Pendant laguerre de Cent Ans, les expéditions anglaises étaient appeléeschevauchées. Il s'agissait de longs raids dévastateurs sur plusieurs centaines de kilomètres et sur un front de plusieurs kilomètres.
Ces chevauchées avaient pour but principal de se bâtir une gloire facile, de récupérer dubutin et de ruiner les riches territoires qui fournissaient auroi de France les moyens financiers et humains qui alimentaient son armée en finances et en soldats. En tarissant ces sources, les chevauchées affaibliraient fortement le roi de France et ses vassaux qui ne pourraient plus disposer de réserves, tout en enrichissant leroi d'Angleterre et ses alliés.
Le terme est aussi appliqué plus largement pour désigner toute campagne de ce genre pendant la période médiévale, par exemple lachevauchée du Hainaut deCharles d'Anjou en 1254.
À la suite des chevauchées anglaises qui pillent le royaume de France, leroi Charles V, réalisant que le temps de mobiliser ses troupes, les quelques milliers de soldats anglais ont souvent déjà rembarqué pour leur île, ne cherche plus à les intercepter, fortifie les villes et adopte la tactique militaire de laterre déserte.
L'armée du roi de FrancePhilippe VI ayant lancé une offensive victorieuse en Aquitaine, allant jusqu'à assiéger Bordeaux et étant sous la menace d'un débarquement français en Angleterre,Édouard III d'Angleterre décide de porter la guerre enFlandre. Il s'est assuré de l'alliance des villes flamandes qui ont besoin de la laine anglaise pour faire tourner leur économie mais aussi de l'empereur et des princes de la région qui voient d'un mauvais œil les avancées françaises en terres d'empire. Ces alliances se sont faites sous la promesse de compensations financières de la part du roi d'Angleterre. Aussi quand il débarque le, àAnvers, à la tête de 1 400 hommes d'armes et 3 000 archers, ses alliés s'empressent de lui demander d'acquitter ses dettes plutôt que de lui fournir les contingents prévus. Le roi d'Angleterre passe alors l'hiver enBrabant à négocier avec ses créanciers[1].
Pour neutraliser les troupes du roi de France arrivées àAmiens le, il lance des négociations que mènent l'archevêque de Canterbury et l'évêque de Durham. La manœuvre réussit et le roi de France doit renvoyer sa considérable armée. Mais cestatu quo mécontente les contribuables des deux camps qui se saignent pour financer des armées qui ne font que se regarder en chiens de faïence[2]. C'est Édouard III qui lance l'offensive. Ayant réussi à garantir ses dettes vis-à-vis de ses alliés, il marche avec eux surCambrai, ville d'empire mais dont l'évêque s'est rangé du côté de Philippe VI, fin septembre1339. Cherchant à provoquer une bataille rangée avec les Français où il pourrait exploiter la supériorité tactique conférée par l'arc anglais, il pille tout sur son passage, mais Philippe VI ne bouge pas. Le, commençant à épuiser les ressources locales, il doit se décider à livrer bataille. Il oblique donc vers le sud-ouest et traverse et ravage leCambraisis leVermandois, leSoissonnais et laThiérache en brûlant et tuant tout sur son passage : 55 villages du diocèse deNoyon sont rasés[3]. Le pape Benoît XII a vent de cet événement, il n'opposa aucune contestation, et n'envoya qu'un maigre dédommagement aux 175 paroisses touchées en tout.
Les deux armées se rencontrent une première fois près dePéronne. Édouard III a 12 000 hommes et Philippe VI 25 000. Le roi d'Angleterre trouvant le terrain défavorable se retire. Philippe VI lui propose de se rencontrer le 21 ou le en terrain découvert où leurs armées pourront en découdre selon lesrègles de chevalerie. Édouard III l'attend près du village dela Capelle en terrain favorable, retranché derrière pieux et fossés, ses archers positionnés sur les ailes : une charge de cavalerie serait suicidaire et le roi de France se retranche aussi laissant l'honneur aux Anglais d'attaquer. Le, faute que l'un des deux adversaires ne veuille prendre l'initiative, les deux armées rentrent chez elles. La chevalerie française, qui comptait se financer sur lesrançons demandées aux éventuels prisonniers faits au cours de la bataille, gronde. Elle accuse Philippe VI de« renardie »[4].
Le Édouard III débarque àSaint-Vaast-la-Hougue avec une flotte de 1 000 voiles, portant 40 000 hommes et entreprend unechevauchée qui le mène àCaen, augué de Blanquetaque pour passer laSomme, àCrécy et àCalais.
