LebodhisattvaAvalokiteshvara (hindi : अवलोकितेश्वर, Avalokiteśvara « seigneur qui observe depuis le haut »,chinois : 觀世音, Guānshìyīn ou 觀音, Guānyīn (Guanyin),shanghaïen : Kueu (sy) in,coréen : 관세음, Gwanseeum,japonais : 観音, Kan'non ou Kanzeon,tibétain : Chenrezig,vietnamien : Quán Thế Âm,indonésien : Kwan Im,khmer : លោកេស្វរ, Lokesvara), est sans doute le grand bodhisattva le plus vénéré et le plus populaire parmi lesbouddhistes duGrand véhicule[1]. Il est aussi utilisé commeyidam (déité tutélaire) dans les méditationstantriques.
Bodhisattva protéiforme et syncrétique (il peut représenter tous les autres bodhisattvas), incarnant lacompassion ultime, il peut être féminin enChine, enCorée, auJapon et auViêt Nam, sous forme deGuan Yin, toutefois sa forme japonaise,Kannon, a quelquefois des traits masculins[2].
Il est considéré comme le protecteur duTibet où le roiSongtsen Gampo et plus tard lesdalaï-lamas sont vus comme ses émanations. C'est aussi le cas d'autrestulkou comme lekarmapa.
Le nom « Avalokiteśvara » (अवलोकितेश्वर) signifie « le Seigneur qui nous observe »[4]. Il est composé du préfixe"ava" (अव) « vers le bas »[5] +"lokita", (participe passé du verbe"lok" (लोक्)) « voir, regarder (observer) » + "īśvara" (ईश्वर) « Seigneur » ="« Ava-lokita-īśvara » qui devient « Avalokiteśvara » (car suivant la règle dusandhi en sanskrit (externe en l’occurrence), les voyelles « a +ī =e » (अ + इ = ए)[6] , lorsqu’elles sont respectivement lettres finale et initiale de deux mots qui se suivent).
Il semble toutefois que son nom le plus ancien futAvalokita-svara[7] « qui a observé le son (ou les mots) », comme l’indique sa traduction la plus ancienne en chinois : kuìyīn 闚音 et d’autres telles que Guanyin, ainsi qu’un manuscrit sanskrit duVe siècle. La forme chinoise 觀世音 Guānshìyīn, par exemple utilisée parKumarajiva dans sa traduction duSutra du Lotus, et qui se traduirait en sanskrit par « *Avalokita-loka-svara », « qui a observé le son du monde », n’est confirmée par aucune source sanskrite ; une hypothèse émise parLokesh Chandra est que les traducteurs chinois ont voulu expliciterloka qui pouvait être implicite dansavalokita en sanskrit[7]. Selon Chandra, le glissement desvara enīśvara pourrait être dû à une influenceshivaïte[7]. En 646, le célèbre pèlerin et traducteurXuanzang expliqua que l’on devrait traduire par Guānzìzài 觀自在 (zizai signifie Īśvara), ce qui indique qu'Avalokiteśvara était la forme prévalent à son époque[8]. Selon Seishi Karashima,svara signifiait engandhari aussismara, « pensée » et Avalokitasvara « celui qui observe les pensées » et ce sens desvara dans cette langue moyenne-indienne (unprakrit) fut oublié lors de la traduction ultérieure des textes en sanskrit[9],[10].
Dans son nom en tibétain, Chenrézig,Chen signifie l'œil,ré le coin de l'œil etzig voir[11].
Les premières représentations d'Avalokiteshvara[12] datent d'après Jésus Christ et suivent de près lespremières représentations humaines de Bouddha. Elle semblent apparaître enInde dans la seconde moitié duIIe siècle, dans l'art gréco-bouddhique duGandhara et dans l'artkusana deMathura[13]. Dans le Gandhara sous dominationkouchan il est paré et vêtu comme un prince, le traitement du drapé suit peu ou prou les motifs en vigueur dans le monde hellénistique, dont le Gandhara est l'ultime héritier, à ses confins. Au centre de la coiffure figure ledhyâni-buddhaAmitābha.
