LesTortues (Testudines) ouChéloniens forment unordre devertébréstétrapodes dont les caractéristiques sont uncrâne sansfosses temporales et la présence d'unecarapace constituée d'un plastron au niveau du ventre et d'une dossière sur le dessus, reliés par deux ponts sur les côtés du corps. On les sépare traditionnellement en trois groupes : lestortues terrestres (environ70 espèces), lestortues aquatiques, ou tortuesdulçaquicoles (environ260 espèces), et lestortues marines (sept espèces).
Les tortues sontovipares et lespontes ont lieu tous les dix à douze mois. Les jeunes grandissent d'abord vite, puis leur développement se ralentit. Selon les espèces, il existe des tortues strictementvégétariennes, d'autres strictementcarnivores oupiscivores, et d'autresomnivores. Du point de vue de la manière dont elles rétractent leur cou sous le rebord de leur carapace, on distingue les « cryptodires » qui le replient verticalement en « S » des « pleurodires » qui le replient horizontalement à droite ou à gauche[1].
Le squelette des tortues est composé d'os et de cartilages[2]. On le divise généralement en trois parties : le crâne, le squelette axial et le squelette appendiculaire[2].
La mâchoire des tortues n'a pas de dents, mais est couverte d'une surface cornée tranchante : les tortues sont donc munies d'unbec. La colonne vertébrale est composée de sept vertèbres cervicales mobiles, d'une huitième fusionnée à la carapace et de dix vertèbres thoraciques[2].
Les tortues possèdent uneceinture scapulaire encerclée par les côtes[5]. Cette importante modification anatomique peut être suivie au cours des premiers stades de l'ontogénèse[6]. Les articulations sont composées de parties cartilagineuses[5]. Chez lestortues marines, les pattes sont remplacées par desnageoires.
Les tortues ont une queue généralement de taille réduite[7].
La caractéristique principale des tortues est d'être desreptiles munis d'une carapace. Celle-ci est composée d'un fond plat, le plastron et d'une dossière convexe, la coquille[8]. Ces deux parties sont réunies latéralement par deux ponts osseux et il reste donc une ouverture à l'avant pour laisser passer la tête et les pattes antérieures et une ouverture à l'arrière d'où sortent les pattes postérieures et la queue. La carapace est constituée de plaques osseuses soudées au squelette de l'animal et est recouverte d'écailles enkératine sur sa face externe[9].
Chez les tortues terrestres, la carapace est particulièrement massive et peut représenter deux tiers du poids total de l'animal[5]. Elle sert à la fois de bouclier, à maintenir une partie de la chaleur interne de l'animal et à stocker lecalcium[10]. Les motifs (marbrures, stries, mouchetures) sur la dossière de certaines tortues, constituent un mode decamouflage disruptif qui leur permet de passer inaperçues auprès de leurs prédateurs[11].
L'organisation desorganes des tortues correspond de manière générale à celle desvertébrés[12]. Quelques différences sont néanmoins à souligner : elles n'ont pas d'oreilles externes (lesoreilles internes sont situées derrière les yeux), pas de dents (remplacées par un bec) et ont uncloaque[12]. Lecœur des tortues possède trois cavités (deux oreillettes et un ventricule) ; il est plutôt plat, large et sa pointe est arrondie[12],[13]. L'appareil respiratoire de la tortue est l'un des plus évolués chez les reptiles[13] : la tortue possède en effet uneglotte, unlarynx, unpharynx et unetrachée (composée d'anneaux cartilagineux)[13]. Elle possède deuxpoumons avec de nombreux replis situés sous ladossière, ce qui explique pourquoi une tortue sur le dos peut mourir d'étouffement[13]. La tortue n'a pas dediaphragme, la respiration est réalisée grâce aux mouvements de l'ensemble des muscles du corps. Lesystème digestif est assez classique avec unfoie volumineux[13]. Comme les autresreptiles, les tortues sont recouvertes d'écailles. Les yeux sont protégés par troispaupières[14].
Lesdifférences entre les tortues adultes mâles et femelles ne sont pas toujours bien marquées. Par exemple, pour lestortues marines, lesexage génétique ou la dissection sont nécessaires pour déterminer le sexe.
