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Benoît Mandelbrot

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Pour les articles homonymes, voirMandelbrot.

Benoît Mandelbrot
Benoît Mandelbrot en 2007.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalités
Formation
Activités
Conjoint
Aliette Kagan(d)(de à)Voir et modifier les données sur Wikidata
Parentèle
Szolem Mandelbrojt (oncle paternel)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Maître
Directeurs de thèse
Influencé par
Site web
Distinctions
Archives conservées par
Bibliothèques de l'université de Stanford, département des collections spéciales et des archives universitaires(d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Ensemble de Mandelbrot,Les Objets fractals : forme, hasard et dimension(d),The Fractal Geometry of Nature(d), Zipf–Mandelbrot law(d)Voir et modifier les données sur Wikidata

modifier -modifier le code -modifier WikidataDocumentation du modèle

Benoît Mandelbrot, né le àVarsovie (Pologne) et mort le àCambridge (États-Unis), est unmathématicienpolono-franco-américain.

Il est le découvreur desfractales, nouvelle classe d'objets mathématiques, dont fait partie l'ensemble de Mandelbrot.

Il a également travaillé sur des applications originales de lathéorie de l'information, telles que la démonstration de laloi de Zipf, et sur des modèles statistiques financiers. Jugeant lemodèle Black-Scholes trop simpliste — il est fondé sur une distributionnormale aux variations modérées — et tenant son application pour partie responsable de lacrise bancaire et financière de l'automne 2008[réf. nécessaire], il propose un modèle fondé sur leslois stables deLévy, puis sur une approchefractale.

Biographie

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Cadre familial

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Articles détaillés :Histoire des Juifs en Lituanie etHistoire des Juifs en Pologne.

Les Mandelbrot, originaires deLituanie, habitent dans lequartier juif de Varsovie. Le père, Calel Mandelbrot, a suivi des cours à l'École de commerce, mais n'a pu poursuivre ses études universitaires à la suite de la naissance de son frère cadet, Szolem, dont il s'occupe après la mort de leur mère. Il ouvre plusieurs ateliers deconfection et magasins detissus, mais doit fermer boutique en raison de laGrande Guerre et de laGrande Dépression. On ne sait pas s'il aurait pu devenir un prodige des mathématiques comme son petit frèreSzolem[n 1], mais, de l'aveu de Szolem, il était exceptionnellement doué pour les chiffres. Les machines le passionnent et il vénère un célèbre mathématicien et ingénieur allemand de l'époque,Charles Proteus Steinmetz.

La famille maternelle de Benoît partage la même conception intellectuelle de la vie que sa famille paternelle et toutes deux l'inculquent à leurs enfants. Bertha, la mère de Benoît, achève ses études secondaires et parvient à vaincre le système desquotas imposé auxJuifs par lafaculté de médecine de l'Université impériale de Varsovie, sortant même en tête de sa promotion. Elle choisit comme spécialité l'odontologie, en raison de l'absence de gardes de nuit. Elle parle à la perfection leyiddish, lepolonais, l'allemand et lerusse, et maîtrise lefrançais[2].

Le père de Benoît Mandelbrot fait la connaissance de Bertha, celle qui deviendra son épouse, pendant son enfance, car le frère aîné de celle-ci est un de ses camarades de classe.

Enfance et études

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Benoît naît àVarsovie le. Ses parents avaient déjà assisté à la mort, d'uneméningite, de leur premier enfant. Cette perte prématurée marque l'enfance de Benoît et de son frère Léon, né quinze mois après lui.

C'est l'époux d'une des sœurs de son père, l'oncle Loterman, qui se charge de son éducation à la maison[n 2]. L'oncle, un homme très cultivé et d'une grande intelligence, n'a aucune expérience en matière d'enseignement ; cela le conduit à utiliser unepédagogie de son cru qui ressemble à bien des égards à« l'apprentissage par la découverte ». Il impose à son neveu de très nombreuseslectures, le tout ponctué de grandes discussions sur l'actualité politique, sociale et économique. Les conversations sur l'histoire ancienne, l'étude descartes et les longues et fréquentes parties d'échecs libèrent l'esprit de Benoît de la moindre rigiditéconventionnelle, loin des résultats qu'aurait pu produire une éducation à base decours magistraux et demémorisation. Une autre grande référence émotionnelle et académique dans la vie de Mandelbrot est son oncle paternelSzolem (qui écrit son nom de famille Mandelbrojt), brillant mathématicien qui aura une influence déterminante sur son neveu[4].