À la suite de sa pénétration enChine, Avalokiteśvara a fait l'objet d'une féminisation de plus en plus fréquente, devenue définitive sous lesSong. C'est aussi principalement sous forme féminine qu'il s'est implanté auJapon. Importante déité en Chine,Guanyin y a joint à sa nature debodhisattva celle d'une déesse de lareligion populaire, comptée par letaoïsme au nombre des immortels. Elle est invoquée comme protectrice dans la vie quotidienne, particulièrement en faveur des enfants et des marins, et comme libératrice spirituelle des trépassés ou des âmes égarées. Sur le continent chinois, son lieu de culte le plus renommé estPǔtuóshān 普陀山 dans leZhejiang. On lui attribue leDàbēizhòu 大悲咒, « incantation de la grande compassion » (sanskrit:Nilakantha Dharani) , qui permet de libérer les âmes en peine.
Avalokiteśvara est également présent dans le monde chinois sous sa formetibétaine car le bouddhismetantrique tibétain y a de nombreux adeptes.
Tchenrézi (spyan ras gzigs) est le nom tibétain d'Avalokiteśvara; bouddha pleinement éveillé et corps de gloire d'Amitabha, il prend l'aspect du bodhisattva de la compassion ; ledalaï-lama et lekarmapa en sont considérés comme des émanations. Il est invoqué de façon universelle par les bouddhistes tibétains, notamment par la récitation dumantraom mani padme hum[14],[15]. Thukje Chenpo qui signifie « grande compassion » est un autre nom d'Avalokitesvara.
Il existe sous plusieurs aspects, à 2, 4 ou encore mille bras, un ou onze visages, seul ou en union avec uneparèdre, etc., selon les Tantras auquel il est associé. Différents aspects sont indiqués parPatrul Rinpotché dans sonTrésor du cœur des êtres éveillés[16].
Selon LamaAnagarika Govinda, dans la mystique tibétaine,« Avalokiteśvara, le tout-compatissant, dont le mantraOM MANI PADME HÛM constitue la plus haute expression de cette sagesse du cœur qui descend courageusement dans les profondeurs du monde et même dans les abîmes infernaux pour transmuer le poison de la mort en l'élixir de vie. Cependant Avalokiteśvara prend lui-même l'aspect de Yama, Dieu de la mort et Juge des morts, pour faire du fini le réceptacle de l'infini, le transfigurer dans sa lumière, le sanctifier et le libérer de la morte rigidité de l'isolement hors de la grande vie de l'esprit[17]. »
Dans le monde chinois, et particulièrement àTaïwan où la pratique religieuse n'a pas subi d'entraves politiques, Guanyin est une des déités vers lesquelles on se tourne le plus souvent pour demander secours. En1981, sur l'île deFormose, elle comptait 572 temples, un peu plus que la grande déesse taïwanaiseMazu.
Seule une partie de ces temples est exclusivement bouddhique (sì 寺) ; la plupart appartiennent au grand réseau des temples de lareligion populaire. Le mode de culte dépend de l’administration du temple, prise en main tantôt par desbonzesses, tantôt par des laïques. Certains ne gardent de bouddhique qu'un espace à l’arrière du bâtiment réservé à la lecture dessoutras, alors que dans la salle principale on pratiquedivinations, exorcismes, ou incinération de papier-monnaie ; les offrandes alimentaires y sont au moins en partie carnées ; la déesse, comme toutes les divinités chinoises, fait sa tournée d'inspection de la « paroisse » lors des fêtes. Les statues de différents temples sont parfois liées entre elles par des relations hiérarchiques ou de parenté exprimant les relations sociales entre les communautés de fidèles ou les administrateurs des temples.
