Même si certaines structures anatomiques leur permettent de résister à ladessiccation, les Bryophytes sont encore extrêmement dépendantes de l'eau ou des milieux humides, ou en tout cas d'unehygrométrie minimale au moment de leur reproduction. Cette exigence n'empêche pas une grandeplasticité écologique qui leur permet de vivre dans toutes les régions du globe, de l'équateur jusqu'aux pôles[4].
Pris au sens large, c'est-à-dire celui des classifications traditionnelles, le terme « bryophyte » s'applique aux troisembranchements de plantes terrestres qui ne possèdent pas de vrai système vasculaire : lesMarchantiophyta (hépatiques), lesBryophytas.s. (mousses, sphaignes) et lesAnthocerotophyta (anthocérotes), regroupés dans lesous-règne desBryobiotina durègne desChlorobiota[5],[6]. Au sens strict de la botanique, l'embranchement desBryophyta ne concerne donc que lesmousses et lessphaignes (à l'exception donc desMarchantiophyta et desAnthocerotophyta).
Avec près de 25 000 espèces de mousses et sphaignes, 9 000 espèces d'hépatiques (Marchantiophyta) et 300 espèces d'anthocérotes, les bryophytes constituent le second groupe de végétaux terrestres, après lesDicotylédones.
Connues et utilisées depuis la nuit des temps, les bryophytes ne font l'objet d'une attention particulière que depuis la fin duXVIIIe siècle, le seul ouvrage consacré exclusivement aux mousses avant étant l'Historia muscorum deJohann Jacob Dillenius publié en 1741[7]. Au cours des siècles précédents, les bryophytes, comme les autrescryptogames (taxon désormais non valide comprenant les algues, les lichens, les fougères), sont en effet peu étudiées compte tenu de leur petitesse, de leur organe reproducteur non visible et du peu d'avantages que l'Homme arrive à en tirer[8]. En 1784,Johannes Hedwig, « père de la bryologie », en fait un ensemble véritablement naturel, subdivisé enMusci frondosi (Mousses) etMusci hepatici (Hépatiques)[9]. En 1789,Jussieu propose une classification naturelle dans sonGenera plantarum et est le premier à utiliser le terme de mousse pour représenter cet ensemble qu'il classe dans les « plantes sans fleurs » avec les Fungi (champignons), Algae (algues) et Filices (fougères)[8]. Le terme Bryophyte est inventé en 1864 par le botaniste allemandAlexander Braun qui accole deux mots grecs,bryo (« mousse ») etphytos (« plante »)[10].
La plus grande partie ducycle de vie s'effectue sous la forme degamétophytes mâles ou femelles (en rouge).Corbeille à propagules sur le thalle deLunularia cruciata[Note 2].Pied mâle dePolytrichum strictum terminé par uninvolucre de petites feuilles écailleuses, la croissance reprenant au centre une fois les anthéridies jaunes vidées.Diagramme descriptif d'une mousse typique et de son cycle de vie[Note 3].Lessphaignes, par leur capacité à se gorger d'eau et en accumuler, jouent un rôle important dans les écosystèmes,tourbeux notamment, y compris en termes depuits de carbone.Ce sont des bryophytes (sphaignes) qui sont à l'origine d'une grande partie de la tourbe destourbières acides.Les mousses ont une capacité importante d'interception d'aérosols etparticules, qui constituent la majeure partie de leur nutrition. Les poils hyalins qui prolongent les feuilles de laTortule des murailles favorisent cette interception.
Comme pour lesalgues vertes et les plantes vertes, lecycle de vie présente une alternance desporophytes (ousporogone) et degamétophytes, mais, comme pour toutes lesEmbryophytes, lesanthérozoïdes (ouspermatozoïdes) sont protégés (et formés) par desanthéridies et lesoosphères par desarchégones (caractères partagés avec lesplantes vasculaires). Les mousses forment souvent, au sommet de leur axe, une couronne de feuilles plus grandes, appelée soit anthéridiophore soit archégoniophore, qui porte à leur sommet les structures fertiles (anthéridies et archégones) en forme de corbeilles qui renferment ainsi lesgamétanges. Dans ces organes sexuels, les gamétanges sont généralement séparés par des poils stériles (appelésparaphyses) qui jouent un rôle protecteur contre la dessiccation en favorisant la rétention d'eau parcapillarité[13].
