lahiérarchie des genres : distingués depuis leXVIIe siècle, les genres dans le domaine de lapeinture suivent un classement précis, par ordre de noblesse. Les plus prestigieux sont les éléments traitant de la religion, de l’Histoire et de lamythologie, souvent porteurs d’un message moral. Suivent les scènes de la vie quotidienne, et enfin lesportraits et les paysages, qui sont les genres les moins nobles. En plus de cette hiérarchie, on compte aussi la dimension de la toile : plus le sujet est noble, donc important, plus son support doit être grand ;
l'affirmation de la supériorité du dessin sur la couleur : ici, l’artiste est créateur de la forme, considérant que le principe de « ligne » n’existe pas dans la nature. L'artiste est aussi créateur de la profondeur et du relief dans l’art du tableau classique. Malgré l’omniprésence de la couleur, dans ce principe, celle-ci arrive bien après en termes de hiérarchie. Ce principe respecte les idéaux de l’Académie : s’il n’y a pas de dessin, la peinture ne peut exister.
L'Académie pourvoyait à la formation technique (apprentissage du dessin, de l'anatomie, de la couleur…) et culturelle (familiarisation avec les sujets de l'antiquité, les grands auteurs…) des jeunes artistes. Les candidats à l'entrée à l'École des Beaux-Arts (créée en 1817 - les femmes n'y sont admises qu'en 1897), sous la tutelle de l'Académie des Beaux-Arts (créée l'année précédente)[1] doivent passer un concours d'admission consistant en l'exécution d'une figure nue dessinée d'après lemodèle vivant.
Dans la deuxième moitié duXIXe siècle, se cristallise une opposition qui va profondément marquer toute l'histoire de l'art duXXe siècle : celle de l'académisme et de la « modernité », terme lancé parCharles Baudelaire. Lesavant-gardes n'ont pu s'imposer qu'en bousculant l'art officiel. Les peintres académiques régnaient sur l'Académie des beaux-arts, à l'Institut, auSalon, longtemps lieu de passage obligé pour exposer, se faire connaître et obtenir des commandes de l'État. L'Antiquité est le sujet de référence absolu ; le dessin et la copie d'œuvres sont les deux moyens privilégiés d'accéder à cet enseignement[1].
Le cursus des étudiants des Beaux-Arts comprend de nombreuses épreuves, dont la plus importante est le concours duprix de Rome, permettant aux lauréats de faire un séjour à l'Académie de France à Rome. Les sujets du concours sont tirés de l'histoire ancienne, des récits de la Bible ou de ceux de la mythologie. Une fois à Rome, les récipiendaires continuent à être contrôlés par l'Académie, en devant lui envoyer plusieurs œuvres tout en étudiant les œuvres de l'Antiquité comme de la Renaissance. Après leur séjour à Rome, les artistes doivent continuer à adresser des œuvres à l'Académie pour être admis auSalon de peinture et de sculpture annuel, tout en travaillant pour de riches mécènes, voire pour l’État[1].
Ce contrôle total de l'Académie, dont le jury rejette toute œuvre non conforme aux canons, ne permet pas aux artistes d'explorer d'autres sujets, techniques ou simplement d'innover dans leur démarche créatrice. Aussi l'académisme est fortement critiqué pour son conservatisme. En 1846, de nombreuses œuvres deGustave Courbet, peintreréaliste, sont refusées par le Salon. Si le jury du Salon est supprimé par larévolution de 1848, le présidentLouis-Napoléon Bonaparte le fait rétablir après son élection. En 1855, Courbet inaugure, en marge de l'Exposition universelle et du Salon de 1855, le Pavillon du réalisme, pour y regrouper ses toiles. En 1859, d'autres peintres réalistes refusés par le jury (commeFantin-Latour,Legros etRibot[2]) sont à l'honneur dans une exposition chez un particulier, le peintreFrançois Bonvin.
