Dans lesannées 1840, le Danemark doit faire face à une crise de succession, le seul fils vivant du roiChristianVIII, le futurFrédéricVII, n'ayant pas de descendance, et l'extinction de la ligne principale de lamaison d'Oldenbourg semblant probable. En1852, avec la protection des grandes puissances européennes dans letraité de Londres, le prince Christian est choisi comme héritier du trône du Danemark. Ce choix repose formellement sur le statut de son épouse la princesse Louise, qui est la nièce deChristianVIII et plus proche parente dans la succession du trône que son mari. En 1863, à la mort du roiFrédéricVII, Christian devient roi de Danemark à son tour, à l'âge de 45 ans.
Le début de son règne a été marqué par la défaite danoise lors de laguerre des Duchés et la perte subséquente des duchés deSchleswig,Holstein etSaxe-Lauenbourg qui ont rendu le roi immensément impopulaire. Les années suivantes de son règne ont été dominées par des conflits politiques. Le Danemark n'était devenu unemonarchie constitutionnelle qu'en 1849, l'équilibre des pouvoirs entre lemonarque et leparlement était toujours en litige, et pendant longtemps, le roiconservateur empêche la diffusion dusystème parlementaire au Danemark. Malgré son impopularité initiale et les nombreuses années de conflits politiques, où le roi était en conflit avec une grande partie de la population, sa popularité s'est rétablie vers la fin de son règne, et il est devenu une icône nationale en raison de la longue durée de son règne et les normes élevées de moralité personnelle avec lesquelles il a été identifié.
Le roi Christian IX fut surnommé le « beau-père de l'Europe », ayant marié plusieurs de ses enfants à des héritiers de familles royales européennes. Ses quatre premiers enfants sont devenus monarques, montant sur les trônes directement (Frédéric, roi du Danemark ;Guillaume,roi des Hellènes) ou en tant queconsort (Alexandra, reine consort duRoyaume-Uni ;Dagmar, impératrice consort deRussie). Aujourd'hui, la plupart des familles royales en Europe, régnantes ou ayant régné, descendent directement deChristianIX. Par son fils Georges Ier, il est également l'arrière-arrière-grand-père en lignée agnatique deCharles III du Royaume-Uni.
Il était, dans les dernières années de sa vie, surnommé le « beau-père de l'Europe »[1], ses quatre premiers enfants étant devenus monarques, montant sur les trônes directement (Frédéric, roi du Danemark de1906 à1912 ;Guillaume,roi des Hellènes de1863 à1913) ou en tant queconsort (Alexandra, reine consort duRoyaume-Uni de1901 à1910 ;Dagmar, impératrice consort deRussie de1881 à1894). Un cinquième, sa fille Thyra, serait devenue reine deHanovre si le royaume de son mari n'avait pas été annexé par laPrusse avant le début de son règne. La grande réussite dynastique des six enfants n'était pas due, en grande partie, àChristianIX lui-même, mais aux ambitions dynastiques de sa femmeLouise. Certains les ont comparées à celles de lareine Victoria.
Dans les petits-enfants de Christian, on compteNicolasII de Russie,ConstantinIer de Grèce,GeorgeV du Royaume-Uni,ChristianX de Danemark etHaakonVII de Norvège. Aujourd'hui, la plupart des familles royales en Europe, régnantes ou ayant régné, descendent directement deChristianIX.
Lorsque le prince Christian voit le jour, son père est le chef de la maison ducale deSchleswig-Holstein-Sonderbourg-Beck, une branche cadette inférieure de laMaison d'Oldenbourg, la famille royale de Danemark. La famille descend d'un fils cadet du roiChristianIII de Danemark, le ducJean de Schleswig-Holstein-Sonderbourg, dont le petit-filsAuguste-Philippe avait rompu ses liens avec le Danemark et s'était rendu en Allemagne, où il acquit lemanoir deBeck enWestphalie, après quoi la lignée fut nomméeSchleswig-Holstein-Sonderbourg-Beck[4]. Ses fils et leurs descendants entrent au serviceprussien,polonais etrusse, jusqu'à ce que son arrière-petit-fils, le père du prince Christian, entre à nouveau dans le service militaire danois, où il est stationné dans le Holstein[5]. C'est là qu'il rencontre et épouse la mère du prince Christian, la princesse Louise-Charlotte de Hesse-Cassel. Elle est la plus jeune fille du landgraveCharles de Hesse-Cassel, un prince d'origine allemande, qui, cependant, avait grandi à la cour danoise et avait épousé la plus jeune fille du roiFrédéricV de Danemark, la princesseLouise de Danemark. Il avait fait carrière au Danemark, où il était maréchal et gouverneur de la couronne danoise dans les duchés deSchleswig etHolstein[6]
Par son père, le prince Christian descendait ainsi en ligne droite du roiChristianIII de Danemark, tandis que par sa mère, il est l'arrière-petit-fils du roiFrédéricV de Danemark, arrière-arrière-petit-fils du roiGeorgeII de Grande-Bretagne et descendant de plusieurs autres monarques, mais sans véritable prétention à un trône européen.