Dans les temples bouddhiques, Guanyin a typiquement l'aspect d'un bodhisattva « standard » vêtu d'un drapé lâche, en méditation les yeux mi-clos sur un lotus aux côtés desbouddhas, et son physique féminin est peu accentué. Dans les autres temples, son aspect féminin est évident ; elle porte parfois un costume de dame noble au lieu de la robe ample habituelle ; son visage peut être paré de couleurs humaines (joues roses) ou semblable à celui des divinités populaires (noir par ex.) ; elle est souvent debout sur un lotus de dimensions réduites. Elle est accompagnée de personnages du bouddhisme populaire (shàncái etliángnǚ 善才良女, deux convertis exemplaires de chaque sexe, ou les dix-huit luohans -arhat), ainsi que dudieu du sol et de la déesse donneuse d’enfants, occupants habituels des temples populaires. Parfois elle partage son lieu de culte avec une autre divinité importante.
Dans presque tous les cas, elle est vêtue de blanc et tient en main la bouteille contenant l’eau qui purifie, une branche desaule (planteapotropaïque enChine) ou unsūtra, à moins que sa main vide ne fasse un geste bouddhique de protection. Une autre caractéristique commune à presque tous ses lieux de culte est leur fonction de secours aux trépassés : on peut y trouver destablettes ancestrales ou même des cendres funéraires. Guanyin, que la tradition populaire fait régner avecAmitabha sur leparadis de la « Terre pure d’Occident », joue un rôle important lors dupudu, cérémonie de libération accompagnée d’un festin offert aux âmes errantes lors de laFête des fantômes.
Suwol Gwaneum bosal (수월관음도)[18] fait en Corée, époque deGoryeo.
Encoréen, Avalokitesvara est connu sous différents noms :Gwanseeum (관세음),Gwaneum (관음), Gwangseeum (광세음), Gwanjajae (관자재), Gwansejajae (관세자재) etc.Gwanjajae est la traduction la plus proche du mot sanskritavalokiteśvara, maisGwanseeum est l'appellation la plus célèbre (provenant du chinoisGuanshiyin[19]) et accompagnée debosal (보살) qui signifiebodhisattva[20].
Le nom se décompose enGwan (voir, observer),Se (monde),Eum (sons).Gwanseeum (Gwaneum en abrégé) veut donc dire « [Celui qui] écoute les sons du monde ». Aussi, lorsqu’on invoque son nom de tout son cœur, Gwanseeum-bosal est censé entendre ces prières et délivrer de toutes les souffrances.
En Corée,Gwanseeum est le plus populaire de tous les grands bodhisattvas, et il représente surtout lacompassion ultime pour tous les êtres vivants. L'expression « croyance en Gwaneum »(관음신앙) exprime bien sa popularité.
Selon leSutra du lotus si l’on garde bien son nom et qu'on l’appelle avec ferveur, on ne sera pas brûlé dans un grand feu, ni noyé, ni tourmenté par les mauvais esprits. Couteaux, bâtons, menottes, boulets, tous seront brisés.Gwanseeum libère non seulement tous les cœurs des êtres de l'angoisse et de la peur, mais il libère aussi destrois poisons que sont la convoitise, la colère et l’ignorance (à savoir l'ignorance de laloi du bouddha qui laisse les êtres sans lumière (coréen:무명moumyeong).
Il est dit que grâce àGwanseeum, on aura un enfant, fils ou fille selon ce qu'on désire. Tous les êtres peuvent donc atteindre la grande libération(해탈,éveil ounirvana), s'ils gardent son nom tout le temps, lui rendent hommage et le prient de tout leur cœur.
Statue et portrait de Gwaneum, temple de Tongdosa[21],Yangsan.
Gwanseeum-bosal tient en général une fleur de lotus en bouton dans la main gauche, et une vase rituel contenant une eau purifiante(coréen 감로병, 정병 淨甁, sanskritKundika[22]) dans la droite. Le lotus symbolise lanature de bouddha gardée en tout être (sattva). Sous sa forme pleinement épanouie, il signifie la réalisation de la bouddhéité, tandis qu'à l'état de bourgeon il figure l'épanouissement de cette nature du bouddha dans un futur libre de toute angoisse. Quant à l’eau du vase, elle purifie les êtres, les soulage de toutes les maladies, douleurs et angoisses, et elle symbolise ainsi l'immortalité.
