Naissance | |
---|---|
Décès | |
Nom de naissance | |
Nationalités | |
Activité |
Lieux de détention | |
---|---|
Distinction | Prix Œdipe le salon(d)() ![]() |
Anne-Lise Stern, néeAnneliese[1] Stern àBerlin le et morte àParis le[2], est unepsychanalystefrançaise, survivante descamps de concentration.
Les parents d’Anne-Lise sont desjuifs assimilés, militantssocialistes : elle est la fille de Henri Stern (1893-1948), psychiatre freudien, et de Käthe Ruben (1893-1968). Elle est la petite-fille de Regina Ruben, née en 1859 et tuée[3] àSobibor, militanteféministe etmarxiste, compagne de lutte deClara Zetkin et deRosa Luxemburg[4].
Früher mal ein deutsches Kind[5],[6] (J'étais jadis une enfant allemande). Née à Berlin, Anne-Lise Stern vit dès l’âge d’un an et jusqu’au printemps 1933 àMannheim[7] d’où est originaire et où exerce son père, Henri Stern (1893-1948), un psychiatre freudien et marxiste[8], membre duSPD.Anne-Lise Stern grandit dans l’esprit de liberté, de créativité intellectuelle que connaît la brèverépublique de Weimar, dans un milieu caractérisé par un engagement de gauche et laïc[9].
L’engagement politique qui façonne ses années de jeunesse lui vient également de sa famille par les femmes. Elle est en effet la petite-fille de Regina Ruben, militante féministe et marxiste. Habituée des tribunes, traductrice deMultatuli, Regina Ruben a publié en 1906 une monographie consacrée àMathilde Franziska Anneke[10] pionnière de la lutte en faveur du droit de vote des femmes – que l’Allemagne institue en 1919. Membre du SPD, Regina Ruben y a milité aux côtés deClara Zetkin etRosa Luxemburg. La mère d’Anne-Lise, Käthe Ruben (1893-1968), est aussi membre duSPD.
Conseiller municipal SPD, le père d'Anne-Lise est arrêté quelques semaines après l’arrivée deHitler au pouvoir en. Trois mois plus tard, il sort de prison, et, le jour même, les Stern et leur fille quittent l’Allemagne. Käthe Seitz, secrétaire duDr Stern et opposante au régime hitlérien, sera décapitée à la hache[11]. Quant aux sœurs de Käthe Ruben, les deux tantes d’Anne-Lise, Ilse et Martha : la première, Ilse, sera exterminée à Auschwitz[12] ; Martha Ruben-Wolff, gynécologue et militante réputée, tenante de la régulation des naissances, se suicidera à Moscou après l’assassinat de son mari considéré comme un espion anti-soviétique[13].Nadine Fresco et Martine Leibovici[14] ravivent l’atmosphère intellectuelle et artistique de Mannheim, de saKunsthalle, située entre la maison et le Gymnasium, où Heini[15] Stern emmenait sa fille découvrir Chagall, Otto Dix et l’art contemporain ; puis la terreur des exilés allemands, des bannis de Hitler de la période 1933-1939.
En, Anne-Lise et ses parents sont enFrance et s’installent àBlois, où leDr Stern trouve un emploi à l'hôpital psychiatrique de la ville. L’adolescente, rapidement francophone, termine le lycée et obtient son baccalauréat. Elle et ses parents sontnaturalisés[16] à la fin de 1938. À l’automne 1939, au moment de ladéclaration de la guerre, elle a seulement le temps d’entamer àTours leCertificat d'études physiques, chimiques et biologiques (PCB) nécessaire pour entreprendre un cursus médical : au printemps suivant, c’est l’entrée en France de l’armée allemande et l'exode. Avec ses parents, elle passe alors enzone libre.
À Nice, où elle vit, elle se lie d’amitié avec Eva Freud, une des petites-filles deSigmund Freud[17].
Le docteur Henri Stern, père d'Anne-Lise, se mobilise pour nourrir et soigner les internés ducamp de Gurs, où beaucoup meurent et dont il réussit à extraire sa propre mère, et cinq autres femmes de Mannheim, « louant pour les accueillir une grande maison » àGelos, près deJurançon, dans la banlieue de Pau[18]. Pour sauver les enfants internés à Gurs, Il se rapproche de l'abbé Glasberg, s'active en synergie avec l'Œuvre de secours aux enfants (Ose), et le Secours suisse aux enfants (Cimade)[19].