Les Anglais pillent, incendient,rançonnent et font desrazzias à travers leCotentin, laNormandie, leVexin, leBeauvaisis, leVimeu, lePonthieu. Le passage de laSomme augué de Blanquetaque marquera, pour la France, le début d'un enchaînement de calamités en particulier sous le règne deJean le Bon fils dePhilippe VI de Valois.
À l'automne 1346,Henri de Grosmont, duc de Lancastre, mène une série d'offensives entre laGaronne et laSèvre niortaise. Avec 2 000 combattants anglais et gascons, il bouscule les défenses françaises, ravage Poitiers et déplace l'épicentre des combats du cœur de la Gascogne à plus de 80 kilomètres de ses frontières.
La trêve conclue depuis1347, avecÉdouard III est rompue en 1355. Appelé par les barons de laGascogne anglaise,Édouard de Woodstock, leprince de Galles débarque àBordeaux et remonte laGaronne jusqueToulouse avec« 1 500 lances[5], 11 000 archers et 3 000 bidaus, sans les varlets que les gascons menaient avec eux ».
Évitant cette ville, défendue parJean Ier d'Armagnac, il marche jusqueNarbonne en passant parMontgiscard,Avignonet,Castelnaudary,Carcassonne,Trèbes, etc. pillantrançonnant les villes et villages ouverts et« ardant et exillant ce gras pays duLanguedoc »[6].
« Les habitants, bonnes et simples gens, ne savaient pas que c'était la guerre, car oncques ne furent guerroyes, avant que le prince de Galles n'y conversât. Les Anglais et Gascons avaient trouvés le pays plein et dru, les chambres parées de tapis et de draps, les écrins et les coffres remplis de bons joyaux. Mais rien ne demeurait de bon devant ces pillards. Ils emportaient tout et par espécial les Gascons qui sont moult convoiteux »[6].
Narbonne repoussa 6 assauts, et l'expédition repue de pillage, rentra à Bordeaux avec 1 000 charrettes de butin[6].
L'arrestation deCharles II de Navarre, dit Charles le Mauvais, fait basculer lesNavarrais et une bonne partie de la noblesse normande dans le camp anglais.
Début,Philippe de Navarre etGeoffroy d'Harcourt reçoivent des renforts anglais : leduc de Lancastre débarque dans leCotentin, et ils font leur jonction avec des troupes deRobert Knolles venues de Bretagne[7].
Lancastre établit son camp àMontebourg, près deValognes. Il contourneÉvreux, prise par les Français quelques jours auparavant, et va pillerVernon et les faubourgs deRouen[7].Jean le Bon le poursuit et le rattrape àLaigle le avec une armée plus nombreuse[8].
Les Français, fatigués par la poursuite, remettent le combat au lendemain. Les Anglais fuient durant la nuit[9]. Jean le Bon, met alors le siège devantBreteuil, qu'il prend après un long siège.
Le, lePrince noir quitteBordeaux à la tête d'une armée anglo-gasconne et, se dirigeant vers le nord-est, il ravage lePérigord, leLimousin et leBerry. ÀRomorantin, cette troupe se dirige versTours avant de se replier au sud, à l'annonce de l'arrivée de l'armée française. La poursuite aboutit le à labataille de Poitiers. Après une superbe victoire anglaise et avoir capturé le roiJean II le Bon,Édouard le noir redescend sur Bordeaux avec un énorme butin.
Certains villages mettront plus d'un siècle pour être reconstruits commeLa Chapelle-Faucher[10] etLa Ferté-Imbault, par exemple.
En accord avec leroi Jean et son entourage londonien qui ne veulent pas que la mort éventuelle d'Édouard III sur le champ de bataille ne déclenche des représailles à leur encontre, le roiCharles V lui oppose la tactique de laterre déserte et mène une guerre d'escarmouches refusant toute bataille rangée. Les portes deReims restent closes. Or, conformément à sa stratégie qui consiste à forcer les Français à livrer une grande bataille en rase campagne, Édouard III n'a pas emmené de machines de guerre qui l'auraient ralenti. Il se dirige vers la Bourgogne. Cette chevauchée tourne au fiasco pour les Anglais, harcelés, affamés, privés de montures (faute de fourrage). Pendant ce temps, des marins normands mènent un raid sur le port deWinchelsea (mars1360), déclenchant une panique en Angleterre[11].