En tant que nouveau duc, Frédéric-Guillaume s'installe avec sa famille au château de Glücksbourg, où les enfants continuent leur éducation sous la supervision de leur père. Le duc écrit à un ami :
« J'élève mes fils avec rigueur pour qu'ils apprennent à obéir, sans manquer de les rendre disponibles aux demandes et aux exigences d'aujourd'hui. »[8]
Cependant, le duc Frédéric-Guillaume décède à l'âge de 46 ans seulement le d'unrhume qui s'était transformé enpneumonie et, à la discrétion du duc, enscarlatine, qui avait déjà touché deux de ses enfants. Il laisse sa femme veuve sans argent et avec dix enfants.
En conséquence de la mort prématurée de leur père, les enfants sont mis soustutelle de leur oncle, le roiFrédéricVI de Danemark, dont la reineMarie-Sophie est la sœur de la mère de Christian, et le princeGuillaume de Hesse-Philippsthal-Barchfeld, un ami proche du père.[8] La même année, le prince Christian a exprimé le désir de recevoir une formation d'officier demarine. Néanmoins, le roi s'arrange avec sa mère, lors de la visite du roi à Gottorp en 1831 peu de temps après les funérailles du duc Frédéric-Guillaume, pour que le prince Christian soit emmené auDanemark par le roi avec le but d'obtenir une formation d'officier de l'armée. En 1832, l'année suivant la mort de son père, le prince Christian, âgé alors de 14 ans, s'installe donc àCopenhague, où il étudie à l'Académie des cadets de terre(en). Il y reçoit des cours particuliers et ne fréquente que rarement les autres cadets[8]. Pourtant, le couple royal sans fils prend bien soin du garçon, qu'ils considèrent largement comme un fils de substitution[9]. Christian partage pleinement ces sentiments et tout au long de sa vie garde des souvenirs affectueux du roi et des traditions de son temps[9]. En 1838, le frère aîné du prince Christian, le ducCharles de Glücksborg, épouse également la plus jeune fille du couple royal, la princesseVilhelmine-Marie, ce qui renforce encore la relation entre le prince et la famille royale.
De 1839 à 1841, le prince Christian étudie avec son cousin au second degré, le princeFrédéric de Hesse-Cassel, lascience politique et l'histoire à l'Université de Bonn enAllemagne. C'est ici, en décembre 1839, qu'il reçoit la nouvelle de la mort de son bienfaiteur, le roiFrédéricVI, et de l'accession au trône du cousin de sa mère, le roiChristianVIII. Pendant les vacances, il fait diverses excursions en Allemagne et se rend également àVenise. Sur le chemin du retour, il a rendu visite à la cour de Berlin, où il a rejeté une offre flatteuse du roiFrédéric-GuillaumeIV de Prusse de rejoindre l'armée prussienne[10].
La reineVictoriaIre du Royaume-Uni, le premier projet de mariage du prince Christian.
En 1838, le prince Christian assiste aucouronnement de la reineVictoriaIre du Royaume-Uni en tant que représentant du roiFrédéricVI[11]. Pendant son séjour àLondres, il demande en vain la main de la jeune reine britannique encore célibataire, car elle suit les souhaits de sa famille et lui préfère soncousin, le princeAlbert de Saxe-Cobourg-Gotha. Néanmoins, la reine se fait une bonne impression du prince de même âge, qui 25 ans plus tard deviendra le beau-père de son fils aîné, leprince de Galles[12].