Après ledébarquement des Alliés en Afrique du nord en, les Allemands envahissent la zone non occupée : Anne-Lise Stern est contrainte de vivre sous une fausse identité. Au début de 1944, elle part pour Paris. Dénoncée comme juive, elle est arrêtée le1er avril.
Anne-Lise Stern est déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau[20] par leconvoino 71, parti ducamp de Drancy le. Ce convoi emporte 34 des 44enfants d’Izieu raflés le sur ordre deKlaus Barbie. Parmi leurs compagnes d'infortune, se trouvent aussi Marceline Rozenberg, qui est la future cinéasteMarceline Loridan-Ivens et Simone Jacob, avec sa mère Yvonne Jacob et sa sœur Madeleine Jacob. Simone Jacob est la futureSimone Veil. Lesenfants d'Izieu sont gazés à l'arrivée àAuschwitz-Birkenau.
Anne-Lise reste àBirkenau, « ce trou noir, cetanus mundi[21] » jusqu’au moment où, à l’automne 1944, devant l’offensive de l'Armée rouge, les déportés des camps de Pologne sont évacués vers l’Ouest. Elle fait partie d’un convoi envoyé au camp deBergen-Belsen. De là, avec les femmes de son block, elle est emmenée en à Raguhn, unkommando du camp deBuchenwald. Elle en repart en avril par un convoi qui met une semaine pour atteindre le camp deTheresienstadt. Le, un mois après la capitulation allemande, Anne-Lise Stern rentre en France, à Lyon où elle est accueillie par la Croix-Rouge.
Pendant l’été 1945, Anne-Lise Stern qui a alors vingt-quatre ans, écrit lesTextes du retour[22] : « Départ-arrivée », « Un tournant », « Le wagon à bestiaux », « L’arrivée à Theresienstadt » ; récits dontPierre Vidal-Naquet estime qu’ils atteignent « les sommets de la littérature concentrationnaire,Primo Levi,Ravensbrück deGermaine Tillion,le Grand Voyage etQuel beau dimanche deJorge Semprún »[23].
Les exactions du docteurMengele qui l'ont terrorisée à Birkenau la détournent à jamais de son désir antérieur de devenir médecin comme son père[24].
Pendant l'hiver 1947 et le printemps 1948, leDr Henri Stern est psychiatre consultant dans un camp depersonnes déplacées, juives pour la plupart, situé dans la zone britannique en Allemagne. Dans un article paru au moment de sa mort, il présente une « rapide étude des forces psychiques qui ont structuré la vie du camp[25] ».
Chez Anne-Lise, le désir de devenir psychanalyste demeure. De 1953 à 1968, elle travaille, à l’hôpital Bichat puis à celui desEnfants malades, dans l’équipe de la pédiatre et psychanalysteJenny Aubry.
Puis, dans l’esprit des utopies concrètes deMai 68, elle anime pendant quatre ans, notamment avec les analystes Pierre Alien et Renaude Gosset, un « laboratoire » dans le quartier de la Bastille, financé grâce aux réparations versées par l’Allemagne, en dédommagement de la perte du cabinet médical de son père. Les séances d’analyse y sont accessibles à tous parce que d’un prix très modique. Dans la société européenne, la reconstruction d’après-guerre n’est pas accomplie : le silence, y compris dans la communauté psychanalytique, prévaut. Aussi le Laboratoire fait-il acte politique, œuvre d’éclaireur et de « porte-parole » : Laurent Le Vaguérèse l’explicite[26] : « Ouvrir le Laboratoire avec l’argent des nazis introduisait, par l’intermédiaire du réel de l’argent, un autre réel : celui des camps. » Il cite Anne-Lise Stern énonçant :« Ce qui fut mis en acte est une réflexion sur les camps en tant que celle-ci était exclue de la communauté analytique. »
Anne-Lise Stern exerce ensuite, pendant deux ans, dans le centre d’accueil des toxicomanes dirigé à l’hôpital Marmottan par le psychiatreClaude Olievenstein[27].