Fou de rage, Édouard III remonte vers Paris et laisse son armée commettre de nombreuses exactions : il ne s’agit plus de la simple extorsion visant à nourrir son armée mais de la destruction systématique de toutes les ressources - les pieds de vignes sont arrachés, le bétail abattu et toute âme qui vive massacrée. Ces exactions entraînent un vif ressentiment contre les Anglais. Nombre d’entre elles ont lieu pendant lecarême et laSemaine sainte et, lorsque l’armée anglaise est décimée par un violent orage de grêle le lundi, nombre de chroniqueurs y voient la main de Dieu[12]. Édouard III se décide alors à négocier. Il signe la paix àBrétigny, où il dissout son armée de mercenaires. Celle-ci, pour se solder, se livre au pillage en Bourgogne, seule région « ouverte », car, contrairement à la Champagne et l'Île de France, leur arrivée n'y était pas prévue. Ces mercenaires forment l’embryon desgrandes compagnies.
Début,Jean de Gand débarque àCalais et lance une chevauchée, sans être attaqué, à travers l'Artois, lePonthieu et lePays de Caux jusqu'àHarfleur, oùPhilippe le Hardi est en train de préparer un débarquement franco-flamand en Angleterre[13].
On lui oppose la stratégie de laterre déserte et la chevauchée ne peut s'emparer de la ville. L'armée anglaise est harcelée par les troupes duduc de Bourgogne et, craignant d'être piégée, regagneCalais[13].
Robert Knolles, à la tête d'une chevauchée de 2 500 archers et 1 600 hommes d'armes[14], part deCalais fin juillet1370 et pille les campagnes contournantAmiens,Noyon,Reims etTroyes.
Le calcul du roi de France est que les chevauchées ne permettent pas de tenir le terrain et attisent l'anglophobie dans les territoires pillés.Charles V de France continue de miser sur une guerre de siège et de propagande qui lui permet de reprendre du terrain, ville après ville, le plus souvent sans combat[15]. Il renforce le prestige de la couronne de France par ces victoires malgré le retour de lapeste et les souffrances engendrées par la tactique de laterre déserte (il laisse les chevauchées anglaises piller les campagnes dont la population s'est réfugiée dans les forteresses qui ont été reconstruites dans tout le royaume). Ainsi la chevauchée de Knolles est refoulée de Bourgogne. Ellepasse 2 jours devant les portes de Paris, pillant les faubourgs sous les yeux des Parisiens à l'abri derrière les murs de la capitale[16].
Charles V doit montrer que les impôts prélevés pour conduire la guerre sont utiles, d'autant que la nouvelle dusac de Limoges vient d'arriver : les esprits s'échauffent.Olivier de Clisson lui déconseille formellement une bataille rangée. Pour rassurer le pays mis à feu et à sang par la chevauchée de Robert Knolles, Charles V fait connétable le très populaireBertrand Du Guesclin qui vient de rentrer victorieux deCastille, ayant vaincuPierre le Cruel l'allié des Anglais àMontiel[17] et lui confie une armée levée grâce à un emprunt forcé pour harceler les Anglais. Du Guesclin harcèle Robert Knolles et le bat àPontvallain, le surprenant alors qu'il s'apprêtait à franchir leLoir[18].
La zizanie ayant gagné les capitaines anglais, la chevauchée se désagrège arrivée en Bretagne.
N’ayant pas les moyens logistiques et financiers de soutenir la guerre de siège que lui imposeCharles V de France et qui semble conduire à la reconquête progressive de toute l’Aquitaine,Édouard III d'Angleterre tente d’affaiblir l’effort français enGuyenne par l’ouverture de nouveaux fronts.
Édouard III tente une chevauchée censée ruiner la France dans ses forces vives. Le, il institue son filsJean de Gand,duc de Lancastre, lieutenant spécial et capitaine général dans le royaume de France[19]. Il conduit à travers la France une chevauchée des plus dévastatrices. Mais celle-ci reste sous contrôle :Philippe le Hardi tient les ponts et les châteaux sur son aile droite,Bertrand Du Guesclin la suit et empêche tout repli versCalais. Elle traverse laPicardie et leVermandois mais ne pouvant aller vers l’ouest elle se dirige versReims, puisTroyes où elle trouve portes closes[20]. Battu parOlivier V de Clisson àSens, leduc de Lancastre ne peut rejoindre la Bretagne, il tente donc de rallier laGuyenne en traversant leLimousin[20]. Ses hommes sont affamés, les chevaux crevés (ou mangés), la fin de l’expédition se fait à pied et il perd la moitié de ses effectifs (les défections sont nombreuses). Trop lourdes, les armures ont été jetées[20]. Elle est sauvée d’un désastre plus complet par les villes deTulle,Martel etBrive qui ouvrent leurs portes sans coup férir. Mais le moral n’y est plus, la zizanie gagne les chefs :Montfort lâche la chevauchée[20]. L’arrivée piteuse du résidu des troupes de Jean de Gand, duc de Lancastre àBordeaux, brise le moral des fidèles au roi d’Angleterre : les Français avancent nettement reprenantTulle,Martel etBrive, mais surtout en entrant dansla Réole qui verrouille le Bordelais et dont les bourgeois savent ne plus pouvoir compter sur aucun secours[21].