La fécondation est unezoïdogamie aquatique (oogamie), lesanthérozoïdes (ou spermatozoïdes) ciliés, libérés de l'anthéridie par gélification et rupture de la paroi, sont entraînés par les gouttes d'eau de pluie ou de rosée, retenue par les feuilles ou les thalles (ou par les éclaboussures de gouttes de pluie lorsque les mousses sontdioïques) dans lesquelles ils se déplacent pour atteindre l'oosphère (la distance maximale de dispersion des spermatozoïdes étant d'une dizaine de centimètres)[14]. L'embryon qui en résulte est nourri et protégé par legamétophyte (matrotrophie).Lesporophyte non ramifié fixé sur le gamétophyte ne devient jamais indépendant de celui-ci.Le gamétophyte haploïde est donc le stade dominant sous lequel se rencontre la plante alors que le sporophyte est éphémère. Il peut êtremonoïque (plante bisexuée) oudioïque (plante monosexuée). Lorsqu'il est monoïque, uneprotandrie (maturation de l'anthéridie avancée par rapport à celle de l'archégone) permet généralement d'éviter l'autofécondation[15].
Lesspores sont entourées d'une paroi contenant de lasporopollénine qui les protège de ladessiccation au cours de la dissémination[16].Les botanistes parlent decycle digénétique haplodiplophasique (présence de deux générations séparées, le gamétophytehaploïde et le sporophytediploïde) qui devient de plus en plushétéromorphe, avec prédominance du gamétophyte sur le sporophyte (sporogone)[17].
Généralement, seule uneoosphère remplie de réserves et fixée dans son réceptacle est fécondée et conduit à la production d'un sporophyte (monosétie). Il arrive que plusieurs oosphères d'un même réceptacle soient fécondées, aboutissant à la production de plusieurs sporophytes. Ce phénomène est appelépolysétie[18].
Dans certains cas, en particulier chez les anthocérotes, les gamétophytes sont bisexués et nourrissent alors de nombreux sporophytes.
Après la fécondation, l'embryon matrotrophe est porté par le gamétophyte femelle. Le sporophyte embryonnaire se développe pour donner un sporophyte mature souvent formé d'un pédicelle (plutôt appelésoie chez les mousses etpseudopode chez les sphaignes) portant une capsule. Appelée aussiurne ousporogone, la capsule correspond ausporange où se forment dans des sporosacs (ou sacs sporifères) lesméïospores qui seront à l'origine des gamétophytes. Cette capsule est entourée par une coiffe (appelée aussi calyptre) qui provient du développement de l'archégone. Constituée d'une fine membrane qui protège la capsule, cette coiffe se déchire et disparaît à la maturité du sporophyte. Le sporange libère les spores mâles et femelles (sauf dans le cas des gamétophytes bisexués) qui sont dispersés principalement par le vent (parfois par les mouches chez lesSplachnaceae(en)[2]). La plupart des spores tombent au sein de la colonie parentale avant de germiner sous forme deprotonema, lequel donne, après une phase de croissance et de développement, les gamétophytes[19].
Les stades mobiles (en jaune dans le schéma) sont principalement les spores pour lesquelles les mousses ont développé des mécanismes assurant leur dispersion (capsule explosive dessphaignes, fentes de déhiscence desandréales,péristome des vraiesmousses) et lesanthérozoïdes (ou spermatozoïdes) avant la fécondation.
Les bryophytes peuvent se multiplier de façon végétative par fragmentation (bouturage naturel par brisure de feuilles, de rameaux). Certaineshépatiques ont développé des structures de dispersion spécialisées, lespropagules (bourgeon, bulbille). Des structures particulières (gemmules, bulbilles) existent aussi chez certaines mousses[20]. Tous ces éléments sont principalement dispersés par le vent, mais il existe des vecteurs animaux, tels que les chauves-souris[21], les fourmis[22], les limaces[23]. L'allocation des ressources (correspondant à l'allocation denutriments) reflète l'existence decompromis évolutifs entre deuxtraits biologiques, la reproduction sexuée favorisée pendant les stades de colonisation et lareproduction asexuée favorisée au sein des colonies matures[24].