La princesse Louise est une femme sage et énergique qui exerce une forte influence sur son mari. Après le mariage, le couple s'installe dans le palais Jaune, où naissent leurs cinq premiers enfants entre 1843 et 1853 : le princeFrédéric en 1843, la princesseAlexandra en 1844, le princeGuillaume en 1845, la princesseDagmar en 1847, et la princesseThyra en 1853[14]. La famille est encore dans une position relativement obscure et mène une vie relativement bourgeoise selon les normes royales.
Le roiChristianVIII, oncle de la princesseLouise, aux prises avec une crise de succession difficile pendant son règne.
Dans les années 1840, le Danemark doit faire face à une crise de succession. Le seul fils vivant du roiChristianVIII, le prince héritier du Danemark, le futurFrédéricVII, était toujours sans descendance, et le mariage du frère unique du roi, le princeFerdinand, était également sans enfant. L'éventualité de l'extinction de la ligne principale de lamaison d'Oldenbourg semble donc fort probable[15]. La crise de succession présente un dilemme complexe, puisque les règles de succession dans les différentes parties de la monarchie danoise unies sous la coupe du roi, leroyaume de Danemark et les trois duchés deSchleswig,Holstein etSaxe-Lauenbourg, dont le premier est unfief danois et les deux derniers font partie de laConfédération germanique, n'étant pas les mêmes, l'éventualité d'une séparation de la couronne du Danemark de ses duchés devient probable[16].
L’ordre de succession au trône danois était réglé par laLex Regia ou leKongeloven enfrançais :« la Loi royale » de 1665[17],[18]. Cette loi déclarait que la couronne de Danemark serait concédée seulement aux descendants légitimes deFrédéricIII de Danemark (roi de1648 à1670), par voie héréditaire et suivant un ordre de succession deprimogéniture « semi-salique ». C’est-à-dire que la couronne était accordée de préférence aux héritiers mâles, mais qu'il était possible pour les descendants par la voie des femmes d’hériter du trône à condition qu’il n’y ait pas de dynastes mâles survivants parvoie masculine. Concernant lesduchés deLauenbourg ou deHolstein, où le roi régnait en tant que duc, la loi successorale adoptée était celle de laloi salique. C’est-à-dire que seuls les mâles pouvaient en hériter, empêchant la transmission par les femmes. En plus, par un accord mutuel, les deux duchés de Schleswig et Holstein ont été joints entre eux de façon permanente par letraité de Ribe de1460.
En cas de disparition de la ligne principale de la maison d'Oldenbourg, la succession au royaume de Danemark passera ainsi à la progéniture de la princesseLouise-Charlotte de Danemark, sœur du roiChristianVIII. Tandis qu'aux duchés, le ducChristian-Auguste de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg (1798-1869) revendique la position de duc, étant chef de lamaison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg. En cas d’extinction de la branche principale, elle sera la branche la plus ainée de la maison d'Oldenbourg, mais elle ne descend pas du roiFrédéricIII. Pour éviter cela, le roiChristianVIII rédige la« lettre ouverte »(Offenen Brief) en 1846, qui contourne la loi salique pour réaffirmer les droits du Danemark sur les duchés. Cela évince la maison d'Augustenbourg, et crée un mouvement de patriotisme parmi les nationalistes allemands[19].
Tandis que les libéraux-nationaux danois et les libéraux-nationaux allemands se rejoignent dans leurs aspirations politique libérales et dans leur opposition à l'absolutisme, les deux mouvances politiques s'opposent sur la question nationale. Il s'agit surtout de la question de l'affiliation duduché de Schleswig. Le duché de Schleswig est alors un fief danois, où ledanois, l'allemand et lefrison existent en tant que langues vernaculaires dans différentes parties du duché, tandis que l'allemand est alors la langue du droit et de l'élite. LesDanois n'acceptent plus cette situation.
Les libéraux-nationaux danois formulent lapolitique de l'Eider, qui visait à restaurer la frontière sud historique du Danemark sur le fleuveEider entre le Schleswig et le Holstein en intégrant le duché du Schleswig au royaume danois, tandis que le duché germanophone de Holstein devait être laissé à un avenir dans laConfédération germanique. Avec la revendication de l'intégration totale du Schleswig au royaume danois, ils s'opposent aux libéraux-nationaux allemands, dont le but était l'étroite cohésion des duchés de Schleswig et du Holstein, leur indépendance vis-à-vis du royaume de Danemark et leur lien étroit avec l'Allemagne, et qui veulent que le Schleswig et le Holstein fassent partie de la Confédération germanique en formant un état allemand autonome[20].
