Date | |
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Lieu | Est deMetz (France) |
Issue | Victoire tactique française |
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François Achille Bazaine | Karl Friedrich von Steinmetz |
83 500 | 67 500 |
env. 400 morts env. 3 500 blessés | env. 1 200 morts env. 4 900 blessés |
Guerre franco-prussienne de 1870
Batailles
Coordonnées | 49° 06′ 40″ nord, 6° 15′ 16″ est | |
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Labataille deBorny-Colombey, oude Colombey-Nouilly du côté allemand, est une bataille de laguerre entre laFrance et laPrusse ayant eu lieu le à l’est deMetz. Il s’agit d’un combat entre les arrière-gardes de l’« armée de Metz » sous les ordres du maréchalBazaine et les avant-gardes de laIre armée allemande sous les ordres du généralKarl Friedrich von Steinmetz.
L’armée française du Rhin commandée parNapoléon III est divisée en deux sous les coups de l’offensive prussienne, une partie au sud, dite « armée d’Alsace » et une partie au nord, dite « armée de Metz », composée ducorps d'armée de la Garde (généralBourbaki), du3e corps d'armée (généralDecaen),4e corps d'armée (généralde Ladmirault),6e corps d'armée (maréchalCanrobert) et des réserves générales de cavalerie et d’artillerie placées sous les ordres du maréchal Bazaine à partir du.
L’armée d’Alsace s’exfiltre à travers lesVosges. L’armée de Metz est en retraite sur un axe Metz-Verdun en vue de rejoindre à la fois l’armée d’Alsace exfiltrée et une armée en cours de concentration aucamp de Châlons (camp deMourmelon) afin de protéger Paris. Pour ce faire, elle doit traverser laMoselle autour de Metz. Ce point de passage a plusieurs avantages dont celui de posséder des ponts nombreux et d’être protégé par uneceinture de forts.
Le 14 aout, le2e et le6e corps d’armée sont en train de traverser la Moselle au sud de Metz. Le4e corps est en cours de franchissement au nord de Metz, sous la couverture dufort de Saint-Julien. LaGarde et le3e corps sont en arrière-garde sur le plateau de Borny entreQueuleu etBellecroix.
LaIre armée allemande (Steinmetz) poursuit l’armée de Metz à distance. Elle vient de franchir laNied allemande, dernier obstacle sérieux sur lequel les Français auraient pu s’accrocher avant Metz. Elle progresse avec deux corps d’armée en tête, leIer auxÉtangs et leVIIe àPange, et un corps d’armée en réserve, leVIIIe àOrny. La mission de ses avant-gardes est d’observer le repli français en évitant le contact, en mesure de répondre à tout retour offensif de leur part.
LaIIe armée allemande (princeFrédéric Charles) est en train de contourner la place de Metz par le sud en vue d’éviter la zone fortifiée de la région de Metz et couper la route de l’armée de Metz en direction de Verdun.
Le terrain est relativement vallonné. Au nord, le plateau deSaint-Julien, couvert de vignes et sans bois notable. Au sud, le plateau de Borny, couvert de bois et de bosquets, relevé vers l’est. Deux thalwegs majeurs, une vallée nord/sud, celle du ruisseau de Vallières qui coupe le plateau de Borny en deux. Une vallée est-ouest assez encaissée entre le plateau de Borny et celui de Saint-Julien, celle du ruisseau de Quarante appelée aussi ravin de Nouilly. Les deux vallées se rejoignent à un kilomètre à l’ouest de Nouilly. Il est dominé par trois forts, deux ouvrages majeurs, lefort de Queuleu au sud et lefort de Saint-Julien au nord et un ouvrage plus petit, lefort des Bordes au centre.
Les raisons de la bataille sont relativement confuses.
Pour le colonel Fabre de Navacelle[1], il s’agit d’une initiative du généralvon der Goltz, commandant la26e brigade d’infanterie, avant-garde duVIIe corps d’armée. Son intention est de profiter du déséquilibre généré par le mouvement de repli pour attaquer l’arrière des troupes françaises, les obliger à revenir sur la rive droite de la Moselle et retarder ainsi la retraite sur Verdun. Il en aurait averti son chef, le général Feldmarschal von Zastrow ainsi que son voisin du nord le général von Manteuffel commandant leIer corps d’armée pour leur demander du soutien.
L’initiative aurait été couverte parSteinmetz dont les motivations seraient plus personnelles. Commandant l’armée qui s’est distinguée dans la première phase de la guerre, il supporte mal que ce soit laIIe armée qui ait été désignée pour mener la manœuvre de contournement décisive de Metz. Il essaie donc une attaque frontale des armées françaises qui se replient.
