Le nomcarbone vient du latincarbo,carbōnis (« charbon »)[17]. La fabrication de carbone sous forme decharbon de bois parpyrolyse du bois sous une couche de terre était aussi connue des Romains[18]. Le carbone sous sa forme diamant est connu depuis l'antiquité en Asie, il est aussi mentionné dans l'ancien testament[19]. Son nom vient aussi du romainadámas, adámantis (« acier dur »).
La notion d'élément carbone apparaît lorsqueRené-Antoine Ferchault de Réaumur étudie la formation d'acier à partir defer, il constate que cette transformation correspond à l'absorption d'un élément par le fer[20]. En 1772,Antoine Lavoisier étudie ensuite la combustion de charbon et de diamants, il constate la formation notable de dioxyde de carbone, mais ne détecte pas la formation d'eau. Il prouve ainsi que ces deux matériaux sont formés uniquement de carbone.
Le graphite naturel était connu depuis l'Antiquité, mais sa nature n'était pas comprise, car on le confondait avec lamolybdénite et on croyait que c'était une forme deplomb[18]. En 1779,Carl Wilhelm Scheele démontre, lui aussi par oxydation du graphite, qu'il est composé principalement de carbone. En 1787, laNomenclature chimique deLouis-Bernard Guyton-Morveau lui consacre un article en définissant le carbone comme la forme pure du charbon[21].
Le nom « carbone » n'apparaît dans le dictionnaire de l'Académie française qu'à sa6e édition (1832-5).
L'histoire est ensuite marquée par l'importance accrue du carbone, on peut citer par exemple :
Le carbone est présent sur Terre depuis la formation de celle-ci. Il existe sous forme de sédiments,charbon,pétrole, et également sous sa forme puregraphite,diamant. Les diamants naturels peuvent se trouver dans lakimberlite des cheminées d'anciens volcans, notamment enAfrique du Sud et dans l'Arkansas. On peut parfois trouver des diamants microscopiques dans certaines météorites.
Le carbone possède deuxisotopes stables dans la nature :
12C (abondance = 98,93 %) qui a été choisi comme nucléide de référence unique pour lamasse atomique 12, après plusieurs propositions (anciennement l’hydrogène, puis conjointement avec l’oxygène pour les chimistes) ;
La masse atomique du carbone, 12,010 7, est légèrement supérieure à 12 en raison de la présence de l'isotope,13C.
Le carbone possède aussi deux radio-isotopes :
14C :période radioactive de 5 730 ans couramment utilisé pour ladatation d'objetsarchéologiques jusqu'à 50 000 ans. Il ne sera d'aucune utilité pour les archéologues de demain, intéressés par les trésors de la civilisation actuelle, car les explosions thermonucléaires, réalisées dans l'atmosphère à partir desannées 1960, ont créé des excès considérables ;
11C a unepériode de 20 minutes. Cette courte période et la relative facilité de substituer un atome de11C à un atome de carbone12C (stable) en font un isotope utilisé enmédecine nucléaire, notamment entomographie à émission de positon. Les radiotraceurs les plus utilisés à ce jour sont le11C-Raclopride qui se fixe préférentiellement sur les récepteurs dopaminergiques D2, et le11C-Acétate utilisé en imagerie cardiaque.
Le carbone possédant six électrons adopte uneconfiguration électronique à l'état fondamental 1s2 2s2 2p2. Il possède quatre électrons sur sacouche de valence, ce qui lui permet de former quatreliaisons covalentes, dont des liaisons de type(première liaison avec un atome) ou de type(seconde ou troisième liaison). Les liaisons de type sont toujours accompagnées d'une liaison de type. Le recouvrement des fonctions électroniques dans une liaison est plus faible. Ces liaisons sont donc moins « solides ».
Lediamant et legraphite sont les deux formes allotropiques les plus répandues du carbone, elles diffèrent par leur aspect (en haut) et leurs propriétés. Cette différence est due à leur structure (en bas).
Le carbone est présent dans la nature dans deuxformes allotropiques principales :
legraphite, empilement destructures cristallines hexagonales et monoplanes (graphène), et de couleur grise. C'est la forme stable à température et pression ambiante ;
lediamant, de structure cristalline tétraédrique (structure type « diamant ») est transparent. C'est la forme stable à haute température et haute pression,métastable à température et pression ambiante.
Dans les conditions depression normales, le carbone est sous la formegraphite, dans laquelle chaque atome est lié à trois autres dans une couche d'anneaux hexagonaux fusionnés, comme ceux des composésaromatiques hydrocarbonés. Grâce à la délocalisation des orbitales, le graphite conduit l'électricité. Le graphite est mou, car les liaisons chimiques entre les plans sont faibles (2 % de celles des plans) et les couches glissent donc facilement les unes par rapport aux autres.
Sous très haute pression, le carbone cristallise dans un système cubique à face centrée nommédiamant, dans lequel chaque atome est lié à quatre autres (distance interatomique de 136 pm). Lediamant, grâce à la résistance desliaisons carbone-carbone, est, avec lenitrure de bore, la matière la plus dure à rayer. À température ambiante, la métamorphose engraphite est si lente qu'elle est indécelable. Sous certaines conditions, le carbone se cristallise enlonsdaléite, une forme similaire au diamant mais hexagonale. De toutes lespierres précieuses, lediamant est la seule à se consumer complètement.