À Varsovie, vers 1930, la situation économique de la famille Mandelbrot se détériore et ils doivent arrêter l'éducation à domicile de Benoît, qui fait donc sa rentrée à l'école primaire en troisième année. En 1931, Mandelbrot père, poussé par son frère Szolem, décide de s'installer en France où il se lance à nouveau dans la vente de vêtements. L'éducation primaire de Benoît terminée, la question de son entrée au collège est posée mais le système dequotas en vigueur et la situation politique — qui entraîne une détérioration dramatique de la situation des Juifs de Pologne — rend la situation compliquée et risquée à terme. Mandelbrot père s'étant déjà installé en France pour préparer la venue des siens, Bertha y émigre avec ses deux fils en 1936[n 3]. Cette difficile décision sauvera assurément la vie de Benoît et des siens[n 4].

À son arrivée à Paris, lefrançais, appris avec l'oncle Loterman, et son don pour les langues lui permettent d'entrer en dernière année de l'école primaire et d'obtenir soncertificat d'études primaires, qui lui ouvre les portes du lycée Rollin — aujourd'huicollège-lycée Jacques-Decour — où il bénéficie d'un excellent enseignement dispensé par des professeurs fort compétents qui n'avaient pas trouvé de poste à l'université. Mais l'ombre de la guerre suit les Mandelbrot[7].

L’invasion allemande force la famille à se réfugier ensuite àBrive-la-Gaillarde où Benoît est aidé, pour la continuation de ses études, par le rabbinDavid Feuerwerker[8],[9].

Une nouvelle fois, Szolem — qui se trouve àTulle en zone libre et vient d'obtenir son premier poste de professeur à l'université de Clermont-Ferrand — parvient à transférer la famille de son frère à Tulle où elle est considérée comme réfugiée parisienne. Benoît est inscrit aulycée Edmond-Perrier où il décroche son baccalauréat avec la meilleure note de toute l'histoire du lycée. Les portes de l'enseignement supérieur lui sont ouvertes, mais il ne veut pas attirer l'attention sur lui. Le, les Allemands envahissent lazone libre et les changements intervenus dans legouvernement de Vichy privent les Mandelbrot d'un important protecteur,Henri Queuille.

À l'automne 1943, quand Léon a lui aussi passé son baccalauréat, la famille décide de se diviser en deux pour améliorer ses chances. Sous une fausse identité, Benoît et Léon deviennentapprentis dans uneusine d'outillage. Grâce aux contacts de la famille, en, ils peuvent s'inscrire en classes préparatoires aulycée du Parc deLyon, en tant qu'internes, pour préparer les concours d'entrée auxgrandes écoles. À la suite dudébarquement de Normandie, le lycée du Parc ferme ses portes en. Benoît et Léon se réfugient à la campagne, chez des paysans, pour échapper auxrafles.

Benoît se retrouve ainsi garçon d'étable chez un éleveur de chevaux du côté dePommiers-en-Forez et est bientôt accueilli sous le toit du propriétaire[n 5]. Après lalibération de Paris au mois d'août, la famille est à nouveau réunie et retourne dans la capitale. Tout est alors mis en œuvre pour permettre à Benoît de présenter les concours de l'École normale supérieure et dePolytechnique en vue desquels il s'était préparé à Lyon. Il obtient les meilleures notes aux deux concours : après une journée passée à l'École normale supérieure, il choisit Polytechnique[11].

De 1945 à 1947, Mandelbrot suit les cours de Polytechnique où il a deux professeurs demathématiques pures,Gaston Julia etPaul Lévy, qui auront chacun une grande influence sur la suite de sa carrière[n 6].

Quand il a terminé ses études à Polytechnique en 1947, tout le pousse à fuir les mathématiques pures et laphysique théorique pour introduire de l'ordre dans des disciplines en manque de rigueur et d'outils mathématiques. Ainsi, il s’intéresse à lathéorie de l'information, les idées deClaude Shannon étant alors en plein essor[13].