Parallèlement à ce travail en institution, Anne-Lise Stern, analysée parJacques Lacan et membre de l’École freudienne de Paris (1964-1980), se fait connaître à travers ses interventions dans des colloques et ses articles, qui paraissent dansLes Temps modernes,Le Nouvel Observateur et diverses revues[28].
En 1979, pour répondre à l’offensivenégationniste[29] elle inaugure unséminaire. Il se déroule d’abord chez elle, puis chez la psychanalyste Danièle Lévy, auditrice des premières heures, comme le sont notamment Suzanne Hommel, Liliane Kandel, Maria Landau, Fernand Niedermann, Michèle Ruty, Françoise Samson, Nicole Sels, Michel Thomé ou encore Liliane Zolty[30]. Cet enseignement sera reconnu et accueilli, à partir de 1992, par laMaison des sciences de l'homme. Le séminaire durera trente ans, Anne-Lise Stern le qualifie de « recherche-témoignage » et l’intitule « Camps, histoire, psychanalyse. Leur nouage dans l’actualité européenne. »
C’est grâce àIsac Chiva, qui la présente à Clemens Heller, directeur de la Maison des Sciences de l’homme, que le séminaire d’Anne-Lise Stern s’y est tenu à partir de 1992.
Psychanalyste accoutumée à décrypter les fantasmes sous-jacents à ce qui paraît ordinaire et inoffensif, elle décrypte les traces sorties de la « poubelle des camps[31] ». Procédant par chaînes associatives, elle laisse revenir du camp des « souvenirs disséminés qui ressurgissent soudain avec leur charge d’émotion et qui, parce qu’elle ose quand même en parler, s’associent à d’autres souvenirs, aux témoignages du passé et aux histoires du présent[32]. »
« Le séminaire a lieu dans une salle de cours où se trouve une longue table. Anne-Lise est assise d’un côté de la table, tournant le dos à la fenêtre ; les « étudiants » sont de l’autre côté et lui font directement face. Elle commence en général par passer en revue les sujets qui l’ont frappée dans la presse ou à la télévision, par exemple un artiste allemand (…) qui présente des visualisations de l’intérieur de corps humains en utilisant les méthodes anatomiques mises au point au camp SS expérimental deSachsenhausen, aujourd’hui il se procure les cadavres grâce aux bons offices de bourreaux membres de la police de la république populaire de Chine. Elle se tourne ensuite vers les livres qu’elle a lus (…) ; par exemple un format de bande dessinée utilisé pour familiariser de jeunes lecteurs avec des descriptions plutôt lugubres de la déportation. Elle arrive enfin au thème spécifique de la semaine, (…) par associations libres, elle combine des choses exprimées par écrit pour l’occasion, des textes anciens qu’elle relit, des souvenirs qui lui reviennent, une chanson, une histoire pour enfants, souvent en allemand, sa langue maternelle. Cela a tendance à lui tirer des larmes, tout comme une image-souvenir de ses camarades à Auschwitz ou des autres jeunes femmes et enfants français du convoi 71 qui quitta Drancy le direction Auschwitz. Soixante ans plus tard, Anne-Lise est encore sur le chemin du retour[33]. » Sous l’intertitrePerforming Auschwitz d’un article consacré à la lecture duSavoir-Déporté, Michael Dorland (Université de Carleton, Ottawa), auditeur du séminaire en 2003-2004, en donne cette peinture vivante. Elle bravait là, deux fois par mois, une difficulté personnelle à s'exprimer en public. L'auditoire n'avait pas le droit d'intervenir : cet impératif solennel était une donnée du style annelisien[34].
« Elle occupait une place singulière dans le milieu de la psychanalyse. Unique, même[35]. ».Anne-Lise Stern avait été déportée, elle était aussi psychanalyste, mais la conjonction entre les deux n’allait pas de soi, ce qu’elle exprimait par le biais d’une formule aporétique : « Peut-on être psychanalyste en ayant été déporté(e) à Auschwitz ? La réponse est non. Peut-on, aujourd’hui, être psychanalyste sans cela ? La réponse est encore non. Éclairer comment ces deux impossibilités se tiennent, de quoi est fait leur rapport, me semble une bonne façon d’aborder la question : quelle psychanalyse après la shoah[36] ? ».