Cependant, les deux mouvements s'opposent tous deux à la situation existante, tandis que le gouvernement de Copenhague conservateur et paternaliste s'oppose aux aspirations des nationaux-liberaux et veut préserver l'intégrité de la monarchie danoise, y compris les duchés de Schleswig et de Holstein. La situation est donc tendue[21].
Le roiFrédéricVII de Danemark, cousin par alliance du prince Christian.
Le roiChristianVIII meurt le. Peu après sa montée sur le trône, le nouveau roiFrédéricVII publie unenouvelle constitution pour le Danemark qui prévoit l'annexion des trois duchés. Cela ne laisse pas indifférent le ministre des Affaires étrangères prussienArmin-Suckow qui presse son roi d'intervenir. Le, le nouveau gouvernement danois annexe le Schleswig. Provoqués par lesmouvements nationaux de 1848, les duchés s'insurgent. Les troupes prussiennes, alliées à quelques autres États allemands, et sous mandat de laConfédération germanique, entrent le en Schleswig[19].
La cavalerie de la Garde au port deKorsør en route pour la ligne de front pendant lapremière guerre de Schleswig en 1848. Le prince Christian est vu au milieu du tableau. Tableau d'Otto Bache (1888).
Aussi le prince Christian participe aux actes de guerre en tant qu'officier dans la cavalerie de Garde. D'autre part, la plupart de ses frères, contrairement à lui, sont passés au service des allemands et participent à la guerre dans le camp adverse.
Uncessez-le-feu unilatéral de la Prusse, l'armistice de Malmö, est signé le sous la pression russe et britannique. Tout d'abord refusé par leparlement de Francfort, chargé de l'unification de l'Allemagne, ce dernier est en butte à son absence de moyens afin de continuer la guerre et finit par entériner le traité le[19]. Mais la trêve est rompue par le Danemark le. La paix est signée à Berlin le. Un mois plus tard, le protocole de Londres est signé, qui réhabilite les distinctions entre les duchés et leDanemark[22].
Le princeFrédéric de Hesse-Cassel, beau-frère du prince Christian, et héritier désigné du trône danois qui cède ses droits à sa sœur la princesse Louise.
En 1851, l'empereur russeNicolasIer recommande que le prince Christian avance dans la succession danoise aux dépens du l'héritier désigné, le princeFrédéric de Hesse-Cassel, qui est le seul fils de la princesseLouise-Charlotte de Danemark et le neveu du roiChristianVIII. Le prince Frédéric cède ses droits à sa sœur la princesse Louise qui n'est autre que l'épouse du prince Christian et qui cède son droit à son mari. Le prince Christian occupe maintenant la position de l'héritier probable du trône, un choix qui tient formellement au statut de la princesse Louise, plus proche « dans la lignée » du trône que son mari.
Puis, en 1852, undeuxième traité concernant le futur statut de l'État danois est signé àLondres par les grandes puissances européennes : laGrande-Bretagne, laFrance, laRussie, laPrusse et l'Autriche ainsi que les deux puissances de lamer Baltique que sont laSuède et leDanemark. Dans le traité est confirmé que l'intégrité de l'État danois est « nécessaire à l'Europe » et est « un principe constant ». Il rattache les duchés deSchleswig, d'Holstein et deSaxe-Lauenbourg enunion personnelle au roi du Danemark et accorde la succession au prince Christian. Il garantit aussi l'autonomie des duchés, autant que ceux-ci resteront indépendants, et qu'ils ne seraient pas reliés constitutionnellement au Danemark. En échange d'une compensation financière, le ducChristian-Auguste d'Augustenbourg renonce aussi à saprétention aux duchés en signant le traité de Londres. Cependant le nationalisme allemand fait pression pour l'entrée des duchés dans laConfédération germanique, tandis que le nationalisme danois pour sa part fait pression pour l'intégration du duché de Schleswig avec le Danemark.
Lepalais de Bernstorff en 2006, premier residence d'été du prince Christian et de la princesse Louise.
