurée artisanale depuis leXIXe siècle, est décrite par la voyageuse etFemme de lettres britanniqueMaria Graham en 1822 :
« Ce palmier produit une noix similaire à celle du noisetier, mais plus grosse. L'amande est comparable à une noix de coco et contient comme cette dernière du lait. Lorsque le palmier a dépassé l'âge de 150 ans environ (âge calculé sommairement par les habitants de ces régions), il est abattu et les Chiliens brûlent l'intérieur du stipe pour obtenir un jus distillé, appelé localementmiel. Son gôut est d'ailleurs celui du miel que nous connaissons. La quantité récoltée pour chaque palmier est vendue au prix de 200 dollars[54],[trad 2]. »
Elle nécessite l'abattage du palmier, souvent âgé et qui laisse couler plusieurs centaines de litres d'unesève sucrée et succulente. Le cocotier est étêté sous la couronne de feuilles et le stipe, couché à terre, laisse s’écouler quotidiennement et pendant près de 6 mois environ,450 litres de sève[55]. Celle-ci est aujourd’hui extraite par entaille pour fabriquer dumiel de palmier. L’extraction de la sève s’effectue durant l'été austral, entre novembre et avril, période durant laquelle les chaleurs printanières et estivales facilitent l'écoulement de la sève. De mai à octobre, durant l'hiver austral, la récolte est suspendue. Cette période est mise à profit pour effectuer semis et plantations de jeunes pousses de palmiers. Chaque zone exploitée est divisée encuarteleros (littéralement « parcelles »), c'est-à-dire des secteurs regroupant un nombre défini de palmiers sélectionnés et voués à être abattus. Ces secteurs forestiers sont raccordés entre eux par un canevas de sentiers que les ouvriers agricoles empruntent deux fois par jour pour récolter la sève. Le précieux liquide, transporté à dos d’homme dans des sacoches en cuir de chèvre est amené à labodega (cave de transformation) pour y être concentré, par cuisson, dans une grande poêle de cuivre. Cette sève concentrée et distillée avec du vin est ensuite mise en fûts dans les caves de fermentation de l'Hacienda pour y reposer plusieurs années. Deux qualités de substances sont produites : lemiel de Palma dont lamélasse repose plus de 4 ans en fût avant élaboration du miel, de couleur brune / marron et lemiel Melimel dont la mélasse repose 1 an avant l'élaboration d'un miel de couleur jaune[56].
Certains agronomes suggèrent de modifier la technique d'extraction de la sève, en évitant d'abattre le palmier, en prenant exemple sur la méthode utilisée dans lesÎles Canaries avecPhoenix canariensis. Dans ce cas, la production s'étale sur une durée un peu plus longue de 4 à 9 mois avec une récolte moyenne de 8 à15 litres par jour[57]. Depuis 2005, cette méthode semble être utilisée au Chili par la seule exploitation du pays qui mène une production intégrée de miel de palmier sous le contrôle de laCONAF et qui le précise dans ses documents internes[58].
Deux textes essentiels réglementent actuellement l'exploitation du palmier à miel sur le territoire chilien.
Le Décret Suprême 908 du 3 juillet 1941 prévoit une autorisation du Service de l'agriculture et de l'élevage avant toute coupe de palmier[59].
Mais il faut attendre le Décret-Loi 701 du 14 octobre 1974 avec la création de sanctuaires et l’interdiction d’exploiter ses populations naturelles au Chili, ainsi que les contrôles rigoureux mis en place à partir de 1980 par les organismes de droit public (laCONAF et leSAG), pour queJubaea chilensis échappe à l'extinction. Le texte du Décret-loi précise que« le palmier du Chili, comme les autres espèces de végétaux forestiers, doit être exploité et ses coupes réglementées en vertu d'un plan de gestion forestier approuvé par la CONAF, de manière que la conservation, l'amélioration et la régénérescence de cette ressource naturelle soit assurée[60]. »
Le Décret-Loi de 1974 est complété par trois dispositions législatives ultérieures : le Décret-Loi 2565 du 21 mars 1979, la Loi 18959 du 22 février 1990 et la Loi 19561 du 9 avril 1998[61].
