Peu d’informations concrètes sont disponibles en ce qui concerne la vie d’Aphra Benn. Elle pourrait avoir intentionnellement brouillé les pistes[1]. Il est remarquable de noter que son nom n'apparaît dans aucun registre d'impôt ou d'église[2].
L'écrivainGermaine Greer qualifia Aphra Behn de « palimpseste » qui se serait effacée elle-même. La biographeJanet Todd note qu'Aphra est « une combinaison mortelle d'obscurité, de secret et de théâtralité qui la rend difficile à intégrer dans un récit, qu'il soit spéculatif ou factuel. Elle n'est pas tant une femme à démasquer qu'une combinaison infinie de masques »[2].
D'après Ann Finch, une de ses contemporaines, elle serait née àWye, dans leKent, près deCanterbury, le, et aurait été la « fille d’un barbier ». Le colonel Thomas Colepeper, la seule personne prétendant l'avoir connue enfant, écrivit dansAdversaria qu'elle est née à « Sturry ou Canterbury » d'un M. Johnston et qu'elle a une sœur nommée Frances. Une autre version de la vie d'Aphra raconte qu'elle serait la fille d'un barbier nommé John Amis et de sa femme Amy. Enfin,The Histories And Novels of the Late Ingenious Mrs. Behn(1696 - par un auteur inconnu dont le pseudonyme était « One of the fair sex ») affirme qu'elle est la fille de Bartholomew Johnson, un barbier, et d'Elizabeth Denham, une nourrice[3].
On suppose qu'Aphra reçut une éducation catholique. Elle affirma un jour qu'elle avait été « conçue pour être une religieuse ». Elle avait de nombreuses relations catholiques ce qui lui aurait porté préjudice durant la vague d'anti-catholicisme des années 1680[4]. Monarchiste, elle avait une affection particulière pour leDuc d'York, visible dans sa pièceThe Rover II[4].
En1658, Aphra prend le nom d'un homme que l'on considérera comme son époux et qui était peut-être marchandnéerlandais. Son nom était soit Ben, Beane, Bene ou Behn. Mais quelles qu'aient été les véritables circonstances, à partir de cette date, Aphra se fait appeler « Mme Behn »[5]. Johan Behn meurt (à moins que le couple ne se soit séparé) en1666, alors qu'Aphra n'a que 26 ans.
Elle s'attache alors à la cour royale, et certains indices semblent montrer qu’elle est dépêchée àAnvers parCharles II en tant qu’espionne. Le nom de code qu’elle reçoit à cette occasion, « Astrea », lui sert par la suite pour signer la plupart de ses œuvres. Son rôle est de se rapprocher de William Scot, fils de Thomas Scot, unrégicide exécuté en 1660, dans l'espoir d'en faire un espion qui pourrait rendre compte des agissements d'exilés anglais complotant contre le roi. Mais elle échoue dans sa mission, William l'ayant dénoncée aux Néerlandais[2].
Ladeuxième guerre anglo-néerlandaise éclate peu après entre l’Angleterre et les Pays-Bas, en1665. Les services rendus par Aphra ne lui sont pas rémunérés et Charles II refuse de payer son billet de retour. En, elle emprunte l'argent pour la traversée. En 1668, sans ressources, elle est jetée en prison pour dette. Libérée dans des circonstances inconnues, elle jure de ne plus dépendre financièrement de quelqu'un et en 1670 sa première pièce de théâtreThe Forc'd Marriage (Le mariage forcé) est produite à Londres. Dès lors, elle gagne sa vie par l'écriture de pièces de théâtre puis de romans[5].
Elle cultive l’amitié de nombreux dramaturges, et elle publie à partir de1670 nombre depièces ou deromans, ainsi que despoèmes et despamphlets. Sa comédieL'Écumeur établit sa réputation sur la scène londonienne à partir de1677.
Virginia Woolf constate qu'elle fut la première femme anglaise à vivre de sa plume et qu'elle mérite la reconnaissance de toutes celles qui sont venues après elle : « All women together ought to let flowers fall upon the tomb of Aphra Behn, for it was she who earned them the right to speak their minds[6].»
En 1688, un an avant sa mort, elle publieA Discovery of New Worlds, la traduction d'Entretiens sur la pluralité des mondes, parBernard le Bovier de Fontenelle, une vulgarisation de l'astronomie sous la forme d'un roman.
Appauvrie et endettée, Aphra Behn voit sa santé décliner dès 1685 et elle a du mal à tenir sa plume, mais elle continue malgré tout à écrire. Durant ses derniers jours, elle traduit le dernier livred'Abraham Cowley,Six Books of Plants.
↑Virginia Woolf,A Room of One's Own, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1957, p. 69 : « Et toutes les femmes en chœur devraient déposer des fleurs sur la tombe d'Aphra Behn [...], car c'est elle qui obtint, pour elles toutes, le droit d’exprimer leurs idées. » Traduit de l’anglais par Clara MALRAUX