Chez les tortues de petite taille, les femelles sont généralement plus grandes que les mâles[15]. Chez les tortues de grande taille, au contraire, les mâles sont généralement plus grands[15]. Le plastron des mâles est souvent plus concave que celui des femelles, plutôt plat[15]. Le cloaque est plus proche du bout de la queue chez les mâles, queue par ailleurs plus grande et plus forte[15].
Certains caractères plus particuliers différencient mâles et femelles chez certaines espèces. Chez laCistude par exemple, les mâles ont les yeux rouges et les femelles ont les yeux jaunes[16]. Chez l'Émyde peinte de Bornéo, la femelle a une tête brune alors que la tête du mâle est colorée[17]. Chez les tortues aquatiques, les mâles ont des griffes développées qui favorisent l'accrochage de la femelle lors de l'accouplement.
L'espérance de vie des tortues varie suivant les espèces. En moyenne, les tortues terrestres vivent une cinquantaine d'années[18]. La majorité des tortues dépassant l'âge de cent ans sont lestortues géantes des Seychelles oudes Galápagos[18]. Différents records de longévité ont été enregistrés, notamment celui deHarriet, une tortue géante desîles Galápagos ayant vécu environ175 ans[19], ou encore celui d'Adwaita, une tortue géante des Seychelles qui serait morte à un âge supérieur à250 ans[20].
Les tortues ayant les sens les plus développés sont les tortues aquatiques, étant donné que la plupart d'entre elles sont des chasseuses[12]. Les tortues n'ont pas une grande acuitévisuelle. Elles captent principalement un spectre de couleur allant de l'orange au rouge, ce qui explique leur attirance pour les fruits ayant ces couleurs[12]. Elles détectent plus les mouvements que les formes, à l'instar des autres reptiles[12]. Ainsi, elles peuvent détecter les mouvements à travers les vibrations de l'eau autour d'elles ou du sol par exemple[15]. Elles savent également, dans certains cas, localiser les zones de chaleur avec une certaine acuité[15]. Elles réagissent aussi en général au bruit, ce qui laisse penser que leurouïe est plutôt fine[12]. Néanmoins, leurodorat semble peu développé[12].
Certaines tortues, les tortues marines notamment, possèdent un sens de l'orientation poussé, ce qui serait peut-être dû à la présence dans leurs cellules demagnétite qui les rendrait sensibles auchamp magnétique terrestre[15].
Les tortues sont des animauxà sang froid qui s'exposent au soleil pour augmenter leur température interne[13]. Elles passent la moitié de leur temps dans une attitude immobile que l'on qualifie de sommeil[27]. Elles semblent bénéficier, contrairement à la plupart des reptiles, d'un sommeil paradoxal avec des mouvements oculaires rapides et une suppression du tonus musculaire du cou[28].
Pendant l'hiver, certaines tortues terrestres hibernent pour survivre au froid. Pour cela, elles s'enterrent et se retirent dans leur carapace. Leur métabolisme est ralenti durant cette phase d'adaptation afin de consommer moins d'énergie. L'entrée en hibernation est progressive, la tortue s'alimentant de moins en moins jusqu'à cesser complètement pour vider son tube digestif. C'est quand elle s'enterre qu'elle entre réellement en hibernation[29].
À l'état sauvage, lestortues terrestres passent une grande partie de leur temps à chercher leur nourriture. Leur alimentation majoritairement herbivore dépend de leur habitat et est très variée : végétaux, insectes,charognes[30], etc. Cette alimentation est pauvre enprotéines et enmatières grasses, mais riche en minéraux[31]. C'est l'association de ces minéraux et des rayonsultraviolets B du soleil qui permet la formation de leurcarapace[31]. Lors de leur période d'activité, elles s'alimentent tous les jours pendant plusieurs repas courts[31]. Leur transit a une durée qui varie selon la température extérieure, la teneur en fibres et en eau de l'alimentation et la fréquence des repas[31]. Cette durée oscille entre 3 et28 jours[31]. En captivité, les tortues sont nourries avec des aliments se rapprochant au plus près de leur alimentation sauvage[31].