Acquisition des compétences

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Son professeur demathématiques appliquées[n 7] lui suggère de faire sa thèse avec une des sommités de lamécanique des fluides, l'ingénieur et physicienTheodore von Kármán qui enseigne auCalifornia Institute of Technology (Caltech) àPasadena. Mandelbrot quitte alors la France pour la Californie, mais Caltech s'avère ne pas être le bon endroit pour sa thèse : Karman étant absent, les professeurs remplaçants n'ont pas la carrure requise. L'enseignement prodigué à Caltech est cependant de grande qualité et Mandelbrot peut se familiariser avec des domaines pour lesquels une approche mathématique peut s'avérer utile. Après deux années passées à Caltech, Mandelbrot finit par rentrer à Paris en 1949, sans avoir choisi un sujet de thèse.

Agacé par les atermoiements de son neveu, l'oncleSzolem lui présente le compte-rendu d'un ouvrage, lui disant :« Tu devrais lire ça. C'est exactement le genre de bêtise qui n'intéresse que toi ». Il s'agit d'un ouvrage intituléHuman Behavior and the Principle of Least Effort[n 8] dulinguiste etphilologue nord-américainGeorge Kingsley Zipf. Mandelbrot lit l'article, s'enthousiasme et en fait l'objet de sa thèse. Intrigué par laloi de Zipf, empirique et contestée, il la pose en termes de minimisation des coûts de stockage et d’utilisation des mots par l’esprit. Par élimination de la variable de coût entre les deux équations, se révèle une loi qui n’a, cette fois-ci, plus rien d’empirique : c’est laloi de Mandelbrot, dont celle de Zipf n’est qu’un cas particulier, et qui répond mieux qu’elle aux observations - expliquant, en particulier, le « coude » toujours observé dans les distributions, et non expliqué par la loi de Zipf. La soutenance de sa thèse a lieu le. Le titre en est« Contribution à la théorie mathématique des jeux de communication ». Ce travail lui vaut une notoriété immédiate, en particulier grâce à un ouvrage deLéon Brillouin :Science et théorie de l’information, qui aura d’ailleurs un succès bien plus grand dans sa traduction anglaise :Science and Information Theory[16].

N'ayant pas réussi à obtenir en France un poste universitaire à l'issue de son doctorat, Mandelbrot accepte un poste deprofesseur invité auMassachusetts Institute of Technology (MIT) àCambridge (États-Unis). Il y retrouveNorbert Wiener, l'inventeur de lacybernétique — dont il avait fait connaissance en 1947 chez son oncle Szolem —, qui l'intéresse à l'étude dumouvement brownien[n 9]. Après une année fructueuse passée au MIT, c'estJohn von Neumann qui l'invite à le rejoindre en tant que chercheur post-doctoral à l'Institut d'études avancées (IAS) de Princeton. Mandelbrot s'y familiarise avec lathéorie des jeux, créée par von Neumann, qui servira de fondement mathématique à l'économie, domaine auquel Benoît s'intéresse de plus en plus. Il y rencontre aussi le mathématicien américainHenry McKean qui l'initie à ladimension de Hausdorff-Besicovitch[n 10].

En 1955, ayant pu bénéficier d'une bourse de laFondation Rockefeller, il réussit à obtenir un poste de chercheur auCNRS et revient en France où il épouse Aliette Kagan[n 11] le. Après sa rencontre à Paris avecJean Piaget et sa proposition de collaboration au sein duCentre international d'épistémologie génétique, ils s'installent àGenève où leur premier enfant, Laurent, voit bientôt le jour. Du point de vue scientifique, les deux années qu'il passe au CNRS ne sont pas très fructueuses. Sur un plan plus personnel, en revanche, il est en contact avec son ancien professeur de Polytechnique,Paul Lévy, ainsi qu'avec le grand mathématicienAndreï Kolmogorov, auteur de laformulation de la théorie des probabilités. Les Mandelbrot reviennent donc s'installer à Paris, où Benoît pourrait également assurer des cours à Polytechnique[19].

