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Naissance | L'Île-Bouchard (Touraine) |
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Décès | (à 56 ans) Paris |
Nationalité | français |
Enfants | François Duchesne![]() |
Formation | collège de Boncourt de l'Université de Paris |
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Titres | géographe ethistoriographe duRoi |
Profession | Historien,géographe etgénéalogiste![]() |
Approche | documentaire |
Partisans (A influencé) | La Mare,Hérouval,Du Cange,Le Cointe,Baluze,Mabillon,Abbé Gallois,Abbé des Thuilleries[2] |
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Détracteurs (Critiques) | Chifflet[3] |
André Du Chesne, ditDuchesne, appelé enlatinAndreas Chesneus,Andreas Chesnaeus, ouAndreas Querneus, voireAndreas Quercetanus, né le àL'Île-Bouchard, et mort le àParis, est ungéographe et unhistoriographefrançais qui a été vu comme le père de l'histoire[2]moderne.
Contemporain des savants du cercle deMersenne, lui-même génie précoce et prolifique mais, de son propre aveu, brouillon, il a inauguré[1], en créant un réseau[4] personnel debibliothécaires etarchivistes[2], une méthode basée sur la collecte et l'exploitation systématique desdocuments qui, faisant fi de la tradition et des légendes[3], préfigure l'école méthodique.
André du Chesne naît près deChinon àL'Île-Bouchard, placesaumuroise que gouvernait son arrière-grand-père paternel[5] à la frontière de laTouraine. Il est le dernier des quatre fils de Tanneguy[2] Gabriel[1] Duchesne,écuyer et seigneur de la Sansonnière[2], qui est un modestechâteau[6] duBaugeois situé au sud d'Auverse[7], et de Jeanne deBaudry[4], unetourangelle[8]. Sa lignée compte plusieurscapitaines et remonte à un chevalier mentionné dans un acte de 1260[5], Baudouin du Chesne[4]. La famille porte d'argent, à deux écureuils passants, degueules, ombrés, le second contourné[5]. L'aîné, Louis, étant destiné à hériter de la seigneurie de la Sansonnière, le puiné, Pierre, fait une carrière militaire qui se terminera prématurément au grade decapitaine decompagnie d'infanterie sur un champ de bataille desPays-Bas, durant laguerre de Quatre-Vingts Ans[4]. Mathurin deviendrabourgeois de Paris[9].
La petite enfance d'André, le benjamin, se déroule durant ledernier épisode de la Guerre de religion qui conduit en 1594Henri de Navarre sur le trône deFrance. À l'âge de raison, il est envoyé aupensionnatbénédictin[10] deLoudun[2], ville dont la population restéeréformée a souffert des pillages vingt-cinq ans plus tôt durant lacroisade contre les huguenots[11]. Elle compte plusieurs maîtres particuliers[10] et de nombreux lettréslibertins marqués par l'éthique detolérance, tels le poèteCharles Rogier et son frère, le médecinDaniel Rogier, qui, parvenu à la fin de son âge, en 1632, expertisera lespossédées de Loudun et démontrera, finalement en vain, l'absence de surnaturel dans cette affaire[12].
Sarhétorique terminée précocement, le jeune Duchesne intègre àParis lecollègejésuitique deBoncourt, où il reçoit l'enseignement de l'humanisteJules-César Boulenger[2]. De bonne heure il s'est consacré à la recherche historique et géographique et son premier travail, publié dans sa dix-septième année, laisse déjà voir une grande érudition.Egregiarum seu selectarum lectionum et antiquitatum liber est une compilation dédiée à son maître[2] relative aux usages de l'Antiquité romaine. Le bibliographe ne se défera plus jamais de cette méthode qui est d'accumuler les documents et s'en tenir aux textes comme à des preuves.
Parallèlement à ses études, il se livre à l'élaboration d'ouvrages susceptibles de piquer la curiosité de l'honnête homme, ce qui est une manière de s'introduire dans unesociété mondaine et de fuir l'exemple de ses maîtres et la carrièreecclésiastique que lui assignent sa position dans laphratrie et ses dispositions intellectuelles.
Son fils,François Duchesne, fut également un historien.
En 1605, pour séduire le public féminin, André du Chesne publie un « cabinet des dames » qui, sous le masque d'une invitation à l'élévationmystique de l'âme, tend un miroir du corps féminin et de ses atours à un esprit qui se retrouvera dans l'Homme de Cour deBalthazar Gracian.Figures mystiques, dissertation ornée de conseils esthétiques surce qu'est la beauté, l'élégance, le bon goût, est dédié àMartin Ruzé, un vieux compagnontourangeau du galantHenri IV qui s'est illustré par les armes contre la très moralisatriceLigue. L'auteur épouse la véritable destinataire, Susanne Soudan, deux ans plus tard, en 1608[2]. Il a vingt quatre ans et publie successivement plusieurs ouvrages d'histoires, qui, mêlant généalogies et curiosités, sont susceptibles de complaire à quelques grands personnages.