Comme les tortues terrestres, lestortues aquatiques occupent une grande partie de leur temps à chercher leur nourriture. Elles peuvent être carnivores, majoritairement herbivores ou omnivores[32]. Les tortues carnivores consomment généralement des charognes, desrongeurs, despoissons, desinsectes et des petits reptiles[32]. Celles qui sont majoritairement herbivores consomment surtout des plantes semi-aquatiques, desalgues et des fruits[32]. Les tortues omnivores quant à elles consomment aussi bien les éléments faisant partie du régime des tortues carnivores que des éléments faisant partie du régime des tortues dites « herbivores ». Certaines tortues aquatiques sont chasseresses, comme laTortue alligator ou laMatamata.
Les tortues marines utilisent pour leur alimentation les éléments de la mer. Cette alimentation peut donc être composée d'algues, de poissons, deméduses et d'autres aliments marins suivant les espèces et leur régime alimentaire (plutôt carnivore ou plutôt herbivore)[33]. On remarquera que laTortue imbriquée est le seul reptilespongivore connu[34].
Les différentes espèces de tortues ont des modes de reproduction et un cycle de vie assez communs. Elles pondent des œufs et les enfouissent. Ces œufs, contrairement à ceux d'autres reptiles comme lescrocodiliens ou leslézards, n'ont pas besoin d'être couvés. À leur éclosion, les jeunes sont seuls et sont autonomes.
Les tortues ont un mode defécondation interne. Le mâle apporte lesspermatozoïdes directement dans la zone génitale de la femelle. Toutes les espèces sans exception sontovipares.
La vitesse deprolifération (reproduction importante en un lieu donné) des tortues dépend des espèces. Avant les accouplements, il y a généralement des combats entre mâles. Les tortues pratiquent différentesparades nuptiales qui varient en fonction des espèces. Les tortues mâles utilisent leurs griffes et leurbec pour s'accrocher aux femelles et obtenir un meilleur accès aucloaque. La pression sur la carapace déforme le corps de la femelle, faisant ressortir davantage son cou d'un côté et le cloaque de l'autre[8].
Contrairement à d'autres reptiles, les tortues ont généralement unpénis et non unhémipénis. Les tortues marines s'accouplent dans l'eau. Les tortues terrestres mâles s'accouplent avec les femelles en grimpant sur leur dos. Les sons émis par les mâles lors de l'accouplement sont très inhabituels. Les femelles restent stoïques et continuent parfois à marcher ou même à manger.
La plupart des tortues femelles creusent un trou pour enterrer leurs œufs. Elles utilisent leurs pattes arrière pour creuser, cependant il existe de rares exceptions (Pseudemydura umbrina par exemple)[6]. Quelques tortues gardent leurs nids comme lesTortues brunes de Birmanie ou lesCinosternes jaunes[6].
Les pontes collectives des tortues marines sont appeléesarribada. Elles ont lieu sur les plages pendant les premiers et derniers quartiers du cycle lunaire, en période demortes-eaux et lorsque le ressac est faible. Les œufs sont généralement pondus sur terre. Il y a néanmoins certaines exceptions comme laChelodina oblonga qui dépose ses œufs dans l'eau. Certaines espèces pondent plusieurs fois par saison et les tortues marines, notamment, peuvent pondre jusqu'à dix fois par an.
Certaines espèces pondent de nombreux œufs en même temps. D'autres, comme lesHomopus ou lesPyxis, ne pondent qu'un œuf à la fois. Dans le cas des tortues pondant peu d'œufs, les embryons sont en général plus développés au moment de la ponte que ceux des tortues qui pondent beaucoup, ce qui maximise les chances d'éclosion des œufs.
Les œufs de tortue ont une couleur oscillant entre le blanc et le jaunâtre. Les œufs de tortue pondant beaucoup d'œufs sont en général plus ronds, alors que les œufs de tortue ne pondant que peu d'œufs sont en général plus ovales[35]. Leurs coquilles peuvent être très souples ou très dures suivant les espèces. Elles sont poreuses, ce qui leur permet de capter l'oxygène de l'environnement et d'évacuer de l'eau.
La chasse à la tortue représentée par le peintreWinslow Homer dans l'îlot deRum Cay auxBahamasmontre un homme poursuivant une tortue. Cette façon de chasser la tortue, consistait à surprendre la femelle sur la plage pendant qu'elle pondait ses œufs[36].