À la différence des autres bodhisattvas, au centre de la coiffure de Gwaneum, on trouve en général la représentation du bouddhaAmitabha.
Statue en pied de Gwaneum destineé à protéger la mer de l’Est. Temple de Naksansa, Yangyang.
Il sauve les êtres qui se montrent persévérants, en prenant notamment corps sous trente-trois formes différentes.
Cheonsu-Gwaneum (coréen 천수관음, sanskritSahasra-bhuja Sahasra-netra) : Avalokitesvara aux mille bras et mille yeux, qui voit tout et aide tous les êtres. Représenté souvent avec 42 bras tenant chacun un objet symbolique de 42 mantras[23].
Sibilmyeon-Gwaneum (coréen 십일면관음, sanskritEkādaśamukha) : bodhisattva à onze visages qui permettent d'enseigner aux êtres. On a un bouddha au centre, trois bouddhas généreux devant, trois en colère à gauche, trois sourires à droite, un grand rire derrière.
Yeoeuiryun-Gwaneum (coréen 여의륜관음, sanskritCintāmani-cakra): tient une perle magique (coréen 여의주Yeouiju, sanskritChintamani) qui réalise un vœu et une roue de joyaux qui symbolise la mise en mouvement dudharma, et donc la prédication.
Madu-Gwaneum (coréen 마두관음, sanskritHayagrīva) : bodhisattva à tête de cheval en colère, destiné à effrayer les mauvais esprits
Junje-Gwaneum (coréen 준제관음, sanskritCundi') : la mère de tous les bouddhas, symbole de pureté.
On ajoute souvent à cette liste un septième bodhisattva, Bulgonggyeonsak-Gwaneum(coréen불공견삭관음, sanskritAmoghapāśa), qui a un filet de pêche en main pour sauver les êtres. De toute la série, Seong-Gwaneum est la forme principale, et les autres sont ses émanations. Toutefois, Sibilmyeon-Gwaneum, Cheonsu-Gwaneum, ainsi que Yangryu-Gwaneum (coréen 양류관음, avec une branche de saule en main, symbole de guérison et de réalisation des vœux, apparaissent le plus fréquemment dans l’histoire coréenne.
Sept statues de Gwaneum, temple de Naksansa, Corée.
En 583, un autre moine, Illa (일라, 日羅), est allé au Japon afin de parler de Gwanseeum-bosal au princeShōtoku. En 595, les Japonais ont chargé un artisan coréen de faire une statue de Gwaneum. Gwaneum est la principale statue du temple Hyakusai-ji (coréen 백제사 Baekje-sa, 百濟寺 ), et elle montre bien la croyance en ce bodhisattva qui a été transmise au Japon et qui est devenue très populaire à cette époque.
Statue en pied de Gwaneum dont le sourire en fait un chef-d'œuvre. Bronze doré caractéristique de l’époqueBaekje.
Après avoir produit mille statues de Gwaneum et fait la prière, Sopanmulim (un ministre de la reine Jindeok[24]) a un fils qui prendra le nom deJajang et deviendra un grand moine en Corée. Jajang joue un rôle important pour faire de Silla un royaume bouddhiste.
Cependant celui qui a développé la croyance en Gwaneum dans le pays, est un autre grand moine du nom de Uisang. Il se rend en Chine, et à son retour en Corée, il prie dans une grotte auprès de la mer de l’Est pour voir Gwanseeum-bosal. Après sept jours, il lance son coussin de méditation dans la mer, après quoi leshuit dieux, par exemple le dragon du ciel (천룡, Naga en pali), lui donnent un chapelet en cristal et une perle magique qui réalise un vœu (여의주 Yeouiju,Chintamani). Cependant, il ne voit pas Gwanseeum-bosal. Alors, il prie encore sept jours de plus, à la suite de quoi il voit enfin Gwaneum. Celui-ci lui dit de construire un temple en un lieu où une paire de bambous (coréen 쌍죽, chinois 雙竹) pousse. Uisang bâtit alors le temple Naksansa, l’un des trois lieux saints de Gwaneum, avec une statue du bodhisattva, et il y laisse le chapelet en cristal et la perle.