Les Bryophytes ne disposent pas dexylème ni dephloème (faisceaux conducteurs de l'eau et des nutriments). Ces deux tissus ne sont apparus que plus tard au cours de l'évolution, chez lesplantes vasculaires. L'irrigation de l'axe feuillé (appelé caulidie) se réalise par un processus de capillarité, possible grâce à l'étroit agencement des « feuilles » sur cet axe. La « tige » et les « feuilles » (lames foliacées de l'axe) absorbent l'eau et les sels minéraux (puisés dans les eaux de ruissellement qui charrient les éléments minéraux issus de la décomposition des matières organiques et des poussières atmosphériques véhiculées) sur toute leur surface, grâce à l'épiderme faiblementcutinisé et constitué de cellules àparoi mince[25]. Cette absorption se fait par imbibition (à travers les surfaces qui peuvent être agrémentées de poilshyalins[Note 4] ou de lamelles parallèles pour augmenter la surface d'échange) puis par diffusion[27].
Certains bryophytes (mousses tropicales, sphaignes) disposent d'ébauches de tissus conducteurs spécialisés permettant le transport de l'eau, des sels minéraux et des produits de laphotosynthèse, mais ces derniers ne sont paslignifiés : les « leptoïdes » (cellules vivantes allongées assurant la distribution des produits de la photosynthèse, l'équivalent de lasève élaborée) et les « hydroïdes » (cellules mortes allongées assurant la distribution de l'eau et des sels minéraux, l'équivalent de lasève brute)[28]. Les mousses endohydriques ont un tissu conducteur développé à la périphérie de l'axe feuillé, les mousses ectohydriques ont seulement des jonctionsprotoplasmiques entre les cellules, ce qui permet une circulation très localisée des nutriments[29]. Les « feuilles » sont constituées souvent d'une seule assise de cellules chlorophylliennes, excepté dans la région médiane où plusieurs épaisseurs de cellules simulent une nervure différenciée. Le sporophyte présente un épiderme doté destomates et une ébauche de tissu conducteur au niveau dupédicelle, qui aurait facilité la dessiccation du sporophyte, permettant, à maturité, ladéhiscence des capsules et la dispersion des spores[30]. Les stomates, en contrôlant les échanges gazeux (vapeur d'eau, gaz carbonique, oxygène) liés à la photosynthèse et en permettant la régulation des pertes d'eau, sont uneinnovation évolutive déterminante de la diversification desplantes terrestres. Alors que les ancêtres des plantes terrestres possédaient déjà des stomates, la majorité des mousses auraient perdu ces orifices[31]. Elles auraient subi un processus d'évolution réductive(en) en lien avec leur mode de vie[32].
Il n'existe pas d'organes comparables auxracines chez les bryophytes dotés de « rhizoïdes » (mono ou pluricellulaires) qui les fixent ausubstrat mais n'absorbent pas la solution du sol. Les bryophytes ont uncormus (« tige » et « feuille », ces deux organes donnant un axe feuillé). En l'absence de photosynthèse, ce cormus se nécrose, se décolore et forme ainsi unhumus primitif.
Les bryophytes ne pouvant absorber l'eau par leur rhizoïdes ont la faculté de permettre à l'eau de rentrer par toutes les parties de la plante. De plus, en cas de forte sécheresse, la plante peut entrer en état de vie ralentie (reviviscence) en attendant des conditions de développement mieux adaptées.
Microphotographie d'une coupe transversale de l'axe feuillé deDawsonia[Note 5].
les mousses acrocarpes (du grecakron, sommet, etcarpo, fruit) ont des « tiges » dressées portant à leur extrémité des sporogones. Elles sont très peu ou pas du tout ramifiées, souvent en touffes denses, formant des coussins ou coussinets qui présentent des caractères plutôtxérophiles ethéliophiles (en raison de ce port compact en demi-sphère plus apte à lutter contre la forte exposition au soleil et ladessiccation)[Note 7] et une faible longévité ;
les mousses pleurocarpes (du grecpleuro, côté, etcarpo, fruit) ont des « tiges » très ramifiées latéralement d'où émergent les sporogones. Elles sont étalées sur leur support (tiges rampantes), et forment des tapis « moquettes » qui présentent à l'inverse des caractères plutôthydrophiles etsciaphiles, et une plus grande pérennité du fait des grandes capacités demultiplication végétative des ramifications des tiges[37]. Cette catégorisation pratique souffre de nombreuses exceptions et n'implique pas deux groupes de parenté, même si lamonophylie du groupe des pleurocarpes est supportée par des analyses génétiques[38].