Chez cette espèce(Pelodiscus sinensis), l'embryon semble dans une certaine mesure pouvoir se déplacer dans l'œuf afin de trouver une zone de température plus favorable à l'expression de son sexe (mâle/femelle) tel qu'il a été génétiquement programmé.
Ladétermination du sexe correspond à l’événementhormonal qui au cours dudéveloppement embryonnaire va physiquement faire d'une tortue un individu mâle ou femelle. Le sexe peut être déterminé par la combinaisonchromosomique desgamètes. Néanmoins, chez la plupart des espèces de tortues, il existe un mécanisme supplémentaire ou remplaçant celui-ci. On sait depuis la fin desannées 1960 que, à une période critique de l'incubation, la température influe sur la détermination du sexe des embryons de certaines espèces de reptiles, dont les tortues[37]. Des températures basses favorisent la naissance de mâles, alors que des températures élevées favorisent les femelles. Chez les crocodiles, de nombreux poissons, certains lézards et la plupart des tortues, ces hormones dépendent aussi des températures extérieures[38]. Les températures plus froides entraînent alors plus de mâles et inversement plus de femelles naissent quand l'environnement de la ponte est plus chaud[38]. Une différence de 2 °C de plus ou de moins suffit à faire en sorte que tous les individus seront respectivement femelles ou mâle[38].
Une étude scientifique récente (publication 2019) laisse penser que l'embryon de la tortue d'eau douce à carapace molle chinoise(Pelodiscus sinensis) a néanmoins, durant un certain temps, un certain pouvoir de « choix » de sa destinée sexuelle, qu'il exerce en se déplaçant vers une zone un peu plus chaude ou fraîche à l'intérieur de son œuf. Chez cette espèce, si tous les embryons peuvent se positionner dans un endroit de l'œuf où la température n’est ni trop chaude ni trop froide (29 °C) pour lui, alors lesex-ratio sera à la naissance à peu près parfait[38].Si cette hypothèse est confirmée chez d'autres espèces de tortues, ce comportement pourrait contribuer à sauver certaines espèces face auréchauffement climatique, au moins si la température ne monte pas trop, faute de quoi il finirait par ne rester que des femelles qui ne seraient plus fécondées, ce qui condamnerait l'espèce[38].
Bien que minuscule, l'embryon se montre déjà« capable de détecter de petites différences de température et de s’installer dans la partie de l'œuf lui donnant la meilleure chance de survie »[38]. Cette hypothèse fait débat, car l'embryon n'a pas encore de muscles semblant assez développés pour un contrôle actif de sa position dans l'œuf, et car la mobilité sporadique des embryons est la plus intense après la période connue pour être sensible à la température chez les espèces dont la détermination du sexe varie selon la température. D'autres auteurs estiment donc que les embryons de reptiles sont« généralement incapables » de tels comportements adaptatifs dans l'œuf[39], certaines espèces pouvant cependant présenter un comportement adaptatif[40].
La sensibilité de l'embryon à la température ne s'exprime qu'après la ponte, mais pas tant que l'œuf est dans la femelle[41].
Quelques semaines ou quelques mois après l'enfouissement (suivant l'espèce), les jeunes tortues sortent des œufs. Elles se libèrent rapidement en utilisant undiamant[42]. Les espèces marines cherchent ensuite instinctivement à rejoindre la mer.
Les jeunes tortues ont une apparence différente de celle de leurs parents. Leur carapace est en général plus plate. Les dessins sur celle-ci et sur leur peau sont très différents. Elles consomment plus de viande que les adultes, ce qui leur permet d'avoir l'apport en protéines supérieur nécessaire à leur croissance. Lors de leurs explorations, elles se retournent parfois sur le dos, mais doivent normalement pouvoir se redresser[43].
Une fois que la tortue est devenue adulte, elle continue à se développer tout au long de sa vie. La forme de leur carapace évolue. Pour certaines tortues, celle-ci devient plus bosselée. L'éclat de la couleur des carapaces des tortues les plus vieilles diminue et elles sont généralement abîmées par des marques dues aux attaques des prédateurs.