Peu après l'assassinat d'Henri IV et l'avènement du jeuneLouis XIII, letourangeauFrançois d'Amboise,maître des requêtes etconseiller mis à la retraite par la trèscatholiqueRégente, le convainc de le suivre à l'abbaye du Paraclet, enChampagne, où l'abbesse Marie deLa Rochefoucauld confie au jeune et brillantlatiniste le soin de publier pour la première fois les manuscrits d'Abailard, en particulier la correspondance scabreuse échangée avecHéloïse. C'est toutefois enlatin, pour un public choisi, que le texte paraît en 1615 avec une préfaceapologétique signéeFrançois d'Amboise[13], qui fait scandale parce qu'elle fait l'éloge d'un philosophe considéré alors commehérétique.Abélard, avec un demi millénaire d'avance, s'y révèlelibre penseur. Dès la seconde édition, l'ouvrage est mis à l'Index.
Entretemps, en 1613 ou 1614[1], André du Chesne a accédé à lacharge degéographe duRoi, c'est-à-dire qu'il est un directeur derechercheemployé par l'état. Cette position lui permet d'entrer en contact directement, parfois non sans froisser la susceptibilité de quelques sous-bibliothécaires, avec lesarchivistes des bibliothèquesmonastiques oucapitulaires. En quelques années, il tissera un réseau de correspondants.
C'est ainsi par exemple qu'il se fera prêter des pièces par lechanoineNicolas Camusat dudiocèse deTroyes[4] dans lequel se trouve leParaclet, par le doyen de lacour des aides deRouenJean Bigot, qui est un richebibliophile intéressé par ses conseils[14], par le jeunejésuiteJean Bolland[4] qui correspond avec un ami de ce même Bigot[14] et qui reprendra àAnvers quinze ans plus tard le projet encyclopédique deHéribert Rosweyde, parAubert Le Mire,aumônierbruxellois dugouverneur duRoyaume belgeAlbert de Hasbourg[4]. AParis même, André du Chesne travaille dès 1616 avec lepèreMartin Marrier de l'abbayeclunisienne deSaint Martin des Champs[4]. AAix,Claude Fabry de Peiresc, ami dePierre Gassendi, se fera à partir de 1618 son agent prospecteur pour laProvence[2].
Avec les nombreux interlocuteursbénévoles qui finissent par lui apporter leurs concours, l'officier duRoi se montre original en appelant à contributions particuliers,notaires,greffiers desparlements, clercs dechambre des comptes[1], et enmettant délibérément en place une habitude departager gracieusement les documents, les copies et les résultats de leur exploitation[4]. Remarquée par les contemporains, cette attitude neuve de mettre« au poings des larrons les clefs de leurs trésors »[15] ne va pas toujours sans fâcher les autorités[4] comme il arrivera auPère Migne deux siècles plus tard. En revanche, le savant restera son unique secrétaire en écrivant lui-même ses milliers de folios[4], soit plus d'une page par jour pendant vingt six années.
Sa position officielle amène André du Chesne à former et commencer en 1617[2] le projet d'une géographie de chaqueprovince duRoyaume. Il s'appuie sur ce programme pour soumettre auRoi un second projet, plus ambitieux, inspiré par les œuvres descalvinistesPierre Pithou etMarquard Freher[2], la compilation[3] de l'ensemble des écrits relatifs à l'histoire de France, qui sera l'œuvre de toute sa vie.Louis XIII agrée et fixe ses appointements annuels à deux mil quatre centslivres[2].
De Susanne Soudan, alias Soudain, André du Chesne a deux fils,François Denis, né en 1616, et André, né le[9]. Il se fait construire unhôtel àParis près dupalais de la Reine,rue Saint-André-des-Arts, à hauteur de l'actuel n° 27, mais continuera de résiderrue des Deux portes Saint Benoît[9], près duLouvre.
Richelieu, qui appelle André du Chesne « mon bon voisin »[2] en référence à leur commune origineloudunaise et devientministre principal en 1624, ne lui fera pas encourir de disgrâce[16]. En 1631[2] , il lui dicte[3] sagénéalogie mais le savant se montre, contrairement à d'autres, sans complaisance sur les racines du personnage[17], plus modestes que ce que celui-ci espérait, et ne tait pas qu'elles ne se rattachent aux branches royales que par les femmes et par mariages. N'appartenant pas à ce cercle de lettrés courtisans qui bénéficie des largesses du cardinal[1], c'est toujours à travers des tracasseries que legéographe duRoi se fait verser sapension[2]
Ce n'est que tardivement, peut être en 1632 en récompense desScriptores historiae francorum[18] ou en 1635[9], qu'il ajoute à sa premièrecharge celle d'historiographe. Sapension est alors portée à milécus[3], soit trois millivres. Devenu veuf, il se remarie le à Valentine de Vaucorbeil, dont le frère, Jean, est lieutenant deseaux et forêts de laprévôté etvicomté de Paris[9]. Une fille, née le,deux semaines avant terme, ne survit que six jours[9].