Un décret d'application 259 du1er septembre 1980, dans ses articles 19, 20 et 24 se réfère aussi de façon spécifique au palmier du Chili en précisant notamment dans son article 24 que« le type de coupe et d'exploitation s'appliquent au palmier du Chili, entre autres types de végétaux de la forêt chilienne. La coupe et l'exploitation de ce palmier doivent être sélectives sachant que pour chaque spécimen coupé, un minimum de 10 pieds de la même espèce doit être replanté. La coupe suivante ne pourra avoir lieu dans le même secteur que 5 ans après[62]. »
LaCONAF gère les espaces naturels protégés par l'État et utilise des fonds nationaux et internationaux pour protéger les forêts de palmiers du Chili[63]. Afin d'éviter que l'exploitation dumiel de palmier que produisent les Chiliens avec la sève saccharifère, ne provoque la disparition de cemonument botanique, cette dernière est désormais contrôlée : au bout de 40 ans d'âge, les palmiers sont sélectionnés pour la récolte du miel par laCONAF[Note 3]. Les sujets choisis sont les palmiers qui n'ont plus de force car ayant développé des racines très importantes. Le Décret-Loi de 1974 transfère cependant au secteur privé la fonction de production dans le milieu forestier (plantation et industrialisation), ce qui explique aujourd’hui l'étroite imbrication dans la gestion de certainespalmeraies de cocotiers du Chili, entre la CONAF et lesestancias (haciendas) privées. Cette collaboration fonctionne au sein même des parcs nationaux, notamment avec laHacienda Las Palmas de Cocalàn[64], seule palmeraie privée du pays autorisée à mener une production intégrée de miel de palmier sous le contrôle des pouvoirs publics[37].
Au cours des millénaires passés, les changements de climat en Amérique du Sud dus à l'orogénèse de lacordillère des Andes et à la conjugaison d'influences tropicales dans une zone de climat méditerranéen ont permis l'émergence d'une flore particulière dont le cocotier du Chili est un exemple[65]. Molina donne une description dePalma chilensis en 1782, dans sonEssai sur l'Histoire Naturelle du Chili[18]. La seule gravure de ce livre représenteJubaea chilensis,Araucaria araucana etculén[Note 4]. Jusqu'auXIXe siècle, le Chili possède de grandes étendues naturelles sur les pentes desAndes, plantées depalmeraies non exploitées deJubaea chilensis que les explorateurs et botanistes européens identifient lors de leurs voyages scientifiques.
Les multiples observations faites lors de leur voyage en Amériqueéquinoxiale de 1800 à 1804, permettent àAlexandre de Humboldt etAimé Bonpland d’avoir une vision d’ensemble de la flore d'Amérique du Sud et ainsi de jeter les bases de laphytogéographie. Ils observent les relations entre les plantes et leur origine géographique ainsi qu’avec leur milieu et pensent avoir rencontré le palmier du Chili, à l'état cultivé, dans les jardins de Popayan enNouvelle-Grenade[66]. « De retour en Europe, Humboldt s’attelle à la publication, de 1814 à 1825, d’un monumentalVoyage aux régions équinoxiales du Nouveau Monde, rédigé en langue française, langue officielle de l’Académie des sciences de Berlin. Il a de grandes difficultés à y associer Aimé Bonpland appelé àMalmaison afin de remplacerÉtienne Pierre Ventenat à la suite du décès de celui-ci. Humboldt fait alors appel au botanisteKunth. Un grand palmier du Chili, leJubaea spectabilis H. B. K. qui en France orne majestueusement divers parcs publics et privés, associe par ses initiales le nom des trois savants[67] ». En 1834 pourtant,Charles Darwin,naturaliste anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné labiologie, décrit ce palmier chilien comme« un arbre très-vilain [sic] »[52] :