Comme les plantes vascularisées, les bryophytes peuvent profiter d'unesymbiose avec des champignons.On a encore peu de connaissances sur la diversité fongique associée aux bryophytes. Mais quelques études basées sur labiologie moléculaire ont montré qu'elle était importante.
Par exemple, enforêt boréale les bryophytes se montrent très résistantes au froid et capables de se nourrir sur dessols gelés tout ou partie de l'année. Les champignons les y aident. Il existe au nord du Canada« un ensembleécologiquement etphylogénétiquement diversifié de champignons associés aux parties vivantes de 3 bryophytes abondantes et largement distribuées (…), lesHylocomium splendens (Hedw.) Schimp. in B.S.G.,Pleurozium schreberi (Brid.) Mitt. etPolytrichum commune Hedw »[41]. Au moins 158 espèces de champignons leur sont associées dans la région étudiée. Ces champignons appartiennent surtout à ladivision desAscomycota (62,8 % des cas), et à la sous-division desBasidiomycota (32 % des cas), parfois desChytridiomycota (3,9 % des cas, considérés comme les ancêtres de tous les autres champignons) et rarement auxGlomeromycota (1,3 % seulement des cas, bien que ces champignons soient très fréquemment associés aux plantes supérieures)[41]. Les principaux ordres concernés étaient dans cette région lesHelotiales (18,6 %), lesAgaricales (11,5 %), lesChaetothyriales(en) (9,6 %) et lesTremellales[41]. L'association la plus souvent repérée était l'agaricEntoloma conferendum avecLophodermium piceae (Fckl.) Hoehn. commeendophyte associé[41]. D'autres taxons avaient des affinités avec desHelotiales du genreHyphodiscus(en) ou avec plusieursbasidiomycètes mycorhiziens[41]. La plupart (72,2 %) des taxons de champignons endophytes n'ont été trouvés qu'une seule fois dans cette étude[41]. De plus, très peu de champignons étaient associés avec l'ensemble des trois bryophytes étudiés, ce qui indique une diversité d'associations très large et peut-être certaines spécificités[41], qui restent à explorer.
Ladispersion des spores ➋ ne répond pas à unedistributiongaussienne maisleptokurtique[Note 9], avec une distance moyenne de dispersion de quelques centimètres du pied parent (rares événements à plusieurs kilomètres)[Note 10], ce qui donne une vitesse moyenne d'expansion autour du m/an[Note 11]. Ce paradigme d'une capacité de dispersion limitée des mousses doit être nuancé : la production de dizaines de milliers à plusieurs millions de spores par sporophyte[Note 12], transportées par le vent jusqu'à des milliers de kilomètres de leur zone d'origine, contribue à la dispersion à longue distance des mousses, à l'échelle intercontinentale[45],[43].
Capables de tirer leurs nutriments de l'air et des aérosols, comme les lichens qu'ils accompagnent souvent, les bryophytes sont en tant que groupe taxonomique très ubiquistes. Grâce à de nombreuses adaptations, ils ont colonisé presque toute la planète, jusqu'aux zones subpolaires[46]. Ils sont toutefois absents (plus que les lichens) du milieu marin, et des milieux extrêmement arides. Grâce à des spores aéroportées, ils comptent parmi les premières espèces à pouvoir coloniser les nouveaux habitats (ex : terrils, îles volcaniques nouvelles…)
En zone tropicale ou tempérée très humide, les moussesépiphytes peuvent recouvrir, parfois en plusieurs couches, les feuilles (mousseépiphylle) comme les écorces (moussecorticole).
La nature offre une large palette de microhabitats qui peuvent être colonisés par leBryum d'argent,espèce pionnière qui se développe dans les fentes et fissures entre les pavés, sur les arbres ou les voitures trop immobilisées.Contrairement à une idée répandue, la mousse ne vit pas forcément sur la partie orientée au Nord d'un arbre. Elle pousse de préférence sur le côté du tronc le plus humide (variant selon l'inclinaison du tronc, les conditions d'humidité et du vent) et le plus abrité du soleil, et peut même former un manchon autour des troncs dans les lieux très humides[52].
Turgescentes, les mousses se gorgent d'eau, un kilogramme de bryophyte sèche pouvant retenir 15 litres d'eau (les capacités d'absorption étant maximisées chez les sphaignes dont un kg peut retenir 70 à 75 litres d'eau)[53].