Il existe 342espèces de tortues que l'on classe habituellement en trois groupes : lestortues terrestres, lestortues aquatiques et lestortues marines. Beaucoup d'espèces sont menacées d'extinction ou ont déjà localement disparu d'une grande partie de leur aire naturelle de répartition.
Les tortues sont représentées sur tous les continents (sauf l'Antarctique), mais vivent préférentiellement dans les régions tropicales et subtropicales, peu d'espèces terrestres vivent dans les zones tempérées. Elles sont ainsi bien implantées enAfrique, mais également dans la partie sud de l'Asie. EnEurope, elles sont surtout présentes dans le sud, à proximité de laMéditerranée. EnAmérique du Nord, on rencontre des tortues dans le sud et le centre. EnAmérique du Sud elles sont omniprésentes excepté sur la côte ouest. EnOcéanie, des tortues vivent dans bon nombre de ses îles, à l'exception notamment de laNouvelle-Zélande et de la vaste zone désertique du centre de l'Australie. Elles sont également absentes de la péninsule arabique.
Les tortues colonisent une grande variété d'habitats différents. On les rencontre dans les océans, les marécages, les savanes, les forêts ou les prairies. Certaines tortues vivent même dans des zones arides, comme laTortue du désert, ou en montagne, comme laTortue-boîte du Yunnan qui peut vivre à plus de 1 800 mètres d'altitude[44].
Certaines espèces de tortues couvrent de très grandes zones du globe, tandis que d'autres ne sont présentes que sur des espaces très limités, comme laTortue-boîte de Pan uniquement présente dans la province duShanxi enChine[45] ou laPlatémyde radiolée, uniquement présente dans les bassins atlantiques durio São Francisco auBrésil[46]. Par ailleurs, de nombreuses espèces sont de grandesmigratrices[47].
Les plus anciennes tortues datent duTrias, il y a plus de 200 Ma mais il n'existe pas de consensus quant à leurphylogénie : leur origine au sein dessauropsides est encore incertaine parce que l'on ne sait pas si leurcrâne anapside marque une ascendance dans ce groupepaléozoïque sans fosses temporales, ou une ascendancediapside avec disparition secondaire de la cloison et des fosses temporales. Les deux options ont des arguments. Le plus récent ancêtre commun des tortues modernes date d'au moins 210 Ma, donc le groupe des tortues est probablement encore plus ancien[35].
Pendant un temps, lesauropsideEunotosaurus àcarapace duPermien a été envisagé comme ancêtre de l'ordre[48] mais cettehypothèse est actuellement abandonnée. La taxonomie de l'ordre est débattue et l'approche génétique offre d'autres perspectives que celles morpho-anatomiques. Les développements les plus récents sont de Wilkinsonet al., Rieppel & Reisz, Laurin & Gauthier.
SiEunotosaurus n'est plus envisagé comme ancêtre commun des tortues, c'est parce que divers éléments semblent démentir cette parenté : mode de formation de la carapace,os ectoptérygoïde dans le crâne…)[35]. Par la suite, lesCaptorhinidés furent proposés mais l'agencement des os de leur crâne ne correspond pas non plus aux tortues[49]. LesProcolophonidés[50] et lesParéïasaures[51] furent également considérés comme des ancêtres potentiels, ou des taxons-frères des Tortues. Les propositions les plus récentes reprennent une ancienne thèse étayée par la recherche moléculaire, qui propose que les ancêtres des tortues sont desdiapsides ayant perdu leur cloison temporale[52],[53],[54]. Aujourd'hui (2024) l'ordre des tortues est placé dans lasous-classe des chéloniens.
Lesfossiles de tortues sont nombreux. Le plus ancien fossile de chélonien est celui d'Odontochelys qui, comme l'indique son nom, avait encore des dents, puis celui deProganochelys. Cette tortue montre les dispositifs disparus chez les tortues modernes : elle est utile comme repère pour l'étude de l'évolution des tortues (comme une rangée dedents vomériennes etpalatines[6]). LeProterochersis, animal aussi ancien que leProganochelys, pliait déjà le cou pour rentrer la tête et son bassin était solidaire de la carapace. Sa présence vers la fin duTrias indique que la différenciation entrecryptodires etpleurodires était déjà effective à cette époque[1] : il est quasiment certain que laKayentachelys du milieu duJurassique en Amérique du Nord, est une tortue cryptodire[49]. De nombreux fossiles de Cryptodires marins éteints ont été trouvés en Europe et en Asie ; beaucoup appartiennent à la famille desPlesiochelyidae.