« Dans quelques endroits on rencontre des palmiers, et je suis tout étonné d'en trouver un à 4 500 pieds de hauteur [1 350 m]. Par rapport à la famille à laquelle ils appartiennent, ces palmiers sont de très-vilains arbres. Leur tronc fort gros affecte une forme curieuse : il est plus gros vers le centre qu'à la base et au sommet[51]. »
Il existe sur l'île de Pâques une espèce de palmier (éteinte actuellement) appeléePaschalococos disperta. Ce palmier est déjà présent sur les tablettes de bois gravées selon le système d'écritureRongo-rongo[68]. La découverte de noix très anciennes en 1983, confirme l'existence de cette espèce éteinte de palmier sur l'île[69]. Lesanalyses polliniques des botanistes britanniques John Flenley et Sarah King, ont permis d'identifier des traces de ce palmier présent sur l'île jusqu'auXVIIe siècle, par le procédé de ladatation au carbone 14[70]. Ce palmier est parfois identifié commeJubaea chilensis par certainspaléobotanistes et géologues[Note 6] qui estiment que le cocotier du Chili y a bien été présent[71], et quePaschalococos disperta, est une essence très proche du géant chilien actuel. Il sert alors au levage et au déplacement des statuesbasaltiques emblématiques de l'île, lesmoaïs. Mais aucun consensus n'est actuellement établi dans la communauté scientifique, quant à une éventuelle présence du palmier chilien sur l'île de Pâques. En effet, d'autres scientifiques[Note 7] évoquent des divergences dans le caractère biologique des deux espècesPaschalococos disperta etJubaea chilensis, interdisant ainsi d'affirmer une présence avérée sur l'île du palmier continental[72],[73],[74].
Le Chili possède une autre espèce de palmier,Juania australis, endémique de l'archipel Juan Fernández.
Les plus vieuxJubaea chilensis sont introduits en France par lebotanisteCharles Naudin vers 1850, plantés d'abord dans sa propriété privée àCollioure, en 1869 puis à laVilla Thuret aucap d'Antibes quand il en devient le directeur en 1878. Dans une lettre du 2 avril 1881, il explique :
« C'est moi, mais je n'en suis pas plus fier pour ça, qui ai inventé leJubaea, il y a une trentaine d'années ; personne n'y songeait, mais après avoir étudié les palmiers dans le grand ouvrage deMartius, j'ai conclu que c'était un de ceux qu'il fallait le plus propager. En suite de quoi j'ai battu la caisse à tours de bras [sic] dans laRevue horticole. Quelques amateurs se sont laissés convaincre, entre autresMM. Thuret d'Antibes et Jean Raymond (le philosophe). Les marchands grainiers ont fait venir des graines, et moi-même, il y a une quinzaine d'années, j'en ai fait venir du Chili que j'ai distribuées à droite et à gauche.
Malheureusement, les graines étant très rares et très chères à cette époque, leJubaea étant un palmier à végétation assez lente, les horticulteurs furent obligés d'offrir les jeunes plantes à un prix très élevé, ce qui nuisit à leur vente[75]. »
Émile Sauvaigo, Docteur en médecine, secrétaire de la Société d'Agriculture de Nice et directeur duMuséum d'histoire naturelle de Nice, auteur de plusieurs ouvrages agricoles et horticoles, recense dans son ouvrage sur les jardins de la Côte d'Azur, les plus beaux spécimens :« les plus vieux et magnifiques exemplaires sont ceux du jardin deGustave Bonnet et du maireAlphonse Denis, àHyères, plantés en 1852 »[76].
D'autres très beaux exemplaires sont visibles auPlantier de Costebelle, chez labaronne de Prailly[77] où ils ont été plantés après 1863, grâce àCharles Huber, directeur de l'établissement horticoleCharles Huber et Compagnie[75]. Le botanisteJustin-Benjamin Chabaud précise que les quatre sujets du Plantier de Costebelle représentent dans la région de l'olivier cette « végétation hors ligne »[78]. Le jardin botanique de Saint-Mandrier-sur-Mer, le jardin Amélie à Nice ou le parc Olbius Riquier à Hyères possèdent également de beaux sujets.