Le grand moineWonhyo, qui voulait aussi voir Gwaneum, échoue parce que la mer était très agitée. Mais il voit enfin Gwanseeum-bosal, après la prière au mont Geumsan au sud du pays. En 683, il bâtit un temple d'abord appeléBogwang-sa, avant qu'il ne prenne le nom deBoriam, qui est un autre des trois lieux saints de Gwaneum.
Statue en pied de Gwanseeum-bosal en bronze doré. Époque de Silla. Trésor National n° 127, musée national de Corée
Au début de l’époque Goryeo, le moine Hoejeong (회정) rend célèbre le templeBomun-sa à Ganghwa, sur la côte Ouest, après y avoir vu Gwanseeum-bosal.
En 1185, dès que Yujaryang, un fonctionnaire de l'État, rend hommage à Gwaneum devant sa grotte àNaksan-sa, quand tout à coup un oiseau bleu surgit et laisse tomber une fleur. Aujourd’hui, on continue à dire que si l’on y prie avec passion, alors l’oiseau bleu(l’oiseau d’Avalokitesvara, 관음조) apparaît.
Dans le premier tiers duxiiie siècle, l’époque du roiChungsuk, la publication par le moine Yowon du livre intituléBeaophwa Yeongheom-jeon (법화영험전, 法華靈驗傳) contenant une centaine d'histoires miraculeuses montre bien que la croyance en Gwaneum se répandait de plus en plus.
Avant de devenir le premier roi de la dynastie Joseon sous le nom de Taejo,Yi Seonggye pria Gwaneum durant cent jours dans le temple Bogwang-sa. Après cela, Gwanseeum-bosal lui remet, au cours d'un rêve, le Gumcheok (금척), instrument d’or magique en forme de règle qui guérit un malade ou redonne la vie à un mort. À titre d'action de grâce pour son accession au trône, Yi Seonggye rebaptise une montagne du nom de Geumsan(금산,Montagne d’or), afin qu’elle reste telle quelle, même après dix millions d’années.
En 1660, le temple du temple prend le nom deBoriam (보리암), et il est élevé au statut de temple royal (원당 Wondang). Aujourd’hui si l'on invoque Gwaneum de tout son cœur à cet endroit, on obtient la grande libération, l’éveil.
On raconte encore de nombreuses histoires miraculeuses sur ce temple, comme celle des troisreligieuses bouddhistes Myoryeon, Boryeon, Beopryeon qui joueront un rôle important lors d’une grande victoire au cours de l’invasion japonaise de 1592(Guerre Imjin, 임진왜란), en aidant le généralYi Sunsin à bâtir un bateau couvert d'un toit, à l’origine desbateaux tortue (Geobukseon 거북선).
La prière àCheonsu-Gwaneum a duré jusqu'à la fin de la période Joseon, et elle perdure aujourd'hui.
Statue en bronze doré de Cheonsu-Cheonan-Bosal. Début de la période Joseon. Temple de Heungcheon-sa, Séoul. Trésor national n° 1891.
Les lieux saints de Gwaneum les plus célèbres de la Corée sont les trois temples de Honglyeon-am (la grotte où Uisang a vu Gwanseeum-bosal après la prière) au temple Naksansa àYangyang sur la côte Est, deBoriam àNamhae sur la côte Sud[25], et deBomunsa àGanghwa sur la côte Ouest[26].
Temple de Boriam à Namhae, Corée du Sud. Un des trois lieux saints de Gwaneum.