Cladogramme destétrapodes illustrant la positionphylogénétique des tortues dans l'hypothèse généralement admise qu'elles descendent dediapsides ayant secondairement perdu leur cloison et leurs fosses temporales.
Le sous-ordre desPleurodires(Linnaeus, 1758) regroupe des tortues de l'hémisphère sud qui s'identifient par leur manière de tourner leur cou pour rentrer la tête dans leurcarapace et par la relation entre celle-ci et leur bassin (ici en exemple :Chelodina longicollis).
Le sous-ordre desCryptodires(Linnaeus, 1758) regroupe la plupart des tortues terrestres, l'ensemble des tortues marines et certaines tortues amphibies. Leur tête, lorsqu'elle se rétracte, conserve son orientation initiale, contrairement aux Pleurodires (ici en exemple :Testudo graeca).
Les noms scientifiquesTestudines etChéloniens proviennent respectivement dulatintestudo : « carapace », et du grecΧελώνη :Helốnê, uneoréade (nymphe des montagnes) de lamythologie[55]. Le termefrançais « tortue » aurait pour origine leTartare, région des Enfers, dans lamythologie gréco-romaine[56], comme en témoigne l'italientartarughe(it), issu du latin(ferus) tartarucus,« bête infernale ». Cette racine se retrouve dans la plupart deslangues romanes, et de là, a essaimé dans certaines autres langues ; ensarde et dans leslangues romanes orientales c'esttesta qui a évolué entestaínu (« doté d'une carapace ») ettestoasa (« carapace »). Le nom scientifique francisé « testudinés » est issu de la dénomination utilisée parMerrem,Fitzinger etGray[57].
Lesnoms vernaculaires des différentes espèces de tortues sont très variés et peuvent s'inspirer de plusieurs éléments : une particularité physique, une forme qui les fait ressembler à autre chose, et ainsi de suite.
La pollution générale de l'environnement marin, y compris par les sacs enpolyéthylène, lesmicroparticules plastiques, lesdéchets en mer ou encore les filets et restes de filets dérivants, semble être l'une des causes principales de disparition d'espèces de tortues en mer. Sur terre, outre lespesticides (insecticides en particulier) utilisés par l'agriculture intensive et la mécanisation lourde, le « roadkill » (tortues, notamment juvéniles, écrasées sur les routes) est également une source croissante de mortalité de tortues[63]. L'Homme est également le principal destructeur d'habitats naturels des tortues, ce qui cause la disparition de celles-ci dans les régions concernées.
Par ailleurs, les tortues subissent une prédation naturelle. Les mammifères fouisseurs, d'autres reptiles ou les crabes se nourrissent d'œufs de tortue ou attaquent les jeunes. Les jeunes tortues peuvent également être menacées par les oiseaux et les poissons. Une fois adultes, les tortues sont protégées par leur taille et leur carapace : la prédation diminue avec l'âge. Seuls quelques reptiles comme leCrocodile de Cuba parviennent à briser une carapace adulte[64].
Les tortues sont également menacées par desparasites, comme lesvers, lestiques ou lespoux de mer, ou par des éléments encore plus petits, comme lesbactéries ou leschampignons. Les évènements naturels ou artificiels tels que lesincendies de forêt peuvent également contribuer à la destruction des tortues et de leurs habitats[65].
Enfin les tortues marines sont menacées par lafibropapillomatose, une maladie du typeherpès. Elle provoque des kystes qui grossissent et finissent par tuer la tortue contaminée. Cette maladie est plus présente sur les jeunes spécimens.
De nombreuses espèces de tortues sont protégées, ce qui implique que la possession, l'achat ou la vente des tortues sont souvent réglementés.
Les espèces dont le commerce est interdit sont spécifiées dans la conventionCITES (ou « convention de Washington »)[66]. Enfreindre cette réglementation ou tuer des tortues appartenant à des espèces protégées expose le responsable à de lourdes sanctions (financières ou sous forme de peines de prison).