En plus du graphite (pur sp2) et du diamant (pur sp3), le carbone existe sous forme amorphe et hautement désordonnée (a-C). Ces formes amorphes du carbone sont un mélange de sites à trois liaisons de type graphite ou à quatre liaisons de type diamant. De nombreuses méthodes sont utilisées pour fabriquer du a-C : pulvérisation, évaporation par faisceau d'électrons, dépôt à l'arc électrique, ablation laser, etc. En 2019, la molécule cyclique C18 (pur sp1) a été synthétisée par élimination des groupes CO dans l'oxydeC24O6[22].
Lesoignons de carbone sont des structures basées sur une structure de type fullerène, mais dont la paroi est constituée de plusieurs couches de carbone.
Les formes cylindriques du carbone sont appeléesnanotubes (nanotube de carbone, abréviation : NTC). Elles ont été découvertes dans le culot se formant à lacathode de l'arc électrique durant la synthèse de fullerènes. Ces objets de diamètrenanométrique et de longueur atteignant parfois le millimètre se présentent comme des plans de carbone d'épaisseur monoatomique (ougraphène) enroulés sur eux-mêmes et formant un tube de diamètre nanométrique). Les nanotubes dont la paroi n'est constituée que d'un seul plan de carbone sont dits « monofeuillets ». Les nanotubes fabriqués par la méthode de l'arc électrique sont presque tous « multifeuillets ».
Le graphène est constitué d'un plan unique de carbone d'épaisseur monoatomique. Le graphène peut être simplement obtenu en prélevant un plan unique de carbone d'un cristal de graphite.
Conjointement à ces structures, on observe un grand nombre denanoparticules polyédriques. À l'image des oignons et des nanotubes multifeuillets, les observations enmicroscopie électronique en transmission haute résolution ((en)HRTEM :High-resolution Transmission Electron Microscopy) révèlent que ces nanoparticules de carbone sont constituées de plusieurs couches de graphène, fermées, laissant une cavité nanométrique en leur centre.
À pression atmosphérique, le carbone (graphite) sesublime à4 100K. Sous forme gazeuse, il se constitue habituellement en petites chaînes d'atomes appeléescarbynes. Refroidies très lentement, celles-ci fusionnent pour former les feuilles graphitiques irrégulières et déformées qui composent lasuie. Parmi ces dernières, on trouve en particulier, la forme sphérique monofeuillet C60 appeléefullerène, ou plus précisémentbuckminsterfullerène, et ses variétés Cn(20 ≤n ≤ 100), qui forment des structures extrêmement rigides.
Le carbone est le composant essentiel descomposés organiques, qui contiennent fréquemment au moins uneliaison carbone-hydrogène[c]. Cependant le carbone existe aussi dans la nature sous forme inorganique, principalement sous la forme dedioxyde de carbone, et sous forme minérale.
La chimie du carbone est essentiellement covalente. Le carbone est à la base d'une multitude de composés pouvant contenir un grand nombre d'atomes, en association avec l'hydrogène, l'oxygène, l'azote, leshalogènes, lephosphore, lesoufre, et les métaux, par liaisons simples, doubles ou triples. L'étude et lasynthèse de ces composés constituent lachimie organique. Les principaux composés organiques du carbone sont les « hydrocarbures » des molécules associant carbone ethydrogène. On classe les hydrocarbures en trois familles :
lesalcynes, où au moins un carbone forme des liaisons (« triple ») (carbones sp) :éthyne (acétylène) C2H2,propyne C3H4, etc.
Suivant le nombre d'atomes de carbone, on fait précéder le suffixe -ane, -ène ou -yne :
méth-
éth-
prop-
but-
pent-
hex-
hept-
oct-
non-
déc-
La rotation est libre autour des liaisons simples carbone-carbone. En revanche, les liaisons doubles ou triples sont rigides : la liaison double est planaire, les angles de liaison autour des atomes de carbone sont 120°. Cela conduit à la formation dediastéréomères, c'est-à-dire de composés ayant la même formule chimique mais une disposition différente des atomes dans l'espace. La liaison triple est linéaire.
En outre, le carbone sp3 peut former des composéschiraux (du grecχείρ (kheír), « main »). Le cas le plus simple est un composé possédant 4 substituants différents autour d'un atome de carbone. Suivant la disposition dans l'espace de ces substituants, on obtient deux molécules qui sont différentes : elles ne sont pas superposables, il s'agit d'une paire d'énantiomères. Les énantiomères sont l'image l'un de l'autre dans un miroir (comme nos deux mains).