Le botaniste du Sud-Ouest Lételié donne de précieux renseignements sur l'acclimatation deJubaea spectabilis àMarennes en 1866, estimant que le palmier rustique peut être acclimaté« partout où l'Olivier ne gèle qu'exceptionnellement, là en un mot où la température moyenne annuelle n'est pas sensiblement inférieure à14 °C »[79].
Il existe des exemplaires deJubaea chilensis cultivés en France puisque ce palmier — dont l'une des qualités majeures est la rusticité — a été largement planté en Provence, en Languedoc (àMontpellier), en Roussillon (àPerpignan, au jardin de la Digue d'Orry ; àArgelès-sur-Mer, dans le parc privé du château de Saint-Malo ayant appartenu au baron de Vilmarest[Note 8] ; au jardin de la mairie deRivesaltes ; àSaint-Cyprien, au parc des Capellans) et sporadiquement sur la côte atlantique (àHendaye et àBiarritz). Deux spécimens anciens, rapportés par descap-horniers auXIXe siècle sont aussi visibles àLorient, un autre àMorlaix (àGarlan dans le parc du château de Kérozar[Note 9]) ou encore àPlomelin, près deQuimper en Bretagne, dans le parc botanique privé du manoir de Kerdour. Certains portent des traces d'impacts de balles de la Seconde Guerre mondiale.
Une quarantaine de sujets sont recensés dans l'Hérault et quelques-uns dans les Pyrénées-Orientales : l'ancienne maison de Charles Naudin àCollioure, le domaine de la Fosseille àSaleilles. Sa culture peut donc être tentée enzone 7a car sa rusticité permet à ce palmier de résister à des températures négatives très basses (−17 °C en 1956 en Languedoc).
Mais ce sont surtout les parcs des vieilles demeures de la Côte d'Azur et de laRiviera méditerranéenne qui abritent encore les sujets centenaires de « Jubées remarquables »[80], véritables marqueurs des anciens jardins d'acclimatation qui accueillent une grande diversité de végétaux exotiques, nouveaux et rares auXIXe siècle : laVilla Thuret[81],Le Plantier de Costebelle,la Villa Marguerite,le parc du Manteau, laVilla Cytharis dePierre Trabaud,le Clos Mireille,La Pascalette, lechâteau Colbert, leChâteau Éléonore, lechâteau de la Moutte,la palmeraie du domaine de Frégate, leDomaine des Cèdres, ou lejardin botanique Hanbury[Note 10].
En 1856,Jubaea spectabilis est cultivé, probablement sous serres, dans quatre jardins botaniques et collections privées d'Allemagne. Vers 1857, il est inventorié dans le catalogue des plantes du jardin botanique d'Amsterdam puis dans ceux deLeyde, d'Utrecht et deRotterdam[82].
On trouve encore quelques cocotiers du Chili âgés et cultivés en plein air au sud-ouest duRoyaume-Uni, notamment dans lesjardins tropicaux de l'abbaye de Tresco sur l'île de Tresco dans l'archipel des Sorlingues, dans le parc botanique deNoirmont manor sur l'île deJersey ou depuis 1892 dans la ville deTorquay sur les rives de laManche. Lesjardins botaniques royaux de Kew abritent dansTemperate house, grande serre victorienne, le plus vieuxJubaea chilensis du royaume : planté en 1846 à partir de graines chiliennes dans une serre de taille moyenne (Palm house), le palmier est déplacé en 1862 dans la grande serre (Temperate house). Le 6 août 1938, il est à nouveau déplacé au centre de ce palmarium car sa hauteur est de 14 mètres. Des tunnels sont creusés à l'intérieur deTemperate house pour faciliter le déplacement des 54 tonnes que représente leJubaea et sa motte. Il mesure aujourd’hui 18 mètres de haut et reste le plus grand végétal au monde cultivé en serre.
Le jardin botanique deKells bay enIrlande conserve en plein air un spécimen remarquable de cocotier du Chili, souvent mentionné par le botanisteWilliam Robinson (en).