En 1957, il obtient un poste de maître de conférences de probabilité à l'université de Lille[20]. Il trouve qu'enseigner prend une part trop importante de son temps, ce qui l'empêche de poursuivre librement ses recherches dans les différents domaines qui l'intéressent. QuandIBM l'invite en 1958 — en tant qu'expert en linguistique — à passer l'été dans ses laboratoires de recherche, il retourne à nouveau auxÉtats-Unis d’Amérique. L'âge d'or de l'entreprise ne fait que commencer, et ce qui ne devait être au départ qu'une collaboration ponctuelle devient un poste que Mandelbrot occupera jusqu'à sa retraite. IBM vient de se lancer dans un projet detraduction automatique, et ses premiers pas chez eux le conduisent à travailler sur la transmission optimale dans les milieux bruités et la modélisation des variations de prix desmatières premières. La curiosité hétérodoxe de Mandelbrot ne peut mieux se déployer qu'en tant quefellow — sorte d'électron libre — chez IBM. Il peut mener ses recherches comme il l'entend, sans devoir s'inscrire dans les contraintes d'un projet précis. Mieux encore, il peut aussi jouir d'importantes périodes de disponibilité, ce qui lui permet de mener de multiples collaborations dans de nombreuses autres institutions.

En 1962, il est invité par l'université Harvard en tant que professeur d'économie. L'année suivante, il y est nommé à un poste de professeur demathématiques appliquées, correspondant parfaitement à son profil. Une constante dans sa vie et son œuvre est de donner de la valeur et des applications pratiques à des travaux anciens, sur lesquels il tombe le plus souvent par hasard, et que la communauté scientifique a négligés. Il poursuit son travail sur des objets étranges jusque-là assez négligés par les mathématiciens : les objets à complexité récursivement définie, commela courbe de von Koch, auxquels il pressent une utilité. Le mathématicienFelix Hausdorff a d’ailleurs préparé le terrain en définissant pour ces objets une dimension non entière, ladimension de Hausdorff. Quant au mathématicienGaston Julia, il a défini des objets qui ont un air de famille avec le tout[21].

Découverte des fractales : un nouveau paradigme

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L'ensemble de Mandelbrot, nommé en son honneur parAdrien Douady.
Les inflorescencesfractales d’unchou romanesco.

En 1967, en embrayant sur les travaux deLewis Fry Richardson, il fait paraître dans la revueScience son célèbre article — d'à peine cinq pages —How Long Is the Coast of Britain? Statistical Self-Similarity and Fractional Dimension (en), « Quelle longueur a la côte de laGrande-Bretagne ? », qui dépend de l’échelle à laquelle on la mesure, et qui possède unedimension de Hausdorff non entière, compriseentre 1et 2 : elle ne constitue à proprement parler ni un objet à unedimension, ni un objet à deux dimensions, et c’est en acceptant l’idée de dimension non entière qu'on va pouvoir attaquer ces objets qui ont toujours échappé à l'étude : la théorie fractale est, dès cet article, officiellement lancée[22].

Mandelbrot commence alors à avoir de la notoriété dans le monde scientifique ; sa production scientifique, stimulée par les disciplines variées auxquelles il s'intéresse, s'accroît de nombreux articles et communications dans des revues et des congrès. À l'été 1971, il prend uncongé sabbatique chez IBM et revient en France avec sa famille. Le, il prononce une conférence auCollège de France[23], qui est le prélude de sa consécration en tant qu'inventeur d'une nouvelle discipline. La même année, il est pressenti pour occuper lachaire libérée parFrançois Perroux auCollège de France, mais il décline la proposition et ne fait jamais acte de candidature[24].

Il signe en 1973 dans une revue d’économie l’articleFormes nouvelles du hasard dans les sciences[25]. Cet article critique le manque d’intérêt des chercheurs de nombreuses disciplines pour les fluctuations aléatoires, se cantonnant trop à étudier les moyennes à long terme. Il cite des exemples pris dans son domaine à IBM, la transmission du signal, mais également dans des domaines inattendus : les crues duNil, la forme des nuages, celle des fleuves.