En,Thomas de Woodstock, lecomte de Buckingham, conduit une expédition en France pour venir en aide àJean IV de Bretagne. Les Français refusant de livrer bataille devant les murs deTroyes le, Buckingham décide de poursuivre sa route ailleurs etmet le siège devant Nantes en. Pourtant, le soutien attendu du duc de Bretagne n'est pas au rendez-vous. Buckingham, qui a perdu de nombreux hommes et chevaux, doit lever le siège en. En, la Bretagne, s'étant réconciliée avec le roiCharles VI de France, paie 50 000 francs au comte de Buckingham pour qu'il abandonne sa chevauchée.
Le,Henri V débarque avec une armée de près de 10 000 hommes et 1 600 navires, en vue deChef-de-Caux près de l'estuaire de la Seine. Après avoirassiégé Harfleur et ladysenterie ayant frappé son armée, Henri doit provisoirement abandonner ses rêves de conquête et rembarquer pour l'Angleterre. Il laisse une garnison àHarfleur qu'il quitte le avec le reste de son armée en vue de regagnerCalais. Après avoir franchi laSomme, les troupes anglaises sont interceptées par l'armée française largement supérieure en nombre près du village d'Azincourt oùs'engage la bataille.
Le,Charles le Téméraire part d’Arras à la tête de 80 000 hommes pour se rendre enNormandie y retrouver son fidèle alliéFrançois IIduc de Bretagne. Leduc de Bourgogne franchit laSomme àBray, qu’il ruine, entre dans leSanterre et arrive, le, devant la forteresse deNesle enVermandois, défendue par 500 archers. Ilprend la ville et massacre la population.
Après avoir ravagé leVermandois,Charles le Téméraire s’empare ensuite deRoye et deMontdidier, puis marche surBeauvais, l’une des villes les plus riches de France, prend d’assautVers,Lœuilly etFrancastel, fait détruire leurs châteaux et continue sa chevauchée destructrice, mettant la campagneà feu et à sang. Le il met lesiège devant Beauvais sans succès.
Le il lève le camp, ravageRouge Maison en incendiant sur plus de 20 km à la ronde les villages, dontMarissel,Bracheux,Wagicourt,Songeons etGerberoy. Les Bourguignons, passant parPoix versAumale, vinrent devantEu puisSaint-Valery-en-Caux, qui fut brûlée, saccageant et détruisant tout sur leur passage. Ils se présentèrent devantDieppe, qui était une des plus fortes villes du royaume, et mirent en cendres tout le richepays de Caux, firent démolir les villages et châteaux. Ils vinrent ensuite aux portes deRouen, où le duc avait donné rendez-vous à l'armée de Bretagne afin de mettre le siège, et y passèrent quatre jours.
Le Téméraire quitta la proximité de la ville, mitSaint-Georges-sur-Fontaine et toute la contrée entreNeuchâtel etRouen à feu et à sang. Peu de temps après le duc se résolut à revenir enPicardie et enArtois, en continuant à tout brûler sur son passage. En partant, il détruisit entièrement la ville deNeufchatel, puis se dirigea surGaillefontaine, qu’il assiégea, pilla et incendia et dont il démantela la forteresse.
Dans sa retraite, il fut sans cesse harcelé parAntoine de Chabannes,comte de Dammartin, et leconnétable deBeauvais, qui lui refusaient bataille et fatiguaient par des escarmouches son armée déjà excédée par la famine et les maladies.
En 1622, résolu à entreprendre la pacification de son royaume,Louis XIII chevauche avec l'armée royale à travers lePoitou, l'Aunis, leSaintonge, l'Aquitaine et leLanguedoc, assiégeant et ravageant les villes et places-fortesprotestantes de France.