À ces trois-là, on ajoute souvent Hyangilam àYeosu. On trouve nombre d’autres lieux dans tout le pays qui ont aussi des histoires sur la réalisation des vœux grâce à Gwanseeum-bosal. On trouve en particulier une liste très populaire de trente-trois lieux saints de Gwaneum.
On peut également relever que dans la plupart des temples coréens, on a construit des palais indépendants spécialement pour Gwanseeum-bosal au nom de Wontong-jeon ou Gwaneum-jeon.
Au Japon on compte pas moins de33 formes de Kannon (Kanzeon, Kanjizaï) qui ont donné lieu à un des pèlerinages les plus célèbres du Japon. La forme principale reprend la forme chinoise de Guanyin, dont il garde la graphie. Il est arrivé avec lebouddhisme chan, après être passé par la Corée, dans la version japonaise du chan, lezen.
Parmi ces33 formes, six sont plus particulièrement connues et correspondent aux 6 mondes duKāmaloka :
Shō Kannon(聖観音,skt Ārya avalokiteśvara?) : forme principale avec un lotus dans une main ;
Jūichimen Kannon(十一面観音,skt ekadaśa mukha?) : Avalokiteśvara à onze têtes ;
Senju Kannon(千手観音,skt Sahasrabhuja ārya avalokiteśvara?) : Avalokiteśvara aux mille bras ;
Nyoirin Kannon(如意輪観音,skt Cintāmaṇi cakra?) : Avalokiteśvara à la roue de joyau qui satisfait tous les désirs ;
Juntei Kannon(准胝観音,skt Cundī?), « la pure » ou, pour letendai, Fukūkensaku Kannon(不空羂索観音,sktAmoghapāśa?), Avalokiteśvara au lacet, « Celle qui pêche les humains pour les emmener à l'éveil » ;
Batō Kannon(馬頭観音,sktHayagrīva?) représenté avec une tête de cheval dans la coiffure, parfois considérée comme la forme irritée du bodhisattva Bikuchi (sktBhrikuti), « Celle qui fronce les sourcils ».
Sa féminisation a très probablement tout d'abord été spontanée et populaire. Son image dans l'iconographie et la statuairehindoue ─ visage imberbe aux traits fins, chignon bouclé, embryon de poitrine, silhouette gracieuse, parfois boucles d'oreille et collier ─ très éloignée des représentations masculines chinoises, associée à sa nature compatissante, ont dû décider assez vite de son changement de sexe auprès du fidèle ordinaire. On peut cependant en trouver une justification canonique dans leSutra de Kāraṇḍavyūha(en) et leSūtra du Lotus, qui mentionne[29] la capacité dubodhisattva à prendre des aspects multiples ainsi que sa fonction de donneur d'enfant.
Comme toutes les divinitéschinoises elle a reçu une biographie terrestre, qui existe en quelques versions différentes, la plus répandue étant celle qui fait d’elle une princesse, elle-mêmeréincarnation d’Avalokiteśvara. La déesseMazu, qui joue comme elle un rôle de protectrice, est parfois considérée comme un de ses avatars.
La princesse Miàoshàn 妙善 était la fille d’un roi deSumatra qui avait choisi de devenir nonne plutôt que d’épouser le riche parti choisi par son père. Celui-ci avait ordonné aux moines de la faire travailler jour et nuit afin de la décourager, mais les animaux des alentours vinrent à son secours et elle fut toujours en mesure d’accomplir la tâche demandée, quelle que soit son importance. Exaspéré, son père décida de mettre le feu aumonastère. Miaoshan éteignit alors l’incendie de ses mains sans souffrir la moindre brûlure. Son père la fit finalement mettre à mort. Alors qu’elle se dirigeait vers leparadis, elle baissa la tête et vit la souffrance du monde. Elle décida alors d’y rester pour sauver les âmes en détresse.
Une variante de l’histoire offre une explication à l’existence de la « Guanyin aux mille mains et aux mille yeux » (Qiānshǒu qiānyǎn Guānyīn 千手千眼觀音) dont le culte, lancé par l’installation au temple de Xiāngshān 香山 d’une effigie tantrique, date desTang.