Les Bryophytes sont généralementautotrophes parphotosynthèse grâce aux cellules pourvues dechlorophylle. Certaines en sont dépourvues, telle l'hépatiqueCryptothallus mirabilis qui vit sous d'autres mousses en milieu bois.Parasite sur un champignon du genreTulasnella (lequel forme uneectomycorhize avec des arbres du genreBetula ouPinus), elle est l'unique hépatique non chlorophyllienne d'Europe et reste associée à des milieux naturels de très grande qualité[54].
Dans une certaine mesure, en empêchant physiquement des graines d'accéder au sol ou en limitant l'accès de lalumière aux graines déjà présentes dans les sols (spectre du rouge notamment, qui déclenche la germination de certaines graines) et/ou parallélopathie, les tapis de mousses peuvent éliminer ou sélectionner certaines espèces[55] ; par exemple dans une pelouse calcaire néerlandaise (et de même en conditions contrôlées enserre), un tapis dense de mousses sur le sol réduit jusqu'à 30 % le nombre de plantules de certaines espècesphanérogames[55].
Les mousses ont un pouvoir absorbant et isolant mis à profit par lesrongeurs qui utilisent ce matériau pour tapisser leursterriers ou par lesoiseaux pour leursnids. Lors de relevés bryophytiques, lesbryologues ont distingué 65 espèces de mousses qui garnissaient le nid depassereaux comme lesmésanges. Plus de la moitié de la masse de leurs nids est composé de mousses[56].
Malgré le pouvoir nutritif des mousses identique aux plantes vasculaires et le fait qu'elles offrent un habitat à de nombreux invertébrés, elles sont très peu consommées par les herbivores, notamment en raison de la synthèse de composés peu digestes voire inappétents (tanins,terpénoïdes) qui interviennent probablement dans des réactions dedéfense contre les herbivores[57]. Elles servent de nourriture à quelques espèces de coléoptères, orthoptères, collemboles, chenilles ou pucerons[58] Elles sont plus consommées dans les régions de haute latitude où elles dominent la végétation (zones arctiques ettoundras) où elles font partie du régime alimentaire hivernal des ruminants comme lerenne et lebœuf musqué[59].
De rares mousses comme lePolytric commun peuvent constituer jusqu'à 40 % du régime alimentaire deslemmings en hiver qui consomment les capsules riches en spores dont la concentration en lipides peut dépasser 30 %[60].
Lorsque les conditions le permettent, les mousses non ramifiées s'installent en colonies formant des tapis et des coussins. À partir des débris issus de la décomposition des micro-organismes hébergés et de la dégradation naturelle des brins à partir de la base de ces colonies, les mousses créent un micro-humus qui favorise leur développement ainsi que celui d'autres espèces végétales[64].
Lafunaire hygromètre[Note 16], appelée aussi « mousse de feu » ou « Funaire charbonnière », est une espèce indicatrice de place à feu (feu de camp, brûlage de débris)[69].
Les bryophytes, et les mousses en particulier tirent l'essentiel de leur nourriture de l'air et des nutriments apportés par l'eau atmosphérique[70], par lapluie ou les dépôts de particules etaérosols. En raison notamment de leurs grandes capacités d'absorption d'eau et de minéraux passivement, de leur tissu épidermique faiblementcutinisé et constitué le plus souvent d'une seule couche de cellules à paroi mince (ce qui permet d'accroître la capacité d'échange), et de parois cellulaires contenant de nombreuxsites de fixation chargés négativement qui capturent lescations métalliques[Note 17], de nombreux bryophytes sont vulnérables à l'acidification de l'air, à sa pollution[72] et à l'eutrophisation des milieux[73]. Ils jouent à ce titre un rôle important dans l'épuration de l'air, mais aussi en matière d'accumulation de certains polluants (métaux lourds etradionucléides notamment). Ce sont aussi desorganismes pionniers de succession (capables de croître sur des sols squelettiques et de fournir de l'humus pour les communautés suivantes) importants dans les processus derésilience écologique. Ils sont moins sensibles à la continuité temporelle de l'état forestier que leslichens[74].
Les espèces les plus sensibles aux polluants acides et aux pesticides véhiculés par l'air ont parfois disparu de tout ou partie de leur habitat naturel. Depuis les années 1960, certaines espèces sensibles ou résistantes sont utilisées comme desbioindicateurs ou desbiointégrateurs, en matière de qualité thermohygrométrique de l'air notamment ou de contaminations métalliques (cas des bryophytes aquatiques ou urbaines)[75],[76]. Parmi lesbioaccumulateurs végétaux et animaux, les mousses sont ceux qui répondent le mieux aux critères exigibles pour l'obtention d'une bonne information sur le degré de contamination métallique des cours d'eau. Elles permettent notamment de cartographier la pollution présente et d'un passé récent. On les a utilisées par exemple[Note 18] pour cartographier des pollutions par leplomb ou lecadmium[77].