L'Italie possède également de beaux spécimens anciens de cocotiers du Chili, ceux des villa Eremitaggio et Ada sur lelac Majeur (sur la rive suisse du lac Majeur, le Grand Hôtel deMuralto, àLocarno, conserve aussi deux sujets remarquables dans son parc aménagé auXIXe siècle), celui de l'Isola Madre planté en 1858 sur lesBorromées[83], l'exemplaire du parc botaniqueBorgo Storico Seghetti Panichi (en) ou ceux de lavilla Malfitano Whitaker et de laVilla Trabia à Palerme[76]. Les registres du jardin botanique de Florence mentionnent aussiJubaea chilensis parmi les collections constituées à la fin duXIXe siècle par le botaniste et acclimateur italienOdoardo Beccari[84] qui cultive également ce palmier dans l'arboretum privé de la villa Beccari[85]. Le parc public de laVilla Comunale d'Ostuni possède un nombre important de cocotiers chiliens, tous plantés vers 1890 tandis qu'à Rome, le jardin de laVilla Doria Pamphilj en aligne trois exemplaires, anciens également[86].
Au Portugal,Jubaea chilensis semble avoir été introduit en 1855 par l'horticulteur angevinAndré Leroy, dans le parc duPalácio das Necessidades, à Lisbonne[87]. Ce palmier a commencé à fructifier 30 ans après sa plantation, soit vers 1885[88]. Le parc deMonserrate propose également de beaux spécimens anciens. Les collections de plantes exotiques de Villar d'Allen àPorto comptent deux cocotiers du Chili, plantés entre 1850 et 1880 par le marchand britanniqueJoao Francisco Allen.
En Espagne, au sud de Madrid,le parc botanique d'Aranjuez abrite quelques cocotiers du Chili, notamment dans le Jardin du Parterre[89]. LeJubaea chilensis cultivé au jardin botanique de la Conception àMalaga est un témoin de l'acclimatation ancienne de cette plante en andalousie. LeJardin botanique Marimurtra àBlanes près deGérone dispose dans ses collections végétales de sujets anciens plantés auXIXe siècle. Mais les plus majestueux exemplaires deJubaea chilensis de la péninsule Ibérique sont visibles chez le PrincePierre Gaston d'Orléans-Bragance dans les jardins du palais deVillamanrique de la Condesa, entreSéville etHuelva[90]. Le jardin botanique deLa Orotava dans lesîles Canaries cultive également unJubaea chilensis âgé de plus de 100 ans.
LaCalifornie bénéficiant en partie d'un climat de type méditerranéen,Jubaea chilensis est donc logiquement présent parmi les collections végétales des grands jardins botaniques californiens comme lejardin botanique de Huntington deSan Marino, l'arboretum de Fullerton (en) deLos Angeles, leRuth Bancroft Garden deWalnut Creek, lejardin botanique de Stow House (en) à Goleta, leGolden Gate Park ou l'arboretum deLotusland (en) àSanta Barbara, ancienne propriété de l'horticulteur britannique Ralph Kinton Stevens. Il semble que le premier spécimen ait été introduit en 1877 sur le campus de l'Université de Californie à Berkeley, où il prospère toujours[82]. Un des précurseurs de l'horticulture sur laCôte Ouest des États-Unis, Charles Shinn, a cultivé à partir de 1878Jubaea chilensis àFremont dans sa pépinière, devenue depuis leShinn Historical Park and Arboretum. Un autre pionnier de l'acclimatation, John Sexton, propose dans ses catalogues des graines de palmiers chiliens dès 1877 à Santa Barbara[91].