En outre, enFrance métropolitaine, quatreparcs zoologiques spécifiques à cet animal le protègent, informent le public sur la législation et mènent des actions pour la protection et la conservation de celui-ci :la Vallée des Tortues (Pyrénées-Orientales), leVillage des tortues (Var), le Refuge des Tortues (Haute-Garonne) etA cupulatta (Corse-du-Sud). Ces parcs aident à préserver les espèces de tortues qui n’hibernent pas et qui deviennent ainsi plus exposées à la prédation et aux risques extérieurs.
ÀLa Réunion le centre de soins de tortue marineKelonia est à la fois unaquarium,musée, et un centre de recherche, d’intervention et de soins consacré aux tortues marines. Ce lieu qui était initialement un centre d’élevage à destination de la consommation humaine est désormais un lieu de sensibilisation et de conservation.
L'Homme est l'un des acteurs majeurs desmenaces pesant sur les tortues. La collecte des tortues et des œufs en milieu naturel est la plus ancienne des menaces que l'Homme et ses chiens font peser sur ces animaux. Ces collectes, facilités par la lenteur de l'animal et par son absence d'agressivité, du moins pour la plupart des espèces, ont plusieurs fins. Tout d'abord, les tortues sont une importante source d'alimentation pour diverses populations dans le monde. La tortue est également souvent employée en médecine traditionnelle ou pour le développement decosmétiques. Le développement de laterrariophilie est aussi une cause de collecte de tortues pour en faire des animaux domestiques[65]. La consommation des œufs par les populations côtières a également un effet dévastateur sur les populations de tortues, surtout si elle se perpétue dans le temps. L'effet se trouve un peu différé, car on n'observe le déclin qu'au moment où la génération suivante doit commencer à se reproduire[68].
La chair de tortue est considérée comme un mets délicat dans de nombreuses cultures[69]. Lasoupe de tortue a longtemps été un plat noble dans la gastronomie anglo-américaine et l'est toujours dans certaines régions d'Extrême-Orient. Les plats à base degophère étaient également populaires dans certaines populations deFloride[70]. La tortue est également un aliment traditionnel sur l'île deGrand Cayman où desélevages detortues marines pour la consommation se sont développés[71].
La tortue est également utilisée en médecine traditionnelle. C'est notamment le cas de l'Émyde mutique auCambodge, aujourd'hui quasiment disparue, qui était utilisée pour les soins post-nataux[68]. La carapace de laTortue d'Hermann est utilisée dans la médecine traditionnelle enSerbie[65]. Lamédecine traditionnelle chinoise utilise beaucoup les plastrons de tortues dans différentes préparations. L'une des plus connues est la gelée de tortue, laguilinggao. La seule île deTaïwan importe des centaines de tonnes de plastrons tous les ans[72].
La graisse des tortues est également utilisée auxCaraïbes et auMexique comme ingrédient pour la fabrication decosmétiques[73].
La carapace et les écailles de tortue peuvent également servir de matériaux pour l'artisanat ou l'art, notamment pour la fabrication de bijoux.
Les tortues peuvent être élevées commeanimaux de compagnie. Elles peuvent avoir été capturées dans la nature de manière légale (et parfois illégale) ou être issues d’élevages spécialisés. Elles sont généralement élevées dans des enclos de plein air, où elles sont facilement observables, ou, lorsque l'espèce n'est pas adaptée aux conditions climatiques de la région, dans unterrarium. LaTortue de Floride, tortue aquatique devenueinvasive, est elle aussi un animal de compagnie populaire. LaTortue d'Hermann, également très populaire, a désormais un statut de conservationUICN « Espèce quasi menacée »[65].
La tortue est même parfois un animal d'élevage. C'est notamment le cas enChine, où quelques grandes fermes font reproduire ces animaux pour approvisionner à la fois le marché de la viande de tortue et celui des tortues de terrariums[68].
En France, sa commercialisation est autorisée depuis. Elle coûte entre 100 et 150 euros. Sa longue durée de vie (jusqu'à80 ans), sa petite taille (30 cm environ), sa meilleure docilité par rapport auserpent et aulézard et le fait qu'elle soit moins contraignante qu'unchien lui permettent de revenir dans les familles françaises où elle est appréciée des enfants[74].