Laconquête du milieu terrestre exige un certain nombre d'adaptations qui sont toujours présentes chez les mousses actuelles. Faisant partie des premièresplantes terrestres pour qui l'eau et le gaz étaient lesfacteurs limitants, elles avaient certainement peu de possibilités de contrôler leur teneur en eau (absence destomates au niveau de l'axe feuillé, mincecuticule). Ne possédant ni de vrais vaisseaux conducteurs, ni de véritables racines, ni d'organes de stockage, elles ont développé plusieurs adaptations : grande capacité d'absorption de l'eau (elles fonctionnant pour la plupart comme une éponge), tolérance à ladessiccation et capacité dereviviscence lorsque les conditions extrêmes (sécheresse, climat…) qu'elles ont dû endurer sont terminées[Note 19], ce qui explique que les bryophytes se sont autant affranchies du milieu aquatique que les végétaux vasculaires, beaucoup de mousses survivant dans des milieux secs (par exemple lesespèces pionnières capables de coloniser les roches nues, les déserts chauds et froids[Note 20], les toits ensoleillés des maisons)[86]. Elles ont toujours besoin d'eau (par exemple de pluie) pour leurreproduction sexuée aquatique. L'absence detissus conducteurs pose des problèmes de soutien en raison de lapoussée d'Archimède réduite en milieu aérien, d'où leur petite taille qui ne dépasse généralement pas 7 cm et leur forme compacte qui permet à leurappareil végétatif d'acquérir un port dressé qui complète les autres ports typiques (rampant, en coussinet, en lames foliacée)[87],[88]. Elles disposent derhizoïdes assurant l'ancrage, tandis que l'absorption de l'eau et des minéraux est réalisée par une symbiose fongique avec l'équivalent demycorhizes[89].
Peu de changements morphologiques sont observés depuis les fossiles jusqu'aux formes actuelles, ce qui fait des bryophytes le groupe le plus stable morphologiquement desplantes terrestres[90].
Avec près de 25 000 espèces de mousses et sphaignes, 9 000 espèces d'Hépatiques (Marchantiophytes) et 300 espèces d'anthocérotes, les bryophytes constituent le second groupe de végétaux terrestres, après lesDicotylédones[99]. En France, près de 1 300 espèces sont connues, le pays comptant de nombreuxtaxons très rares[100].
Certaines espèces ont disparu de régions entières, ou doivent être considérées comme rares, menacées ou en danger (uneliste rouge de bryophytes a par exemple été publiée pour leLuxembourg[102]).
↑L'étymologie de cenom scientifique fait référence aux corbeilles en forme delunule, de croissant, cruciata aux pieds du sporophyte en croix. Ces propagules se forment au fond de la corbeille, puis s'élèvent sur un court pédicule et enfin se détachent.
↑Le diagramme représente les « tiges » brunes pour les distinguer des « feuilles » vertes mais ces tiges sont généralement vertes car elles aussi photosynthétiques.
↑Ces poils prolongent les « nervures » des « feuilles » et forment des pointes à leur extrémités. Ils réfléchissent la lumière du jour, ce qui permet de lutter contre le dessèchement. Inversement, ils captent les gouttelettes de rosée ou de brouillard grâce à des papilles en surface qui créent des canaux piégeant l'eau. On peut dire ainsi que les moussesvivent d'air et d'eau fraiche[26].
↑Cette coupe permet d'observer, de l'extérieur à l'intérieur, une assise superficielle, à valeur d'épiderme ; une zonecorticale constituée de cellulesparenchymateuse ; un cordon central formé de leptoïdes et d'hydroïdes[34].
↑Finement dentée, la feuille ou pseudophylle porte à sa surface supérieure des lamelles chlorophylliennes dressées de 5 à 10 cellules de haut. Le cordon conducteur est normalement composé d'hydroïdes et de leptoïdes. Ces lamelles ont pour effet d'accroître la surface d'échange et de favoriser la diffusion de CO2, facteur limitant chez ces mousses caractérisées par l'absence destomates au niveau du gamétophyte[35].
