Les émissions monétaires romaines débutent auIIIe siècle av. J.-C. et se limitent à la frappe d'as enbronze ; l'or rapporté par les butins et les indemnités de guerre n'est pas monnayé et est stocké dans le Trésor public (Ærarium). Selon les besoins des finances de l'État, l'or de la réserve est vendu contre de l'argent monnayé, selon un rapport de 1 à 12[1]. Ladeuxième guerre punique (218-201), par ses besoins de financement considérables, oblige à puiser dans les réserves de métal précieux. Rome émet donc desdeniers d'argent et plusieurs séries d’aurei, avec les caractéristiques suivantes[2] :
Dans les années suivant 87 av. J.-C., et dans des circonstances exceptionnelles,Sylla reprend les émissions de monnaie d’or lors de sacampagne en Grèce : désavoué par leSénat et privé de son soutien financier, il s’empare des trésors des sanctuaires grecs et les utilise pour émettre des monnaies en or ou en argent portant son nom[3]. Une autre émission en or tout à fait exceptionnelle commémore la statue équestre dorée de Sylla, érigée sur le Forum, un honneur qui lui est accordé par le Sénat en 81 av. J.-C.[4]. Ces émissions à son nom ou à son effigie ont un but de propagande personnelle, une innovation dans le monnayage romain[5].
Monnaie de Jules César, CAESAR COS TER (consul pour la troisième fois, soit 46 av. J.-C.
En49av. J.-C.,Jules César, prétextant que la République est en danger, s'empare de la réserve d'or du Trésor public[6], qu’il utilise avec l’or du butin de la guerre des Gaules pour ses dépenses militaires au cours des guerres civiles. La frappe d'aureus reprend dans des ateliers itinérants suivant les déplacements des légions de César, puis à Rome[7], au poids standard équivalent à 1/40e delivre[8],[9] soit environ 8,16 grammes. Cette pièce, constituée d'or pur, est appeléeaureus nummus oudenarius aureus, denier d’or[10].
La période qui suit l’assassinat de Jules César auxIdes de Mars 44 av. J.-C. voit la compétition entre diverses factions qui mobilisent chacune leur armée, et paient leurs soldats en monnaie d’or[7]. Les ateliers monétaires concurrents de celui de Rome se multiplient en Italie, en Gaule, enAfrique romaine, enSicile, ou itinérants selon les déplacements de armées. Chaque chef de faction fait frapper son effigie et ses emblèmes : lestriumvirsOctavien, fils adoptif de César, etMarc-Antoine, les césaricidesBrutus etCassius, le fils de PompéeSextus Pompée. Resté seul maître de l’Empire après sa victoire finale en 31 av. J.-C., Octavien va réorganiser le système monétaire.
Brutus, 42 av. J.-C. (Crédit : Classical Numismatic Group, Inc.[1])
Cassius, 42 av. J.-C. (Crédit : Classical Numismatic Group, Inc.[2])
En 19 av. J.-C.,Auguste organise le système monétaire impérial combinant or, argent et cuivre. La frappe d'or comprend l'aureus, qui pèse 1/42e delivre soit 7,79 g. Il vaut25deniers[11],[12] soit100sesterces. Un sous-multiple existe, lequinaire d'or ou demi-aureus. Le système d'Auguste se présente comme suit[13] :
Les successeurs d'Auguste ont recours à une forme d'inflation, qui consiste à diminuer soit le poids des pièces, soit leur titre (pourcentage d'or), soit parfois à cumuler les deux pratiques. Les poids observés pour l’aureus régressent lentement : de 7,85 g à 7,72 g sousTibère et 7,63 g sousClaude et au début du règne deNéron[16].