Il arrive à la conclusion qu’il n’y a pasune forme de hasard, qui conduirait toujours à une égalisation par laloi des grands nombres. Il s’agit là d’uneillusion due au fait que nous n’étudions que ces exemples en nous détournant des autres commemal conditionnés, de même que de nombreux mathématiciens se sont détournés duflocon de Koch qu’ils considéraient comme un objetmonstrueux : les sphères ou les triangles sont considérés comme des objets acceptables par les mathématiciens de l’époque, mais pas les nuages ni les arbres (du moins en tant qu’objets géométriques). Les mathématiques de cette époque restent« muettes sur les monstres ». Pas étonnant, dans ces conditions, que les mathématiques existantes soient considérées comme ayant un immense pouvoir d’explication des phénomènes scientifiques,« car nous ne considérons comme scientifiques que les phénomènes qu’elles permettent d’expliquer ! Nous sommes pris dans le piège d’unargument circulaire dont nous ne pouvons plus sortir ».

Or, ajoute Mandelbrot,« c’est l’essentiel des phénomènes de la nature qui obéissent à cet autre type de hasard où l’on ne peut appliquer la loi des grands nombres [...] Le modèle standard nous fait passer à côté de la plus grande partie de la réalité, et va jusqu’à nous empêcher même de la voir ».

Les principes en seront publiés avec une très grande quantité d’exemples : modélisation du relief terrestre et lunaire,hydrologie, structure du poumon, granulation des bétons,paradoxe d’Olbers,turbulences enmécanique des fluides,urbanisme des villes, distribution desgalaxies et même trous de l’Appenzeller, dans un ouvrage qui fait, depuis, référence :Les Objets fractals - Forme, hasard et dimension en1975. Il y présente au lecteur des objets jusqu’alors peu connus :flocon de Koch,éponge de Sierpinski (ouéponge de Menger, ou de Sierpinski-Menger), que les mathématiciens gardaient pudiquement dans leurs tiroirs. Tous ces exemples ont en commun ce que l’auteur nomme unehomothétie d’échelle et qu’il désignera, quelques années plus tard, sous le nom d’autosimilarité (self-similarity).

Le caractère novateur du livre (paru d'abord en France) en fait un succès immédiat, mondial et qui touche, cette fois-ci, le grand public. Les exemples de la première édition de cet ouvrage étaient tous en noir et blanc pour des raisons d’économie et de technologie des écrans[n 12]. Deux ans après la première édition, une version en anglais, révisée et augmentée, voit le jour en 1977.

Mandelbrot fait paraître[n 13] fin 1980 un article sur une famille defractales — liée à ce qui sera appelé ultérieurement l’ensemble de Mandelbrot —, définies par la relation de récurrencezn+1 =zn2 +c,c étant unnombre complexe quelconque[28].

Lors de son premier cours sur les fractales à l'université Harvard, l'auditoire est très varié. L'assistance assiste, ébahie, à la naissance d'une théorie racontée par son inventeur. Cette période, ponctuée de conférences, conduit Mandelbrot à préparer une deuxième révision desObjets fractals, qui se transforme bientôt en un nouvel ouvrage,La Géométrie fractale de la nature qui paraît en. Le livre abonde de nouveaux exemples de fractales. Il dépasse les six cents pages, soit trois foisLes Objets fractals[26].

La modélisation statistique en finance

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Benoît Mandelbrot à uneconférence TED en 2010.

Benoît Mandelbrot s'intéresse dès1961 à lamodélisation statistique de l’évolution descours de la Bourse, sujet qui l'intéresse durant toute sa carrière[29]. Puisant dans ses idées sur la recherche d'autosimilarités et la géométrie fractale, Mandelbrot prend le contre-pied des théories deLouis Bachelier etHarry Markowitz, qui représentent l'évolution des prix boursiers comme une évolution continue régie par laloi normale et propose une représentation des aléas boursiers par un« hasard sauvage » caractérisé par la discontinuité et la concentration du risque dans le temps[29]. Dans une célèbre étude sur les prix des matières premières, écrite en 1963[30], il propose notamment de remplacer laloi normale par leslois stables deLévy. Cette théorie financière a l’avantage de mieux prendre en compte la survenue des variations extrêmes. D’abord reconnue pertinente, elle a été ensuite mise de côté pour cause de complexité, avant d’être réutilisée depuis la fin desannées 1990, riches en turbulences financières[29].