Le vers10 h, le3e corps d’armée (Decaen) est déployé en garde face à l’est. Les divisions sont disposées du sud vers le nord :Montaudon sur la route deStrasbourg, Metman sur la route dePange,Castagny etAymard sur la route deBoulay. La Garde (Bourbaki) est en réserve dans ses cantonnements àGrigy et Borny. Le4e corps (Ladmirault) est en cours de franchissement au nord de Metz, sur l’île de Chambière et a gardé la2e division (Grenier) en arrière-garde. Le3e corps et la Garde s’apprêtent à franchir la Moselle. Les troupes françaises abandonnent petit à petit leurs positions.
Le, au début de l’après-midi, les divisionsMontaudon et Metman commencent leur mouvement de repli et abandonnent leurs positions défensives favorables le long du ruisseau des Vallières.
En face, la26e brigade (von der Goltz) se trouve en avant-garde duVIIe corps. Son dispositif comprend un gros chargé d’attaquer Colombey de front à travers le ruisseau de Vallières et une avant-garde, chargée de couvrir le flanc sud de l’attaque en contournant letalweg. Colombey est une position défensive importante pour les Français. Le gros est commandé par le colonel von Barby. Il est composé d’un régiment d’infanterie renforcé par un bataillon et flanqué à sa droite de trois escadrons de hussards. L’avant-garde est commandée par le colonel Delitz. Elle est composée de deux bataillons d’infanterie, d’un escadron de hussards et d’une batterie d’artillerie. Elle est flanquée à sa gauche par un bataillon de chasseur. On pense que l’intention de von der Goltz était de reprendre le contact visuel avec les Français sur le côté ouest du thalweg du ruisseau de Vallières, car les vues sont difficiles du côté est, notamment à cause de la végétation épaisse. À15 h 30, l’avant-garde débouche d’Ars-Laquenexy, se déploie en un dispositif mince sur une ligne Grigy-Mercy et engage les troupes de la division (Castagny). De son côté, le gros s’empare duchâteau d’Aubigny vers16 h, attaque Colombey de face avec pour guide à droite le ruisseau de Dame Jeannette. Un bataillon du15e régiment d’infanterie se porte surCoincy, dont il s’empare, pour couvrir le gros vers le nord. L’ensemble est appuyé par une batterie d’artillerie déployée entre Coincy etAubigny.
À la première décharge, le généralDecaen commandant du3e corps est sorti du château deBorny. À son appel toutes ses troupes qui ne sont pas encore parties font volte-face et se déploient en position de combat.
Le3e corps plie puis fait face. Dans les bois de Colombey, des combats se livrent à bout portant. Les bataillons des divisionsCastagny et Metman se replient vers le bois deBorny. Les Allemands s’élancent à leur poursuite et s’emparent du terrain abandonné. Ils occupent ainsi le terrain derrière une ligneLa Grange-aux-Bois, Colombey etla Planchette mais, face à une force supérieure en nombre, ils s’arrêtent.
Pendant ce temps, les renforts allemands affluent. Trois bataillons de la25e brigade sont lancés sur Colombey. L’artillerie de la13e division est déployée autour du château d’Aubigny pour les soutenir. Deux autres bataillons sont envoyés sur Coincy. Puis la14e division arrive vers19 h. La27e brigade s’avance en deuxième rideau sur les hauteurs est, face à Colombey. La28e menace la1re division (Montaudon) au sud. L’ensemble duVIIe corps est au contact. Les avant-gardes duIXe corps d’armée et de laIre division de cavalerie (général von Hartman) appartenant à laIIe armée arrivent à la rescousse par le sud depuis Mercy mais elles ne sont pas engagées.
Du côté français, le4e corps fait rappeler les divisionsCissey etLorencez de la rive gauche de la Moselle.
Au nord, les avant-gardes duIer corps d’armée prennent contact avec les Français vers17 h. L’avant-garde de la1re division s’empare deMontoy, le reste de la division s’empare deNoisseville puis descend surNouilly. L’artillerie de la division se déploie de part et d’autre de la route deSarrelouis. L’avant-garde de la2e division dévale deServigny-lès-Sainte-Barbe. Ladivision Grenier fait face autour du village deMey puis, renforcée par les divisionsCissey etLorencez, elle reprend Nouilly. Le4e corps menace de prendreNoisseville et Montoy et de contourner les Allemands par le nord.
Le combat qui a commencé à Colombey s’étend sur toute la ligne de la route deStrasbourg à celle deBouzonville. Le terrain est couvert d’un épais nuage de fumée. À21 h, c’est l’obscurité qui met fin aux combats. Le contact est rompu.
Les Allemands s’arrêtent, se mettent en garde puis se replient sur leurs positions initiales. Du côté français, la Garde, le3e et le4e corps reprennent leur mouvement de retraite et franchissent la Moselle après s’être remis en état de marche. Seule la divisionLaveaucoupet est laissée en rideau sur la rive droite. Le lendemain matin, il ne reste plus de troupes françaises sur la rive droite de la Moselle.