Le, aux abords deBourg-la-Reine, André du Chesne bascule avec la charrette qu'un charretier téméraire a voulu conduire dans une ornière en pente et qui le ramène avec sa famille de la maison de campagne que son épouse possède àVerrières[3]. Écrasé par le moyeu arrière, il meurt d'unehémorragie viscérale durant son transport à son domicile[3]. Le lendemain de l'accident, au terme d'unoffice funèbre célébré en l'église Saint Côme[3], il est inhumé aux côtés de sa première femme, dans le cimetière deSaint-André-des-Arts[9], au cœur duquartier latin.
Treize jours plus tard, deslettres patentes transfèrent à son héritiertitre etpension[4]. Les volumes III à IV duRecueil des historiens français, déjà sous presse[2], paraissent en 1641. La veuve se remarie le à unavocat auParlement, Jacques Ivard, lui aussihistoriographe duRoi[9]. Les beaux-fils de celle-ci achèveront leurs études sous latutelle de leur oncle paternel Mathurin[9]. L'aîné,François, devenuavocat[9], publie en 1649 un cinquième volume duRecueil[2], qui, des douze initiaux, en prévoyait finalement vingt-quatre dont six consacrés à la géographie[4]. Privé dès 1643 du titre d'historiographe[9]royal de son père et de la pension[2] afférente, qu'il retrouvera toutefois quinze ans plus tard[4], le fils ne réussira pas à faire rendre justice[1] à une œuvre laissée en plan.
Certains travaux d'André du Chesne se retrouvent à partir de 1643 dans leshagiographies publiés par lasociété savante desBollandistes dans lesActa Sanctorum[4]. D'autres, probablement vendus, se retrouvent dans plusieursscriptoriums, notamment celui deSaint Germain des Prés[19],abbaye voisine de sonhôtel particulier. Les plus approfondis font la matière d'ouvrages publiés sous d'autres noms, en particulier un bon tiers de ceux que signe lebibliothécaire deColbert,Étienne Baluze[4], ou encore, un demi-siècle plus tard, quelques copies produites par le collectionneurFrançois Roger de Gaignières[20]. Jean du Boucher, un faussaire impliqué avecBaluze dans les prétentions de l'ancêtre duCardinal de Bouillon, Annet IV deLa Tour du Dauphiné, au titre deLa Tour d'Auvergne, publie en 1646 unplagiat de l'Origine de Charlemagne détourné dans le sens d'une continuité généalogique entreMérovingiens,Carolingiens etCapétiens[2], dans lequel il cite une fois André du Chesne parmi d'autres sources[21].
François du Chesne vendra à laReine Christine quelques volumes qui se retrouveront à laBibliothèque vaticane[4] et quarante cinq àColbert[19]. Conservés dans la bibliothèque du fils de celui-ci,Seignelay[2], ils seront transférés auXIXe siècle à laBibliothèque nationale de France[19]. Le motif deColbert est un projetencyclopédique plus général. Confié à une commission qui ne se réunira que dix ans après la mort du ministre, laCommission Bignon (en), le projet se concrétisera sous la direction deRéaumur, dans un tout autre domaine que l'histoire, par la publication à partir de 1709 de laDescriptions des arts et métiers. Les cinquante neuf volumes restés en possession deFrançois du Chesne se retrouveront à laBibliothèque du Roi quand unarrêt duConseil d'État prononcé le les confisquera à son gendre et héritier,Jean Haudicquer de Blancourt, auteur d'armoriaux et degénéalogies condamné et emprisonné à vie sept ans plus tôt pourfaux en écriture[19]. Ils rejoindront à leur tour laBNF[4].
Plusieurs commissions de savants, réunies en 1676 parColbert[2], puis parMonseigneurLe Tellier[2], enfin en par leChancelier d'Aguesseau[2], tenteront de publier à partir des manuscrits de Duchesne ce qui devait, en surpassant leDictionnaire à entrées deBayle, être la premièreencyclopédie d'histoire. L'ampleur des mises à jour nécessaires[2] et l'obstruction deSeignelay[2], opposé à tout projet émanant de lacoterieLouvois, auront raison du projet. C'est le bibliothécaire deSaint Germain des PrésMartin Bouquet et ses confrèresmauristes qui le réaliseront en 1738[2] sous le titreRecueil des historiens des Gaules et de la France.
André du Chesne a diffusé sous le nom deDémophile, c'est-à-direL'Ami du Peuple, des poèmes et des drames de sa composition mais rien n'en a été conservé.