Elle nomme « savoir-déporté » le savoir qui irrigue sa pratique de la psychanalyse — sur son divan, auprès des enfants à l’hôpital ou des drogués de Marmottan — et qui se fonde sur « un sens de l’urgence », du moment de l’intervention qu’il ne faut pas manquer : « De là-bas me vient un sens de l’urgence, une passion de l’urgence dans le travail avec les enfants (…) que j’appelle le savoir-déporté – quand c’est le moment, c’est le moment ; un instant après c’est trop tard[37] ».Ainsi se remémore-t-elle un film queJenny Aubry a montré à l’équipe : les autistes, leur balancement, leur dénuement total, « toute déportée se reconnaissait d’emblée en eux[37]. »
D’autres enfants, dits « hospitaliques », « regressés après séparation précoce de leur mère et séjour en collectivité » lui inspirent une des urgences qui procèdent du savoir-déporté : « sortir un certain type d’enfants–déchets de leur poubelle ségrégative était essentiel, vital[38]. »
L’image de la poubelle recevant un être-déchet sous l’effet de la violence totalitaire est au centre d’un des rêves recueillis parCharlotte Beradt dansRêver sous le IIIe Reich. Ce rêve au banc vert et au banc jaune, une corbeille à papiers entre les deux[39], « c’est ce rêve qu’elle [Anne-Lise] m’a signalé en premier lorsqu’elle m’a fait connaître le livre de Charlotte Beradt », écrit en préface Martine Leibovici[40].
L’œuvre d’Anne-Lise Stern consiste notamment à utiliser l’image de la poubelle – comme pour les « enfants hospitaliques » – à la manière d’un voyant, qui voit parce qu’il se souvient, et qui fait dessiller le lecteur duSavoir-Déporté ou l’auditeur du séminaire, en lui présentant, dans une scène ordinaire de la vie civilisée, une ségrégation ou une humiliation ou une destruction en cours.
Avoir été au camp et y avoir survécu c’est témoigner dans les colloques de psychanalystes et dans le travail auprès des patients de « ça, de cette loque que (l’on) a été[41] ».Avoir été au camp, c’est avoir été soi-même réduit à n’être « que la "cause", l’objet du déchaînement destructeur chez l’autre, le SS[42]. »Anne-Lise Stern considère qu’elle a transmis ce savoir à Lacan, que celui-ci l’a théorisé dans son élaboration de l’objet a et que ceci permet d’éclairer un pan de la structure psychique de tout un chacun. Elle expose cette conviction dans « Le châle »[43], texte inspiré par la lecture du roman éponyme deCynthia Ozick.
Le journaliste et philosophePhilippe Petit écrit[44]: « S’il y a bien quelqu’un qui se méfiait de l’obscénité, et craignait de s’appuyer sur une pédagogie de l’horreur susceptible de produire chez son interlocuteur un effet de jouissance : c’est elle. « Nous est en général insupportable ce qui s’élabore à partir de notre viande », disait-elle (…) (Elle) avait l’œil pour repérer ceux qui « assument allègrement la jouissance qu’il y a à jaspiner autour d’Auschwitz[45]. »
« Le génocide perpétré par les nazis contre les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale pèse d’un poids tout à fait particulier sur le monde occidental contemporain (…) près d’un demi-siècle plus tard, cet événement remplit une fonction de référence (…) pour des productions intellectuelles de tous ordres (…) ce poids, cette empreinte, cette référence se traduisent de manières variées, souvent indirectes, paradoxales parfois, tant il est vrai que les divers mécanismes par lesquels individus ou groupes manifestent leur refus du poids et de l’empreinte d’un événement sont, aussi, une preuve supplémentaire de cette empreinte et de ce poids[46]. » Michael Dorland[33] estime que, même si ces lignes — deNadine Fresco — ne sont pas d’Anne-Lise Stern, elles conviendraient en discours programme et énoncent la préoccupation centrale de son œuvre.