Ce type d'atomes de carbone est relativement rare en termes de variété par rapport aux carbones organique et minéral. Il se présente le plus souvent sous forme de complexes inorganiques ou organo-métalliques qui intègrent un atome de carbone nu ou une molécule deCO ou deCO2, dans leurs sphères de coordination. Par exemple :
La molécule dedioxyde de carbone CO2 existe à l'état gazeux dans l'atmosphère terrestre. Une certaine quantité de ce CO2 se dissout dans les eaux océaniques et continentales, et une partie du CO2 dissous réagit avec la molécule d'eau pour former de l'acide carbonique H2CO3 suivant la réaction :H2O + CO2(dissous) ⇔ H2CO3.
Or il se trouve que dans l'eau de mer, ce système decarbonates est présent en grandes quantités et dans des proportions telles qu'il joue un rôletampon fondamental dans l'acidité de l'eau océanique (pH 8,1-8,4) qu'il permet de rendre très stable. Ce taux de carbonates (et deborates, pour être exact) s'appelle l'alcalinité outitre alcalimétrique complet (TAC, mesuré en degrés français, ou kH mesuré en °allemands ; il existe d'autres unités. Le mieux est de parler enppm, ou parties par million). Ce pH a permis à des quantités « géologiques » detestscalcaires deprotozoairesplanctoniques de former desroches sédimentaires calcaires constituées essentiellement d'uncristal decarbonate de calcium et de magnésium (mélange qu'on appelle le calcaire) : la pierre de Paris, lemarbre, etc. Toute cette chimie est traditionnellement incluse dans lachimie inorganique, c'est-à-dire minérale, bien qu'il y ait évidemment de nombreux points sur lesquels cela ne se justifie pas. Ainsi, on pourra qualifier le carbone contenu dans le dioxyde de carbone, l'acide carbonique, l'hydrogénocarbonate et le carbonate, de carbone inorganique. C'est aussi valable pour le carbonediamant et les autresvariétés allotropiques ducristal de carbone.
Le carbone pur a une faible toxicité pour les humains et peut être manipulé et même ingéré en toute sécurité sous la forme de graphite ou de charbon de bois. Il est résistant à la dissolution ou l'attaque chimique, même dans le contenu acide du tractus digestif, par exemple. Le charbon de bois provenant des noix de coco est d'ailleurs utilisé en médecine.
En revanche, ledisulfure de carbone CS2, quoique de structure similaire au dioxyde de carbone, est un liquide hautement toxique utilisé commesolvant (vulcanisation du caoutchouc).
Les autresoxydes de carbone sont lemonoxyde de carbone CO, et lesuboxyde de carbone C3O2, moins commun. Lemonoxyde de carbone est un gaz incolore et inodore, formé parcombustion incomplète des composés organiques ou du carbone pur (charbon). Lemonoxyde de carbone se lie plus fortement que l'oxygène, à l'hémoglobine sanguine pour former de la carboxyhémoglobine, un composé stable. Le résultat de cette réaction est l'empoisonnement des molécules d'hémoglobine, ce qui peut être mortel (voir l'entrée en question).
L'ioncyanure CN− a un comportement chimique similaire à un ionhalogénure. Les sels contenant l'ion cyanure sont hautement toxiques. Le cyanogène, un gaz de composition (CN)2 est également proche deshalogènes.
Avec les métaux, le carbone forme des carbures C4− ou des acétylures C22−. Quoi qu'il arrive, avec une électronégativité de 2,5, le carbone préfère former desliaisons covalentes. Quelques carbures sont des treillis covalents, comme lecarbure de silicium, SiC, qui ressemble audiamant, et est d'ailleurs utilisé pour la taille de ceux-ci.
La toxicité des nouvellesformes allotropiques du carbone (fullerènes, nanotubes, graphène) est aujourd'hui très étudiée. À l'état natif, ces nanostructures restent difficiles à filtrer dans l'air et pourraient constituer un danger qu'il est nécessaire d'évaluer[26]. À noter que dans le cadre de leur utilisation, ces composés se trouvent généralement dispersés dans un solvant, ou fixés sur un substrat solide.
↑Le carbone n'étant liquide que dans des conditions difficiles à atteindre, et par ailleurs sans grand intérêt pratique, l'expressionfusion du carbone désigne généralement safusion nucléaire et non safusion au sens ordinaire du terme.
↑Il existe des composés organiques qui ne contiennent pas de liaison C-H, par exemple l'urée ou l'hexachloroéthane.
↑L' IUPAC Commission on Isotopic Abundances and Atomic Weights donne: min: 12,0096 max: 12,0116 moy: 12,0106 ± 0,001; valeur cohérente avec une teneur en isotope 13 de 1,0565 %
↑"Ionization Energies of Atoms and Atomic Ions," in CRC Handbook of Chemistry and Physics, 91st Edition (Internet Version 2011), W. M. Haynes, ed., CRC Press/Taylor and Francis, Boca Raton, FL., p. 10-203
↑Base de données Chemical Abstracts interrogée via SciFinder Web le 15 décembre 2009 (résultats de la recherche)
↑« Carbone » dans la base de données de produits chimiquesReptox de laCSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
↑ R.-A. Ferchault de Réaumur, « L'art de convertir le fer forgé en acier, et l'art d'adoucir le fer fondu, ou de faire des ouvrages de fer fondu aussi finis que le fer forgé », 1722.