Les pertes sont relativement importantes compte tenu de l’enjeu.
Les Allemands auraient perdu au total 5 000 hommes (1 189 morts, 3 590 blessés, 127 disparus) dont 222 officiers, les Français environ 3 600 hommes (377 morts, 2 641 blessés, 490 disparus) dont 200 officiers, différence qui peut s'expliquer par le fait que les Français étaient sur des positions défensives reconnues. Le généralDecaen, qui avait succédé au maréchalBazaine à la tête du3e corps, est décédé de ses blessures le.
À part les médecins de la ville, un grand nombre d’habitants s’étaient mis à la disposition des ambulances. Quand le bruit des combats s’arrêta, on ramassa les blessés et on les porta dans les ambulances de secours. Les Prussiens en avaient installé une à Colombey avec douze sœurs gardes-malades deDüsseldorf et deux à Aubigny.
Les morts furent enterrés sur place ou dans les cimetières des localités environnantes. Des monuments seront élevés à Colombey et aux environs du chemin menant de la route deBorny à celle deSarrebruck qui prit le nom d’allée des Morts (Todten Allee en allemand). En effet, on dit que dans la soirée du, les morts y avaient été si nombreux que les derniers restaient debout empêchés par leurs voisins de tomber sur le sol. Les rameaux dénudés de sapins qui bordaient ce chemin donnaient alors à cet endroit un aspect lugubre et impressionnant.
Les résultats de la bataille sont diversement interprétés.
Louis Noir et Louis Sacré[2] partent de l’hypothèse que Bazaine ne veut pas obéir à Napoléon III et a l’intention de trahir. Il ne croit pas à la retraite sur Verdun puis sur le camp de Châlons. Il veut rester sur Metz pour mettre en pratique une doctrine en vigueur à l’époque, celle de l’armée enfermée dans un camp retranché et rayonnant contre l’adversaire.Ils fondent leur hypothèse sur une brochure écrite par le général von Kamecke qui dit deux choses :
Soit Bazaine voulait vraiment se rendre sur Verdun. Il aurait alors dû refuser le combat et accélérer le mouvement de franchissement de la Moselle.
Soit Bazaine voulait véritablement accepter le combat avec laIre armée, ce qu’il aurait pu faire compte tenu des renseignements qu’il possédait. Il aurait alors dû rejeter plus fermement l’attaque de la brigade von der Goltz, exploiter le contournement amorcé par le4e corps d’armée (de Ladmirault), engager la Garde, faire revenir les corps déjà parvenus sur la rive gauche afin de porter un coup fatal à la Ire armée et ainsi faire avorter le contournement amorcé par laIIe armée.
À l’issue de la bataille, Bazaine aurait obtenu le résultat qu’il désirait, retarder l’armée de Metz suffisamment pour que les Allemands ferment la porte de Verdun et pour qu’il puisse s’enfermer dans le camp retranché de Metz avec son armée.
Le colonel Fabre[1] dément cette vision : « On a dit que la bataille de Borny en retardant la marche de l’armée française avait décidé de la campagne. Il nous paraît douteux que les quelques heures qu’elle a coûtées aient eu une valeur aussi décisive ; l’indécision des ordres de marche, le désordre et l’encombrement qui en résultaient, les appréhensions du général en chef avaient une autre importance. »
En tous cas, la bataille passe pour une véritable occasion manquée, Moltke le reconnaît par la voix de Foch[3] : « La bataille de Borny pouvait […] devenir fatale [aux Allemands], ainsi le reconnaît le général de Moltke, si les Français avaient eu l’idée comme ils en avaient les moyens, de refouler vigoureusement les têtes de colonnes allemandes qui les serraient de trop près ».
Foch la commente en ces termes[3] : « La bataille engagée d’une façon complètement imprévue a été conduite de manière complètement improvisée par les Allemands. » En tout état de cause, elle constitue un argument pour montrer l’autonomie des chefs militaires allemands qui confine parfois à l’indiscipline. Toutefois, Moltke relève dans ses mémoires, leur solidarité lorsque l’un d’entre eux, fût-il commandant de brigade, est engagé[4]. C'est cette indiscipline que le lieutenant-colonel de Gaulle met en exergue dans le premier chapitre de son livre ː "La discorde chez l'ennemi".
Foch cite von Moltke qui endosse l’attaque mais qui précise, dans un de ses télégrammes : « L’avantage gagné dans la soirée d’hier par leIer et leVIIe corps d’armée ainsi que par des fractions de la18e division s’est produit dans des conditions qui excluent toute idée de poursuivre. Ce n’est que par une vigoureuse offensive de laIIearmée contre les routes de Metz à Verdun, par Fresnes[-en-Woëvre] et parÉtain que l’on peut recueillir les fruits de cette victoire ».