Une banque centrale est une institution financière publique ou semi-publique, chargée de la gestion de la politique monétaire d’un pays ou d’une zone monétaire dont elle a la responsabilité. Il n'existe pas un seul type de banque centrale, car chaque pays peut lui accorder des missions et lui conférer des outils différents. Les lois nationales ou des traités supranationaux peuvent également contraindre la banque centrale ou lui donner des pouvoirs d'action supplémentaires.
Les objectifs de politique monétaire des banques centrales sont fixés par leurs statuts. Ces statuts varient, et fixent des objectifs qui peuvent inclure, en plus de la stabilité des prix, d'autres objectifs, comme la réduction duchômage. La Banque centrale européenne a ainsi pour« objectif principal […] de maintenir la stabilité des prix »[1], là où la Réserve fédérale des États-Unis a trois objectifs :« un taux d'emploi maximum, des prix stables et destaux d'intérêt à long terme peu élevés ». Ainsi la Fed doit prioritairement, par ses statuts, chercher à influencer le chômage dans le sens de la baisse notamment tout en maintenant des prix stables, tandis que la Banque centrale européenne a pour objectif fondamental la seule stabilité des prix.
Les banques centrales peuvent être dépendantes ou indépendantes du pouvoir politique. Un mouvement d'indépendance a eu lieu dans les années 1980 et 1990 en Europe à la suite d'une longue série de crises monétaires au sein du serpent monétaire européen, puis au sein de son successeur lesystème monétaire européen et à la suite de la publication d'un grand nombre d'études qui concluaient à une relation négative entre l'indépendance de la banque centrale et le taux d'inflation[2]. LaBanque centrale européenne (BCE) est par exemple entièrement indépendante. Certaines banques centrales ont émis des actions détenues par des acteurs privés, comme laRéserve fédérale des États-Unis (laFed) et laBanque du Japon.
Les banques centrales peuvent chercher à atteindre l'objectif de relative stabilité des prix au moyen de plusieurs instruments, qui leur permettent de faire varier lamasse monétaire en circulation dans le pays et le coût des crédits accordés aux particuliers et entreprises. Le principal instrument est la fixation destaux directeurs. Ces taux d’intérêt déterminent le coût pour les banques commerciales à se refinancer auprès de la banque centrale[3].
L'histoire des banques centrales peut se lire à l'aune de leur double nature, plus ou moins prononcée selon les époques, debanques des banques et debanques de gouvernements. Cette tension a régulièrement fait craindre qu'elles ne soient trop subordonnées à l'une de leurs parties prenantes (c'est-à-dire qu'elles soient exclusivement au service d'intérêts financiers privés, ou alors qu'elles soient au simple service de gouvernements au détriment de leur mission de stabilité monétaire) ou, au contraire, qu'elles prennent l'ascendant et acquièrent un pouvoir trop important[4].
Les « fonctions » remplies par les banques centrales sont variées et ont évoluée au cours de l'histoire, certains auteurs mettant l'emphase sur une mission en particulier quand d'autres en distinguent trois, cinq, sept, huit, voir plus[7],[10]. En suivantCharles Goodhart, on peut considérer conventionnellement trois grandes missions : la stabilité monétaire, la stabilité financière et le financement (ou le contrôle du financement) de l'État[11].
La plupart des banques centrales a pour mission d'assurer la stabilité monétaire, c'est-à-dire la stabilité des prix. Elle doit dans ce cas veiller à ce que l'inflation ne dépasse pas une borne fixée à l'avance[12]. Certains auteurs, commeMilton Friedman, ont soutenu que le maintien de l'inflation à un niveau faible est la mission principale et essentielle des banques centrales[13].
Les banques centrales agissent comme desprêteurs en dernier ressort en cas decrise bancaire. Elles assurent ainsi la solvabilité desbanques de son système. Certains auteurs, commeHyman Minsky, considèrent qu'il s'agit de la mission principale et essentielle des banques centrales[13].
Les banques centrales peuvent aussi disposer d'un rôle de supervision et de régulation du fonctionnement desmarchés financiers. Elles doivent ainsi assurer le respect des réglementations du risque (ratio de solvabilité) desinstitutions financières, et en particulier des banques de dépôts[12].
Certaines banques centrales, comme laRéserve fédérale des États-Unis, disposent, dans leur mandat, d'une mission relative au soutien à la croissance et au maintien du plein emploi[12].
La banque centrale est d'ordinaire chargée d'assurer l'émission demonnaie fiduciaire (ou monnaie banque centrale). La quantité de celle-ci doit correspondre aux besoins de l'économie nationale[14]. En effet, son abondance génère l'inflation qui réduit lepouvoir d'achat de la population et lacompétitivité des produits nationaux, même si elle favorise lacroissance économique et l'emploi et sa rareté provoque ladéflation qui induit une baisse de la liquidité nécessaire au fonctionnement normal de l'activité économique en favorisant ladécroissance économique et le sous emploi[14]. Cependant cette relation entre augmentation de la masse monétaire et inflation est remise en cause, en particulier depuis 2008[15].
La banque centrale a un pouvoir important car elle dispose de leviers d'action que sont lestaux directeurs. Ces taux, appliqués auxbanques de second rang, permettent de moduler les coûts de financement et de refinancement des banques, et influe ainsi sur l'activité économique.