En1997, Mandelbrot propose un nouveau modèle plus riche qui tient compte des multiples échelles de temps présents dans les marchés financiers et intègre l’effet de mémoire des fluctuations boursières[31]. Il introduit un« temps multifractal » pour décrire les alternances de périodes calmes et agitées observées sur les marchés financiers : l’amplitude des variations peut rester indépendante d’un jour à l’autre tout en étant corrélée sur de très longues périodes de temps[32]

En2004, il publieUne approche fractale des marchés dans lequel il dénonce les outils mathématiques de la finance parce qu’il les juge inadaptés[33]. Cette même année, il demande, sans succès, que les banques et les grandes institutions financières consacrent une petite partie de leur budget à larecherche fondamentale[33].

Benoît Mandelbrot est en particulier très critique sur la théorie deMerton, Black et Scholes[33] utilisée par les banques, parce que, selon lui, elle représente les risques financiers par un aléagaussien « modéré »[33] et que l'on peut dompter, par opposition au hasard « sauvage » des marchés financiers, faussant ainsi la perception desrisques financiers par les acteurs de marché.

Famille

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Benoit Mandelbrot épouse en 1955 Aliette Kagan, née le 14 octobre 1932 àNeuilly-sur-Seine[34]. Aliette Kagan est la fille d'Alexandre et Adeline (née Celniker) Kagan. Pendant laSeconde Guerre mondiale, elle et sa famille se réfugient sous des noms d'emprunt dans un village du sud de la France[35].

Aliette Mandelbrot est unebiologiste[36]avec une maîtrise enmicrobiologie duVassar College en 1968[37].

Benoit Mandelbrot et Aliette Mandelbrot ont deux filsmédecins[38]: Laurent Mandelbrot et Didier Mandelbrot[39].Laurent Mandelbrot est professeur de médecine à l'Université Paris-Diderot depuis 2002[40]. Didier Mandelbrot est professeur de médecine à l'université du Wisconsin àMadison[41].

Aliette Mandelbrot meurt le 31 mars 2023 àMadison auWisconsin, à l'âge de 90 ans[42].

Dernières années

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En 1987, l'impact de son œuvre ne fait que croître au moment où l'université Yale (New Haven,Connecticut) le recrute pour occuper lachaireAbraham Robinson de sciences mathématiques. Le contrat est prévu pour cinq ans ; il finira par en durer dix-sept. Le poste de Yale est complété par ses fonctions chez IBM, dont il prendra sa retraite en 1993. Mais la vieille relation de trente-cinq ans ne prend pas fin immédiatement, on accorde à Mandelbrot le titre deFellow Emeritus qui s'accompagne de certains privilèges, comme celui de pouvoir continuer à occuper son bureau de Yorktown. Cette situation se prolonge jusqu'en 2006, lorsqu'il décide de prendre sa retraite de Yale, d'abandonner son bureau chez IBM et de s'installer àBoston (Massachusetts).

Entouré de sa famille, il meurt d'uncancer du pancréas le àCambridge, auxÉtats-Unis dans l'État duMassachusetts[43],[44],[45].

Honneurs et distinctions

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Publications

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Notes et références

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Notes

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  1. Szolem Mandelbrojt qui co-fondera avecAndré Weil legroupe Bourbaki et sera professeur demathématiques auCollège de France[1]
  2. Aux dires de Mandelbrot lui-même, deux raisons auraient motivé ce choix : le désir de lui venir en aide financièrement, car il avait été privé d'emploi pendant laGrande Dépression, et de préserver Benoît des maladies, que sa mère redoutait tellement depuis la mort de son premier enfant[3]
  3. À bord d'un train vétuste chargé de réfugiés qui, en traversant l'Allemagne nazie, fut cadenassé pour que personne ne puisse en descendre[5]
  4. Seulement deux de ses amis de Varsovie ont survécu à laSeconde Guerre mondiale et les Loterman, comme de nombreux Juifs, furent victimes de la barbarie nazie[6]
  5. Grâce à son excellente mémoire, qui lui permettait de se souvenir desPédigrees de tous les chevaux, il sut se rendre indispensable[10]
  6. Gaston Julia, par ses apports dans le domaine de l'analyse, qui conduiront dans les années soixante-dix à l'ensemble de Mandelbrot. Paul Lévy, par ses contributions à lathéorie des probabilités et de l'application aux fractales[12]
  7. Roger Brard (1907-1977), un ingénieur aéronautique qui l'avait initié à la mécanique des fluides[14]
  8. Le comportement humain et le principe du moindre effort[15]
  9. Par la suite, Mandelbrot démontrera sa nature fractale, qui permet d'expliquer divers phénomènes[17]
  10. Qui devait jouer par la suite un rôle essentiel dans l'étude des objets fractals[18]
  11. En 1950, Mandelbrot avait fait la connaissance d'Aliette Kagan, une jeune femme d'origine juive polonaise à qui il s'était fiancé[18]
  12. Par la suite, les fractales se révélant un outil efficace pour lasynthèse d’images complexes, on n’en verra plus qu’en couleurs[26]
  13. Dans la revueAnnals of the New York Academy of Sciences. Cette publication n'avait pas la réputation de la revueScience, mais acceptait de l'éditer sans délai[27]