« (...) The earliest catalogue of John Rock (né Johan Fels) in San José is 1873. Shinn was a horticultural writer of note in Northern California, and maintained a large trial garden. As he sometimes sold plants, he is sometimes listed as a nurseryman. George C. Roeding, who owned the Fancher Creek Nursery in Fresno, around 1884 went into partnership with John Rock and Richard D. Fox, both of San José, to form theCalifornia Nursery Company (en), moving the San José operations to Niles where land was cheaper and water was available from the creek in Niles Canyon. This nursery lasted until the 1980s when it was sold for housing developments. The original adobe office and a few plants around it were retained, however. Roeding offeredJubaea chilensis in Fresno in 1886. John Sievers offered it in San Francisco the same year, and Kinton Stevens offered it in Santa Barbara in 1891(...)[trad 3] »
— Scott Zona, botaniste américain responsable duJardin botanique tropical Fairchild de Miami et coéditeur de la revuePalms (International Palm Society)[92].
L'Australie a également tenté avec succès d'acclimater sur son sol le cocotier du Chili dès leXIXe siècle. En 1868, le baronFerdinand von Müller[93], alors directeur desjardins botaniques royaux de Melbourne, y plante les premières graines[82],[94]. LeDuc d'Édimbourg introduit ce palmier à Cororooke House près deColac en 1867, lors de son voyage en Australie. Des sujets anciens, plantés en 1869, prospèrent auxjardins botaniques de Geelong (en). LeDuc et laduchesse d'York et de Cornouailles plantent un palmier du Chili aujardin botanique d'Adélaïde (en) pour commémorer leur visite en ce lieu en 1901. LeWaite Arboretum d'Adélaïde acclimate également un beau sujet planté en 1928. Lesjardins botaniques royaux de Sydney cultivent aussiJubaea chilensis parmi leurs collections végétales[95].
Certaines régions d'Afrique du Sud comptent quelques cocotiers du Chili qui se sont bien acclimatés et qui poussent aux côtés d'un palmier sud africain rarissime (entre 20 et 50 sujets adultes) et endémique de cette région (Mtentu river etMsikaba River),Jubaeopsis caffra, palmier dont les caractéristiques sont proches de celles de son cousin chilien[96].
Bien que le palmier du Chili ne soit pas un symbole officiel du Chili[Note 12], artistes et chroniqueurs font souvent référence àJubaea chilensis dans leurs œuvres. Quelques musées chiliens (musée national des beaux-arts de Santiago,musée national d'histoire naturelle de Santiago) accordent àJubaea chilensis des salles d'exposition.
Le naturaliste et explorateur français de nationalité chilienne,Claude Gay, évoque en 1854, dans sonHistoria física y política de Chile (ouvrage publié par le gouvernement chilien entre 1844 et 1871 et qui lui vaut en France la Légion d'honneur), la présence du palmier qui n'est pas seulement utilisé pour son miel par les populations du centre du pays. Les palmes servent aussi à la confection de huttes ou de cabanes sommaires comme l'indique l'illustrationUna chingana, gravure mettant en scène descréoles en train de danser devant une buvette construite à partir de palmes des cocotiers chiliens, eux-mêmes représentés en fond de paysage[97].
L'artiste chilienOnofre Jarpa (1849† 1940), peintre de paysages et grand admirateur du palmier chilien, représente souvent les spécimens emblématiques qu'il observe dans la zone centrale du pays, dans ses huiles sur toiles naturalistes,Palmas de Cocalàn[98],Las Palmas de Ocoa[99] ouPaysaje de los palmares de Cocalàn. Ces œuvres appartiennent au mouvement pictural chilien initié parAntonio Smith (es), courant dans lequel s'inscrit la tradition paysagère naturaliste et la peinture à l'air libre. Onofre Jarpa assiste durant sa vie à toutes les évolutions de l'histoire de la peinture au Chili, l'impressionnisme, lefauvisme, lecubisme, lesurréalisme mais il s'en tient à un style très personnel, toujours lié à la tradition.
Les compositions d'autres artistes chiliens, commeJuan Francisco González, un des premiers maîtres chiliens de peinture moderne influencé par l'impressionnisme ouRamón Subercaseaux Vicuña (es), diplomate et peintre de paysages, ont parfois pour sujet les palmiers à miel du Chili. Le peintre allemand Theodor Ohlsen (1855† 1913), établi durant quelques années à partir de 1883 et jusqu'en 1894 à Valparaíso, représente également dans ses œuvres à de nombreuses reprises lespalmeraies chiliennes, notamment dans l'album « Durch Süd-Amerika »[100]. Ses compositions sont même exposées en 1884 lors de l'exposition nationale chilienne.