Famille chinoise touchant une tortue pluri-centenaire àGuilin (Grotte de la flûte de roseau). La tortue est un symbole de longévité.Illustration de lafableLe Lièvre et la Tortue
À l'instar de nombreux animaux en contact avec l'Homme, la tortue est universellement présente dans laculture, bien que sonsymbolisme varie en fonction des régions du monde.
Généralement, lacarapace de la tortue, ronde sur le dessus et plate en dessous, en a fait une représentation vivante de l'univers. Il existe aussi de nombreux mythes et des religions (enChine, enInde ou chez lesAmérindiens par exemple) où une tortue cosmogonique contribue à la formation de la Terre[75]. L'aspect ramassé et les quatre pattes fermement plantées dans le sol font de la tortue un cosmophore chargé de porter le monde. Sa longévité, bien connue depuis très longtemps, l'associe à l'immortalité et à la sagesse[75].
EnChine, la tortue possède une symbolique particulièrement forte, se faisant l'allégorie du monde. Le ventre de la tortue forme un carré inscrit dans le cercle formé par la carapace, figurant ainsi la conception schématisée dumonde chinois : le carré au centre du monde, représente la Chine, les parties entre la carapace et le ventre représentent le reste du monde, les « barbares », tandis que le monde céleste s'étend au-delà du cercle. La tortue est connue en Chine comme détenant les secrets du ciel et de la terre. Dans le culte des ancêtres, lesChinois croyaient pouvoir établir une communication avec le monde des morts par le biais des tortues (c'est le principe de lascapulomancie).
Ainsi, ils inscrivaient sur un morceau de carapace de tortue une question qu'ils désiraient poser aux ancêtres, après quoi ils exposaient ce morceau dans les flammes. Le craquèlement du morceau de carapace sous l'effet de la chaleur devait signifier la réponse des ancêtres. Le morceau était alors confié à un collège divinatoire qui interprétait les craquelures. Un exemple de cette pratique, datant de lapériode Shang, est notamment visible aumusée Guimet àParis[76].
EnInde également, la tortue joue un rôle important dans les mythes ou dans la religion. La tortueKûrma est le secondavatar, la seconde incarnation deVishnu sur terre (descendu pour montrer la voie aux Hommes, pour sauver l'humanité).
En Occident, la tortue ne se fait pas actrice de lacosmogonie, mais est surtout associée à la lenteur, comme l'atteste la fableLe Lièvre et la Tortue deJean de La Fontaine, mais aussi les expressions populaires du type« lent comme une tortue ». Cet aspect est surtout associé aux tortues terrestres[77]. DansLes Annales du Disque-monde, deTerry Pratchett, la tortue géanteA'Tuin voyage sans fin à travers le cosmos.
Guillaume DeBlois et Julie Boudreault,Les tortues du Québec, Éditions Documentaires Jeunesse, Québec, 2014, 56 p. (livre jeunesse très bien documenté, révision scientifique réalisée par le zoo Ecomuseum)(ISBN978-2-9813711-1-9)
↑Shine, R., & Du, W. G. (2018). How frequent and important is behavioral thermoregulation by embryonic reptiles?. Journal of Experimental Zoology Part A: Ecological and Integrative Physiology, 329(4-5), 215-221 (résumé).
↑a etb(en)Eugene Gaffney et Peter A. Meylan, « The Phylogeny and Classification of the Tetrapods : A phylogeny of turtles »,Clarendon Press, Oxford,vol. 1,,p. 157-219.
↑Servius (Servius,Commentaire à l'Énéide[détail des éditions][(la) lire en ligne], I, 505) rapporte que tous les dieux, les hommes et les animaux avaient été invités au mariage de Jupiter (Zeus) et de Junon (Héra) par Mercure (Hermès). Mais la nympheChélone bouda ce mariage, préférant sa grotte douillettement aménagée. Quand Mercure s'en aperçut, il transforma la nymphe en tortue, condamnée à porter son habitation sur son dos. Un récit très similaire figure dans unefable d'Ésope[lire en ligne].
↑V. J. Burke, J. W. Gibbons, « Terrestrial buffer zones and wetland conservation: A case study of freshwater turtles in a Carolina bay »,Conservation Biology 9, 1995, pages 1365-1369.
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