↑Elles compensent la forte mortalité des gamétophytes (exposition ausoleil, dessiccation ou perte d'eau par évapotranspiration) par une production constante, régulière de sporophytes
↑Les grands coussinets qui ont unrapport surface/volume plus bas ont une évapotranspiration plus faible, ce qui leur permet de rester hydratés plus longtemps et donc de photosynthétiser pendant quelques heures de plus[39]. ChezGrimmia pulvinata,« en juillet, des coussins hydratés artificiellement et exposés en plein soleil, se dessèchent en quatre heures pour les plus petits contre neuf heures pour les plus gros[40] ».
↑La probabilité de dispersion à courte distance est élevée tandis que celle à longue distance est faible.
↑Une étude en Belgique montre que cette moyenne occulte de grandes disparités : 35 % des espèces bryophytes — incluant notamment des espèces rares — sont susceptibles de se déplacer à une vitesse d'environ 25 km en 50 ans[43].
↑Du grecrugchos, « bec d'oiseau », eteu, « bien » ; du latinpraelongus, « très long », allusion au rostre très long de l'opercule au sommet de la capsule portée par le sporophyte.
↑Du grecrhutis, « plis », etdiadelphos, « jumelés » (en référence aux deux plis des feuilles caulinaires, bien visibles à sec). Espècenitrophile etsynanthrope, elle n'élimine pas ou n'étouffe pas les herbes du jardin. Comme toutes les mousses des pelouses, elle est moins compétitive que les herbes, disparaît dès leur arrivée et s'installe là où les conditions ne sont pas propices à ces dernières[50].
↑Les feuilles se regroupent enrosettes qui portent des pédicelles dont la couleur varie de vert pâle à jaune orangé, selon leur degré de maturité. Les jeunes capsules portent des coiffes munies d'un long bec.
↑Leurs parois ont une teneur élevée enacides polygalacturoniques etgroupes fonctionnels (amine,phosphodiester) qui forment des sites immobiles extracellulaires chargés négativement, favorisant lesréactions d'échange cationique (remplacement d'un cation lié à ces sites par un autre cation métallique du milieu extérieur). Différentes voies sont généralement décrites pour expliquer la prise en charge des contaminants (métaux, radionucléides) et leurbioaccumulation (adsorption sur la surface des parois cellulaires, transport dans les espaces intercellulaires…)[71].
↑Orthotrichum diaphanum(de) est une mousseépiphyte qui vit sur les murs et les trottoirs humides des villes et qui résiste à la pollution urbaine.
↑Les bryophytes ont développé la capacité de supporter une période de sécheresse encessant toute activité métabolique, vie ralentie qui peut atteindre plusieurs siècles comme pourChorisodontium aciphyllum(en)[83]. Pour résister à la dessiccation, elles fonctionnent comme une éponge et certaines développent certaines adaptations en prenant une apparence brune et rabougrie :crispation des feuilles(de), entortillement, application des feuilles contre la tige, retournement du thalle. Cette phase d'anhydrobiose peut perdurer jusqu'à une trentaine d'années pour certaines espèces[84].
↑ab etcJean Vallade,L'œil de lynx des microscopistes. La sexualité végétale : l'apport des micrographes depuis leXVIIe siècle, Éditions universitaires de Dijon,,p. 111.
↑Johannes Hedwig,Theoria generationis et fructificationis plantarum cryptogamarum Linnæi, Pétersbourg, 1784[lire en ligne], p. 52 et suiv.
↑Yves Tourte, Michel Bordonneau, Max Henry et Catherine Tourte,Le monde des végétaux. Organisation, physiologie et génomique,Dunod,,p. 48.
↑Amélie Pichonet, « Variabilité et dispersion au sein du genreDicranum Hedw. (Dicranaceae,Bryophyta) : approches moléculaire et morphologique », Thèse Museum National d'Histoire Naturelle, 2011, p. 6.
↑a etbB.V. Tooren, « Effects of a bryophyte layer on the emergence of seedlings of chalk grassland species »,Acta Oecologica,vol. 11,no 2,,p. 155-163(lire en ligne)
↑C. Ah-Peng, P. Staménoff, J. Bardat, T. Hedderson, L. Marline, N. Wilding, D. Strasberg, « Initiation à l'étude des bryophytes des îles du Sud Ouest de l’océan Indien », 2014, Faculté des sciences Université de la Réunion, p. 6