L’autophagie (dugrecαυτο,« soi-même », etφαγειν,« manger »),autolyse ouautophagocytose, est un mécanisme physiologique, intracellulaire, de protection et de recyclage d'éléments cellulaires : les organites indésirables ou endommagés, un pathogène introduit dans la cellule, desprotéines mal repliées... sont ainsi collectés et transportés vers leslysosomes pour être dégradés. Une partie ducytoplasme est ainsi recyclée par ses propreslysosomes[1].Ce mécanisme est aussi une source d’énergie et d’acides aminés en conditions stressantes pour la cellule, comme l’hypoxie, le manque denutriments (jeûne) ou l’exposition à des traitements médicamenteux[2],[3].
Le termeautophagie regroupe plusieurs voies dedégradation lysosomale des constituants cellulaires. Ces voies diffèrent surtout par le site de séquestration du « fret » et par le type et la taille de la « cargaison » concernée[4]. Elles sont notamment la microautophagie, l’autophagie réalisée par des protéines chaperonnes et la macroautophagie (la forme principale)[5],[6]. La macroautophagie, appelée couramment autophagie, est la capture dans une double membrane lipidique (appelée « autophagosome ») de protéines ou composés cellulaires, puis la dégradation de ces composés après fusion avec un lysosome. C’est la seule voie qui puisse dégrader massivement desmacromolécules et desorganites. C’est une voie de dégradation alternative à celle duprotéasome. En permettant le renouvellement de composants cytoplasmiques endommagés, ce mécanisme est essentiel à l'homéostasie cellulaire et évite parfois l'apoptose.
L'histolyse (du grecἱστος signifiant « tissu ») désigne le même processus mais quand il est mobilisé par unemétamorphose, par exemple chez lesamphibiens quand le têtard se transforme en grenouille[7]. L'histolyse est également présente au cours du développement embryonnaire[8]. L'autophagie est aussi nécessaire à la réussite de processus de mobilisation decellules souchestotipotentes nécessaires à la régénération d'organes coupés ou endommagés.
Le processus de régénération de la cellule a été découvert par le BelgeChristian de Duve en1963. Ce dernier a créé le terme d'autophagie et reçu le prix Nobel en1974[10].
Ohsumi a développé des souches de levure dépourvues d'enzymes-clés soupçonnées de jouer un rôle dans l'autophagie, espérant voir ce qu'il advient des cellules lorsque le processus ne fonctionne pas comme il le devrait. En affamant la levure, les scientifiques ont découvert que les cellules développaient desvacuoles inhabituellement grandes, jouant un rôle de « décharges cellulaires » collectant les matériaux à recycler[11].
En 1993, Ohsumi et son équipe publient la liste des 15 gènes essentiels impliqués dans le processus[11].
Depuis lors, lui et d'autres ont montré que l'autophagie joue un rôle crucial dans ledéveloppement de l'embryon, la différenciation des cellules et lesystème immunitaire. Une défaillance de l'autophagie peut entraîner une grande variété de maladies, notamment lecancer, lediabète et lamaladie de Huntington. Un système d'autophagie sain est lié à lalongévité et un système défectueux peut accélérer les symptômes duvieillissement[11].
La découverte desgènes Atg (autophagy related genes) dans la levure, au milieu desannées 1990, a été importante, non seulement pour la dissection en termes moléculaires de la macroautophagie, mais aussi pour comprendre son importance enphysiologie et enphysiopathologie. Il existe plus de trente gènes Atg dont plus de la moitié est impliquée dans l’autophagie. Ces gènes sont présents aussi bien dans la levure que dans les cellules de mammifères[réf. nécessaire].
Les cinq étapes de l'autophagie sont l'initiation, la nucléation, l'expansion, la maturation puis la dégradation.
Au plan cellulaire, la macroautophagie, la forme principale[12], débute par la formation d’une double membrane phospholipidique dans la cellule, ditephagophore, qui s’allonge, séquestre des constituants du cytoplasme avant de se refermer sur elle-même. L’autophagosome ainsi formé va ensuite fusionner avec un lysosome pour dégrader les composés capturés. Plusieurs compartiments cellulaires (leréticulum endoplasmique, l'appareil de Golgi et le réseau trans-golgien formant lesystème endomembranaire) et lamembrane plasmique participeraient probablement à la formation de l’autophagosome. Une quinzaine de protéines Atg sont nécessaires à sa biogenèse.
Le déroulement du processus autophagique repose essentiellement sur deux systèmes de conjugaison, analogues aux systèmes d'ubiquitination des protéines :
le premier conjugué, formé des protéines Atg5-Atg12, permet le recrutement du deuxième complexe sur l'autophagosome en formation, puis est recyclé vers le cytosol.
L'autophagie sélective de constituants cellulaires est réalisée grâce à des protéines-cargos, notamment SQSTM1/p62. p62 se lie aux protéines et composés ubiquitinés et les fixe/séquestre à la membrane du phagophore grâce à sa liaison avec LC3-II[13]. p62 est dégradé une fois que l'autophagosome a fusionné avec un lysosome, ce qui fait de lui un bon marqueur pour estimer l'activité autophagique de la cellule[14].