ÀSantiago du Chili, le quartier deQuinta Normal abrite le musée national d'histoire naturelle ou plusieurs salles réservent au cocotier du Chili des vitrines d'exposition. Les visiteurs peuvent découvrir les objets artisanaux et de culture populaire local utilisés pour l'exploitation du miel de palmier, notamment des « sacoches en peau de chèvre[trad 4] » utilisées pour le transport de la sève de palmier. On y fait aussi référence auxécrits coloniaux et aux premiers textes duXVIIe siècle décrivant le palmier. On y apprend que le chroniqueur Jésuite madrilèneDiego de Rosales, engagé en 1655 dans la lutte contre le soulèvement des indiens Mapuches, évoque dans sonHistoria General del Reino de Chile, Flandes Indiano[104] la présence du palmier dans l'ancienne cité de Santiago et les divers emplois qu'il peut en être fait par les populations locales :
« Des palmiers il y en a dans lacomarque de la ville de Santiago, ils sont très différents de ceux d'Espagne, car ils ne donnent pas de dattes sinon des noix de coco de la taille d'une noix, mais plus grosses et plus dures, et la nourriture à l'intérieur, blanche et dure, une chose délicieuse. À partir des noix de coco sèches (on presse) on obtient une huile et de très bon goût. Utilisez en un peu pour mangerpour avoir de l'huile d'olive le nécessaire, mais il esttrès médicinal pour atténuer la douleur des hémorroïdes, comme l'a remarqué le docteur Andrés de Laguna. Ces noix de coco sont bonnes pour les confits, et en coque c'est un passe-temps des jeunes gens, qui jouent à la balle avec, à cause de la dureté de sa coque, et à d'autres jeux. Ces palmiers ont desrameaux/branches (rachis) et desfeuilles (folioles) comme ceux/celles des palmiers-dattiers, ils fructifient à la vue de sonconsort et aussi sans lui...
...Ces palmiers possèdent [un cœur de palmier] extrêmement savoureux et délicat à manger, et les voyageurs ont l'habitude d'abattre un palmier seulement pour le lui retirer et [pour s'en régaler], et comme il y en a beaucoup on ne se rend pas compte du [gaspillage]. Autre chose qui l'a de plus admirable et profitable, c'est la suprême liqueur qu'il donne en abondance en le transperçant ; elle est très sucrée et c'est avec laquelle on élabore une boisson, la chicha ; en la chauffant bien sur le feu, on obtient un miel.... aussi bon que la canne à sucre, et tel que l'on fait à peine la différence. »Le prêtre Jésuite créoleAlonso de Ovalle, engagé dans l'évangélisation des indigènes aux côtés desconquistadores et considéré comme le premier historien chilien, livre une esquisse flatteuse du palmier chilien en 1646. Cette description, plus proche du récit poétique que de la définition scientifique, est complétée par la première carte géographique et historique du Chili où le chroniqueur fait état de quelques lieux approximatifs d'implantation du palmier à miel.
Despoètes chiliens, telsGabriela Mistral,prix Nobel de littérature en 1945 ouLuis Ossa Gajardo célèbrent le palmier à miel dans certainssonnets aux sujets lyriques qui expriment leur amour du pays natal et des paysages andins[107],[108],[109],[110].
« La comparaison descaractéristiques morphométriques desphytolithes fossiles avec celles des phytolithes extraits de diverses espèces actuelles (Jubaea chilensis,Juania australis,Cocos nucifera, plusieurs espèces dePritchardia) montre que les assemblages phytolithiques produits parJubaea chilensis sont les plus proches de ceux retrouvés sur l'île, mais n'exclut pas la cohabitation de plusieurs espèces de palmiers. »
.« Specie particolari e rare »
« Poesía, Lagar, Naturaleza. »
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