En 1863, le conflit s'étend aumouvement impressionniste[1] : le jury, sur les 5 000 œuvres proposées, en rejette les 3/5. Devant les critiques, l'ancien président et nouvel empereur Napoléon III accepte de créer leSalon des refusés, qui se déroule auPalais de l'Industrie. Ce Salon des refusés ne dure pas, mais il consacre la rupture franche entre les peintres académistes et les autres. En 1868, grâce au soutien du membre du juryCharles-François Daubigny, les impressionnistes sont acceptés au Salon. D'autres Salons des refusés sont ouverts en 1873 puis 1875 ; en 1881, le Salon de peinture et de sculpture est réformé, et devient leSalon des artistes français, regroupant tous les courants.
L'année 1897 entérine la défaite de l'Académisme.Édouard Manet,Edgar Degas,Camille Pissarro,Claude Monet,Auguste Renoir,Alfred Sisley etPaul Cézanne font leur entrée dans une institution officielle, leMusée du Luxembourg, réservé aux commandes de l'État. Le legsGustave Caillebotte, mécène des impressionnistes, collectionneur et peintre lui-même, est accepté après trois années de combats acharnés (seuls les tableaux de Degas sont d'abord admis). C'est le Conseil d'État qui a tranché, arguant que ces œuvres faisaient de fait partie de l'histoire de la peinture française. En réalité, on a coupé la poire en deux : sur 67 toiles, 29 furent rejetées, Gérôme ayant menacé de démissionner de sa chaire de professeur des Beaux-Arts, qualifiant ces toiles d'« ordures », et voyant dans leur entrée au Luxembourg le signe de « la fin de la nation ».
Les courants avant-gardistes se multipliaient. L'Académie et l'École des beaux-arts elles-mêmes devinrent plus éclectiques, noteClaire Barbillon[Où ?]. Après avoir été rejeté sous le Second Empire, sauf sous certaines formes édulcorées,« lenaturalisme fut adopté par les peintres les plus officiels de la troisième République », écrit-elle. Quant ausymbolisme, il réunit« des artistes formellement assez traditionnels », commeGustave Moreau, et des peintres radicalement novateurs commeGauguin ouOdilon Redon.
L'ouverture dumusée d'Orsay en 1986 sera l'occasion de vives polémiques en France. Beaucoup y verront une réhabilitation des « pompiers », voire du « révisionnisme ».André Chastel considérait cependant dès 1973 qu'il n'y avait« que des avantages à substituer à un jugement global de réprobation, héritage des vieilles batailles, une curiosité tranquille et objective. »
L'application du mot « pompier » à l'art académique[3] est apparue à la fin duXIXe siècle, probablement pour la première fois en 1882 chezThéodore Faullain de Banville dans sesContes féeriques[4], pour le tourner en dérision. Il est sans doute une allusion aux casques brillants de certains personnages des grandes compositions (notammentDavid[1]), qui rappelaient ceux des pompiers de l'époque[5]. Cette explication trouverait sa source dans une comédie en un acte de MM. Varner et Duvert,La Sœur de Jocrisse, donnée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le dans laquelle un personnage du nom de Jocrisse, domestique, regarde l'estampeLe Passage des Thermopyles et déclare :« Ah ! c'te bêtise ! ils se battent tout nus !… Ah ! non ; ils ont des casques… c'est peut-être des pompiers qui se couchent… ». CePassage des Thermopyles était peut-être le tableau deDavid,Léonidas aux Thermopyles. Ce serait donc les successeurs de David qui ont été qualifiés de pompiers[6].
Une autre explication propose l'hypothèse d'une dérision du mot « Pompéien » (dePompéi), allusion à un mouvement pompéiste fondé dans les années 1840 par Jean-Léon Gérôme[7]. Enfin, ce mot évoque la pompe, le pompeux[7]. Suivant les critiques de l'art officiel, celui-ci est dénigré pour sa technique, ses couleurs, ses sujets, ou simplement ses principes[1].