Le prince Christian est désigné officiellement comme successeur du roi par la nouvelleLoi de succession danoise de 1853. Lors de l'adoption de la Loi de succession datée du, le prince Christian et sa famille deviennent princes et princesses de Danemark portant laqualification d'altesses[23]. Comme héritiers du trône, le prince Christian et la princesse Louise continuent à vivre dans le palais Jaune avec leurs enfants. Mais en raison de leur nouvelle position, ils peuvent désormais également utiliser lepalais de Bernstorff au nord de Copenhague comme résidence d'été. Il devient la résidence favorite de la princesse Louise et la famille y réside souvent. C'est ici que leur plus jeune fils, le princeValdemar, est né en 1858. À l'occasion du baptême du prince Valdemar, le prince Christian et sa famille reçoivent laqualification d'altesses royales. Cependant, ils avaient encore peu d'argent disponible, même si leur situation financière s'était améliorée.
Cependant, la nomination du prince Christian comme successeur au trône n'est pas forcément bien accueillie de toutes parts. Sa relation avec le roiFrédéricVII est tendue, en partie parce que l'excentrique roi n'aime pas le prince militaire franc et a préféré voir son fils aîné, le jeune prince Frédéric, prendre sa place, en partie parce que le prince Christian et la princesse Louise montrent ouvertement leur désapprobation de l'épouse morganatique du roi, lacomtesse Danner[15]. En plus, en tant qu'héritier du trône, le prince Christian a peu d'influence politique, en partie à cause de la réticence de lacomtesse Danner, en partie à cause de la méfiance du puissant partinational libéral danois, qui perçoit le roi comme étant d'esprit allemand et associé au système politique conservateur. Ce n'est qu'en 1856 que l'homme politiqueCarl Christoffer Georg Andræ, dont le prince Christian s'est toujours senti proche, lui obtient un siège auConseil d'État[24].
Au cours des dernières années du roiFrédéricVII, sa santé se détériore de plus en plus. À l'automne 1863, lors d'une visite à la ligne défensive deDannevirke dans leSchleswig, il contracte unrhume sévère qui, après son retour auchâteau de Glücksburg, se transforme enérysipèle. Après une courte maladie, le roi meurt subitement le 15 novembre à l'âge de 55 ans, après seize ans de règne. Conformément aux dispositions du traité de Londres, Christian lui succède et devient roi de Danemark à l'âge de 45 ans. Il est proclamé roi depuis le balcon dupalais de Christiansborg par leprésident du conseilCarl Christian Hall le sous le nom deChristianIX, montant sur le trône en tant que premier monarque appartenant à lamaison de Glücksbourg.
La mort deFrédéricVII ouvre de nouveau la question des duchés, et le nouveau roi est immédiatement plongé dans une nouvelle crise sur le statut des duchés. Contrairement aux dispositions de la succession au traité de Londres, le princeFrédéric-Auguste d'Augustenbourg, fils ainé du ducChristian-Auguste d'Augustenbourg, revendique la succession aux duchés sous le nom deFrédéric VIII de Schleswig-Holstein. Le prince Frédéric ne se sent pas concerné par les engagements de son père, qui a renoncé à la succession en 1852 en signant le traité de Londres. Le fils prétend que la renonciation du père ne s'applique qu'à lui-même, pas à ses descendants, et il est en cela soutenu par les nationalistes allemands. Le, ils sont 20 000 à se rassembler à la ville d'Elmshorn pour le« couronnement » de Frédéric VIII. Il en est soutenu par laConfédération germanique et par lespuissances moyennes allemandes comme leroyaume de Saxe et leroyaume de Hanovre[21] mais pas par laPrusse et l'Autriche en tant que signataires du traité de Londres, et surtout pas par leministre-président de PrusseOtto von Bismarck, dont le but ultime était l'incorporation du Schleswig et du Holstein auroyaume de Prusse. En conséquence, il passe rapidement à l'arrière-plan alors que la guerre éclate l'année suivante et se retire ensuite dans ses domaines enSilésie.
De son côté,ChristianIX doit faire face aux nationalistes danois réclamant la défense du duché de Schleswig. Encore sous le règne deFrédéricVII, le gouvernementnational-libéral dirigé par leprésident du conseilCarl Christian Hall avait rédigé une nouvelle constitution qui renouvelait les intentions de 1848 de formaliser l'appartenance du Schleswig, non plus au roi, mais au pays même du Danemark et ainsi relier le Schleswig au Danemark parce qu'il était plus proche que le duché de Holstein mais cela en contradiction avec les traités de Londres. En dépit des avertissements et protestations internationales, la nouvelle constitution avait été adoptée au parlement et il ne manquait que de lasanction royale à la mort deFrédéricVII.