Son père étant tombé malade, la princesse Miaoshan sacrifia ses bras et ses yeux pour demander sa guérison. Aussitôt après sonsacrifice, elle apparut brièvement dotée de mille bras et mille yeux avant de retrouver son corps intact.
Le mantra du bodhisattva Avalokiteśvara (ch. Guānyīn púsà línggǎn zhēnyán 觀音菩薩靈感真言) est :
Om maṇi padme hum.
Mahājñāna cittotpāda,
cittasya na-vitarka,
sarvārtha bhūri siddhaka,
na-purāṇa na-pratyutpanna.
Namo Lokeśvarāya svāhā.
Le mantra de six syllabes du bodhisattva Avalokiteśvara est le mantra le plus connu et le plus récité:Om Maṇi Padme hum.
ÀTaïwan Guanyin est parfois simplement nomméefózǔ 佛祖, « bouddha-ancêtre », appellation honorifique pour toute divinité issue du bouddhisme.Fozu sans autre précision désigne le plus souvent Guanyin, la plus populaire des déités bouddhiques.
Le tableau ci-contre récapitule les formes que prend son nom dans les divers paysasiatiques où elle est présente. (Quel tableau? Lien?)
L’image de Guanyin offre une certaine ressemblance avec celle de laVierge Marie; ce fait est parfois exploité dans un but de syncrétisme ou d'œcuménisme (par ex. par l’ONG humanitairetaïwanaiseChuzi, ou les bouddhistes desPhilippines). AuJapon sous lesTokugawa, deschrétiens se sont mis à adorer des statues mariales à l’aspect de Kannon (Maria Kannon) pour échapper aux persécutions. Ces statues portent la marque d’unecroix à un endroit peu visible.
↑Seishi Karashima, « Underlying Languages of Early Chinese Translations of Buddhist Scriptures », in Christoph Anderl and Halvor Eifring (Eds.),Studies in Chinese Language and Culture: Festschrift in Honour of Christoph Harbsmeier on the Occasion of his 60th Birthday, Oslo, Hermes Academic Publishing, 2006, pp. 355-366
↑Seishi Karashima, « Philological Remarks on the Lotus Sutra:On the Name Avalokitasvara »,Journal of Chinese Literature and History, 2009, n° 3
↑Gérard Fussman et Anna Maria Quagliotti,The early iconography of Avalokitesvara : L'iconographie ancienne d'Avalokitesvara, Paris, Collège de France, Publications de l'Institut de Civilisation indienne. , Diffusion De Boccard, 2012.(ISBN978-2-86803-080-1).
↑Stein R. A., « Avalokiteśvara / Kouan-yin, un exemple de transformation d'un dieu en déesse ». In:Cahiers d'Extrême-Asie, vol. 2, 1986. pp. 17-80, p.25,Lire en ligne
Rolf Stein, « Avalokiteśvara / Kouan-yin, un exemple de transformation d'un dieu en déesse », in:Cahiers d'Extrême-Asie, vol. 2, 1986. pp. 17-80
Chün-fang Yü,Kuan-yin. The Chinese Transformation of Avalokitesvara, New York, Columbia University Press, 2001
Lokesh Chandra, « The Origin of Avalokitesvara »,Indologica Taurinensia (International Association of Sanskrit Studies), vol. XIII 1984 (1985-1986), p. 187–202
JérômeDucor,Le regard de Kannon : [exposition, Musée d'ethnographie de Genève, du 29 janvier au 20 juin 2010], Genève, Infolio éditions et Musée d'ethnographie de Genève,, 104 p.(ISBN978-2-88474-187-3,lire en ligne).
Jean-François Jarrige (Dir.) et al.,De l'Inde au Japon : 10 ans d'acquisitions au Musée Guimet. 1996-2006, Paris, Réunion des musées nationaux et Musée des arts asiatiques Guimet,, 222 p.(ISBN978-2-7118-5369-4)