Références

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  1. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 20
  2. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 17-19
  3. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 19
  4. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 18-19
  5. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 37
  6. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 20/37
  7. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 36-37
  8. (en) BenoitMandelbrot,The fractalist : memoir of a scientific maverick, New York,Pantheon Books,, 324 p.(ISBN 978-0-307-37735-7,OCLC 303042882),p. 62.
  9. (en)Voir, la rencontre "romancée" entre le rabbin David Feuerwerker et Benoît Mandelbrot à Brive, dans l'ouvrage de Liz Ziemska,Mandelbrodt The Magnificent: A Novella, 2017, sous le titreG-d, Mathematician.
  10. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 39
  11. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 37-40
  12. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 40
  13. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 40-41/45
  14. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 45
  15. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 48
  16. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 45-49
  17. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 50
  18. a etbCrespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 52
  19. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 50/52/54
  20. « Les mathématiques à Lille (Chapitre VII) - ASAP Université de Lille », surasap.univ-lille.fr(consulté le)
  21. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 55-57
  22. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 57-68
  23. https://users.math.yale.edu/~bbm3/web_pdfs/069formesNouvelles.pdf
  24. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 71
  25. Mandelbrot Benoît,Formes nouvelles du hasard dans les sciences, Économie appliquée,vol. 26, 1973,p. 307-319. Texte :
  26. a etbCrespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 127
  27. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 115
  28. Crespo Caleiro et Gerschenfeld 2018,p. 72-73/95-96/114-115
  29. ab etcRamaCont,Benoît Mandelbrot, père de la géométrie fractale : Numéro spécial de la Gazette des mathématiciens), Paris, Société mathématique de France,, 192 p.(ISBN 978-2-85629-360-7,lire en ligne), « Benoit Mandelbrot et la modélisation mathématique des risques financiers ».
  30. BenoitMandelbrot, « The Variation of Certain Speculative Prices »,The Journal of Business,vol. 36,no 4,‎1er janvier 1963,p. 394–419(lire en ligne, consulté le).
  31. (en) Benoit B.Mandelbrot, Adlai J.Fisher et Laurent E.Calvet, « A Multifractal Model of Asset Returns »,Cowles Foundation Discussion Paper, SSRN,no No. 1164,‎(lire en ligne, consulté le).
  32. Jouer en Bourse, c’est vraiment risqué : « Le grand bluff des modèles financiers », Aurélien Prévost,Science et Vie,no 1068,,page 112.
  33. abc etdPropos recueillis par AnnieKahn, « Benoît Mandelbrot : "Il était inévitable que des choses très graves se produisent" »,Le Monde.fr,‎(ISSN 1950-6244,lire en ligne, consulté le).
  34. ÀNeuilly-sur-Seine et non àNeuilly (Eure) comme l'indique la sourceAliette Kagan Mandelbrot. findagrave.com.
  35. (en)Jacques Kagan. statesman.com. March 13, 20222.
  36. (en)Mandelbrot, Benoit B. 1924-. encyclopedia.com.
  37. (en)Aliette Mandelbrot Obituary.Aliette Mandelbrot. Oct. 14, 1932 - March 31, 2023. legacy.com.
  38. (en)GEOPHYSICISTS. Benoit B. Mandelbrot (1924–2010). Eos, Vol. 93, No. 4, 24 January 2012, p. 44.
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Voir aussi

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