Contrairement à son prédécesseur, le nouveau roiChristianIX craignait de signer la constitution, s'inquiétant des réactions à la violation des dispositions du traité de Londres. Même s'il s'inquiétait des conséquences, le roi signe sous diverses pressions, lors du premier conseil d'État après son accession au trône, laConstitution de novembre(da) le, afin d'apaiser les nationalistes. En signant, il souligne que la responsabilité incombe au gouvernement, et qu'il signera par devoir, même s'il ne veut pas conduire le pays au désastre[25].
Suscitant la colère des princes allemands, laConfédération germanique s'oppose fermement à la Constitution de novembre et décide le d'envahir le duché de Holstein. Ceci fait, la Prusse et l'Autriche décident en1864 de poursuivre l'invasion dans le duché de Schleswig pour forcer la main au Danemark. Pour sa défense, ce dernier utilise en vain la ligne défensive deDanevirke qui est évacué déjà les 5 et. Cependant labataille décisive de Dybbøl du donne la victoire aux Prussiens.
Letraité de Vienne est signé le par le Danemark, la Prusse et l'Autriche et marque la fin du conflit. Le Danemark renonce à ses droits sur les duchés[21]. Par la suite laconvention de Gastein du entre les deux puissances allemandes traite de la répartition de leurs pouvoirs dans les duchés. Les duchés deSchleswig et deSaxe-Lauenbourg sont administrés par la Prusse, celui deHolstein par l'Autriche. La Prusse voit cela comme une étape pour l'annexion, alors que l'Autriche n'administre le Holstein que par concession[27].
Pour le Danemark, la défaite signifie une seconde perte significative de sa puissance auXIXe siècle. En effet, letraité de Kiel l'avait déjà dépossédé le de laNorvège au profit de laSuède. Même si le royaume en lui-même reste inchangé, les duchés unis au royaume enunion personnelle sous la coupe du roi sont perdus.
La reine Louise veut que son fils aîné entre dans un mariage tout aussi brillant que ses deux sœurs, Alexandra et Dagmar. Elle prévoyait ainsi de faire épouser Frédéric à l'une des deux filles encore célibataires de la reineVictoriaIre du Royaume-Uni, la princesseHelena ou la princesseLouise. Mais ce projet de mariage doit être abandonné quand la reine Victoria s'y oppose[28]. Après cette tentative de mariage ratée, l'attention s'est plutôt tournée vers la princesseLouise de Suède, seule fille du roiCharlesXV. Le mariage a lieu le à la chapelle dupalais royal de Stockholm.
Lepalais de Fredensborg en 2010, residence d'été de la famille royale et location des célèbresjours de Fredensborg.
Comme résidence d'été, le roi et la reine reçoivent, en plus du palais de Bernstorff, le plus grandpalais de Fredensborg, situé dans le nord deSeeland à 35 kilomètres au nord de la ville. C'est là qu'ils reçoivent tous les étés, leurs enfants et le nombre croissant de petits-enfants ce qui donnait à ces réunions familiales, connues comme lesjours de Fredensborg, des airs de congrès international. Cependant, ces réunions ne sont pas sans controverse. Ils réunissent les dynasties dirigeantes du Danemark, de la Russie, de la Grande-Bretagne et de la Grèce, et dans toute l'Europe, ils sont soupçonnés d'y mener des négociations politiques secrètes. Le chancelier allemandOtto von Bismarck appelle ces réunions familiales à Fredensborg lagalerie des chuchotements d'Europe et accuse la reine Louise d'intriguer contre lui.
Après la défaite de la seconde guerre du Schleswig, la confiance dans les nationaux-libéraux avait disparu, ouvrant la voie auconservatisme. Par une réforme constitutionnelle de1866, la Constitution danoise est révisée pour donner plus de pouvoir à la chambre supérieure, au détriment de la chambre basse. Les années suivantes de son règne ont été dominées par des conflits politiques car le Danemark n'était devenu unemonarchie constitutionnelle qu'en 1849, et l'équilibre des pouvoirs entre lemonarque et leparlement était toujours en litige. Monarqueconservateur,ChristianIX tente pendant longtemps d'empêcher la diffusion dusystème parlementaire au Danemark, affirmant son droit de nommer desministres malgré la majorité parlementaire[29].