La banque centrale gère l'achat des effets de commerce (lettres de change et billets à ordre) non échus. Ces opérations consistent, pour la banque centrale, à reprendre les effets portés par lesbanques commerciales, ou d'affaires, pour leurs montants nominaux , mais réduits de l'intérêt portant sur la période restant à courir jusqu'à l'échéance[14].
Les banques centrales peuvent mener des activités de recherche (pour l'expertise interne ou pour des revues scientifiques), et emploient parfois pour cela un grand nombre d'économistes (par exemple à laRéserve fédérale des États-Unis[19]). La nature des recherches (économie monétaire, prévision macroéconomique, modélisation des risques, etc.) menées par une banque centrale dépend des missions qui lui sont attribuées, des problèmes techniques ou politiques qu'elle rencontre et de ses liens changeants avec le monde académique et ses normes[20],[21].
Lorsque le taux d'intérêt baisse, les agents économiques empruntent davantage pour acheter, ce qui provoque une hausse de la demande et donc une tendance à la hausse des prix. Inversement, lorsque le taux d'intérêt monte, les agents économiques empruntent moins, donc achètent moins, et il existe une tendance à la baisse des prix.
Ainsi, lorsque les prix montent ou risquent de monter, la banque centrale augmente le taux d'intérêt. Cela tend à réduire le volume du crédit, donc la demande de produits et services, ce qui ralentit cette hausse des prix. Inversement, lorsque les prix ont tendance à baisser, la banque centrale baisse le taux d'intérêt, ce qui augmente la demande, ce qui tend à une hausse des prix.
La banque centrale effectue une veillemacro-économique afin que la monnaie conserve une valeur stable, unpouvoir d'achat stable. Ce pouvoir d'achat est évalué par unindice des prix. Cela est parfois lié à un mandat explicite de croissance économique. Dans ce cas, la politique monétaire est soumise à une mission liée au plein-emploi[12].
L'inflation est déterminée concrètement par le comportement des agents (choix des prix de vente par les entreprises, comportement d'achat et d'épargne des ménages, marchés financiers, etc.). Ces agents déterminent leur comportement en fonction de leurs anticipations d'inflation future. Dès lors, il est essentiel pour la banque centrale que ces agents croient en sa capacité à atteindre ses objectifs d'inflation pour que ceux-ci se réalisent.
La crédibilité d'une banque centrale met des années, parfois des décennies, avant d'être obtenue. Elle est basée sur la confiance qu'ont les agents économiques en la capacité de la banque centrale à faire face aux chocs économiques avec une politique monétaire appropriée.
De plus, selon Aglietta et Orléan, cette crédibilité repose aussi sur 3 grands principes : le principe de garantie, de croissance et de justice. Ces principes permettent l'utilisation de la monnaie par les agents économiques, indispensable au fonctionnement de la société, montrant l'importance de la crédibilité de la Banque Centrale.
LaBanque des règlements internationaux (BRI), située àBâle est souvent présentée pour « la banque centrale des banques centrales », au motif que seules des banques centrales en sont les actionnaires, mais elle n'en partage pas leurs fonctions.
Les banques centrales emploient des économistes et figurent parmi les institutions qui publient le plus grand nombre d'articles de recherche à impact dans le monde économique. Toutefois, comme le remarque une étude publiée en 2020 de Fabo, Jančoková, Kempf et Pastor, les chercheurs issus des banques centrales ont parfois tendance à évaluer de manière trop positive les politiques menées par les banques centrales[23],[24].
Lesystème monétaire qui s'oppose aumonopole de la banque centrale est le système deconcurrence des monnaies.Milton Friedman a notamment déclaré que« un des grands problèmes économiques de notre temps qu’il reste à résoudre est celui de la suppression de la Réserve fédérale »[25].
↑Par exemple, John Singleton détaille neuf missions principales : (1) émission de la monnaie fiduciaire, (2) politique monétaire, (3) gestion des finances du gouvernement et/ou de la dette publique, (4) création des réserves et gestion de la compensation entre banques commerciales, (5) stabilisation financière (via supervision et prêt en dernier ressort), (6) gestion du taux de change, (7) développement économique du pays, (8) conseil au gouvernement et (9) coopération monétaire internationale ; sans compter d'éventuelles missions secondaires (Singleton 2010)
↑le Budget général de l'État est undocument qui enregistre, d'une part, les recettes duTrésor public, formées essentiellement, par lesimpôts et, d'autre part, les dépenses qui correspondent, en gros, au traitement des fonctionnaires publics. A la fin de l'année financière qui peut correspondre à l'année civile, le Budget peut être excédentaire (les recettes excèdent les dépenses) ou déficitaire dans le cas inverse, mais très rarement àsolde nul.
↑"One unsolved economic problem of the day is how to get rid of the Federal Reserve." -« Interview with Milton Friedman »,The Region, Réserve fédérale de Minneapolis,(consulté le).
Jean-François Boudet,Brèves réflexions sur l’indépendance des banques centrales, Revue Générale du Droit (RGD),, https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/04/21/breves-reflexions-sur-lindependance-des-banques-centrales/
Edwin Le Héron et Philippe Moutot,Les Banques centrales doivent-elles être indépendantes ?, Prométhée, coll. Pour ou contre ?, Bordeaux, 2008(ISBN978-2916623023)