Laceltologie est une science universitaire qui traite de l'histoire, de la langue et de la civilisation despeuples celtes de laprotohistoire. Interdisciplinaire, la celtologie fait appel à l’archéologie, l’histoire, laphilologie.
Dans le domaine linguistique elle s’intéresse auxlangues celtiques survivantes (breton,cornique,écossais,gallois,mannois etirlandais), leurs versions anciennes et leslangues disparues, comme legaulois, par exemple.
Elle est enseignée dans un certain nombre d’universités à travers le monde et en premier lieu enBretagne,Écosse,Pays de Galles,Irlande,Angleterre. Des cours sont aussi dispensés dans des universités auxÉtats-Unis, auCanada, enAllemagne, enPologne, enAutriche et auxPays-Bas.
Les spécialistes en linguistique celte, seraient appelés « celtistes » ou « celtisants », dès lors que les « celtologues » verront leurs travaux se baser sur une approche archéologique et civilisationelle.
La celtologie est principalement issue de lalinguistique comparée, qui s'est établie enEurope à partir de la fin duXVIIIe siècle. En 1703,Paul-Yves Pezron, immédiatement suivi parEdward Lhuyd qui étudiait le gallois, le cornique et le gaélique, a pressenti, au milieu d'une recherche peu scientifique sur les origines bibliques des Gaulois, qu'ils partageaient un même héritage linguistique que les Bretons et lesGalates. La parenté deslangues indo-européennes a été postulée publiquement pour la première fois en 1786 par l'anglaisSir William Jones, sur la base de ressemblances entre lelatin, legrec et lesanskrit. En revanche, à cause de quelques particularités grammaticales, les langues celtiques n'ont été véritablement comptées parmi leslangues indo-européennes qu'au cours duXIXe siècle.
Johann Kaspar Zeuss (1806-1856) est considéré comme le fondateur de la celtologieallemande. Il doit avant tout sa réputation à son œuvre monumentale rédigée enlatin, laGrammatica Celtica (1851, puis 1853 avec un second volume), dans laquelle il se charge principalement de trier et d'évaluer les informations relatives auvieil irlandais et auvieux gallois, et rend plausible l'appartenance des langues celtiques à la famille deslangues indo-européennes.Zeuss a réalisé pour son œuvre une étude très approfondie des sources originales, qui n'avaient été jusqu'alors que peu explorées. En 1847, il devient professeur de linguistique àMunich.
Jusqu'au milieu duXIXe siècle, les recherches en celtologie sont principalement réalisées par des linguistes appartenant à d'autres branches. Il s'agit tout d'abord deFranz Bopp (1791-1867) qui, à travers sa démonstration de l'existence d'une langue d'origine commune auxlangues indo-européennes, fonde pratiquement la linguistique comparée. Il prouve également l'appartenance des langues celtiques à cette famille. De 1821 à 1864, il est professeur de littérature orientale et de linguistique générale àBerlin.
En ce qui concerne la seconde moitié duXIXe siècle, il convient de citer l'indianisteErnst Windisch (1844-1918), qui occupe à partir de 1877 une chaire deSanskrit à l'université deLeipzig, mais publie également d'importants travaux de celtologie. En 1901, à l'université Friedrich-Wilhelm deBerlin, l'indianiste et celtologueHeinrich Zimmer (1851-1910) devient le premier professeur allemand de langue celtique. En 1911 lui succèdeKuno Meyer (1858-1919), qui, en plus de réaliser de nombreuses publications, entretient des relations étroites avec le mouvement indépendantiste irlandais.
Néanmoins, c'est le suisseRudolf Thurneysen (1857-1940), élève de Windisch et Zimmer, qui est considéré jusqu'à aujourd'hui comme le plus important celtologue germanophone. Il devient professeur de linguistique comparée àFribourg en 1887, puis àBonn en 1913. En plus de ses travaux effectués sur une multitude de textes juridiques en vieil irlandais, on lui reconnaît un mérite particulier pour son œuvre principale,Handbuch des Altirischen (Manuel du vieil irlandais), publié en 1909. Cette œuvre, retravaillée et publiée en anglais en 1939 sous le nomA Grammar of Old Irish (Grammaire du vieil irlandais), constitue encore aujourd'hui la base fondamentale de l'étude de l'ancien irlandais.
En 1920,Julius Pokorny est nommé à la chaire de langue celtique deBerlin, mais doit, malgré sa mentalité nationaliste et ses croyances catholiques, l'abandonner en 1935 à cause de son ascendance juive. Il se rend enSuisse et n'enseignera à nouveau enAllemagne qu'en 1955 àMunich. Il est remplacé àBerlin en 1937 parLudwig Mühlhausen, nazi convaincu, tout aussi talentueux.