L’autophagie peut être stimulée en conditions destress, telles que la carence en nutriments, l’absence de facteurs de croissance ou l’hypoxie. La protéinemTOR (mammalian target of rapamycin) joue un rôle-clé dans l’intégration de ces signaux et la régulation de l’autophagie. Lorsqu’elle est activée, mTor inhibe la voie de l’autophagie mais son inactivation (à la suite d'une carence en nutriments, par exemple) permet de lever l'inhibition et donc de lancer l’autophagie. Cetteenzyme est la cible de larapamycine (une drogue classiquement utilisée pour induire l’autophagie). Une autre voie déclenchant l'autophagie fait intervenir le complexe Atg6 (aussi appeléBécline 1)/PI3 kinase declasseIII. Ce complexe participe à l’induction de l’autophagie, à l’incurvation du pré-autophagosome et à la formation de l’autophagosome.
le maintien de l’homéostasie car cette voie catabolique permet l’élimination et le remplacement continuel des protéines et des organites non fonctionnels ;
l’adaptation et la survie des cellules soumises à des conditions de stress ;
l’immunité innée à l’échelle de la cellule car elle permet de directement éliminer des pathogènes intracellulaires, y compris des virus intrus (on parle alors de « virophagie ») ; l'autophagie est liée à la présentation d'antigènes bactériens ou viraux, à l'aptitude de cellules immunitaires et contribue à inhiber des réactions inflammatoires excessives[15]
levieillissement cellulaire. En effet, l'autophagie desmitochondries, appeléemitophagie, permet la recyclage des mitochondries dysfonctionnelles[16] , lesquelles génèrent notamment dustress oxydatif causant des dommages à la cellule. Par ce biais, elle a un rôle protecteur contre le vieillissement cellulaire[17].
le fonctionnement desneurones. Les mitochondries étant particulièrement actives dans ces cellules, leur renouvellement joue un rôle essentiel pour empêcher un stress oxydatif trop important et la dégénérescence[18],[19].
Le virus est obligé d'utiliser le matériel cellulaire pour se faire dupliquer. L'autophagie (virophagie) est l'une des voies majeures de la défense de l'organisme (unicellulaire ou pluricellulaire) contre les virus.
Certains virus ont cependant, au cours de l'évolution ou en co-évoluant avec leur hôte, développé des mécanismes de contournement de l'immunité, dont en inhibant le processus autophagique ou en lui échappant.
Certains virus (coronavirus par exemple)[20] exploitent même tout ou partie du mécanisme d'autophagie pour leur réplication.Quand c'est le cas, l'autophagie pourrait peut-être devenir l'une des cibles d'interventions thérapeutiques nouvelles, comme l'ont proposé Didac Carmona-Gutierrez & al. (2020) dans le cadre de la lutte médicamenteuse contre leSARS-CoV-2 responsable de lapandémie de Covid-19[15].
L’identification de molécules impliquées dans le contrôle et l’exécution de l’autophagie a mis en lumière une étroite relation entre l’autophagie et la progressiontumorale. Les cellules cancéreuses présentaient généralement une capacité autophagique plus réduite que les cellules normales. Le rôle anti-tumoral de l’autophagie est suggéré par son implication dans la réduction de l’instabilitéchromosomique, de la prolifération et de l’inflammation des cellules tumorales. L’autophagie peut aussi être un mécanisme pro-tumoral en permettant la survie des cellules tumorales exposées à des variations de leur micro-environnement (hypoxie, carence nutritionnelle…). Le processus autophagique est induit en réponse à divers traitements anti-cancéreux. Cette réponse peut s'avérer être un mécanisme permettant la survie des cellules, ou favorisant et amplifiant la mort induite par ces traitements.
Une étude publiée en 2018 montre que lejeûne intermittent peut protéger les cellules normales de la toxicité des agentsanticancéreux, en réduisant les effets secondaires chez les patients et en augmentant les effets néfastes de lachimiothérapie, de laradiothérapie et de lathérapie ciblée sur les cellules tumorales[21].
Une caractéristique commune à de nombreusesmaladies neurodégénératives est l’accumulation de protéines mutées ou toxiques et leur agrégation dans le cytoplasme. Ces maladies sont désignées sous le terme de« protéinopathies » et comprennent notamment lamaladie de Huntington, lamaladie d'Alzheimer, lamaladie de Parkinson ou lamaladie de Machado-Joseph (SCA-3). Ces agrégats de protéines anormales se formeraient, par exemple, à la suite d'une diminution de l’activité duprotéasome. Leur présence entraîne une augmentation de cette autophagie induite qui, dans les premiers stades de la maladie, est assez efficace pour assurer leur élimination. Cependant, à un stade plus avancé, l’autophagie induite n’est plus suffisante et des inclusions protéiques se forment dans les cellules ; la stimulation de l’autophagie (par un agent pharmacologique) pourrait s’avérer efficace pour éliminer ces inclusions et ainsi lutter contre la neurodégénérescence[22]. Des perturbations initiales de la voie autophagique ont aussi été étudiées, par exemple dans le cas de la maladie de Machado-Joseph, avec la mise en évidence d'un niveau insuffisant de la protéinebécline 1[23].