Selon Danièle Lévy, « l’intuition » d’Anne-Lise est que « : Après cela, rien ne marche plus comme avant. (…) Tout se passe comme si chacun, d'où qu'il soit originaire, était directement impliqué dans ce point de l'histoire. (…) À cause de cette implication, la structure échoue à se constituer. Quelque chose au niveau du nouage fondateur du désir, le nouage entre vérité, savoir et sexe, ne s'organise plus comme Freud l'avait décrypté. Par conséquent, les psychanalystes sont directement concernés[47]. »
« Souvent ils n’y entendent rien[48] », semblait-il cependant à Anne-Lise Stern. À son projet la communauté psychanalytique française a pu opposer une relative surdité[49]. »Quoi qu’il en soit un temps de latence a été pour tous nécessaire, pour la société, y compris pour Anne-Lise :« Manches longues [pour couvrir la peau tatouée] et silence – jusqu’enmai 68[50]. »
Après la parution duSavoir-Déporté en 2004, une association de psychanalystes, le Cercle freudien, s’assigne pour thème de travail et de colloque annuel : « Les Destins des traces », leur effacement, leur inscription. Le numéro 23 de la revueChe vuoi ? qui en résulte consacre plusieurs articles au livre d’Anne-Lise Stern, parmi lesquels une étude de Danièle Lévy intitulée « Abord du camp de la mort ».
Aujourd’hui, le savoir-déporté d’Anne-Lise Stern confère une « fonction de repérage », à prendre par les psychanalystes comme un outil de travail :
« Ce que Freud nous raconte est invraisemblable et de plus, déplaisant. Des raisonnements spécieux, une obsession sexuelle monotone (…) soutenus par un personnage paternaliste, autoritaire jusqu'au dogmatisme. Ce sont les apparences. Comment cela, par après, par ailleurs, emporte-t-il la conviction ? (…) Ce qu'Anne-Lise Stern apporte n'échappe pas à larègle: pour en saisir la fonction de repérage il y a quelque chose à traverser, un mouvement de recul, une incrédulité, une colère, une défiance; un temps de perplexité qui est un temps de saisissement. C’est ainsi que commence le travail[51]. »
« Anne-Lise, tu aimerais sans doute qu’on se souvienne que tu étais une très belle femme », écrit la psychanalyste Marie-Laure Susini, qui évoque les heures passées en sa compagnie àla Closerie des Lilas[52], en citant égalementSerge Moscovici : « Anne-Lise était la femme la plus attirante que j’aie jamais vue. Elle était la sensualité même[52] ». La vitalité d’Anne-Lise Stern, son art du bonheur domestique, transparaissent dans un aperçu ayant pour cadreLa Lande-de-Goult où est située la maison de campagne qu’elle retrouvait quand elle délaissait son appartement de la rue Boissonade. C’était l’époque des premières années de son séminaire.Dominique Sels, qui a alors vingt et un ans, est surprise de l’effet que produit son amie de soixante ans[53] :« Anne-Lise est incroyable, elle est née en 1921, nous sommes en 1981 et quand on va à la braderie d’Argentan, tous les hommes s’arrêtent pour la regarder. Le chemin droit, encombré de foule, qui départage les deux côtés de ce marché, paraît s’éclaircir pour la laisser marcher. Elle est sidérante de beauté, sa grande chevelure argentée lui descend dans le dos, ça ondule. Anne-Lise plaît aux hommes jeunes, elle remarque ceux qui sont beaux, elle a mis du rouge à lèvres. Elle porte des lunettes de soleil et regarde par-dessus, lorsqu’elle s’arrête pour parler à un homme : soi-disant à propos d’un objet. (…) Elle ruisselle de gaieté[54]. »
Cet article fut reproduit, sous le titre « Les séquelles de Belsen », dansPersonnes déplacées. Recueil d'études sur la psychologie des réfugiés, leur santé mentale et les problèmes de leur réinstallation, dir. H.B.M. Murphy, Paris, UNESCO, coll. « Population et culture », 1955. Par ailleurs dans un ouvrage intituléCes juifs dont l’Amérique ne voulait pas, éd. Complexe, 1995, Françoise Ouzan résume ce qu’elle apprend de l’article du docteur Henri Stern, synthèse aperçueici