En 64, sous Néron, le poids des monnaies d'or et d'argent est modifié : l'aureus passe à 1/45e de livre[17] soit 7,26 g, et le denier d'argent descend à 3,40 g[16]. En même temps, la frappe des monnaies d’or est transférée de l’atelier de Lugdunum à celui de Rome[18]. Les anciensaurei, contenant plus de métal précieux, sont retirés de la circulation au fur et à mesure de leur retour dans les caisses de l’État et refondus[16]. Cette réforme diminue la valeur de l'or monnayé par rapport à celle de l'argent. SelonPaul Petit, elle a pour effet de favoriser la bourgeoisie commerçante en rapprochant le denier de ladrachme circulant dans la partie orientale de l'Empire, au détriment de l'or thésaurisé par lessénateurs[19]. Plus circonspect sur la vision économique de la réforme,Georges Depeyrot l'interprète par une certaine pénurie de métal précieux face aux besoins financiers considérables de Néron[16].
L’aureus varie peu après la réforme de Néron :Galba (68-69) l'annule en émettant desaurei ayant le poids d’avant cette réforme, tandis que ses successeurs reviennent à l’aureus néronien[20]. En 83,Domitien rehausse l’aureus à environ 7,6 g mais sous lesAntonins, il se replace entre 7,3 g et 7,2 g[21].
Aurélien (270-275) tente de restaurer le système monétaire. À la fin de son règne, il émet desaurei marqué IL, indiquant 1/50e delivre d'or, soit 6,55 grammes[24].
Fluctuation de l'aureus observée sur divers exemplaires :
Aureus de Dioclétien au 1/60e de livre, marqué ΣMédaillon multiple d'aureus, émis parConstantin en 313[25]
Fin 294,Dioclétien multiplie les types de monnaie d'or : l'aureus d'Aurélien à 1/50e continue d'être frappé lors desdonativa, distributions de gratification aux soldats ou aux notables, tandis qu'un aureus plus léger, à 1/60e de livre soit 5,45 grammes identifié par la marque Σ, est destiné à la circulation courante[26]. Des multiples d'aureus sont émis ponctuellement pour les distributions, valant 1,5 ou 2 aurei, et jusqu'à 10 aurei[27] ; ces émissions sont plus des médailles commémoratives que de véritables monnaies. L'aureus à 1/60e de livre est émis en très grande quantité, mais ne circule pas suffisamment pour soutenir l'économie, car il est thésaurisé et retiré du circuit monétaire[28]. De plus, l'inflation et la dépréciation continuelle des monnaies d'argent et de bronze rendent fluctuante la valeur de la monnaie en or, qui cesse d'avoir une parité fixe par rapport aux autres espèces. La monnaie d'or devient une sorte de mini-lingot, valeur refuge variant au gré de la demande[29]. En 301, l'Édit du Maximum fixe un prix pour l'or monnayé de 72 000 deniers la livre, soit pour un aureus plus de mille deniers, le denier n'étant plus qu'une unité de compte. Cette mesure autoritaire n'arrête aucunement la fluctuation de l'aureus[30].
Vers309,Constantin réduit le poids de l'aureus émis par les ateliers monétaires de sa partie d'Empire. En 312 après sa victoire surMaxence qui lui ouvre les ateliers italiens, il introduit lesolidus, à 1/72e de livre, soit 4,54 grammes, similaire à celui de l'aureus dévalué[31]. Le solidus devient l'unité de compte de l'Empire, statut que n'a jamais eu l'aureus.
À partir de cette date, l'aureus ne sera plus émis que pour des occasions particulières et en très petites quantités.
GérardAubin, « L'or romain dans l'Ouest de la Gaule : circulation et stagnation »,Revue archéologique de l'ouest,t. 1,,p. 89-119(lire en ligne)
PierreBastien, « Les multiples d'or, de l'avènement de Dioclétien à la mort de Constantin. Essai de classement métrologique »,Revue numismatique,6e série,t. 14,,p. 49-82(lire en ligne)
Michael H.Crawford et Jean-Claude MichelRichard, « L'aureus de Lucius Pinarius Scarpus (31 av. J.-C.) découvert à Narbonne (Aude) »,Revue archéologique de Narbonnaise,t. 34,,p. 166-169(lire en ligne)
Alphonse De Schodt ,Terme sur les médailles d'Octave-Auguste, in Revue belge de numismatique, Bruxelles 1883.Lien vers l'ouvrage
Alfred Alfred,Les revers monétaires de l'empereur Nerva, Paris 1906.Lien vers l'ouvrage