Pendant de nombreuses années, le roi s'appuya longtemps sans réserve sur leprésident du conseil du particonservateurHøjre,Jacob Brønnum Scavenius Estrup, dans son combat contre lesuffrage universel, lerégime parlementaire et le partilibéralVenstre, même si les années des conflits politiques créent des problèmes majeurs pour le pays[30]. Il signe pourtant un traité en1874, qui permet à l'Islande, possession danoise, d'avoir sa propre constitution. Et des lois de sécurité sociale sont votées et mises en application sous son règne : les retraites pour les personnes âgées en1891, une assurance chômage et des éléments de politique familiale en1892.
Alors qu'Estrup se retire de son poste en 1894, le roi nomme encore troisgouvernements minoritaires conservateurs. Ce n'est qu'en1901, après que les conservateurs ont subi une défaite électorale écrasante, qu'il approuve finalement l'établissement d'un gouvernement responsable devant le parlement danois, entre autres sous l'influence de sa belle-fille la princesse Marie, ce qui signifie enfin l'introduction durégime parlementaire au Danemark[31],[32].
Le roi avec son arrière-petit-fils, le prince Édouard d'York, futurÉdouardVIII du Royaume-Uni, en 1898.
Malgré son impopularité initiale et les nombreuses années de conflits politiques, où le roi conservateur était en conflit avec une grande partie de la population, sa popularité s'est rétablie vers la fin de son règne, et il est devenu une icône nationale en raison de la longue durée de son règne et les normes élevées de moralité personnelle avec lesquelles il a été identifié.[33] À cela contribue la splendeur internationale qui entoure sa cour et la famille du roi qui était, dans les dernières années de sa vie, surnommé le « beau-père de l'Europe » en raison de ses nombreux descendants installés sur plusieurs trônes d'Europe[1]. La célébration desnoces d'or du roi Christian et de la reine Louise en 1892 devient ainsi un grand et authentique hommage du peuple au couple royal, qui contraste avec le marquage sobre de leursnoces d'argent en 1867[34].
En 1905, le roi vieillissant fait encore l'expérience de voir son petit-fils, le princeCharles de Danemark, être éluroi de Norvège en prenant le nom de Haakon VII de Norvège. Cette élection a lieu à la suite de la dissolution de l'union entre la Suède et la Norvège qui conduit à la reconnaissance de lasouveraineté de laNorvège et l'abdication du roi suédoisOscar II du trône norvégien. Peu avant sa mort, il voit ainsi la dynastie qu'il a fondée, la maison de Glücksbourg, installée sur les trônes de trois royaumes européens : leDanemark, laGrèce et laNorvège.
La reine Louise est décédée à l'âge de 81 ans le aupalais de Bernstorff[35]. Après plus de 40 ans de règne, le roiChristianIX meurt fin janvier 1906 en sonpalais de résidence àAmalienborg, à l'âge de 87 ans[9]. Son fils et héritier, âgé de plus de 62 ans, lui succède sur le trône et devient le roiFrédéricVIII.
Après sa mort, un concours est annoncé pour un doublesarcophage pour lui et la reine Louise à ériger dans lachapelle de Frédéric V. Le concours a été remporté par l'artisteexpressionnisteJens Ferdinand Willumsen, mais sa proposition est jugée trop controverse et n'est pas acceptée. Au lieu de cela, deux artistes complètement différents sont chargés de la tâche, lesculpteurislando-danoisEdvard Eriksen[note 4] et l'architecte danoisHack Kampmann. Ils ont créé un grand sarcophage en marbre blanc entouré de trois gracieuses sculptures, symbolisantla mémoire,l'amour etle deuil.
(da)TomBuk-Swienty,Slagtebænk Dybbøl : 18. april 1864 – historien om et slag [« Abattoir Dybbøl : 18 avril 1864 - l'histoire d'une bataille »], Copenhague, Gyldendal,(ISBN978-87-02-05000-4)
(da)TomBuk-Swienty,Dommedag Als : 29. juni 1864 – kampen for Danmarks eksistens [« Jour du jugement Als : 29 juin 1864 - la lutte pour l'existence du Danemark »], Copenhague, Gyldendal,(ISBN978-87-02-07553-3)
Michael H.Clemmesen, Ole L.Frantzen et Thomas WegenerFriis,Danmarks krigshistorie [« L'histoire de guerre du Danemark »], Copenhague, Gad,(ISBN978-87-12-04579-3)