En Allemagne, dans les années 1930, fortement influencés par les méthodes de l'archéologie du peuple, développée parGustaf Kossinna, les archéologues allemands, appuyés sur une prétendue« apparence nordique » des Celtes[1], affirment que ces derniers appartiendraient en réalité aux peuples germaniques[2].
Après laSeconde Guerre mondiale, les recherches germanophones en celtologie ont principalement lieu enAllemagne de l'Ouest et enAutriche, notamment àFribourg-en-Brisgau,Bonn,Marbourg,Hambourg ainsi qu'àInnsbruck. Néanmoins, aucun professorat consacré à la celtologie n'est mis en place. On peut citer malgré toutHans Hartmann (de),Heinrich Wagner etWolfgang Meid (de), dont l'importance scientifique a dépassé le domaine de la linguistique. EnRépublique démocratique allemande, le poste deBerlin fut réinstauré à partir de 1966 mais jamais occupé de manière fixe.
Aujourd'hui, dans les pays germanophones, la celtologie n'est plus enseignée que dans quelques universités, àBonn,Marbourg etVienne, et toujours comme partie de la linguistique générale ou comparée. ÀFribourg-en-Brisgau,Hambourg etBerlin, les recherches en celtologie ont cessé dans les années 1990. L'unique chaire consacrée à la celtologie enAllemagne (à l’université Humboldt de Berlin, ex-université Friedrich-Wilhelm) a été supprimée en 1997.
En dehors des pays germanophones et des îles britanniques, la celtologie s'est développée auXIXe siècle principalement enFrance et enScandinavie. Par la suite, elle s'est développée enEspagne, enItalie, auxPays-Bas, enRussie et enPologne. La celtologie est également enseignée auxÉtats-Unis et auJapon.
Certaines branches sont étroitement liées à des disciplines de recherche apparentées, si bien qu'elles ne sont pas toutes considérées comme relevant de la « celtologie pure ».
Au cours duXIXe siècle, laphrénologie a été abondamment utilisée pour démontrer des liens de parenté entre des populations proto-historiques et contemporaines. Les Celtes, objet d'études archéologiques, n'échappent pas à la règle.
Après avoir étudié des dizaines de crânes issus de sépultures celtes, le SuédoisAnders Retzius propose de classer les Celtes parmi les populationsdolichocéphalesorthognathes, avec lesGermains et lesScandinaves[3]. Cette thèse permet à ses continuateurs de reprendre la thèse de populations conquérantes blondes, ayant asservi des populationsbrachycéphales ; cependant, cette thèse est rapidement réfutée, notamment parPaul Broca[4],[5].
Trois universités ont une chaire de langue celtique :Strasbourg,Rennes etBrest. Une autre existe au Centre d'études celtiques de l'EHESS, héritière de la chaire de celtique créée à laSorbonne en 1876. LaRevue celtique, créée à Paris en 1870, est l'une des plus anciennes publications savantes de celtologie au monde.
Le Centre de recherches bretonnes et celtiques, un laboratoire de recherche interdisciplinaire abrité conjointement par l'Université de Brest et l'Université de Rennes 2, est chargé, depuis 2008, de coordonner la recherche universitaire en celtologie en FranceLa revue,Études celtiques, éditée par leCentre national de la recherche scientifique, est la publication universitaire de référence.
Les thèses émises par les savants duXVIIIe et de la première moitié duXIXe, n'ont plus aucune valeur scientifique, mais ils ont fait des langues celtiques et de la civilisation des pays celtiques un objet d'étude à part entière.
Certaines de leurs thèses très aventurées ont porté à les qualifier de « celtomanes ». Ainsi,Jacques Le Brigant professait que le breton était la plus ancienne langue du Monde, celle qu'Adam etÈve avaient dû pratiquer !
Avec le soutien deNapoléon Bonaparte,Jacques Cambry etJacques Le Brigant ont créé, en 1806, l'Académie celtique qui se donnait pour but de rassembler et d'étudier des éléments sur le passé gaulois de la France. L'archiviste-paléographe,Théodore Hersart de la Villemarqué a introduit l'étude des anciens manuscrits gallois, ayant reçu une mission officielle pour cela en 1837.
L'empereurNapoléon III a fortement soutenu le développement des recherches archéologiques sur les Gaulois, en particulier, en faisant financer les fouilles àAlésia et, sous son règne,Henri Martin a pu exalter le passé celtique de la France. Grâce à l'élan ainsi donné,Henri Gaidoz etHenri d'Arbois de Jubainville ont pu poser les bases de la celtologie universitaire après 1870.